PREMIÈRE PARTIE - L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

I. UN BUDGET RESPONSABLE ET AMBITIEUX

A. UNE ÉVOLUTION FAVORABLE DES CRÉDITS

1. Les conditions d'exécution des budgets précédents de l'éducation nationale

L'examen de la gestion en exécution des crédits de l'enseignement scolaire votés par le Parlement en loi de finances apporte un éclairage intéressant sur la politique des ressources humaines de l'éducation nationale, les points de fragilité du système scolaire et sur la mise en oeuvre concrète des réformes passées. Il peut ainsi contribuer à l'évolution des politiques éducatives en guidant les choix du Gouvernement et des assemblées. C'est le principe même du chaînage vertueux entre la loi de règlement et la loi de finances initiale, qu'a instauré la loi organique relative aux lois de finances.

Votre rapporteure pour avis a donc examiné l'exécution de la loi de finances pour 2011, qui correspond aux derniers comptes disponibles pour la mission Enseignement scolaire. Pour l'essentiel, c'est la consommation des crédits de personnel dits de titre 2 qui mérite l'attention.

En ce qui concerne l'enseignement scolaire public du premier degré, il est demeuré après neutralisation des mesures de transfert et des mouvements de fongibilité, un déficit de 38,3 millions d'euros. Le ministère de l'éducation nationale l'explique par :

- un financement insuffisant du glissement-vieillesse-technicité (GVT), à hauteur de 27,1 millions d'euros , qui résulte des effets induits par la progression de carrière des instituteurs qui ont été intégrés dans le corps des professeurs des écoles les années précédentes ;

- le différentiel de 11,2 millions d'euros entre les prévisions de retenues sur rémunérations liées aux grèves et le montant des retenues effectivement constaté.

En ce qui concerne l'enseignement scolaire public du second degré, a été constaté à l'inverse un solde excédentaire de 68,15 millions d'euros. Cette sous-consommation de crédits disponibles se traduit notamment par un excédent de 74,1 millions d'euros en 2011 sur la rémunération des stages en responsabilité effectués par les étudiants en master d'enseignement. C'est le signe d'une montée en charge délicate du dispositif. Dans le second degré, l'organisation des stages a été particulièrement difficile, en raison non seulement de la diversité intrinsèque des disciplines mais aussi de la difficulté à identifier des berceaux de stages convenables. Enfin, le budget correspondait au financement de stages de 6 semaines alors qu'en exécution, ce sont des stages de 4 semaines qui ont été en fait réalisés. La précipitation et l'impréparation de la mastérisation, maintes fois dénoncées dans les rapports administratifs et parlementaires, trouvent à nouveau confirmation.

Il faut également tenir compte de l'entrée en vigueur de la loi du 10 novembre 2010 portant réforme des retraites, qui a eu notamment pour effet d'accélérer les départs en retraite de fonctionnaires parents de trois enfants. La sous-consommation de crédits induite représente environ 39,7 millions d'euros. Si le niveau exact de hausse des départs en retraite était difficile à prévoir précisément, le phénomène lui-même était attendu. Il n'a pas été sans aggraver les difficultés de certaines académies et de certains établissements dans un contexte de suppressions de postes généralisées.

En outre, le ministère pointe une sous-consommation à hauteur de 18,6 millions d'euros des enveloppes indemnitaires relatives aux indemnités pour fonction d'intérêt collectif (Ific) et pour fonctions d'accueil, de suivi et de tutorat. Spécifiquement, l'Ific bénéficie aux personnels enseignants et d'éducation volontaires qui exercent les fonctions de tuteur des élèves et de référent culture, ainsi que les fonctions de préfet des études dans les établissements relevant du programme Clair et de référent pour les usages pédagogiques numériques. La mise en route de ces dispositifs n'a pas été sans mal en raison des difficultés d'identification et des réticences des personnels susceptibles d'y entrer. C'est la rançon inévitable de la démultiplication des mesures prises abruptement, sans concertation et sans cadrage suffisant, qui a marqué la politique dans les cinq dernières années.

En revanche, à l'opposé de ces poches de sous-consommation des crédits, votre rapporteure pour avis souligne le dépassement de l'enveloppe inscrite pour financer les heures supplémentaires à hauteur de 62,2 millions d'euros. Ceci est dû au recours accru à ce type de moyen afin de faire face aux besoins de remplacement permanents en cours d'année et par l'effet incitatif de la prime spéciale pour les enseignants assurant au moins trois heures supplémentaires années HSA. Cette hausse de la dépense a été consolidée l'année suivante par un ajustement positif de la dotation en heures supplémentaires à hauteur de 43 millions d'euros. Votre rapporteure pour avis s'était inquiétée, dans son avis budgétaire pour 2012, du dynamisme de la dépense en faveur des heures supplémentaires et des arbitrages défavorables aux postes permanents qui perturbaient le fonctionnement des établissements sans gain d'efficience.

Le programme « Vie de l'élève » a connu également un solde excédentaire de 23,3 millions d'euros par rapport aux crédits disponibles. La sous-consommation se répartit essentiellement sur les postes suivants :

- les dépenses de vacations des personnels médico-sociaux, liée aux difficultés de recrutement, dont votre rapporteure pour avis s'était inquiétée et qui ne pourront être résolues sans une réflexion sur l'attractivité du métier et sur les coopérations avec les centres de santé territoriaux ;

- la rémunération des stages en responsabilité effectués par les étudiants en master se destinant au métier de conseiller principal d'éducation (CPE), pour les même raisons que dans le cas des étudiants se destinant à l'enseignement ;

- le renouvellement cyclique des contrats d'auxiliaires de vie scolaire.

Les dépenses réelles de personnel pour l'enseignement privé se sont également révélées inférieures de 45,63 millions d'euros aux crédits disponibles pour des raisons analogues à celles qui ont provoqué la sous-consommation des crédits dans le second degré public. La mise en place de la réforme des retraites de 2010 et des stages en responsabilité des étudiants de Master 2 a eu des conséquences budgétaires imprévues.

Comparées à la masse globale des crédits de la mission Enseignement scolaire, ces difficultés de gestion en exécution peuvent paraître limitées. Il n'en reste pas moins qu'elles représentent en valeur absolue des sommes importantes. En outre, en considérant que la plupart des dépenses sont extrêmement rigides et contraintes dans leur évolution, il convient de rappeler que d'une année à l'autre, l'essentiel des crédits sont inscrits à l'identique. Si l'on rapporte les difficultés de gestion au différentiel réel d'une année à l'autre, force est de constater :

- d'une part, que les différentes réformes menées par le gouvernement précédent ont été mise en oeuvre difficilement et que l'on trouve trace de ces perturbations du système éducatif à la lecture de l'exécution des budgets passés ;

- d'autre part, que le ministère de l'éducation nationale peut encore progresser pour améliorer la qualité de ses prévisions.

2. Les demandes d'ouvertures de crédits pour 2013

Au cours de la précédente législature, le budget de l'éducation nationale est demeuré enfermé dans un carcan extrêmement rigide, d'autant plus inadapté que les annonces de réformes et d'expérimentations étaient multipliées tous azimuts, sans réelle cohérence pédagogique. L'inflation des ambitions s'était substituée à l'adaptation des moyens humains aux besoins éducatifs. Dans son avis sur le PLF 2012, votre rapporteure pour avis mettait d'ailleurs en garde contre l'empilement de dispositifs nouveaux, potentiellement coûteux et qui ne seraient pas généralisables. On ouvrait la voie à des inégalités de traitement injustifiées et à des frustrations chez les élèves et les familles qui n'en bénéficiaient pas, tout en drainant inutilement des moyens qui faisaient ensuite défaut dans les établissements ordinaires accueillant l'essentiel des élèves.

Cette logique d'émiettement des objectifs, d'accroissement des inégalités et de réduction mécanique des moyens sans réflexion sur les missions et les méthodes est aujourd'hui inversée.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les cinq programmes relevant de l'éducation nationale sont dotés de près de 62,7 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression globale de 2,92 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. Les mesures de périmètre, de l'ordre de 2 millions d'euros, demeurent extrêmement marginales. Pour mémoire, le budget consacré à l'éducation n'avait crû que de 6 % au cours de la précédente législature, entre 2007 et 2012, ce qui représentait, en réalité une baisse en euros constants. L'effort proposé par le Gouvernement en faveur de l'éducation, conformément aux engagements du Président de la République, paraît donc tout à fait conséquent, au regard des marges de manoeuvre budgétaires dont il dispose . Votre rapporteure pour avis se félicite du desserrement responsable de la contrainte budgétaire qui permettra de mener à son terme la rénovation de l'école dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne le détail des évolutions de chaque programme par rapport à la loi de finances pour 2012, à structure constante, votre rapporteure pour avis est en mesure d'apporter les précisions suivantes :

- le premier degré public (programme 140) progresse fortement de 3,99 % pour s'établir à 18,8 milliards d'euros de crédits de paiement (CP). Un effort particulier est ainsi consenti en faveur du premier maillon de la chaîne éducative, le plus fondamental pour lutter contre l'échec scolaire et la réduction des inégalités sociales et territoriales ;

- le second degré public (programme 141) croît de 2,58 % à 30,4 milliards d'euros (CP) ;

- le programme 230 « Vie de l'élève », qui regroupe notamment la santé scolaire, l'accompagnement des élèves et l'action sociale, mais également les internats d'excellence, connaît une forte hausse de 5,87 % à 4,18 milliards d'euros (CP) ;

- l'enseignement privé du premier et du second degrés (programme 139) stagne quasi parfaitement à 7,08 milliards d'euros (CP). Il est vrai qu'il avait été préservé les années précédentes ;

- le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » rassemblant l'administration centrale et déconcentrée, les services supports et différents opérateurs comme l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ou le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) connaît enfin une augmentation sensible de 2,74 % pour 2,15 milliards d'euros de crédits de paiement.

DÉCOMPOSITION DE L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L'ÉDUCATION NATIONALE (LFI 2012 - PLF 2013)

PROGRAMME

LFI 2012

PLF 2013
(structure constante 2012)
neutralisation des mesures de périmètre PLF 2013

Évolution LFI 2012 / PLF 2013 (structure constante)

Évolution en % (structure constante)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Enseignement public du premier degré

18 140 767 339

18 140 767 339

18 864 846 878

18 864 846 878

724 079 539

724 079 539

3,99 %

3,99 %

Titre 2 (avec CAS)

18 100 175 220

18 100 175 220

18 828 324 326

18 828 324 326

728 149 106

728 149 106

4,02 %

4,02 %

dont CAS

6 391 122 089

6 391 122 089

6 984 873 301

6 984 873 301

593 751 212

593 751 212

9,29 %

9,29 %

Hors titre 2

40 592 119

40 592 119

36 522 552

36 522 552

-4 069 567

-4 069 567

-10,03 %

-10,03 %

Enseignement public du second degré

29 640 758 360

29 640 758 360

30 405 051 072

30 405 051 072

764 292 712

764 292 712

2,58 %

2,58 %

Titre 2 (avec CAS)

29 493 579 505

29 493 579 505

30 269 365 620

30 269 365 620

775 786 115

775 786 115

2,63 %

2,63 %

dont CAS

9 367 846 869

9 367 846 869

10 180 849 901

10 180 849 901

813 003 032

813 003 032

8,68 %

8,68 %

Hors titre 2

147 178 855

147 178 855

135 685 452

135 685 452

-11 493 403

-11 493 403

-7,81 %

-7,81 %

Vie de l'élève

3 899 779 833

3 952 435 153

4 167 105 139

4 184 415 139

267 325 306

231 979 986

6,85 %

5,87 %

Titre 2 (avec CAS)

1 777 141 264

1 777 141 264

1 876 516 543

1 876 516 543

99 375 279

99 375 279

5,59 %

5,59 %

dont CAS

456 612 789

456 612 789

505 112 690

505 112 690

48 499 901

48 499 901

10,62 %

10,62 %

Hors titre 2

2 122 638 569

2 175 293 889

2 290 588 596

2 307 898 596

167 950 027

132 604 707

7,91 %

6,10 %

Enseignement privé des premier et second degrés

7 080 804 077

7 080 804 077

7 081 362 920

7 081 362 920

558 843

558 843

0,01 %

0,01 %

Titre 2 (avec CAS)

6 326 954 440

6 326 954 440

6 325 187 147

6 325 187 147

-1 767 293

-1 767 293

-0,03 %

-0,03 %

dont CAS

33 364 233

33 364 233

36 573 718

36 573 718

3 209 485

3 209 485

9,62 %

9,62 %

Hors titre 2

753 849 637

753 849 637

756 175 773

756 175 773

2 326 136

2 326 136

0,31 %

0,31 %

Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 145 229 290

2 093 819 061

2 238 622 987

2 151 098 821

93 393 697

57 279 760

4,35 %

2,74 %

Titre 2 (avec CAS)

1 367 074 424

1 367 074 424

1 413 722 056

1 413 722 056

46 647 632

46 647 632

3,41 %

3,41 %

dont CAS

33 364 233

33 364 233

36 573 718

36 573 718

3 209 485

3 209 485

9,62 %

9,62 %

Hors titre 2

778 154 866

726 744 637

824 900 931

737 376 765

46 746 065

10 632 128

6,01 %

1,46 %

TOTAL

60 907 338 899

60 908 583 990

62 756 988 996

62 686 774 830

1 849 650 097

1 778 190 840

3,04 %

2,92 %

Source : Ministère de l'éducation nationale - DAF

Les hausses de crédit correspondent à l'accroissement des dépenses de personnel qui résulte lui-même de la trajectoire d'évolution de la masse salariale sous l'effet du GVT et des pensions, d'une part, des créations de postes afin de corriger les effets destructurants de la politique ancienne de suppression d'emplois et de non-renouvellement des départs en retraite, d'autre part. Afin de maîtriser l'enveloppe globale, il est nécessaire en contrepartie de limiter les dépenses hors titre 2, qui sont plus flexibles par nature, ce qui justifie les arbitrages budgétaires mesurés du Gouvernement.

Votre rapporteure pour avis souhaite qu'en matière de dépenses hors personnel, la plus grande attention soit apportée à la gestion des moyens des fonctions support que supporte le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale ». Les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention pour la logistique, les systèmes d'information et l'immobilier représenteraient environ 365 millions d'euros en autorisations d'engagement au titre du budget pour 2013. Des progrès importants peuvent être réalisés sur les grands projets si l'on en croît les indicateurs renseignés dans le PAP.

Ainsi, sur trois grands projets informatiques, d'un coût supérieur à 10 millions d'euros, deux d'entre eux connaissent d'importants retards. Le projet SIRHEN (système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale) est emblématique. Il concerne l'ensemble des personnels gérés par le ministère de l'éducation nationale et intègre le développement de la paye. De toute évidence, le projet a été mal préparé et mal suivi, malgré sa dimension structurante et stratégique pour piloter l'évolution des ressources humaines. En effet, deux ans de retard sur le calendrier d'achèvement du projet sont déjà prévus et le coût en a été réévalué de 80 à 200 millions d'euros, soit 150 % d'augmentation.

De même, en matière immobilière, la construction du rectorat de l'académie de Toulouse et du service départemental de la Haute Garonne a pris également deux ans de retard, tandis que son coût est passé de 31 à 41,5 millions d'euros, soit 34 % de réévaluation.

Votre rapporteure pour avis souhaite que les trajectoires révisées après audit interne des projets immobiliers et informatiques soient désormais strictement tenues, afin que les marges de manoeuvre dégagées pour l'éducation nationale ne soient pas grignotées au détriment de l'ambition pédagogique et éducative portée par le Gouvernement .

3. L'évolution et la répartition de la dépense intérieure d'éducation

Le financement de l'éducation n'est pas intégralement assuré par le budget de l'État. Il est important de prendre aussi en compte les contributions des collectivités territoriales, des familles et des entreprises. C'est ce que mesure la dépense intérieure d'éducation (DIE).

L'État, les collectivités territoriales, les entreprises et les ménages ont collectivement consacré 137,4 milliards d'euros en 2011 à l'éducation en métropole et dans les départements d'outre-mer. Sont comprises dans cette somme :

- les activités d'éducation de type scolaire de tous niveaux (préélémentaire, élémentaire, second degré, supérieur, enseignement artistique, enseignement spécial) dans les établissements publics ou privés ;

- les dépenses pour les formations de type extra-scolaire (enseignement à distance, formation professionnelle y compris la formation interne aux entreprises et aux administrations, cours du soir, etc.) ;

- les dépenses pour les activités visant à organiser le système d'enseignement (administration générale, orientation, recherche sur l'éducation, documentation pédagogique et rémunérations des personnels d'éducation en formation) ;

- les dépenses pour les activités visant à favoriser ou à accompagner la fréquentation scolaire (cantines et internats, médecine scolaire et transports scolaires) ;

- les dépenses liées à la fréquentation des établissements scolaires (achats de livres et de fournitures scolaires, d'habillement demandés par les institutions).

La dépense d'éducation, au sens du Compte de l'éducation, ne comprend pas la rémunération des élèves ou des stagiaires de la formation continue, sauf pour le personnel d'éducation en formation.

FINANCEMENT INITIAL DE LA DÉPENSE D'ÉDUCATION EN 2011 *

Dépense des financeurs initiaux

Millions d'€

%

État

80 630,3

58,7

Collectivités territoriales

33 608,9

24,5

Autres administrations publiques **

1233,3

0,9

Caisses d'allocations familiales

1 433

1,0

Total administrations publiques

116 905,2

85,1

Entreprises

9 402,3

6,8

Ménages

11 095,8

8,1

Total général

137 403,3

100,0

* le financement initial correspond à ce qui est à la charge effective des financeurs avant transferts entre agents économiques.

(**) y compris financement européen.

Source : Compte de l'éducation 2011, évaluation provisoire DEPP

En 2011, la DIE représentait 6,9 % du produit intérieur brut (PIB). La collectivité nationale, tous financeurs confondus, réalisait ainsi pour l'éducation un effort financier à hauteur de 2 110 euros par habitant ou 8 250 euros par élève ou étudiant.

En 1980, la part de la dépense d'éducation dans la richesse nationale représentait 6,4 % du PIB, avant d'atteindre un premier pic à 6,8 % en 1982 et de refluer progressivement ensuite pour revenir à 6,4 % en 1989. Ces années ont correspondu à la mise en place des lois de décentralisation : les crédits d'investissement de l'État furent alors transférés aux départements et aux régions qui ne commencèrent les travaux importants de reconstruction et de rénovation des lycées et collèges qu'à partir de 1989. De 1990 à 1993, la part de la DIE dans le PIB augmenta très fortement pour atteindre 7,6 % en 1993 ; ce fut le résultat de l'effort important consenti par les collectivités territoriales et de la revalorisation des salaires des enseignants entreprise par l'État. Entre 1998 et 2008, la part de la DIE dans le PIB a diminué régulièrement pour atteindre 6,7 %, certaines périodes étant marquées par des paliers.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE D'ÉDUCATION*

1980

1990

2000

2010

2011

Dépense intérieure d'éducation (DIE)

- aux prix courants (en milliards d'euros)

28,5

68,0

104,9

136,2

137,4

- aux prix 2011 (en milliards d'euros)

73,4

95,3

128,1

138,0

137,4

DIE / PIB en %

6,4

6,6

7,3

7,0

6,9

DIE / habitant aux prix 2011 (en euros)

1 360

1 640

2 110

2 130

2 110

Dépense moyenne par élève

- aux prix courants (en euros)

1 760

4 030

6 200

8 200

8 250

- aux prix 2011 (en euros)

4 540

5 640

7 570

8 310

8 250

(*) y compris formation professionnelle continue.

Source : MEN-DEPP

Entre 1980 et 2011, les dépenses moyennes par élève des premier et second degrés ont crû dans des proportions importantes, respectivement de 77,1 % et 65,1 %. A titre de comparaison, dans le même temps, la dépense moyenne par étudiant du supérieur a augmenté de 41,8 %. Malgré le rattrapage en faveur du premier degré, la dépense par élèves dans les écoles maternelles et élémentaires ne représente encore que 60 % de la dépense par élèves dans les collèges et les lycées. La distorsion en faveur du second degré est d'ailleurs une distorsion en faveur du lycée, et non des collèges.

ÉVOLUTION DE LA DIE PAR NIVEAU D'ENSEIGNEMENT (AUX PRIX 2011)

Primaire

Secondaire

Supérieur

Total (Md€)

Par élève (€) *

Total (Md€)

Par élève (€) *

Total (Md€)

Par élève (€) *

1980

21,2

3 010

32,9

6 010

10,7

7 650

2011

39,6

5 875

57,1

9 660

28,0

11 630

Évolution 2010/1980

+ 86,3 %

+ 77,1 %

+ 73,4 %

+ 65,1 %

+ 160,7 %

+ 41,8 %

* La rénovation du Compte de l'éducation en 1999 entraîne une modification du montant de la dépense moyenne par élève, qui n'a été recalculée que pour la période 1999-2011. L'évolution entre 1980 et 2009 est donc le produit de deux évolutions : de 1980 à 1999 « ancienne base », puis de 1999 à 2011 « nouvelle base ».

Source : Ministère de l'éducation nationale (DEPP)

Votre rapporteure pour avis estime qu'il est temps de traduire budgétairement l'importance fondamentale des premières années de scolarisation en leur accordant le financement nécessaire. Elle soutient pleinement, par conséquent, la priorité accordée par le Gouvernement à l'école maternelle et à l'école élémentaire , où doivent être endiguées précocement les difficultés d'apprentissage et les inégalités de réussite d'origine sociale. Les créations de postes dans le premier degré serviront utilement en particulier au développement de la préscolarisation dès deux ans.

B. UN TOURNANT MAJEUR DANS LA POLITIQUE DE RESSOURCES HUMAINES

1. Un schéma d'emplois préparant la réforme du recrutement et de la formation des enseignants

Le précédent gouvernement avait enfermé la politique des ressources humaines dans un carcan intangible qui privilégiait une incertaine optimisation financière au détriment de toute ambition pédagogique et éducative. Ainsi, le schéma d'emploi de la mission « Enseignement scolaire » pour 2012 s'était inscrit dans le respect religieux de la règle du non-remplacement d'un départ sur deux en retraite. Il prévoyait donc la suppression de 14 000 emplois selon la répartition suivante :

- 5 700 emplois d'enseignants du primaire ;

- 6 550 postes d'enseignants dans le secondaire ;

- 1 350 enseignants dans le privé ;

- et 400 emplois administratifs, dont 165 en établissements et 235 en administration centrale et dans les services académiques.

Dans le PLF 2013, le Gouvernement prend le contrepied de la politique antérieure au service de la rénovation de l'école en préparation. L'arrêt de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le renouvellement des départs en retraite et les créations de postes, notamment dans le premier degré, contribueront à renforcer l'offre éducative et à préparer l'étape indispensable de la reconstruction du recrutement et de la formation des enseignants. Votre rapporteure pour avis soutient sans réserve ces orientations.

Le PLF 2013 intègre l'extension en année pleine des mesures mises en place dès la rentrée 2012. Rappelons le financement des 1 000 emplois de professeurs des écoles, 1 500 enseignants du second degré, 100 emplois de conseillers principaux d'éducation et 1 500 emplois d'AVS-i pour accompagner les élèves handicapés, prévu dans le collectif budgétaire adopté au mois de juillet dernier.

A la rentrée 2012, est également intervenu le recrutement de 2 000 assistants d'éducation supplémentaires afin d'assurer principalement des fonctions de surveillance. En outre, 500 assistants de prévention et de sécurité ont été affectés dans les établissements les plus exposés aux incivilités et aux violences, en complément du travail des équipes de vie scolaire et des équipes mobiles de sécurité.

Au-delà de l'extension en année pleine, le schéma d'emplois 2013 comporte des mesures nouvelles afin d'arrêter net les suppressions d'emplois dans l'éducation nationale et de procéder à des créations de postes dans le cadre fixé par le Président de la République.

Afin de remplacer tous les départs définitifs d'enseignants en 2013, 22 100 postes sont ouverts à la session normale des concours de recrutement externe dont les épreuves d'admissibilité auront lieu à l'automne 2012 et les épreuves d'admission en juin 2013.

A la rentrée 2013, 8 781 nouveaux emplois équivalents temps plein (ETP) , soit 8 281 ETP enseignants et 500 ETP non enseignants, sont parallèlement créés . Ces emplois nouveaux permettront d'éviter toute dégradation des taux d'encadrement. Dans le premier degré, l'accueil des élèves de moins de trois ans ou fragiles tant sur le plan scolaire que social sera renforcé, tandis que dans le second degré, les efforts porteront particulièrement sur les lycées d'enseignement professionnel.

Pour aboutir à ce solde net de créations de postes, sont prévues :

- la création de 11 476 équivalents temps plein (ETP) d'enseignants stagiaires dans le cadre de la réforme de la formation initiale. Ceci correspond à l'ouverture de 21 350 postes supplémentaires. Le recrutement interviendra lors d'une deuxième session de concours en Master 1, dont les épreuves d'admissibilité se tiendront en juin 2013 et les épreuves d'admission en juin 2014 ;

- la création de 458 ETP au titre des aménagements de service pour les stagiaires ;

- la suppression, compte tenu de la réforme de la formation initiale, de 3 653 ETP qui servaient de supports aux stages en responsabilité des étudiants de Master 2 ;

Précisément, de ce total, les établissements privés reçoivent 876 ETP, dont 125 ETP de contractuels à la rentrée 2013 pour compenser les allègements de service des nouveaux stagiaires.

Pour assurer le remplacement de la totalité des départs à la retraite et recréer l'année de formation des maîtres, le Gouvernement a donc prévu l'organisation de deux concours en préalable à la refondation de la formation initiale.

En outre, pour attirer les étudiants issus de milieux modestes vers les métiers du professorat et garantir ainsi la mixité sociale du corps enseignant, les emplois d'avenir professeur sont ouverts aux étudiants boursiers dès la deuxième année de licence et pour une durée de trois ans. Le dispositif sera proposé à 6 000 étudiants boursiers dès 2013. Priorité sera donnée aux académies et aux disciplines souffrant d'un sous-effectif et aux candidats issus de zones urbaines sensibles, de l'outre-mer et des zones de revitalisation rurale.

Aux termes de la loi du 26 octobre 2012 portant création des emplois d'avenir, les étudiants recrutés sous contrat de travail bénéficieront d'une aide financière et effectueront avec l'accompagnement d'un tuteur des missions rémunérées dans des écoles et des établissements du second degré. En contrepartie, les étudiants concernés s'engageront à se présenter, au terme de ces trois années, à un concours de recrutement d'enseignants organisé par l'État.

L'association d'une bourse de service public et de la rémunération au titre du contrat de travail permettra, en s'ajoutant aux bourses sur critères sociaux, de garantir un revenu moyen total de l'ordre de 900 euros par mois. 29,4 millions d'euros sont inscrits à ce titre au PLF 2013.

2. Les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED)

Les RASED sont régis par la circulaire n° 2009-088 du 17 juillet 2009. Les enseignants spécialisés qui en font partie apportent une aide directe aux élèves en difficulté, selon des modalités variées, définies en concertation avec le conseil des maîtres de l'école, sous l'autorité de l'inspecteur de l'éducation nationale (IEN), et dans le cadre du projet d'école. Le conseil d'école est ensuite informé des modalités retenues, conformément à l'article D. 411-2 du code de l'éducation.

En outre, les enseignants des RASED peuvent intervenir directement dans la classe, regrouper des élèves pour des durées adaptées à leurs besoins, ou leur apporter une aide individuelle. Dans cette hypothèse, les professeurs veillent à ce que les élèves concernés ne soient pas privés des enseignements qui leur sont nécessaires et à ce que la fréquence et la durée des regroupements soient suffisantes pour être efficaces. Dans tous les cas, le projet d'aide spécialisée donne lieu à un document écrit qui doit mettre en cohérence entre l'aide spécifique et l'aide apportée par l'enseignant titulaire de la classe.

La même circulaire prévoit que l'inspecteur de la circonscription évalue l'action du réseau après avoir procédé, avec ses membres, à l'examen critique de son fonctionnement et de ses résultats. Il mène les inspections individuelles nécessaires à l'évaluation des différents personnels. Il fait appel, autant que nécessaire, à l'inspecteur de l'éducation nationale responsable du secteur de l'adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés (I.E.N.-A.S.H.).

Malgré leur intérêt pédagogique, les RASED ont été durement touchés par les suppressions de poste entérinées sous la précédente législature, sous l'argument que l'aide personnalisée mise en place avec la réforme du primaire de 2008 les rendait largement inutiles. Devant l'organisation chaotique de l'aide personnalisée et son faible impact pédagogique sur les résultats des élèves, votre rapporteure pour avis estime qu'il faut maintenir des effectifs suffisants dans les RASED.

L'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche a indiqué dans sa note de suivi des académies du printemps 2012 qu' « en-dehors des fermetures de classes, les académies ont mis à contribution trois enveloppes de moyens pour faire face aux retraits d'emplois : les emplois de remplacement, les emplois de RASED et tous les autres emplois `hors la classe'. » 1 ( * ) C'est donc la facilité de mise en oeuvre des suppressions de postes qui a primé sur l'examen de la valeur éducative des dispositifs qui a orienté les décisions des recteurs auxquels ils étaient demandé de rendre un quota d'emplois arbitrairement fixé. Les postes de RASED ont manifestement supporté la part essentielle de l'effort budgétaire demandé à la rentrée 2011. En moyenne, entre le tiers et la moitié des suppressions de postes ont touché des RASED. A Toulouse, les retraits d'emplois dans les RASED ont même représenté 77 % des suppressions d'emploi. A Caen et dans les Bouches-du-Rhône, tous les postes de maître G étaient en voie de suppression. 2 ( * )

Le nombre d'emplois de maîtres E (aides spécialisées à dominante pédagogique), de maîtres G (aide à dominante rééducative) et de psychologues scolaires portant sur les rentrées 2009, 2010 et 2011 est connu précisément grâce au dernier recensement de l'enquête sur le contrôle de l'utilisation des emplois du premier degré. Entre 2009 et 2011, le nombre d'emplois implantés en RASED a diminué de 767 unités (dont 693 à la rentrée 2011, soit une chute de 6,4 % de l'effectif total). 397 postes de maîtres E et 370 postes de maîtres G ont été supprimés tandis que le nombre d'emplois de psychologues scolaires est demeuré stable. En outre, le nombre de postes vacants est élevé sur la période : 633 en moyenne soit 6 % du total des emplois, particulièrement pour les maîtres G.

A l'issue de la phase initiale de préparation de la rentrée 2012, les suppressions d'emplois prévues en RASED ont représenté près des deux tiers des retraits initialement envisagés dans le premier degré par le précédent gouvernement.

Après la mise en oeuvre du plan d'urgence adopté en loi de finances rectificative en juillet 2012 qui a notamment prévu notamment la création de 1 000 postes de professeurs des écoles, une centaine de postes a été rétablie au bénéfice des RASED. Votre rapporteure pour avis se félicite de la correction qu'a ainsi initiée le ministre de l'éducation nationale.

SITUATION DES EMPLOIS IMPLANTÉS DANS LES RASED
RENTRÉE SCOLAIRE 2011 / RENTRÉE SCOLAIRE 2012
PHASE INITIALE (AVANT MESURES DU PLAN D'URGENCE)

Source : Ministère de l'éducation nationale

Simultanément au recensement des emplois en RASED, il a été procédé à la comptabilisation des élèves suivis. Les données transmises par les inspections académiques et validées par les rectorats concernent l'année scolaire 2010-2011. Au terme de l'enquête, il apparaît que 244 729 élèves ont fait l'objet d'un diagnostic psychologique. Les maîtres E ont suivi 295 844 élèves et les maîtres G représentaient 112 302 élèves. Un quart des élèves suivis, ou ayant bénéficié d'un bilan psychologique, était scolarisé dans l'enseignement préélémentaire et un peu moins de la moitié dans le cycle des apprentissages fondamentaux de l'enseignement élémentaire (25 % en CP, 20 % en CE1). Un peu moins du tiers des élèves était suivi dans le cycle des approfondissements (12 % en CE2, 9 % en CM1, 9 % en CM2).

Cependant, ces moyennes cachent des situations très différentes selon les académies qui témoignent, encore une fois si l'en était besoin, des disparités territoriales du système éducatif.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES ÉLÈVES SUIVIS DANS LES RASED (2010-2011)

Académies

Nombre d'élèves suivis en moyenne par des maîtres E

Nombre d'élèves suivis en moyenne par des maîtres G

AIX-MARSEILLE

NS*

NS*

AMIENS

NS*

NS*

BESANCON

48,80

39,83

BORDEAUX

53,60

34,12

CAEN

39,60

36,10

CLERMONT-FERRAND

48,88

38,89

CORSE

40,08

25,82

CRETEIL

48,36

39,30

DIJON

22,91

11,05

GRENOBLE

69,25

61,39

LILLE

42,81

89,68

LIMOGES

73,79

45,70

LYON

66,83

51,64

MONTPELLIER

NS*

NS*

NANCY-METZ

44,98

43,55

NANTES

NS*

NS*

NICE

75,79

64,45

ORLEANS-TOURS

64,83

50,50

PARIS

50,21

52,29

POITIERS

64,49

54,03

REIMS

35,87

30,99

RENNES

60,98

52,07

ROUEN

50,34

19,74

STRASBOURG

51,78

48,81

TOULOUSE

NS*

NS*

VERSAILLES

39,14

38,19

NS = non significatif

Source : Ministère de l'éducation nationale

3. Les emplois de vie scolaire (EVS)

En plus de ses personnels fonctionnaires titulaires, le ministère de l'éducation nationale emploie des personnes en contrats aidés , regroupés sous l'appellation d'« emplois vie scolaire » (EVS). Il s'agit de contrats de droit privé à durée déterminée, qui s'adressent aux personnes rencontrant les plus grandes difficultés d'insertion. Ils ont pour objet de faire acquérir à leurs titulaires une expérience professionnelle, en vue de leur permettre de retrouver un emploi de droit commun dans le secteur privé ou public.

Le contrat unique d'insertion est conclu pour une durée minimale de 6 mois et renouvelable dans la limite d'une durée totale de 24 mois. La durée maximale peut-être portée à 60 mois pour les salariés âgés de 50 ans et plus et bénéficiaire du RSA, de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de l'allocation temporaire d'attente (ATA), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou reconnus travailleurs handicapés (article L. 5134-25-1 du code du travail). En juin 2012, 47 % des personnes en contrats aidés ont entre 30 et 50 ans, 26 % ont moins de 30 ans et 27 % ont plus de 50 ans. 90 % des personnes employées en contrats aidés sont des femmes.

Dans le PLF 2013, une dotation à hauteur de 138,8 millions d'euros inscrite au programme « Vie de l'élève » permettra de rémunérer en moyenne annuelle 31 900 contrats aidés pour un coût moyen annuel de 4 309 €.

VENTILATION PAR MISSION DES EVS

2010

2011

2012

30-juin

31-déc

30-juin

31-déc

31-mars

30-juin

Accompagnement
des élèves handicapés

22 892

24 445

26 381

27 101

27 359

31 247

Assistants
des directeurs d'école

19 523

16 482

13 584

8 532

9 675

9 488

Autres fonctions

11 940

9 708

6 795

3 252

8 331

8 294

Médiateurs

4 010

3 106

1 619

391

220

201

Total

58 365

53 741

48 379

39 276

45 585

49 230

Source : Ministère de l'éducation nationale - enquêtes académiques trimestrielles

La tendance nette est à l'accroissement de la part des contrats aidés consacrée à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Votre rapporteure pour avis souhaite toutefois que soit préservé un volant suffisant d'EVS dédié à la mission d'assistants des directeurs d'école. En attendant la création d'un statut approprié du directeur d'école, les contrats aidés agissent comme une soupape de sûreté contribuant au bon fonctionnement administratif des écoles.


* 1 IGAENR, Synthèse des notes des correspondants académiques , Rapport n° 2012-050, avril 2012, p. 10.

* 2 Ibid.

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