IV. QUESTION D'ACTUALITÉ : VERS UNE EXTERNALISATION DE L'HABILLEMENT OU DE LA RESTAURATION ?

Deux projets d'externalisation sont aujourd'hui en cours d'examen, que le ministre de la défense devra trancher d'ici la fin de l'année, celui de la fonction restauration et celui de l'habillement. Le nombre d'emplois en jeu est important, de même que les sommes concernées.

A. RAPPEL DE LA POSITION DE PRINCIPE DE LA COMMISSION SUR L'EXTERNALISATION

Dans son rapport précité sur les bases de défense, votre commission avait tout d'abord constaté que l'étendue limitée des externalisations (de l'ordre de 3 % du budget de la défense), d'ailleurs engagées pour certaines depuis longtemps, contrastait avec leur fort enjeu « émotionnel ».

Constatant la progressive consolidation de la méthodologie du ministère de la défense depuis 2008 ( qui tarde toutefois à se traduire sur le papier puisque la fameuse instruction attendue n'est toujours pas sortie ), et refusant tout dogmatisme, le rapport prônait une approche résolument pragmatique , jugeant que :

- dans certains cas l'externalisation peut s'avérer positive (exemple : les véhicules de la gamme commerciale) ;

- dans d'autres cas elle ne l'est pas (exemple : la bureautique) ou son intérêt peut n'être qu'indirect (en ce qu'il entraîne une modernisation de la régie).

Le rapport estimait enfin que « les deux décisions attendues d'ici l'automne (habillement, restauration) devront être prises sans dogme ni tabou, en fonction des effets produits au regard des quatre critères actuels ; il n'est pas exclu que la rationalisation de la régie ne produise des effets équivalents à ceux de l'externalisation. »

En tout état de cause, il ne faut pas attendre de « miracle » économique systématique des externalisations qui ont toutefois, et c'est sans doute leur principal mérite, pour effet de servir de puissant stimulateur pour la rationalisation et la baisse des coûts.

B. LA RESTAURATION : VERS UN « MIX » ENTRE EXTERNALISATION ET RÉGIE RATIONNALISÉE ?

La restauration est un très gros enjeu pour le ministère de la défense puisqu'il concerne près de 12 000 emplois . Si on comparait le ministère de la Défense aux sociétés collectives de restauration, il serait en 4 e place, juste après Sodexo, Eurest et Elior.

Chiffres-clés de la restauration au ministère de la défense :

- 1,1 milliard d'euros de coût total en 2012

- 30 millions d'euros d'investissement en 2012

- 38 millions de repas à terre, 5 millions de repas embarqués

- 11 400 équivalents temps plein (65 % de militaires)

- 350 points de restauration sur 60 bases de défense

Les initiatives menées depuis 2008, pour rationaliser cette fonction dans laquelle le potentiel d'économies est fort, se sont succédé avec des approches différentes qui pourraient finalement s'avérer complémentaires :

- d'abord, une approche « 100% » externalisation, qui a conduit à une expérimentation lancée en 2008 dite « RHL1 » ;

- ensuite, à la demande des syndicats de personnel civils, une approche « régie rationalisée optimisée », qui s'est en fait déclinée en deux expérimentations, dites « RRO » et « RRO 2 », qui se conçoivent comme une modernisation de la fonction gardée en régie par le ministère de la défense.

Ces deux approches pourraient finalement s'avérer complémentaires.

1. Les premières expérimentations menées («  RHL 1 ») concluaient à un avantage pour l'externalisation

Les travaux préparatoires dénommés « RHL-1 », relatifs à l'externalisation des fonctions Restauration - Hôtellerie et Loisirs (« RHL ») ont été lancés en juin 2009. La phase opérationnelle de l'expérimentation, portant sur huit sites, a démarré en janvier 2011 avec la notification des marchés. Leurs titulaires se sont vu confier la gestion de onze restaurants , cinq points de ventes (bar - bimbeloterie) et deux hôtelleries dans huit sites pilotes répartis sur le territoire métropolitain, jusqu'alors gérés en régie. En termes de ressources humaines, l'opération concernait 356 ETPT , dont 216 militaires et 140 personnels civils.

Il faut noter que les prestataires proposaient de réaliser la même activité avec seulement 250 emplois (100 de moins). En outre, en raison de la difficulté pour eux à recruter et fidéliser leurs personnels, les offres proposaient de reprendre un grand nombre de personnels du ministère de la défense (230 sur 250).

Après presque dix-huit mois de fonctionnement, un premier bilan a été dressé. Les résultats couvrent le volet « qualité de service », le bilan économique et financier, ainsi que les projections sur la période 2012-2015.

• Pour les personnels , il a été proposé à 171 personnes de bénéficier du dispositif de mise à la disposition de longue durée (MALD) auprès du prestataire. Sur les 52 agents ayant été placés en MALD en janvier 2011, 13 ont été embauchés par les sociétés d'accueil.

La « MALDE »

L'objectif poursuivi par la mise à la disposition de personnel est d'assurer une manoeuvre de ressources humaines permettant d'accompagner le départ du ministère de la défense, de personnels qui oeuvrent au sein des sites externalisés. La volonté est d'orienter leur reconversion dans le cadre de leur emploi grâce à leur embauche par les prestataires qui bénéficient de la mise à la disposition de ces personnels. La MALD permet également aux personnes de pouvoir être maintenues dans leur bassin d'emploi.

La mise à la disposition de personnel est régie par :

- la loi relative à la mobilité et au parcours professionnel du 3 août 2009 ;

- le décret n°2010-1109 du 21 septembre 2010 relatif aux modalités d'application de la mise à la disposition prévue par l'article 43 de la loi du 3 août 2009 ;

- les conventions RH et financières qui en découlent, de mise à la disposition de personnels militaires et civils auprès des prestataires de service.

Sept sites sont concernés depuis janvier 2011, ainsi qu'un huitième site depuis octobre 2011 par la mise à la disposition (MALD) de 78 personnels (17 personnels civils et 61 personnels militaires). Pour chaque site, des conventions détaillent les modalités de la mise à la disposition, les grilles de calcul des remboursements par les entreprises, les avantages issus des conventions collectives dont bénéficie le personnel mis à la disposition, ainsi que les droits et obligations du personnel placé dans ce dispositif.

Procédure de remboursement de la « mise à la disposition » :

Le personnel mis à la disposition continue d'être rémunéré par l'Etat.

La loi prévoit un remboursement du ministère par le prestataire d'un montant égal au total des rémunérations et charges sociales qu'il aurait versé à un personnel de droit privé occupant le même poste, soit un remboursement au « coût du marché » et non au « coût réel du personnel mis à disposition ». Cette disposition permet au ministère de la défense d'être remboursé pour partie des sommes versées au titre des rémunérations et charges sociales (RCS).

Éléments chiffrés :


• 1 740 000 € versés aux personnels MALDE en 2011


• 950 000 € de demandes de titres de perception effectuées en 2011;


• A ce jour, rétablissement de 230 000€ sous la forme d'atténuation de dépenses.

S'agissant des personnels militaires mis à la disposition, 124 000 € de remboursements sont encore attendus en 2012 au titre de la gestion 2011. Les remboursements attendus au titre des personnels civils de la Défense mis à la disposition, environ 190 000 €, devraient être perçus au cours de la gestion 2012. Sur les 78 personnels « maldés », 45 agents restent mis à la disposition (16 PC, 29 PM) au 1 er juin 2012. Les 33 qui ont quitté ce statut se répartissent comme suit :


• 13 personnels embauchés ;


• 10 sont sortis du dispositif et ont fait valoir leur droit au retour au sein du ministère de la défense ;


• 9 ont quitté le dispositif et l'institution ;


• une personne est décédée.

Éléments d'appréciation :

Bien que les procédures conduisant à la mise à la disposition de personnels ainsi que leur suivi restent complexes, le dispositif a permis de valoriser les métiers et les carrières des personnels, tout en contribuant à leur intégration rapide dans le monde de l'entreprise. Au final, le ministère de la défense a montré ses facultés d'ouverture et d'adaptation par le biais de manoeuvres RH innovantes encadrant efficacement les réformes qui sont entreprises. Près de 60 % des personnes « maldées » restent mises à la disposition, un an et demi après les premières externalisations.

• S'agissant du bilan économique , sur la base des éléments collectés sur les douze premiers mois de fonctionnement des marchés « RHL-1 », le scénario d'externalisation présente une économie de 21 % . Si l'on déduit les coûts de la transformation (remboursement du prestataire au titre de la MALDE etc...), l'économie est encore de 11 %.

2. La régie rationnalisée : l'expérimentation « RRO » et « RRO au carré »

Le ministère de la défense a également expérimenté la piste d'une amélioration de son mode d'organisation pour être en mesure de chiffrer les gains à attendre d'une « régie rationalisée », et de pouvoir comparer très finement trois scénarii :

- le scénario de référence : le ministère de la défense continue d'assurer en régie les fonctions RHL avec le personnel militaire et civil en vigueur avant la rationalisation ;

- le scénario externalisé ;

- un scénario intermédiaire de régie rationalisée optimisée (RRO) : le ministère continue d'assurer en régie les fonctions RHL, tout en modifiant profondément son fonctionnement et en particulier en diminuant le nombre d'emplois qui y sont consacrés.

Une expérimentation de rationalisation de la régie a été lancée en novembre 2011 , portant sur cinq sites pilotes (Coëtquidan, Chalon-sur-Saône, Rochefort, Hyères et Bourges) et 14 restaurants qui, ensemble, ont une activité comparable aux sites retenus pour « RHL-1 » (2 millions de repas servis par an pour « RHL-1 », et 2,2 pour « RRO »).

Les résultats issus de l'évaluation préalable montrent un gain économique de 12 %.

Toutefois, des éléments extérieurs peuvent venir expliquer une petite partie de ces gains (réforme des bases de défense, situation de sureffectif au démarrage de l'expérimentation...).

Une nouvelle expérimentation dite « RRO 2 » a été lancée en avril 2012, concernant 2 bases de défense et 5 points de restauration, pour un total de 970 000 repas. Elle devrait logiquement conduire à des gains encore plus significatifs.

A ce stade, il n'y a pas encore eu de décision de principe sur le recours à l'externalisation ou à la régie rationalisée.

Vos rapporteurs jugent que le ministère de la défense conduit très sérieusement les études et expérimentations préalables à cette décision lourde d'enjeux sur le plan budgétaire et humain. Ils se sont assurés que les syndicats de personnels civils seraient bien consultés avant toute décision.

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