C. LES STRUCTURES DE SOINS DÉDIÉES AUX PERSONNES DÉTENUES : QUEL BILAN ?

La prise en charge de la santé des personnes détenues a connu de réels progrès au cours des deux dernières décennies. La mise en place des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) pour les soins somatiques et des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les soins psychiatriques appelle une première évaluation.

1. Les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI)

La loi du 18 janvier 1994, relative à la prise en charge sanitaire des personnes détenues prévoit la mise en place d'un schéma national d'hospitalisation pour répondre aux besoins d'hospitalisation des personnes incarcérées, assurant une couverture du territoire national autour de 8 pôles hospitaliers.

L'arrêté du 24 août 2000 a ainsi prévu la création de 8 UHSI (182 lits au total) dans les centres hospitaliers universitaires de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Rennes, Toulouse et le groupe hospitalier Pitié Salpêtrière (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) en complémentarité avec l'établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF).

Ces UHSI ont vocation à rassembler la majorité des hospitalisations programmées (entre 60 et 80%), hors urgences et hospitalisation de très courte durée (inférieure à 48 heures) qui demeurent du ressort des établissements de santé de proximité, ayant conclu un protocole avec l'établissement pénitentiaire, en chambres sécurisées.

Les huit UHSI ont ouvert selon le calendrier suivant :

Bordeaux  mai 2006 (16 lits)

Marseille  décembre 2006 (45 lits)

Lille  décembre 2004 (21 lits)

Nancy  février 2004 (17 lits)

Lyon  février 2005 (23 lits)

Pôle Parisien  décembre 2008 (25 lits)

Toulouse  décembre 2006 (16 lits)

Rennes  fin 2012 (prévision) (19 lits)

Taux d'occupation : années 2007 à 2011

UHSI

Capacités autorisées

Capacités installées

Ta

Taux occupation

2008

2009

2010

2011

2008

2009

2010

2011

Bordeaux

16

16

16

16

16

73%

73%

67%

83%

Lille

21

20

20

21

21

58%

56%

48%

62%

Lyon

23

23

24

23

23

73%

73%

64%

64%

Marseille

45

17

17

27

27

87%

79%

65%

63%

Nancy

17

17

17

17

17

62%

63%

52%

65%

Paris

25

12

14

20 33 ( * )

25

60%

70%

61%

Rennes

19

Toulouse

16

16

16

16

16

45%

45%

36%

42%

Ensemble

182

121

124

140

145

62%

65%

56%

63%

Source : DGOS, Rapport d'activité uniformisé des UHSI : mission IGAS/IGSJ, juin 2011 & actualisation bureau des politiques sociales et d'insertion (SDPMJ, DAP).

Les UHSI de Lille, Lyon, Paris, Marseille, Nancy et Toulouse ont un taux d'occupation encore insuffisant au regard de l'objectif d'un taux d'occupation de 80 %.

En raison de la fermeture annoncée en 2008 de l'établissement public de santé national de Fresnes, d'une capacité de 80 lits, les ministères de la santé et de la justice ont envisagé de créer une nouvelle UHSI. Elle devait être implantée dans le nouveau centre hospitalier Sud Francilien (Evry). Ce projet n'a pu se concrétiser, en raison d'un différend opposant le concepteur et la direction générale de l'offre de soins portant sur les coûts de construction de la structure.

Depuis lors, aucune nouvelle décision concernant l'EPSNF n'a été présentée par le ministère de la santé. Le ministère de la justice souhaite, quant à lui, le maintien de cet établissement qui, après un renforcement en personnel médical, offre une prise en charge adaptée des patients détenus souffrants de pathologies somatiques importantes.

Afin de favoriser une approche commune, le ministère de la santé et le ministère de la justice ont confié en 2011 aux inspections générales des affaires sociales et des services judiciaires la mission d'évaluer le dispositif d'hospitalisation en soins somatiques des personnes détenues.

Le rapport des inspections, rendu en 2011, propose d'améliorer leur fonctionnement interne et de donner davantage de responsabilités aux acteurs régionaux en développant le comité de coordination locale des UHSI.

2. Les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA)

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a modifié les conditions d'hospitalisation des personnes détenues atteintes de troubles mentaux en créant les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les accueillir en hospitalisation complète avec ou sans leur consentement. Les UHSA sont des unités hospitalières implantées sur un site hospitalier permettant d'assurer une prise en charge psychiatrique des personnes détenues souffrant de troubles mentaux dans un cadre sécurisé.

Elles accueillent, en outre, des personnes détenues mineures, par exception au principe pénitentiaire de séparation des détenus majeurs et mineurs.

La sécurisation des unités d'hospitalisation est à la charge de l'administration pénitentiaire. Les unités de soins étant sous l'entière responsabilité de l'équipe soignante, les portes des chambres sont ouvertes et fermées exclusivement en fonction des considérations thérapeutiques sans intervention directe de l'administration pénitentiaire.

Les échanges entre équipes sanitaires et pénitentiaires ont été précisés par une circulaire interministérielle 34 ( * ) qui prévoit notamment des réunions pluridisciplinaires de travail ainsi que l'échange de toute information nécessaire au bon fonctionnement de l'UHSA.

Les UHSA de Lyon, Nancy et Toulouse ont ouvert respectivement en mai 2010, janvier et mars 2012).

Les trois structures ont privilégié une ouverture progressive des unités de soins. La capacité totale d'accueil des UHSA en service est de 140 lits répartis en unités de 20 lits (3 unités pour l'UHSA de Lyon, 2 unités pour les structures de Nancy et Toulouse).

Les premiers éléments d'évaluation laissent apparaître que la population prise en charge se compose d'une majorité d'hommes entre 20 et 40 ans (75 % pour Lyon), d'une proportion de femmes plus importante qu'en service médico-psychologique régional (SMPR) ou en détention (10 % en moyenne en UHSA contre moins de 5 % en détention), que les hospitalisations de patients mineurs sont hétérogènes (30 mineurs accueillis à Lyon en 2 ans, aucun patient mineur à Nancy en 4 mois).

Les hospitalisations en provenance des établissements pénitentiaires de rattachement et de leur SMPR représentent une part importante des hospitalisations à l'UHSA. Cette part, majoritaire lors de l'ouverture, tend à diminuer au fil du temps au profit des admissions depuis les autres établissements pénitentiaires de l'interrégion (24 % à Lyon, 31 % à Nancy, 34 % pour Toulouse).

Une très grande majorité des admissions sont programmées. Cependant, la circulaire du 18 mars 2011 rappelle la nécessité de pouvoir organiser des accueils 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. De ce fait, des admissions sont réalisées durant la nuit et en week-end.

Les durées moyennes de séjour ont tendance à augmenter . Ainsi, à l'UHSA de Lyon, cette durée est passée de 46 jours en 2010 à 63,5 jours en 2011 et 71,9 jours sur les premiers mois de 2012.

Cette évolution s'expliquerait par plusieurs facteurs : attente de décisions portant sur l'irresponsabilité pénale, rechutes et retours rapides en UHSA, retour en détention avec une moindre observance thérapeutique dans un milieu moins favorable aux soins.

Les taux d'occupation sont, par ailleurs, élevés . Ainsi, l'UHSA de Lyon constate un taux d'occupation de 95,5% sur les premiers mois de 2012 (94,6% sur 2011). A Nancy et Toulouse, les taux sont respectivement de 90% et 89,9%.

A l'UHSA de Lyon, les hospitalisations sans consentement représentent une part plus importante que les hospitalisations libres pour les premiers mois de 2012 : 58% contre 42%. Toutefois cette tendance doit être confirmée par des constats ultérieurs car la proportion était stable en 2010 et 2011 (équilibre aux environs de 50%). A Nancy, la part des hospitalisations à la demande d'un représentant de l'Etat constitue 34%, contre 66% d'hospitalisations consenties. A Toulouse, les hospitalisations sans consentement représentent 41,6%, contre 58,4% pour les hospitalisations libres.

Le programme de construction porte sur 705 lits et comporte deux tranches de construction. La première tranche, d'une capacité de 440 places, couvre la période de 2010 à 2014. Toutefois, des arbitrages financiers nécessaires ainsi que des mises en chantier ont retardé le calendrier d'ouverture à 2014 pour certains sites.

Les lieux d'implantation et dates prévues d'ouverture sont les suivants :

DISP

Localisation

Commune

Capacité

Mise en service

Lyon

CH Le Vinatier

Bron

60

21 mai 2010

Toulouse

CH Gérard Marchand

Toulouse

40

06 janvier 2012

Strasbourg

Centre Psycho-thérapeutique de Nancy Laxou

Laxou

40

05 mars 2012

Dijon

CH Georges Daumezon

Fleury Les Aubray

40

sept-2013

Rennes

CH Guillaume Régnier

Rennes

40

2 ème trim-2013

Marseille

CH Edouard Toulouse

Marseille

60

mai- 2014

Lille

CH Seclin

Seclin

60

2 ème trim-2013

Bordeaux

Centre Hospitalier spécialisé Cadillac

Cadillac sur Garonne

40

2 ème sem-2014

Paris

Paul Guiraud Villejuif

Villejuif

60

1 er sem-2013

La seconde tranche de construction, comportant 265 places, sera réalisée à partir de 2014, les sites restant à déterminer par les services du ministère de la justice et du ministère en charge de la santé à partir de septembre 2012. Une évaluation sera réalisée à l'issue de la construction de la première tranche. Selon les éléments d'information communiqués à votre rapporteur, en fonction de l'évolution de la situation carcérale et du retour d'expérience des premières UHSA, un réajustement portant sur la seconde tranche sera proposé, le cas échéant.

3. La participation des personnels soignants à la commission pluridisciplinaire unique

L'échange pluridisciplinaire et le partage d'informations opérationnelles constituent un élément essentiel de la prise en charge adaptée des personnes détenues. L'administration pénitentiaire a souhaité que ces échanges soient formalisés dans le cadre de la commission pluridisciplinaire unique (CPU) 35 ( * ) .

Cette instance entend favoriser une connaissance partagée de la situation globale d'une personne détenue tout au long de son parcours de détention.

La circulaire interministérielle santé justice du 21 juin 2012 36 ( * ) prévoit que les professionnels de santé -représentant des équipes soignantes de l'UCSA ou SMPR désigné par l'établissement de santé de rattachement- participent aux CPU en fonction de l'ordre du jour et apportent les éléments permettant une prise en charge et une gestion quotidienne plus adaptées des patients détenus, dans le respect du secret médical garanti aux personnes détenues par l'article 45 de la loi pénitentiaire de 2009.

Au 1 er août 2012, 76% des équipes sanitaires participent systématiquement à l'ensemble des commissions pluridisciplinaires uniques organisées au sein des établissements pénitentiaires. Par ailleurs 18% des équipes sont présentes de façon ciblée notamment sur la prévention du suicide). Enfin 6% des équipes ne participent jamais aux CPU (10 unités sur 175 établissements pénitentiaires).

La circulaire du 21 juin 2012 précise par ailleurs les informations pouvant ou devant faire l'objet d'un partage entre professionnels sanitaires et pénitentiaires (L. 6141-5 du code de la santé publique), afin de préserver la santé et la sécurité de la personne détenue mais également de participer à la sécurité des codétenus et de l'ensemble des personnes intervenant en milieu pénitentiaire.

Votre rapporteur a relevé des positions très variables du corps médical d'un établissement à l'autre sur la question de la participation à ces commissions. Certains médecins regrettent que la composition de la CPU, trop ouverte à leurs yeux, ne garantisse pas le principe de confidentialité.


* 33 15 lits jusqu'au 30/06 puis 25 lits.

* 34 Circulaire DGOS/R4/PMJ2 n°2011-105 du 18 mars 2011 relative à l'ouverture et au fonctionnement des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).

* 35 L'article D. 90 nouveau du code de procédure pénale (CPP), issu du décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 précise les modalités de participation à la CPU .

* 36 N°DGS/MC1/DGOS/R4/DAP/DPJJ/2012/94.

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