D. SAINT-MARTIN

1. Les difficultés financières de la collectivité

Sur le plan financier, la collectivité de Saint-Martin continue de connaître des difficultés budgétaires liées principalement à la question des recettes fiscales. Cette situation s'est traduite pour le budget primitif 2012 par une saisine de la chambre territoriale des comptes par le représentant de l'État. Le recouvrement des impositions locales n'est pas optimal et provoque ainsi une crise de trésorerie. Parallèlement, selon les informations transmises par le Gouvernement, « la marge d'autofinancement courant a ainsi progressé très fortement pour atteindre 104,6 % en 2011 » , dénotant ainsi « une très forte rigidité des dépenses et l'absence de marges de manoeuvre budgétaires ».

Cette situation de détérioration continue des finances de la collectivité de Saint-Martin a plaidé pour la constitution d'une mission chargée de réaliser un diagnostic budgétaire et financier partagé visant à aboutir à un scénario de redressement de la situation budgétaire et financière de la collectivité . En février 2012, une mission commune entre les services du ministère chargé de l'outre-mer et l'agence française de développement (AFD) a proposé la mise en oeuvre d'un plan de redressement de la collectivité qui pourrait se traduire par un protocole financier liant les services de l'État et la collectivité.

Ce protocole financier prévoit la délivrance d'un prêt de restructuration de l'ordre de 15 millions d'euros, l'octroi d'une avance de trésorerie d'un montant de 18 millions d'euros remboursable progressivement sur une période 6 ans. Un autre volet envisage de remanier la structure de la fiscalité dévolue à la collectivité et d'en augmenter, selon l'intention du Gouvernement, fortement le rendement.

Pour votre rapporteur, cette situation résulte surtout de difficultés structurelles de la collectivité . Notre collègue Louis-Constant Fleming, sénateur de Saint-Martin, évoque même, dans sa contribution écrite, une « impréparation qui a accompagné le changement statutaire ». En effet, le transfert de la compétence fiscale n'a pas été très aisé et a même nécessité l'intervention du Parlement pour assurer le respect de l'esprit de l'évolution statutaire.

La loi organique n° 2010-92 du 25 janvier 2010 a ainsi précisé que la collectivité de Saint-Martin pouvait imposer les revenus de source locale des personnes dont le domicile fiscal est, en raison de l'application de la condition de résidence de cinq ans, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer, contrant ainsi l'interprétation retenue par le Conseil d'État dans son avis de décembre 2007.

En outre, lors de l'examen de cette proposition de loi organique, votre commission a explicitement prévu que les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts et taxes sont assurées par des agents de l'État, renvoyant à une convention le soin de définir les modalités de leur intervention et leur rétribution.

Cependant, notre collègue Louis-Constant Fleming a fait part à votre rapporteur de problèmes récurrents qui contribuent à ne pas rendre viable la situation institutionnelle de Saint-Martin. Il en est ainsi de la suppression de la garantie de versement des « douzièmes provisoires » par l'État qui assurerait pourtant une trésorerie régulière à la collectivité sur le modèle des collectivités hexagonales.

S'y ajoute une difficulté tenant à un transfert des charges résultant du transfert à la collectivité des compétences communales concomitamment à une perte des recettes de l'octroi de mer . En effet, l'article LO 6314-1 du code général des collectivités territoriales énonce que « la collectivité exerce les compétences dévolues par les lois et règlements en vigueur aux communes » . Or, la collectivité de Saint-Martin ne bénéficie plus de la recette tirée de l'octroi de mer, près de 14 millions d'euros, qui est pour les communes des départements d'outre-mer qui la perçoivent une recette importante.

Enfin, le recensement des contribuables locaux est inexistant comme le soulignait lors de son audition M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, selon lequel « on a trouvé les moyens de faire une décentralisation avec autonomie fiscale sans connaître les contribuables ».

Au-delà des efforts financiers ponctuels de l'État par des subventions d'équilibre, votre rapporteur partage donc le constat du ministre des outre-mer selon lequel la collectivité a besoin d'ingénierie et d'expertise pour exercer sa compétence fiscale et que l'État a un rôle à jouer pour lui apporter un soutien technique en ce domaine.

2. La coopération transfrontalière : une lueur d'espoir

A la différence de son homologue de Saint-Barthélemy, la collectivité de Saint-Martin est en proie à des difficultés plus importantes qui tiennent notamment à l'existence sur la même île, d'une superficie de 93 kilomètres carrés, de part et d'autre d'une frontière terrestre, certes largement théorique, d'une partie française et d'une partie néerlandaise.

Cette partition de l'île pose la question de la coopération des autorités locales entre elles pour résoudre des difficultés qui concernent les deux parties et pour les décisions dont les effets rejaillissent sur les deux parties de l'île. Comme le relevait lors de son audition, M. Fred Constant, ambassadeur délégué à la coopération régionale pour la zone Antilles-Guyane, la nécessité d'un développement commun de l'île est désormais partagée par l'ensemble des autorités locales mais les efforts doivent être poursuivis sur la relation transfrontalière. La situation n'est pas facilitée par la différence de régime juridique des parties de l'île au regard du droit européen : si la partie néerlandaise est un pays et territoire d'outre-mer (PTOM), la partie française est restée, contrairement à Saint-Barthélemy, une région ultrapériphérique (RUP).

Votre rapporteur note cependant plusieurs avancées prometteuses sur l'intensification des relations de part et d'autre de la frontière.

Ainsi, s'agissant de la régulation des flux migratoires , depuis le début de l'année 2012, des contrôles communs ont été réalisés à l'aéroport international de Juliana et trois réunions de travail ont permis aux services préfectoraux et de police aux frontières d'échanger avec les services néerlandais de l'immigration. Cette coopération est d'autant plus souhaitable que le nombre de clandestins est évalué entre 5 000 et 8 000 personnes du côté français pour une population de 40 000 personnes et de 15 000 à 20 000 sur une population néerlandaise de plus de 50 000 habitants. La frontière théorique entre les deux parties pose un défi commun aux deux parties de l'île, l'entrée d'un côté de l'île, notamment par l'aéroport international, rendant possible le passage dans l'autre partie. Or, malgré le traité franco-néerlandais du 17 mai 1994 prévoyant des contrôles communs, des divergences d'interprétation des deux parties à l'accord faisaient obstacle à la tenue d'ateliers de travail communs. A la suite d'une réunion de coopération, le 2 décembre 2011, une lettre d'intention a été signée entre le préfet de Saint-Martin, le président de la collectivité et le Premier ministre de Sint Marteen, permettant une reprise de la coopération et des contrôles communs .

A ce titre, l'évolution statutaire de Sint Marteen, devenu en 2010 un « pays » au sein du Royaume des Pays-Bas, lui a donné une plus grande autonomie, ce qui s'est traduit par de nouveaux interlocuteurs, plus proches, pour les autorités françaises. Ce facteur a indéniablement facilité les discussions en matière de coopération dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine.

Dans les prochaines années, d'autres sujets d'intérêt commun devraient également nécessiter l'approfondissement de la coopération entre autorités locales. Il en est ainsi de la délimitation de la frontière maritime franco-néerlandaise , jamais fixée depuis le partage de l'île par le traité de Concordia en 1648, cette situation aboutissant à l'absence de contrôle par les autorités des deux pays sur le secteur d'Oyster Pond.

De même, la volonté de coopérer en matière policière a abouti à la signature, le 7 octobre 2010, de l' accord de coopération policière qui institue un droit de poursuite au-delà de la frontière. Toutefois, cet accord est toujours en attente de ratification par les deux pays. Ce retard est dû à des modifications demandées postérieurement à la signature par les Pays-Bas pour des stipulations de l'accord que les autorités néerlandaises jugeaient imprécises mais, au terme d'un dialogue avec les autorités françaises, ces difficultés semblent levées et ne devraient plus faire obstacle à la ratification, que votre rapporteur espère prochaine, de l'accord par les deux États. En revanche, la France a ratifié, le 12 octobre 2010, l' accord de coopération douanière signé en janvier 2002 et ratifié, la même année, par les Pays-Bas. Enfin, deux projets de conventions en matière judiciaire pour l'entraide et l'extradition simplifiée ont été adressés aux autorités néerlandaises sans encore de réaction de leur part.

Pour votre rapporteur, l'avancée la plus significative reste la création, le 15 février 2012, d'une instance de dialogue régulier pour offrir un cadre formel aux échanges entre les autorités françaises et néerlandaises sur les sujets d'intérêt commun et ainsi dresser un bilan des négociations et de l'application des accords de coopération. Ce souhait de longue date des autorités françaises a pu être satisfait au terme d'une période de réticences de la part des autorités néerlandaises, essentiellement pour des questions liées à la répartition des compétences entre le niveau local et central aux Pays-Bas.

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