II. LE DÉFI DE L'AEF : RENAÎTRE DE SES CENDRES

A. 2013, ANNÉE 0

1. Une dotation stabilisée pour 2013

La dotation publique allouée à l'audiovisuel extérieur de la France s'élève dans le PLF 2013 à 314,2 millions d'euros hors taxes , soit une stabilisation de l'enveloppe par rapport à 2012. Si l'on compare cette dotation à celle votée en LFR 2012, elle est même en hausse de 0,3 %.

Elle est répartie de la manière suivante :

- 148,4 millions d'euros au titre du programme 115 de la mission Médias ;

- et 165,8 millions d'euros HT (169,2 millions d'euros TTC) au titre du programme 844 du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Enfin 1 million d'euros est consacré à la radio franco-marocaine Médi1.

En juillet dernier, les ressources propres étaient quant à elle anticipées, selon le compte de résultat financier fourni dans le bleu budgétaire, à hauteur de 12,3 millions d'euros. Votre rapporteure est sceptique sur ce montant et montrera que sa construction est en effet très fragile .

Les produits et charges d'exploitation sont au final attendus à 334,7 millions d'euros (en hausse de 0,6 % pour 2012) et à 334,9 millions d'euros (en très légère hausse). Le résultat net de l'exercice 2013 était enfin prévu à l'équilibre en juillet 2012.

Votre rapporteure estime quant à elle que certaines recettes sont surévaluées et que les dépenses pourraient quant à elle être sous-évaluées. Mme Marie-Christine Saragosse a au demeurant indiqué à votre rapporteure qu'une nouvelle étude du budget 2013 était à l'oeuvre, dans la perspective de la négociation du COM notamment, et qu'elle laissait déjà apparaître des zones de grande fragilité.

L'un des enjeux de ce rapport est précisément d'évaluer les risques pesant sur le groupe pour l'année 2013.

COMPTE DE RÉSULTAT DU GROUPE AEF

(en millions d'euros Hors Taxes)

Budget 2012 CA 21/12/2011

PLF 2013

Évolution 2013/2012

Écart

Évolution

Produits d'exploitation

332,8

334,7

+ 1,8

+0,6 %

Ressources publiques

314,2

314,2

-

-

Ressources propres

12,0

12,3

+ 0,3

+ 2,2 %

Dont publicité (contribution nette)

6,0

5,3

- 0,7

- 10,9 %

Dont appels à projets européens

2,0

1,3

- 0,7

- 35,9 %

Dont diversification et produits dérivés

2,2

3,9

+ 1,7

+ 77,3 %

Dont autres ressources propres

1,9

1,8

- 0,1

- 4,9 %

Autres produits d'exploitation (reprises de provision, etc.)

6,7

8,2

+ 1,6

+ 23,8 %

Charges d'exploitation

333,3

334,9

+ 1,6

+ 0,5 %

Dotation allouée à TV5 Monde

75,0

75,0

-

-

Coût des grilles de programmes

159,5

160,6

+ 1,1

+ 0,7 %

Frais de diffusion et de distribution

45,4

46,9

+ 1,4

+ 3,2 %

Frais généraux

49,9

47,8

- 2,2

- 4,4 %

Subventions versées aux filiales

1,2

1,5

+ 0,2

+ 19,6 %

Autres charges d'exploitation

2,1

3,1

+ 1,0

+ 46,6 %

Résultat d'exploitation

- 0,4

- 0,2

Autres résultats (financiers, exceptionnels, IS, etc.)

0,5

0,2

Résultat net

0,0

0,0

Source : projet annuel de performances de la mission « Avances à l'audiovisuel public »

2. Le risque budgétaire

Des dépenses probablement sous-évaluées

Après des auditions approfondies de Mme Marie-Christine Saragosse, des deux tutelles et du contrôle général économique et financier, votre rapporteure a identifié de nombreux éléments de risques de dépassements des prévisions de dépenses l'année prochaine.

Rappelons en premier lieu que le projet de budget a été établi par la précédente direction de l'AEF, qui était dans une logique de pilotage de l'entreprise par la réduction des coûts de programme. Le choix de nommer Mme Marie-Christine Saragosse est indéniablement lié, au vu des engagements qu'elle a pris tant devant le CSA que devant les Assemblées, a un maintien de l'effort financier sur les programmes par rapport à l'année 2011 . Celui-ci impose donc :

- la préservation d'une grille différenciée de RFI pour l'Afrique. Cette décision aurait un coût de 0,7 million d'euros , non anticipé dans le budget 2013 pour l'instant. En raison de l'utilisation de nombreux pigistes, qui ne peut être que temporaire, cette décision légitime aura même des effets financiers supérieurs à court ou moyen terme ;

- le maintien des crédits dédiés à la tranche matinale de France 24 et aux magazines, ce qui représenterait une dépense de 2,3 millions d'euros en 2013 ;

- le renforcement de la rédaction arabophone de France 24. La grille de programme de 24 heures en arabe a en effet été construite avec un budget prévu de 15 heures par jour, ce qui n'est pas viable à court terme. Le coût minimal d'un tel effort s'élèverait à 1 million d'euros.

Selon les informations communiquées à votre rapporteure, le choix de conserver une grille de programmes ambitieuse au moins équivalente à celle de l'AEF en 2011 aurait un coût de 4 millions d'euros, non budgétés dans le budget 2013.

En outre, les dépenses suivantes sont très probables et ne sont pas financées à ce stade dans le PLF :

- celles liées au maintien de rédactions distinctes par antenne , qui nécessitera de renforcer au cas par cas l'organisation et l'encadrement des rédactions (1,5 million d'euros) ;

- et celles liées au décalage du calendrier du déménagement (avec une date d'achèvement prévue à la fin du mois de février 2013), avec les derniers aménagements permettant l'installation des rédactions distinctes dans de bonnes conditions ( 1,2 million d'euros ).

Avec ces dépenses complémentaires, quasiment automatiques, 6,7 millions d'euros seraient ainsi nécessaires pour équilibrer le budget 2013.

A ces coûts, votre rapporteure ajouterait ceux liés aux départs de directeurs (à ce jour, plus d'un million d'euros pour seulement trois personnes, du fait des contrats signés par M. Alain de Pouzilhac !) et ceux liés à l'éventuel accord collectif sur le statut des personnels, pour lequel les dépenses liées pourraient avoir été sous-estimées par la tutelle et l'ancienne rédaction.

Elle note par ailleurs que les baisses de coûts, via la mise en oeuvre de l'audit, à hauteur d'environ 5 millions d'euros, sont déjà provisionnées dans le budget 2013.

En revanche certaines économies seront réalisées par une plus grande rigueur de gestion, avec des mesures simples à mettre en oeuvre au vu de l'arrogance et des excès de la gestion de M. Alain de Pouzilhac (frais de taxis, de voitures, d'avions et frais de représentation), ce qui permettra de lever en petite partie la contrainte budgétaire. Votre rapporteure note que ces décisions seront particulièrement utiles en termes symboliques afin de manifester l'entrée de la société AEF dans une nouvelle ère, marquée par l'esprit de modestie et de solidarité.

Des recettes surévaluées ?

Les ressources de l'AEF proviennent de cinq sources :

- les sommes issues de la contribution à l'audiovisuel public ;

- les dotations de l'État dans le cadre du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ;

- les subventions exceptionnelles de l'État ;

- les ressources propres des chaînes ;

- et les autres produits d'exploitation, tels que les reprises de provision.

Le rapport de l'IGF précité rappelait que le plan d'affaires initial de l'AEF était fondé sur un modèle de « retour sur investissement » fortement sollicité en période d'amorçage, l'État étant censé voir sa contribution se réduire progressivement « au fur et à mesure de la montée en charge des ressources propres consécutive aux progrès de la distribution et de l'audience » .

Il soulignait, à cet égard, que les prévisions de progression des ressources propres étaient « particulièrement volontaristes ». Parlons franc, elles étaient irréalistes .

En 2008, les ressources propres que le groupe s'engageait à atteindre étaient de 55 millions d'euros, comparables aux revenus de BBC Global News et d'Euronews. Elles devaient ainsi augmenter de 42 % de 2009 à 2011, à savoir de 26 à 38 millions d'euros, et la dotation de l'État devait passer de 295,9 à 265 millions d'euros.

Or en 2010, les ressources propres du groupe se sont établies à 19 millions d'euros, soit 40 % de moins que la prévision de 2008 ! Elles sont évaluées à hauteur de 12 millions d'euros en 2012 et à 12,3 millions en 2013 .

Votre rapporteure considère que la projection 2013 est encore trop optimiste et fait partie de la stratégie de la précédente direction de gonfler artificiellement les prévisions de recettes afin de convaincre de la pertinence de sa politique.

En effet, les recettes publicitaires sont évaluées à 5,3 millions d'euros en 2013 (6 millions d'euros en 2012), celles liées aux appels à projets européens à 1,3 million d'euros (2 millions d'euros en 2012) et celles liées à la diversification et aux produits dérivés à 3,9 millions d'euros (2,2 millions d'euros). La hausse des recettes est donc principalement due à une augmentation de plus de 40 % des recettes de diversification (DVD, vente de programmes...). Or, votre rapporteure constate que :

- personne n'a été en mesure de lui expliquer cette hausse brutale des recettes de diversification attendues ;

- les recettes publicitaires seront fortement impactées par la fin du « minimum garanti » assuré par France Télévisions au groupe AEF , alors même que la régie ne rentrait pas dans ses frais. Ce sont ainsi environ 3 millions d'euros et non pas 5,3 millions d'euros qui devraient revenir à AEF en 2013 ;

- la fin de la participation au projet européen Euranet entraînera effectivement une perte de recettes correctement appréciée par le projet annuel de performances (PAP).

Votre rapporteure considère que ces différents éléments sonnent le glas du mythe des ressources propres : celles-ci ne sont pas l'avenir de l'AEF mais bien une ressource complémentaire, qui ne constitue pas le coeur de son action.

Prenant acte de ces différents éléments, elle estime que l'AEF sera en difficultés financières en 2013. Le Parlement et le Gouvernement devront de facto prendre leurs responsabilités, soit dès cette année, en loi de finances pour 2013, en profitant par exemple d'une légère hausse de la contribution à l'audiovisuel public, soit l'année prochaine en loi de finances rectificative, afin d'ajuster précisément la dotation aux besoins de l'entreprise.

3. La situation difficile de TV5 Monde

La France consacre à la chaîne 1,8 % de son budget audiovisuel public, soit 73,5 millions d'euros, en 2013 (en régression en euros constants de 4 % par rapport à 2007).

Le budget total de la chaîne de 108 millions d'euros est financé également à hauteur de 23 millions d'euros par les partenaires francophones et 11 millions d'euros par les ressources commerciales.

Les partenaires francophones gèrent en outre, hors budget de la chaîne, les enveloppes consacrées à la libération des droits de leurs programmes pour la chaîne (7,5 millions d'euros) contre 13,5 millions d'euros pour la France (inclus dans les 73,5 millions d'euros). Cette enveloppe française était de 15,5 millions d'euros en 2007.

Votre rapporteure tient à souligner que TV5 Monde n'a pas bénéficié des efforts financiers réalisés en faveur de l'AEF : entre 2008 et 2011, 95,5 % des financements supplémentaires récurrents ou exceptionnels sont ainsi allés à l'AEF alors que TV5 voyait sa subvention baisser en euros constants.

Si les résultats de la chaîne, notamment financiers, permettaient de suivre ce rythme d'évolution, il apparaît que la situation en 2013 est beaucoup plus inquiétante :

- par obligation légale (droit des marchés publics) la chaîne est tenue de renouveler intégralement son dispositif technique de production, post production et diffusion en 2013.

Selon les informations fournies à votre rapporteure, TV5 a sollicité en 2012 une subvention d'investissement qui aurait été une avance de financement (la reprise progressive de cette subvention en fonctionnement à mesure des amortissements permet de limiter l'évolution des dotations de fonctionnement annuelles). Cette subvention a été refusée.

Or, l'acquisition de ces nouveaux matériels représente un investissement de plus de 16 millions d'euros, que la chaîne va devoir financer par crédit-bail, ce qui implique des frais financiers importants pour l'entreprise (de l'ordre de 0,4 million d'euros par an).

Mais surtout, TV5 Monde devra assumer en 2013 le coût simultané des deux dispositifs pendant plus de 6 mois, soit un surcoût transitoire de 3 millions d'euros.

- le minimum garanti accordé depuis 2008 par sa régie publicitaire (France Télévisions Publicité) cesse à la fin de l'année 2012 et le chiffre d'affaires publicitaire réel est inférieur d'au moins 1 million d'euros à celui garanti.

Au total la chaîne est donc confrontée à un besoin de financement d'au moins 5 millions d'euros , qui sera en partie absorbé par un effort d'économies sur 2013 (2 millions d'euros, soit 45 % de ses charges variables), mais qui ne pourra pas l'être totalement.

En effet, TV5 a déjà fait de nombreux efforts ces dernières années avec l'autofinancement de son plan stratégique 2009-2012 à hauteur de 50 % par économies et augmentation des ressources commerciales de 37 % en 3 ans, et l'absorption par redéploiement d'une large part des glissements annuels et des coûts de distribution en hausse. En outre, l'enveloppe consacrée à l'acquisition des programmes français a baissé de 2 millions d'euros depuis 2007 pour atteindre 13,5 millions d'euros, ce qui rend très difficile l'alimentation des antennes.

La direction de TV5 Monde considère ainsi qu'il serait nécessaire de procéder à un « rebasage » de 3 millions d'euros, mais demande au minimum une hausse de la subvention de fonctionnement en LFI 2013.

Votre rapporteure considère que la plupart des revendications sont légitimes. Elle estime à cet égard que la renégociation d'un COM, éventuellement intégré dans celui de France Télévisions, sera la base d'une discussion sur la nouvelle base de dotation.

En tout état de cause, le PLFR 2013 sera l'occasion d'évoquer l'exécution budgétaire 2013 et de prendre les décisions qui s'imposeront.

B. LES DOUZE TRAVAUX DE L'AEF

Votre rapporteure considère que l'année 2013 est une année de transition qui doit permettre de remettre l'AEF sur les bons rails. Pour autant les obstacles restent nombreux avant que notre audiovisuel extérieur puisse mener à bien ses missions dans des conditions pleinement satisfaisantes.

Elle estime à cet égard que le chantier de l'AEF passe par la réalisation de douze travaux, qui devront en partie être menés de front, mais pour lesquels la tutelle et le Parlement seront aux côtés du groupe.

1. Tenir le cap Cluzel

L'intérêt du rapport de M. Jean-Paul Cluzel est de prendre acte de certaines réalités et de faire des préconisations simples pour une sortie de crise rapide : reconstruire les rédactions, structurer le multimédia, préserver les synergies déjà réalisées dans les fonctions support, utiliser le nouvel immeuble destiné à RFI, et tenir compte des perspectives financières contraintes.

Or, votre rapporteure considère que le respect de deux impératifs est nécessaire pour « sauver » l'AEF de la crise dans laquelle elle est : une sortie de crise rapide par des décisions efficaces et surtout une grande stabilité dans le mode de fonctionnement .

Votre rapporteure formule ainsi le voeu que les cinq prochaines années, celles du mandat de Mme Marie-Christine Saragosse, soient marquées du sceau de la stabilité . Elle seule permettra une amélioration des contenus et la construction d'un audiovisuel extérieur pertinent.

Une modification de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pourrait ainsi venir confirmer les évolutions envisagées et modifier à la marge la gouvernance (la composition de conseil d'administration par exemple), mais sans bouleverser le canevas actuel.

Les « travaux » de l'AEF doivent ainsi s'inscrire dans le cadre d'un chantier bien maîtrisé.

2. Restaurer la confiance

La relation de confiance entre la direction de l'AEF et les salariés, entre les différentes entités de l'AEF, et entre l'AEF et sa tutelle, a été fortement entamée.

Votre rapporteure se félicite donc de la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse :

- sa maîtrise des dossiers de l'audiovisuel extérieur, qui connaît peu d'égales, a été confirmée par l'ensemble des personnes auditionnées. Elle est susceptible de rassurer l'État et de susciter sa confiance sur le long terme ;

- en outre, son parcours de haut fonctionnaire constitue un élément de stabilité après une période marquée par un éloignement patent et regrettable entre l'AEF et sa tutelle. Votre rapporteure a, à cet égard, entendu l'argument selon lequel l'absence totale de personnes issues de l'administration dans l'ancienne direction de l'AEF avait rendu plus difficile la relation quotidienne avec la tutelle et créé une distance préjudiciable à la bonne exécution des missions du groupe ;

- sa nomination consensuelle et quasi unanime, ainsi que sa personnalité, sont susceptibles de rassurer fortement les salariés. Les premières impressions délivrées à votre rapporteure sont à cet égard très positives et porteuses d'espoir pour la conduite des futures négociations. La différence avec la « méthode Pouzilhac » a déjà frappé les esprits.

3. Moderniser la gouvernance

Si votre rapporteure considère qu'une stabilité est nécessaire à la fois à la tête de l'AEF et en son sein, elle serait très favorable à ce que les instances de contrôle soient renforcées.

Ainsi la mise en place d'un comité des achats et d'un comité stratégique serait une mesure pertinente de gouvernance.

De même, M. Rachid Ahrab a reconnu que les personnalités nommées par le CSA au conseil d'administration se sentaient souvent mises à l'écart de la prise de décision, au vu à la fois de leur nombre et du caractère parcellaire de l'information délivrée.

Votre rapporteure, elle-même membre du conseil d'administration de l'AEF, considère effectivement que cette instance ne joue pas pleinement son rôle de contrôle. Une évolution législative pourrait remédier à cette difficulté.

Une réflexion devra en outre porter sur la représentation de salariés représentant chaque média (radio et télévision) au sein du conseil.

4. Réunir les membres de la famille

L'AEF a fusionné, c'est aujourd'hui un fait. Pour autant, chaque membre de la famille, RFI, MCD et France 24 dispose de sa personnalité, laquelle doit être respectée. M. Jean-Paul Cluzel propose ainsi que l'identité et la spécificité des deux chaînes RFI et France 24 soient affirmées, sinon dans la loi, à tout le moins dans le cahier des charges.

Votre rapporteure se réjouit de cet esprit de réconciliation et considère que la cohésion de l'AEF passe effectivement par la prise en compte des spécificités de chaque média . Elle rappelle là encore son attachement à la présence de salariés de chaque établissement de l'AEF (France 24 et RFI) au sein du CA. Une modification législative pourrait à cet égard être nécessaire.

5. Organiser un nouveau baptême

Le changement du patronyme est parfois une condition nécessaire au changement de vie. M. Jean-Paul Cluzel, Mme Marie Christine Saragosse et votre rapporteure considèrent que l'AEF en est à ce stade.

La nouvelle famille qui réunit RFI, MCD et France 24 doit donc se trouver un nouveau nom. Il est à noter que la loi ne mentionne que la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et qu'il est donc tout à fait loisible à la société de se trouver un nouveau nom sans évolution législative.

Le rapport Cluzel évoque l'option de Radio-Télévision Française Internationale. Bien des dénominations peuvent être choisies, mais votre rapporteure considère qu'il est essentiel que les personnels et la direction en soient les maîtres. Cela marquerait réellement un nouveau départ et une confiance dans un avenir commun.

Le Parlement pourrait ensuite inscrire ce nom dans le marbre législatif.

6. Signer un accord d'entreprise

Les différentes sociétés constituant l'AEF relèvent de dispositifs conventionnels disparates (65 conventions différentes selon les informations fournies à votre rapporteure).

Avec la fusion, continuent a priori de s'appliquer les conventions collectives suivantes : la CCNTJ pour les journalistes, l'accord interbranche du 16 juin 2008 relatif au régime de prévoyance des intermittents et l'accord du 29 novembre 2007 relatif au recours aux CDD d'usage dans la branche de la radiodiffusion et l'accord du 22 décembre 2006 relatif au recours aux CDD d'usage dans le secteur de la télédiffusion.

En revanche, l'AEF ne relève d'aucune autre convention collective de branche. De même l'ensemble des accords collectifs d'entreprise ont été remis en cause et des négociations doivent donc être engagées afin de définir les nouvelles dispositions applicables au sein d'AEF .

Selon les informations transmises à votre rapporteure l'année dernière, dans le cadre du regroupement des entités d'AEF, l'objectif était « de rapprocher ces conventions collectives ainsi que les accords collectifs d'entreprise afin de créer les conditions d'une véritable structure unique et de faire bénéficier l'ensemble de ses salariés d'un statut social harmonisé, dotant l'ensemble du personnel de l'AEF d'un dispositif social complet, cohérent et adapté aux besoins de l'activité d'une entreprise audiovisuelle et multimédia moderne ».

Rien n'a cependant été fait par l'ancienne direction et Mme Marie-Christine Saragosse aura la difficile mission de parvenir à la signature d'un accord d'entreprise unique, pour des salariés dont les conditions sont actuellement bien différentes.

Comme le montre l'exemple de France Télévisions, la mise en place d'un « socle social unique » sera un véritable défi pour la direction et aura un coût pour l'État.

Il est néanmoins nécessaire de le signer pour assurer l'avenir et la sérénité de l'entreprise unique et engager les projets véritablement importants, notamment en matière de contenus.

7. Construire un projet éditorial et un cahier des charges

Votre rapporteure, dans son rapport de l'an dernier, rappelait les mots de Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision, selon lesquels « une fusion et un déménagement ne sont pas un projet d'entreprise » .

Depuis plusieurs années, les débats se sont ainsi focalisés sur des questions de structures et d'économies de moyens sans qu'un projet stimulant d'avenir ne soit réellement défini.

Aux questions récurrentes de votre rapporteure sur le projet éditorial de l'entreprise AEF, des réponses parcellaires ou floues étaient ainsi délivrées, que ce soit par les instances dirigeantes ou par la tutelle. Un sentiment impressionniste, de navigation à vue, était ainsi régulièrement laissé aux parlementaires.

Pourtant, lors des différentes auditions de Mme Marie-Christine Saragosse, un projet a émergé, encore incomplet mais bien réel. Entre la vision pragmatique et quantitative des médias anglo-saxons, et celle idéologique d'Al Jazeera, il existe une troisième voie (ou voix), celle d'un média « non aligné » dont la vocation est l'universalisme et l'objectif la compréhension entre les peuples .

Pour la première fois, votre rapporteure croit à la construction d'un projet éditorial commun. Voilà bien une mission enthousiasmante, sur laquelle elle s'efforcera d'informer le public dans ses prochains avis budgétaires !

La conséquence naturelle de la définition d'un projet éditorial renouvelé sera l'élaboration d'un nouveau cahier des charges par le groupe et la tutelle et la parution rapide d'un décret portant ce nouveau document.

Il devra également tenir compte des spécificités de chaque rédaction et imposer des priorités de RFI et France 24, en termes de contenus et de zones de diffusion.

8. Reconstruire les rédactions

La mise en place de l'entreprise unique a logiquement entrainé le regroupement des fonctions « support » dans la direction financière, celle des ressources humaines ou celle des achats. Cet aspect ne doit pas être remis en cause.

En revanche l'ambition d'une radio internationale et d'une télévision est de disposer de rédactions solides susceptibles de remplir leurs missions.

A cet égard, votre rapporteure est favorable aux différentes orientations définies par Mme Marie-Christine Saragosse, à savoir la préservation d'une grille différenciée de RFI pour l'Afrique, le maintien de la tranche matinale de France 24 et aux magazines, et le renforcement de la rédaction arabophone de France 24, particulièrement en cette période de fortes tensions dans le monde arabe. Sur ce dernier sujet, la poursuite du rapprochement entre MCD et France 24 en arabe est une nécessité, avec la construction, par exception, d'une rédaction unique, comme préconisée par le rapport Cluzel. Sinon, comme il le note « dans le cadre des effectifs actuels, ni la radio, ni la télévision en langue arabe n'auront le nombre de journalistes suffisants pour assurer des programmes de qualité » .

9. Définir une trajectoire financière pertinente et un nouveau COM

Votre rapporteure ne doute pas un instant de l'intérêt de « nettoyer les écuries d'Augias », après une gestion financière du groupe catastrophique par M. Alain de Pouzilhac (voir supra ).

Néanmoins, l'existence d'un audiovisuel extérieur impose de lui donner les moyens des ambitions qu'on a pour lui et les économies issues de la réduction des coûts excessifs ne suffiront pas.

La reconstruction éditoriale devra donc s'accompagner de la définition des moyens financiers afférents et la signature (enfin !) d'un contrat d'objectifs et de moyens, qui fixe à la fois les engagements pluriannuels de l'État et ceux du groupe.

Il s'agit d'une condition sine qua non de la pérennité de notre audiovisuel extérieur.

10. Prendre le train du numérique

Dans son rapport sur les crédits de l'audiovisuel extérieur dans le PLF 2012, votre rapporteure s'étonnait de l'absence d'une offre commune d'informations sur Internet et considérait que le projet multimédia, en dépit du succès des sites Internet de chaque acteur pris séparément, constituait un réel problème .

Ce constat était d'autant plus surprenant que la fusion des sites Internet en arabe de MCD et de France 24 a été réalisé, au bénéfice des deux : le site de MCD comptait ainsi 75 000 visites mensuelles en février 2010 et celui de France 24 en arabe 300 000, le nouveau site unifié attirant 1 170 000 visites en avril 2011.

Le rapport Cluzel est pleinement conforme à ces conclusions, puisqu'il fixe comme un impératif la structuration du multimédia avec la mise en place d'une rédaction multimédia spécifique : « un média international ne peut se contenter d'un site qui soit une simple reprise de ses programmes radio et télévision, ou un moyen de les diffuser partout dans le monde via Internet, même si ce minimum est indispensable. Il doit devenir un « rich media ». Tous les groupes publics francophones français (Radio France et France Télévision) et étrangers ont une direction multimédia où convergent les rédactions radio et télé avec en sus des effectifs propres. Alors qu'il paraît normal de séparer les rédactions de radio et de télévision, la spécificité des métiers du multimédias conduit à rassembler toutes les forces disponibles autour d'un département commun et, si possible, à les accroître par des collaborations réelles avec les autres sociétés de l'audiovisuel public » .

11. Apprécier son nouveau foyer

Votre rapporteure n'était pas favorable au déménagement de RFI, qui lui apparaissait uniquement justifié par des choix idéologiques et susceptibles d'avoir des conséquences financières importantes.

Or il apparaît aujourd'hui :

- que les dépenses liées au déménagement ont aujourd'hui quasiment toutes été engagées et qu'une partie des équipes a au demeurant déjà déménagé ;

- et que l'emménagement de RFI dans l'immeuble d'Issy-les-Moulineaux est, à terme, neutre pour les finances publiques. Le rapport Cluzel apporte des éléments précis sur cette analyse et note par exemple que le retour de RFI à la Maison de la Radio se ferait dans le cadre d'un loyer augmenté.

Votre rapporteure en conclut que c'est l'absence de déménagement qui serait aujourd'hui une décision mal avisée. Comme le note là encore le rapport Cluzel, « il résulte de tout cela qu'il n'est pas raisonnable de différer plus avant le déménagement des équipes de RFI, en dépit de la lourde charge émotionnelle que ce départ comporte et que l'auteur du présent rapport partage » . Votre rapporteure n'aurait pas su mieux résumer sa pensée.

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a commandé de nombreuses études dont les dernières ont été rendues au mois de novembre.

Votre rapporteure a bon espoir que la dernière consultation du comité, permette de prendre la décision d'un emménagement définitif et complet des équipes de la radio, qui pourrait avoir lieu au mois de février 2013.

L'heure est au rassemblement et à la projection vers l'avenir. Celui-ci passera aussi par l'engagement de coopération avec les autres acteurs de l'audiovisuel public français.

12. Créer des liens avec ses partenaires

La mise en place de liens renforcés avec les acteurs de l'audiovisuel public est l'un des projets majeurs de Mme Marie-Christine Saragosse, qui souhaite mettre fin à la concurrence stérile entre les groupes au profit d'une coopération « gagnant-gagnant ».

La complémentarité de TV5 Monde et de France 24 en matière de distribution mondiale est un premier impératif, que l'intégration de TV5 Monde dans l'AEF n'avait absolument pas permis d'assurer. La nomination de Mme Marie-Christine Saragosse, encore présidente de TV5 Monde jusqu'au 5 décembre, constitue à cet égard une excellente nouvelle.

Sur la télévision « premium », des échanges et partenariats nouveaux sont aussi à engager, avec par exemple, l'existence de décrochages de France 24 sur France Télévisions (France 4, France 5 ou France Ô). Mme Saragosse a ainsi souligné que l'accord en passe d'être signé pour la diffusion de trois heures quotidiennes de programmes de France 24 sur la nouvelle chaîne « n°23 » était positive pour la notoriété de la chaîne, mais serait beaucoup moins satisfaisant qu'une coopération entre deux acteurs remplissant une mission de service public.

Votre rapporteure soutient pleinement un projet de ce type et engage très fortement les autorités de France Télévisions à répondre positivement à de telles propositions.

Le souhait de Mme Saragosse d'une présence des présidents de France Télévisions et de Radio France au conseil d'administration de l'AEF a précisément pour objectif de favoriser ce resserrement des liens. Votre rapporteure y est à cet égard très favorable et considère que les éventuelles craintes du personnel, qui y verraient une mainmise d'autres groupes sur l'AEF, seraient infondées.

Des émissions peuvent également être montées en partenariat avec TV5 Monde.

Mme Saragosse a également émis l'idée de diffuser sur France 24 de courts documentaires, afin d'enrichir l'offre de cette télévision d'information en continu. Un partenariat avec les chaînes parlementaires, qui disposent d'une production propre, serait à n'en point douter tout à fait enrichissant.

S'agissant de l'offre multimédia, Mme Martine Martinel, rapporteure des crédits sur les médias au nom de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, suggère judicieusement que des contenus de France 24 puissent être diffusés sur le site France TV Info.

Votre rapporteure considère également que la période difficile que nous traversons, d'une part, et la forte concurrence des médias privés internationaux, d'autre part, imposent aujourd'hui une coopération renforcée entre les acteurs publics.

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Les cinq années du mandat de Mme Marie-Christine Saragosse risquent de ne pas être de tout repos. Il s'agit à la fois de redresser la barre et de garder le cap pour sortir l'audiovisuel extérieur de la crise et l'acheminer vers les rives du succès.

Dans la version de Diodore de Sicile, les douze travaux qu'Héraclès devait accomplir lui permettaient d'atteindre l'immortalité. Sans s'engager sur cette voie pleine d'incertitude, votre rapporteure considère néanmoins que l'accomplissement par le nouvel audiovisuel extérieur de la France de ses douze travaux lui assurera au moins une pérennité pour la prochaine décennie.

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Compte tenu de ces observations, votre rapporteure pour avis vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel extérieur.

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