N° 153

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI rectifié

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DURABLES

TRANSPORTS ROUTIERS

Par M. Ronan DANTEC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre, secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Alain Le Vern, Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38

Sénat : 147 et 148 (annexe n° 10 ) (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En proposant des objectifs chiffrés de réduction de gaz à effet de serre, une priorité au report modal ainsi qu'une nouvelle méthode de programmation des infrastructures, la loi « Grenelle I », en août 2009, a changé le cadre des politiques publiques des transports. Le Président de la République, à l'issue de la conférence environnementale, vient de fixer un nouveau cap, plus ambitieux encore : réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Or les transports représentent, parmi les « gros émetteurs de CO 2 », le seul domaine où l'empreinte carbone continue de se dégrader : alors que la tendance globale est à la baisse des émissions (- 5 % pour la France et - 10 % pour l'UE entre 1990 et 2008), les émissions du secteur des transports ont continué à croître de 10 % pour la France et de 25 % pour l'Union européenne entre 1990 et 2008. C'est au regard de cet objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre que votre rapporteur a analysé ce budget.

L'examen des crédits « routes » du projet de loi de finances pour 2013, s'inscrit aussi en amont de la redéfinition du schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Dans les mois qui viennent, nous devons parler des infrastructures elles-mêmes, de leur articulation en réseau, mais aussi de leurs usages et des outils dont nous disposons pour influencer les comportements de nos compatriotes sur les infrastructures. Nous devons réunir un très grand nombre d'informations et coordonner des actions d'échelle temporelle très variable, depuis les infrastructures elles-mêmes, qui demandent une prospective à long terme, jusqu'aux actions normatives, qui changent immédiatement certaines conditions du transport, en passant par les enjeux de moyen terme que représente le plus ou moins bon entretien des routes, par exemple.

Dans ces conditions, d'une part, les crédits du programme 203 consacrés aux routes apparaissent raisonnables : ils mettent l'accent sur la préservation de l'existant et sur le report modal. D'autre part, votre rapporteur pour avis développera des interrogations particulières concernant le compte d'affectation spéciale Aides à l'acquisition de véhicules propres

La perspective « pré-SNIT » a incité votre rapporteur pour avis à regarder de plus près les outils dont nous disposons pour atteindre les objectifs généraux des lois « Grenelle ». Il y a les ressources financières, bien sûr, mais également les moyens réglementaires, les normes juridiques qui infléchissent l'usage que nous faisons de nos infrastructures. Comment se traduit l'impératif du report modal : les infrastructures sur lesquelles nous mettons des moyens sont-elles bien celles dont nous avons besoin ? Comment en décide-t-on ? Utilise-t-on suffisamment les outils dont nous disposons pour infléchir les comportements, en particulier le levier du bonus-malus et les normes dites « environnementales » ? Que fait-on de « l'argent de la route » et quelle part prend-t-il au report modal ? Dès lors, de quelles marges de manoeuvre dispose-t-on et comment débattrons-nous de leur mobilisation et de leur usage - en particulier autour du SNIT ?

Sans prétendre répondre à toutes ces questions dans le cadre étroit d'un avis budgétaire, votre rapporteur pour avis souhaiterait poser des jalons pour un travail dans la durée : l'objectif du Parlement étant bien, une fois la loi votée, d'en renforcer l'effectivité.

Sur la base de ces considérations et après en avoir débattu, la commission, sur proposition de son rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.

I. UN BUDGET QUI MAINTIENT LES CREDITS ET ENCOURAGE LE REPORT MODAL

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 203

1. Présentation des objectifs transversaux

Les quatre objectifs du programme 203 énoncent la stratégie du Gouvernement en matière d'infrastructures routières :

a/ « Réaliser au meilleur coût les projets de desserte planifiés et moderniser efficacement les réseaux de transports » : il s'agit d'évaluer l'intérêt socio-économique des opérations routières mises en service, d'en apprécier les coûts de construction, mais également de maîtriser l'écart entre le coût prévu et le coût réalisé. Dans l'évaluation ministérielle, l'intérêt socio-économique global des projets routiers est deux à trois fois supérieur à celui des opérations ferroviaires, fluviales et portuaires 1 ( * ) , ce qui pose la question des critères d'évaluation des projets qui sera évoquée ultérieurement dans ce rapport.

b/ « Améliorer l'entretien et la qualité des infrastructures de transports » : c'est, aux dires de l'administration, la priorité n° 1, l'état du réseau routier étant apparu comme fortement dégradé, source d'insécurité routière et de retards dans les transports. A ce titre, le ministère mesure l'état des structures de chaussées 2 ( * ) , avec l'objectif de préserver la valeur d'usage de la route, mais aussi l'état des ouvrages routiers sur le réseau concédé et non concédé. Les chiffres communiqués dans le « bleu » établissent que les objectifs en la matière sont bien une préservation, et non une amélioration : la cible, pour 2015, est que 84 % des chaussées non concédées obtiennent une note au moins « passable » (12/20), 96 % pour le réseau concédé, et respectivement 87 % et 94 % pour les ouvrages d'art, performances qui sont celles du réseau actuel. De même, l'objectif de satisfaction des usagers sur les réseaux routiers est de conserver le niveau actuel : une note de 7,5/10 pour le réseau autoroutier et 7,85/10 pour le réseau non concédé.

c/ « Améliorer le niveau de sécurité des transports routiers et assurer les conditions d'une concurrence loyale » : cet objectif consacré aux seuls transports routiers, établit un lien entre la sécurité routière et les conditions de travail des professionnels de la route. Ses indicateurs de performance mesurent, d'une part, le taux de transport routier de matières dangereuses, d'autre part, les infractions à la réglementation européenne relative au temps de conduite et au temps de repos 3 ( * ) . Ici encore, l'objectif pour 2015 est de stabiliser les niveaux atteints en 2011.

d/ « Développer la part des modes alternatifs à la route dans les déplacements des personnes et le transport des marchandises » : cet objectif issu du Grenelle de l'environnement est suivi par des indicateurs de part modale des transports non routiers et de transports combinés.

2. Présentation des crédits par action

L'action 01 « Développement des infrastructures routières » compte 731 millions d'euros pour 2013 , formés intégralement de fonds de concours de l'AFITF et des collectivités territoriales au titre des contrats de plan État-régions (CPER) et des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI). L'objectif explicite de l'État est de limiter strictement l'augmentation de capacité du réseau routier au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou de besoins d'intérêt local en limitant les impacts sur l'environnement. S'agissant des PDMI, cofinancés par l'État et les collectivités territoriales, le budget 2013 permettra d'atteindre les objectifs affichés.

L'action 12 « Entretien et exploitation du réseau routier national » dispose de 343,1 millions d'euros en crédits de paiement complétés par 318,5 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits. Ces crédits sont destinés à l'exploitation, à l'entretien courant et préventif des 12 443 kilomètres du réseau routier national non concédé, aux opérations de réhabilitation et de régénération, aux aménagements de sécurité (notamment relatifs aux tunnels routiers), à la gestion du trafic et à l'information des usagers.

CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL POUR L'ACTION 12
( en millions d'euros)

Action 12 : entretien et exploitation du réseau routier national

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2012/2013

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2012/2013

Chaussées : entretien préventif et grosses réparations

103,8

114,9

+ 10,69 %

116,8

114,9

- 1,63 %

Entretien courant et exploitation

134,2

134,2

0

134,2

134,2

0

Réhabilitation des ouvrages d'art

42,4

42,4

0

42,4

42,4

0

Immobilier, radio et matériels techniques

23,2

29,2

+ 25,86 %

31,4

34,0

+ 8,28 %

Maintenance des équipements dynamiques

17,6

17,6

0

17,6

17,6

0

TOTAL

324,2

338,3

+ 4,35 %

342,3

343,1

+ 0,23 %

FONDS DE CONCOURS DE L'AFITF POUR L'ACTION 12
( en millions d'euros)

Fonds versés par l'AFITF pour l'entretien et l'exploitation du réseau

Budget 2012

Prévisions 2013

Évolution 2012/2013

Mise en sécurité des tunnels

169,6

134,0

- 21,0 %

Programme de sécurité

19,0

22,0

+ 15,8 %

Création de places de stationnement pour les poids lourds

6,0

6,0

0

Régénération du réseau

103,5

106,5

+ 2,9 %

Exploitation dynamique

33,5

45,0

+ 34,3 %

TOTAL

331,6

313,5

- 5,5 %

L'action 13 « Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres » est transversale aux différents modes de transports terrestres puisqu'elle vise à soutenir le report modal, à contrôler les conditions de la concurrence dans les transports, à soutenir les mesures de prévention des accidents et à accompagner les professions en difficulté. Ses crédits représentent 105 millions d'euros.

3. Les programmes de modernisation des itinéraires routiers

Les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) ont succédé pour la période 2009-2014 au volet routier des contrats de plan Etat-régions. Ils ont prévu 6,1 milliards d'euros d'investissements - via l'AFITF - pour les cinq ans sur l'ensemble du réseau national non concédé, dont 3,6 milliards de l'Etat et 2,5 milliards (40%) des collectivités locales. Ces fonds ne doivent pas servir à des augmentations de capacité, mais bien à de l'amélioration de service. A côté des opérations classiques de modernisation du réseau - déviations d'agglomération, aménagements de carrefours... - les PDMI intègrent des aménagements d'ordre environnemental, comme des protections acoustiques, des ouvrages de protection de la ressource en eau ou de protection de la biodiversité.

Leur taux d'avancement varie fortement d'une région à l'autre - de 5 % en Alsace à 61 % en région Centre -, du fait de la diversité des opérations programmées ; il s'établit en moyenne à 37 % fin 2012. Surtout, le ministère reconnaît que l'objectif d'achèvement des PDMI pour fin 2014 sera très difficile à tenir et qu'il faudra probablement le décaler dans le temps .


* 1 Voir le « bleu » budgétaire p.26.

* 2 L'enquête « image qualité des chaussées du réseau routier national » (IQRN), qui existe depuis dix ans, examine l'état de la route pour environ un tiers du réseau chaque année et classe les routes selon un « catalogue de désordres ». La démarche est la même pour les ouvrages d'art, avec l'enquête « image qualité des ouvrages d'art du réseau routier national » (IQOA).

* 3 La directive n° 2006-22 du 16 mars 2006 a prévu, notamment, qu'au moins 3 % des jours travaillés par chaque camionneur devraient être contrôlés ; cette obligation de contrôle a fait sensiblement augmenter les contrôles et, manifestement, baisser le nombre d'infractions.

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