C. RENFORCER LES MÉCANISMES DE GARANTIE CONTRE LES IMPAYÉS DE PENSIONS ALIMENTAIRES

1. Les femmes seules avec enfants : un public prioritaire pour le Gouvernement

Engagement du Président de la République, annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale le 3 juillet 2012, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale a été officiellement adopté le 21 janvier 2013, lors de la réunion du comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE), qui n'avait plus été réuni depuis 2006.

Les derniers chiffres publiés par l'Insee et certaines associations concernant l'année 2010 dressent un constat sévère sur la pauvreté en France. Après un recul de 1,3 point entre 1997 et 2002, la part des personnes en situation de pauvreté est repartie à la hausse les années suivantes, en particulier depuis 2006, pour atteindre 14,1 % en 2010, soit une progression de 1,2 point en huit ans.

Avec un taux de pauvreté de 32,2 %, les 1,76 million de familles monoparentales figurent parmi les publics les plus touchés . Or, dans 85 % des cas, ces familles sont constituées d'une mère vivant seule avec ses enfants. Plus d'un tiers des mères vivant seules avec leurs enfants vivent sous le seuil de pauvreté (37 %) et presqu'une mère élevant seule ses enfants sur dix dit ne pas arriver à boucler son budget sans être à découvert.

C'est pourquoi le plan pluriannuel a identifié les familles monoparentales comme un public prioritaire . Il prévoit que le suivi des femmes en charge de famille fera l'objet d'une attention spécifique de la part des services départementaux d'insertion et des missions locales et que des actions spécifiques sur les modes de garde seront menées, permettant de faciliter le suivi d'une formation par ces femmes.

En matière de lutte contre le surendettement, le plan accorde une attention particulière à l'accueil des femmes, qui constituent 56 % de l'ensemble des débiteurs et codébiteurs et 40 % des ménages surendettés. Une réflexion sera engagée, au sein de l'observatoire sur l'inclusion bancaire, sur des indicateurs permettant une analyse comparée de la situation des femmes et des hommes à l'égard de l'offre de services aux personnes en situation de fragilité financière ; 21 % des familles monoparentales bénéficiaires de minima sociaux n'ont pas de chéquier car elles se sont vues refuser ce mode de paiement par leur banque.

Le plan souligne également la nécessité de mieux protéger les femmes cheffes de famille contre les impayés de pensions alimentaires . Aujourd'hui, 40 % des pensions alimentaires sont versées de façon irrégulière alors qu'elles représentent près d'un cinquième du revenu des familles monoparentales les plus pauvres. Il en résulte une fragilisation des femmes élevant seules leurs enfants, qui peuvent rapidement basculer dans la précarité.

D'ores et déjà, le Gouvernement s'est engagé à revaloriser le montant de l'allocation de soutien familial (ASF), qui s'adresse aux parents isolés, de 25 % à l'horizon 2018 . Les 735 000 familles allocataires de l'ASF verront ainsi, à terme, leur aide augmenter de près de 40 euros par mois en moyenne.

2. Une expérimentation pour améliorer les dispositifs de garantie existants

Le Gouvernement souhaite, par ailleurs, pouvoir engager une expérimentation pour renforcer les mécanismes de garantie contre les impayés de pensions alimentaires, en s'appuyant sur les caisses d'allocations familiales (Caf).

L' article 6 du projet de loi en définit les conditions. D'une durée de trois ans, l'expérimentation sera conduite par les Caf d'une dizaine de départements et comprendra trois principaux volets :

- le premier améliorera la transmission des informations relatives à la situation du débiteur d'aliments (adresse, solvabilité) dans le but de faciliter la fixation de la pension par le juge aux affaires familiales . Les Caf seront ainsi autorisées à transmettre au parent créancier les renseignements dont elles disposent sur le parent débiteur afin qu'il puisse saisir le juge ; elles pourront également adresser directement ces informations au juge, ce qu'elles ne peuvent faire actuellement ;

- le deuxième volet ouvrira le droit à l'ASF dite différentielle à tout parent créancier d'une « petite » pension alimentaire , même lorsque le parent débiteur s'acquitte intégralement du paiement de cette pension. Le régime actuel désavantage en effet les parents débiteurs qui font l'effort de payer intégralement la pension alimentaire puisque, dans ce cas, le parent créancier ne peut bénéficier de l'ASF différentielle. Il sera donc mis fin à cette incohérence en uniformisant l'ouverture du droit à l'ASF différentielle pour les « petites » pensions alimentaires ;

- le troisième volet renforcera les moyens juridiques dont disposent les Caf pour recouvrer les impayés de pensions auprès des débiteurs . Elles pourront désormais utiliser la procédure de paiement direct pour recouvrer jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés contre les six derniers mois actuellement. Elles pourront également saisir sur le salaire du débiteur jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés, procédure à laquelle elles n'ont aujourd'hui pas accès.

Dans les neuf mois précédant la fin de l'expérimentation, un rapport d'évaluation sera transmis au Parlement en vue de savoir si celle-ci a vocation à être généralisée à l'ensemble du territoire.

3. Les amendements adoptés par votre commission

A l'initiative de votre rapporteure, votre commission a adopté deux amendements à l'article 6 visant à enrichir le contenu de l'expérimentation.

Le premier étend son champ d'application à l'ensemble des créanciers d'une pension alimentaire, qu'ils soient ou non bénéficiaires de l'ASF .

Dans la mesure où, en application de l'article 581-1 du code de la sécurité sociale, les Caf sont chargées d'apporter leur aide au recouvrement des créances dues au titre de l'entretien d'enfants à toute personne qui en fait la demande, il est logique que les dispositifs prévus dans l'expérimentation - notamment le renforcement des moyens de recouvrement des Caf - s'appliquent aussi aux parents créanciers qui ne peuvent ouvrir droit à l'ASF, par exemple parce que leurs enfants ont plus de vingt ans ou parce qu'ils ne vivent pas seuls.

Le second amendement prévoit que, dans le cadre de cette expérimentation, les conditions dans lesquelles un parent peut être considéré comme « hors d'état » de faire face à son obligation d'entretien sont définies par décret .

En effet, l'appréciation des situations de « hors d'état » par les Caf est aujourd'hui délicate en raison du « flou » juridique qui entoure les différentes catégories s'y rattachant.

Il s'ensuit des pratiques différentes d'une Caf à l'autre, sans compter que certains parents en profitent pour organiser leur insolvabilité. L'expérimentation prévue à l'article 6 est donc l'occasion de préciser cette notion de « hors d'état ».

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