TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 23 juillet 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission examine le rapport pour avis de Mme Michelle Meunier sur le projet de loi n° 717 (2012-2013) pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis . - La formation du premier gouvernement paritaire de l'histoire de la République, la création d'un ministère des droits des femmes de plein exercice, l'inscription comme premier texte à l'ordre du jour de la législature 2012-2013 d'un projet de loi relatif au harcèlement sexuel, sont autant de signes que la politique des droits des femmes est redevenue une priorité politique.

La réalité, celle des chiffres comme celle ressentie par les Françaises et les Français, atteste en effet qu'en dépit d'indéniables progrès, l'égalité entre les femmes et les hommes reste un combat. Après les droits civiques reconnus à la Libération, après les droits économiques et sociaux acquis dans les années 1970 et 1980, il s'agit désormais de définir les conditions d'une égalité réelle et concrète. Cette troisième génération des droits des femmes est un enjeu majeur à la fois en termes d'acquis démocratique, de cohésion sociale et de performance économique.

Telle est l'ambition de ce projet de loi, qui sera examiné durant la session extraordinaire de septembre par notre assemblée et dont notre commission s'est saisie pour avis.

Avant de vous présenter son contenu, je souhaite dresser un rapide état des lieux des inégalités femmes-hommes qui perdurent dans l'ensemble des sphères de la société.

Dans la sphère privée, même si des évolutions sont perceptibles chez les jeunes générations, les tâches domestiques sont encore très largement une prérogative féminine puisque près de 80 % sont assumées par les femmes. Le temps consacré aux enfants reste lui aussi très inégalement réparti entre les femmes et les hommes. Avec une heure et demie quotidienne, les mères consacrent en moyenne deux fois plus de temps aux activités parentales que les pères. La différence entre mères et pères n'est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative : les temps parentaux liés aux soins et aux déplacements sont plutôt féminins alors que les hommes s'investissent plutôt dans les sphères de sociabilité et de loisirs. Autrement dit, les hommes, quand ils en réalisent, effectuent relativement plus d'activités parentales valorisées que les femmes. La répartition sexuée des tâches au sein du couple demeure donc bien une réalité.

Dans la sphère professionnelle, malgré le développement, ces dernières décennies, d'outils juridiques en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l'inégalité entre les sexes est toujours profondément ancrée : la concentration des femmes est manifeste dans certains métiers, notamment de services ; pour preuve, la moitié des emplois occupés par les femmes est concentrée dans 12 des 87 familles professionnelles. Les femmes occupent 82 % des emplois à temps partiel et les salaires des femmes sont inférieurs de 27 % à ceux des hommes. Après la naissance d'un enfant, une femme sur deux contre un homme sur neuf interrompt ou réduit son activité professionnelle. Enfin, les femmes, à diplôme égal, accèdent moins aux postes à responsabilité que les hommes (« plafond de verre »).

Dans la sphère politique, l'arsenal législatif en matière d'accès des femmes aux fonctions électives a beau s'être étoffé depuis le début des années 2000, les résultats sont restés globalement décevants, même si échelon local et échelon national doivent être distingués. A l'échelon local, la loi sur la parité a contribué à améliorer la représentation des femmes : 48 % des conseillers régionaux et 48,5 % des conseillers municipaux des communes de 3 500 habitants et plus sont des femmes. La proportion de femmes conseillères municipales est toutefois moindre dans les communes de moins de 3 500 habitants (32,2 %). Surtout, la place des femmes à la tête des exécutifs municipaux est restée très en retrait : seuls 14 % des maires sont des femmes. Quant aux conseils généraux, ils sont les assemblées représentatives les moins féminisées (14 % d'élues), même si l'on observe une légère amélioration. C'est à l'échelon national que la déception est la plus grande. L'Assemblée nationale et le Sénat restent des lieux majoritairement masculins puisque seul un parlementaire sur cinq est une femme. Bien que le nombre de sénatrices ait sensiblement progressé depuis 2001, elles ne sont aujourd'hui que 77 sur 348 sénateurs. La part des femmes députées est passée de 12,3 % en 2002 à 18,5 % en 2007, puis à 27 % en 2012 ; cette augmentation reste néanmoins très éloignée des objectifs initialement fixés.

Les inégalités entre les femmes et les hommes s'alimentent et se renforcent les unes les autres. Elles prennent racine dans les représentations sexuées et les stéréotypes encore fortement ancrés dans les mentalités. C'est pourquoi combattre leur caractère systémique nécessite une méthode spécifique : agir à tous les niveaux de la société et intégrer la question des inégalités femmes-hommes dans l'ensemble des politiques publiques, en associant acteurs publics et privés. Cette approche intégrée, inscrite dans les traités de l'Union européenne, a été formellement adoptée par la France le 30 novembre 2012 à l'occasion du Comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui a défini les grands axes d'un plan global d'action mobilisant tous les ministères, toutes les politiques publiques et articulé autour de six principes : s'attaquer aux causes du sexisme ordinaire ; lever les contraintes que subissent les femmes dans leur vie quotidienne ; placer la réduction des inégalités de santé entre les femmes et les hommes au coeur de la démocratie sanitaire ; protéger les femmes contre les violences ; décliner l'égalité dans tous les pans de l'action publique ; affirmer les droits des femmes au niveau international.

Depuis mai 2012, plusieurs textes de loi sont venus consolider l'arsenal juridique en faveur de l'égalité femmes-hommes dans les champs de l'éducation nationale, de la santé, de l'emploi, de la vie politique et des violences faites aux femmes.

Le présent projet de loi complète et prolonge cette dynamique :

- il la complète en couvrant les grandes thématiques qui sont au coeur des inégalités entre les sexes : le meilleur partage des responsabilités parentales pour faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ; la lutte contre la précarité des femmes, notamment celle des mères isolées ; la protection des femmes contre toutes les formes de violences ; la concrétisation de l'objectif constitutionnel de parité ;

- il la prolonge en inscrivant dans la loi la dimension intégrée de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes. Une telle méthode dite de « loi-cadre » est sans précédent : pour la première fois, un projet de loi aborde le sujet de l'égalité entre les femmes et les hommes dans une logique transversale et non sectorielle.

Composé de vingt-cinq articles, le projet de loi est ainsi structuré :

- l'article 1 er pose les fondements de l'approche intégrée de la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui doit irriguer l'action de l'Etat, mais aussi celle des collectivités territoriales et des établissements publics ;

- le titre I er comprend quatre articles destinés à favoriser l'égalité professionnelle à travers d'une part, un partage plus équilibré des responsabilités parentales, d'autre part, une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ;

- le titre II, qui comporte un article unique, vise à mieux protéger les parents vivant seuls avec leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires en améliorant les mécanismes de garantie existants ;

- le titre III, composé de onze articles, renforce les dispositifs de protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité ;

- les six articles du titre IV déclinent, dans la vie politique et la vie professionnelle, le principe constitutionnel de parité ;

- enfin, le titre V comporte deux articles précisant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions, ainsi que les conditions d'application du texte outre-mer.

La commission des lois, saisie au fond sur ce texte, a délégué à notre commission l'examen de quatre articles inscrits aux titres I er et II, sur lesquels je vais maintenant concentrer mon propos.

Le premier d'entre eux est l'article 2, qui contient la mesure-phare du projet de loi : la réforme du complément de libre choix d'activité (CLCA).

Troisième des quatre prestations composant la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), le CLCA s'adresse aux parents - pères ou mères - d'enfants de moins de trois ans qui s'arrêtent de travailler ou réduisent leur activité professionnelle pour s'occuper de leur jeune enfant. Il vise à compenser, au moins en partie, la perte de revenu induite par ce changement de situation. Le CLCA peut être perçu à taux plein lorsque le parent ne travaille plus ou à taux partiel lorsque le parent poursuit son activité à temps partiel.

L'ouverture du droit au CLCA est subordonnée à l'exercice d'une activité professionnelle antérieure pendant une période de référence dont la durée varie en fonction du nombre d'enfants à charge. Elle n'est, en revanche, pas soumise à condition de ressources. Son montant est toutefois modulé selon que la famille perçoit ou non l'allocation de base de la Paje ; il dépend également du degré d'interruption d'activité.

Le CLCA est versé pendant une durée maximale de six mois pour un premier enfant ; jusqu'au mois précédant le troisième anniversaire de l'enfant à partir du deuxième.

Tout allocataire du CLCA n'est pas nécessairement bénéficiaire d'un congé parental d'éducation. Ainsi en est-il d'une personne qui ne remplit pas la condition d'ancienneté minimale d'une année requise pour prétendre à ce congé. A l'inverse, tout bénéficiaire d'un congé parental d'éducation n'est pas systématiquement allocataire du CLCA. C'est le cas d'une personne ne satisfaisant pas la condition d'activité préalable exigée pour bénéficier de ce complément. Congé parental et CLCA sont donc des dispositifs liés, mais non réciproques.

Au 31 décembre 2012, la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) comptabilisait près de 530 000 bénéficiaires du CLCA. Ce chiffre confirme l'aspiration de nombre de parents à réduire ou à cesser leur activité professionnelle afin de consacrer plus de temps à l'éducation de leur jeune enfant.

Cependant, 96,5 % des bénéficiaires du CLCA sont des femmes, taux qui reste relativement stable depuis sa création. Seuls 18 000 pères y ont aujourd'hui recours.

La conclusion est sans appel : la réduction ou l'arrêt d'activité professionnelle après l'arrivée d'un enfant demeure quasi exclusivement le fait des femmes. Le CLCA n'a donc pas permis d'infléchir l'inégale répartition des rôles entre les mères et les pères ; il a, au contraire, contribué à l'entretenir.

En outre, plusieurs études montrent clairement que le CLCA, en ouvrant la possibilité de continuer à travailler à temps partiel, a surtout profité aux mères de famille diplômées. A l'inverse, les femmes les moins qualifiées ont eu davantage recours au CLCA à taux plein, l'interruption d'activité qui en découle entraînant un risque accru d'éloignement du marché du travail.

Partant de ce constat, la réforme proposée par le Gouvernement poursuit deux principaux objectifs : inciter les pères à recourir au CLCA et permettre ainsi un partage plus équilibré des responsabilités parentales et favoriser le retour à l'emploi des mères qui le souhaitent en évitant par là même leur trop long éloignement du marché du travail.

Pour ce faire, l'article 2 crée une période de partage des droits au CLCA entre les parents, qui s'appliquera pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1 er juillet 2014.

La durée initiale de versement du complément, qui sera fixée par décret, dépendra - comme aujourd'hui - du rang de l'enfant : elle sera de six mois pour le premier, de trente mois à partir du deuxième.

Cette durée initiale pourra être prolongée de six mois à condition que les deux parents aient recours au CLCA. La durée totale de versement du complément sera alors portée à douze mois pour un premier enfant, à trente-six mois à partir du deuxième.

En pratique, pour les couples n'ayant qu'un enfant, ces six mois supplémentaires s'ajouteront aux actuels six mois déjà prévus par le code de la sécurité sociale ; pour les couples ayant deux enfants ou plus, qui bénéficient d'une interruption d'activité de trois ans, six mois seront réservés au second parent.

Par construction, les familles monoparentales ne seront pas concernées par ce dispositif de partage ; leurs droits actuels seront donc maintenus.

La fixation de la période de partage à six mois est une première étape. Le Gouvernement se laisse la possibilité de la faire évoluer en fonction de la capacité de la réforme à atteindre ses objectifs.

Je vous présenterai tout à l'heure deux amendements visant, pour le premier, à préciser la rédaction de l'article 2 s'agissant du renvoi au décret d'application et de la date d'entrée en vigueur de la réforme, pour le second, à modifier le nom du CLCA sachant que le recours à cette prestation n'est pas toujours l'expression d'un libre choix.

Quels sont les effets attendus de cette réforme ? Tout d'abord, une augmentation du taux de recours au CLCA par les pères à l'image de ce qui a été observé en Allemagne à l'occasion de la réforme de l'allocation parentale d'éducation en 2007, qui prévoyait également l'attribution de mois supplémentaires en cas d'interruption d'activité par le second parent. Trois ans après sa mise en oeuvre, la proportion de pères interrompant leur activité pour s'occuper de leur jeune enfant a été multipliée par six. En transposant cette progression à la France, ce sont donc près de 100 000 pères qui seraient concernés d'ici 2017, date à laquelle la réforme commencerait à produire pleinement ses effets.

Ensuite, un retour anticipé des mères à l'emploi, atténuerait l'effet négatif de l'interruption d'activité sur l'évolution des salaires et des carrières professionnelles pour celles qui sont les mieux insérées sur le marché du travail, et sur la capacité des plus précaires d'entre elles à réintégrer ce même marché.

Enfin, il est vrai que cette réforme exercera mécaniquement une pression sur le besoin de places d'accueil d'enfants de moins de trois ans. C'est pourquoi elle est indissociable du plan ambitieux pour l'accueil de la petite enfance présenté par le Premier ministre le 3 juin dernier dans le cadre de la rénovation de la politique familiale et qui prévoit le développement de 275 000 nouvelles solutions d'accueil de jeunes enfants.

Notre commission est également saisie de deux articles du projet de loi visant à faire progresser l'égalité professionnelle et à garantir à tous les professionnels les mêmes droits face aux discriminations liées à la maternité et à la parentalité.

L'article 4 améliore la protection des collaborateurs libéraux contre la rupture de leur contrat de collaboration en cas de maternité ou de paternité et, de manière plus générale, contre les discriminations.

La collaboration libérale est une modalité d'exercice des professions à statut réglementé qui permet à un professionnel de travailler en toute indépendance auprès d'un autre professionnel sans lien de subordination, dans une relation qui n'est pas celle du salariat. Particulièrement utilisé chez les avocats, le contrat de collaboration libérale n'est pas un contrat de travail : les dispositions protectrices du code du travail en matière de congé de maternité et de congé de paternité et d'accueil de l'enfant, en particulier la protection contre le licenciement, ne sont pas applicables à son titulaire. Ce point a été rappelé à plusieurs reprises par la jurisprudence.

Cet article instaure donc, au retour d'une suspension temporaire de la collaboration à la suite d'une grossesse ou d'un congé de paternité, une période de huit semaines durant laquelle le contrat de collaboration ne pourra être rompu.

Je vous proposerai, à cet article, un amendement rédactionnel.

L'article 5 apporte une réponse originale au constat très largement partagé selon lequel l'inégale répartition au sein du couple des tâches domestiques et familiales est l'une des principales causes des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.

Afin de permettre une meilleure conciliation entre la carrière professionnelle et la vie privée et familiale, cet article ouvre aux salariés, à titre expérimental, la possibilité de transformer les droits accumulés sur leur compte épargne-temps (CET) en chèques emploi-service universels (Cesu). Le but est de financer des prestations de service à la personne, notamment la rémunération d'un assistant maternel agréé ou le paiement d'un autre mode d'accueil collectif.

Cette expérimentation durera deux ans à compter de la publication de son décret d'application ou, à défaut, du 1 er juillet 2014. Je vous proposerai à cet article un amendement afin de préciser que l'intégralité du CET ne peut être ainsi convertie. En effet, cette mesure ne doit pas conduire à un détournement du CET de son objet d'origine, qui est le financement de congés pour le salarié ou l'octroi d'une rémunération complémentaire.

Par ailleurs, les partenaires sociaux ont conclu le 19 juin dernier un accord national interprofessionnel (Ani) intitulé « Vers une politique d'amélioration de la qualité de vie au travail et de l'égalité professionnelle ». Il cherche à relancer, dans les entreprises et les branches, une dynamique vertueuse de négociation sur l'égalité professionnelle et salariale, et à assurer une meilleure sécurisation des parcours des salariés en congé parental d'éducation. Nous aurons l'occasion, lors de l'examen du projet de loi en séance publique, de débattre avec le Gouvernement des amendements que celui-ci nous proposera pour transposer l'accord.

Dernière disposition du projet de loi à nous avoir été confiée, l'article 6 vise à mieux protéger les parents vivant seuls avec leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires.

Lors de la Conférence de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de décembre 2012, les familles monoparentales ont été identifiées comme un public prioritaire puisque leur taux de pauvreté dépasse les 32 %. Dans 85 % des cas, ces familles sont constituées d'une mère vivant seule avec ses enfants. Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, adopté à l'issue de cette conférence, souligne la nécessité de mieux protéger ces femmes contre les impayés de pensions alimentaires. En effet, 40 % des pensions alimentaires sont aujourd'hui payées de façon irrégulière alors qu'elles représentent près d'un cinquième du revenu des familles monoparentales les plus pauvres. Il en résulte une fragilisation des femmes élevant seules leurs enfants, qui peuvent rapidement basculer dans la précarité.

Dans un premier temps, le Gouvernement s'est engagé à revaloriser le montant de l'allocation de soutien familial (ASF), versée à titre d'avance sur pension alimentaire impayée, de 25 % à l'horizon 2018. Les 735 000 familles allocataires de l'ASF verront ainsi, à terme, leur aide augmenter de près de 40 euros par mois en moyenne.

Dans un second temps, le Gouvernement souhaite pouvoir engager une expérimentation pour renforcer les mécanismes de garantie contre les impayés de pensions alimentaires, en s'appuyant sur les caisses d'allocations familiales (Caf).

L'article 6 en définit les conditions. D'une durée de trois ans, l'expérimentation sera conduite par les Caf d'une dizaine de départements et comprendra trois principaux volets :

- le premier améliorera la transmission des informations relatives à la situation du débiteur d'aliments (adresse, solvabilité) dans le but de faciliter la fixation de la pension par le juge aux affaires familiales. Les Caf seront ainsi autorisées à transmettre au parent créancier les renseignements dont elles disposent sur le parent débiteur afin qu'il puisse saisir le juge ; elles pourront également adresser directement ces informations au juge, ce qu'elles ne peuvent faire actuellement ;

- le deuxième volet ouvrira le droit à l'ASF dite différentielle à tout parent créancier d'une pension alimentaire de faible montant, même lorsque le parent débiteur s'acquitte intégralement du paiement de cette pension. Le régime actuel désavantage en effet les parents débiteurs qui font l'effort de payer intégralement la pension alimentaire puisque, dans ce cas, le parent créancier ne peut bénéficier de l'ASF différentielle. Il sera donc mis fin à cette incohérence en uniformisant l'ouverture du droit à l'ASF différentielle pour les « petites » pensions alimentaires ;

- le troisième volet renforcera les moyens juridiques dont disposent les Caf pour recouvrer les impayés de pensions auprès des débiteurs. Elles pourront désormais utiliser la procédure de paiement direct pour recouvrer jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés contre les six derniers mois actuellement. Elles pourront également saisir sur le salaire du débiteur jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés, procédure à laquelle elles n'ont aujourd'hui pas accès.

Dans les neuf mois précédant la fin de l'expérimentation, un rapport d'évaluation sera transmis au Parlement en vue de savoir si celle-ci a vocation à être généralisée à l'ensemble du territoire.

Je vous proposerai deux amendements visant à compléter le contenu de cette expérimentation.

Madame la Présidente, mes chers collègues, vous me pardonnerez, je l'espère, cette présentation un peu longue mais néanmoins nécessaire compte tenu des enjeux et de l'approche intégrée de ce projet de loi-cadre.

Je suis convaincue qu'il est porteur de nouvelles avancées pour cette grande cause qu'est l'égalité entre les femmes et les hommes. Trente ans après l'adoption de la loi « Roudy », il est temps d'accélérer le pas pour surmonter les derniers obstacles qui nous séparent encore de la société réellement égalitaire que nous appelons tous ici de nos voeux.

Mme Catherine Procaccia. - A titre personnel, j'estime délicat de prendre une position précise sur un texte dont nous partageons forcément tous l'objectif. Plusieurs débats ont déjà eu lieu au Sénat sur le thème de l'égalité entre les femmes et les hommes mais les progrès sont lents.

Je souhaiterais que vous m'indiquiez si ma compréhension du CLCA est exacte. En l'état actuel du droit, les parents peuvent en bénéficier pendant trois ans. Dans le cadre du dispositif proposé, si l'un des parents refusait d'avoir recours au CLCA, l'autre parent ne pourrait-il bien en bénéficier que pendant deux ans et demi ?

Je pense que l'égalité entre les femmes et les hommes passe non par la possibilité mais par l'obligation pour les pères de recourir à un congé parental. Obligeons les donc à recourir pendant au moins six mois au CLCA ! Afin que la situation s'améliore, il faut en effet que les hommes soient confrontés aux mêmes contraintes que les femmes. A cet égard, le dispositif prévu dans le texte du Gouvernement me paraît être une demi-mesure, notamment parce que les femmes n'auront plus la possibilité de prendre un CLCA de trois ans. J'exprime ici une position personnelle que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer mais qui n'était alors partagée ni par mon groupe, ni par le groupe socialiste.

Vous proposez une comparaison avec l'Allemagne. Compte tenu de la pénurie de crèches et de la situation professionnelle des femmes dans ce pays, je suis toutefois loin d'être certaine que l'on puisse transposer le dispositif allemand à la France.

Enfin, s'agissant des Caf, je me félicite du rôle qu'elles seront appelées à jouer dans le recouvrement direct des impayés de pensions alimentaires auprès des débiteurs. J'espère que le dispositif sera véritablement opérationnel.

M. René-Paul Savary. - Votre rapport est très précis et je vous en félicite.

Toutefois l'un des arguments sur lesquels se fonde le projet de loi ne me paraît pas satisfaisant. Il s'agit du risque d'éloignement du marché du travail que courent les femmes bénéficiaires du CLCA. Les pères qui en bénéficieront, si le dispositif proposé est mis en oeuvre, courront le même risque ! Sur ce point, la réforme est ambiguë et, à mon sens, l'argument ne tient pas.

S'agissant de la possibilité de recourir au Cesu à partir du CET, bien que la mesure soit louable, j'y vois une forme de dévoiement. Il conviendrait, par ailleurs, d'étudier la compatibilité du dispositif proposé avec la fiscalité des emplois à domicile qui a été modifiée à l'automne dernier.

Pour terminer, je suis tout à fait favorable à la mission impartie aux Caf en matière de recouvrement d'impayés. Mais il faudra prendre garde à ce que son articulation avec le revenu de solidarité active (RSA) ne génère pas des impayés supplémentaires non recouvrables, notamment dans le cadre du RSA socle. Il s'agit en effet de dépenses très importantes pour les départements.

Mme Catherine Génisson. - Je pense que le sujet de l'égalité professionnelle doit être abordé en traitant davantage du problème des femmes en situation de précarité que de celui du « plafond de verre ».

L'égalité professionnelle doit aboutir à l'égalité salariale. Celle-ci constitue l'aboutissement de toute une série de mesures en matière de non-discrimination dans l'accès à la formation, à l'embauche, à la promotion ou encore s'agissant des conditions de travail. Or nous constatons encore des écarts de salaires qui vont de 20 % à 30 %. Compte tenu de ces inégalités, le choix du bénéficiaire du CLCA au sein d'un couple est souvent évident.

Pour répondre à René-Paul Savary, le congé parental concerne surtout les femmes en situation de grande précarité, ce qui complique leur retour sur le marché du travail.

Je suis assez d'accord avec Catherine Procaccia : si nous voulons vraiment atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes, il faut instaurer un véritable partage obligatoire des tâches.

Enfin, pourquoi obliger les parents à prendre leur congé parental d'une durée maximale de trois ans à compter de la naissance de l'enfant en une seule fois? On pourrait songer à la possibilité d'un congé parental fractionné, notamment pour les parents dont les enfants ont des difficultés à un moment de leur parcours scolaire. C'était d'ailleurs une des mesures préconisées dans un rapport que j'ai élaboré il y a plusieurs années à l'attention du Premier ministre Lionel Jospin. Tel qu'il est conçu aujourd'hui, le congé parental constitue en tout cas une trappe à pauvreté.

Mme Laurence Cohen. - Ce n'est pas forcément un hasard si le Sénat est appelé à débattre en premier de ce texte. J'y vois un appel à enrichir le projet de loi.

Je reviens au risque d'éloignement du marché du travail induit par le congé parental. Il n'est pas étonnant qu'il concerne au premier chef les femmes puisque ce sont elles qui y recourent très majoritairement, compte tenu des inégalités salariales dont elles pâtissent. Afin que les parents en congé parental puissent garder un lien avec le marché du travail, il conviendrait de prévoir un accès à un bilan de compétences, une validation des acquis de l'expérience ou à une formation. En la matière, les dispositifs législatifs prévus ne sont trop souvent pas réellement appliqués. Quelles passerelles pouvons-nous créer afin que la femme en fin de congé parental ne se trouve pas totalement démunie dans le retour à l'emploi ?

La possibilité de fractionner ce congé est une piste intéressante mais je pense qu'il faudra d'abord régler le problème de l'accès à la prise en charge des jeunes enfants.

Bon nombre d'associations féministes revendiquent un congé parental plus court mais mieux rémunéré. Cette proposition mérite également d'être étudiée.

Enfin, je pense que nous ne réglerons pas le problème de la précarité des femmes en traitant uniquement celui des pensions alimentaires impayées. De nombreuses propositions pourraient être émises dans d'autres domaines. Je pense en particulier à la requalification de certains contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI).

Je partage les idées exprimées et les propositions formulées sur la parité mais nous devrons revenir sur le statut de l'élu. Cet examen profiterait tout particulièrement aux femmes compte tenu des inégalités qui perdurent.

Mme Annie David, présidente . - La commission des lois est saisie des articles relatifs à la parité mais nous pourrons lui faire part de cette observation.

M. Jean-François Husson. - Je voudrais soulever une question collatérale concernant le congé parental. Lorsqu'un salarié en bénéficie, il n'est plus en mesure de cumuler des droits en matière de prévoyance et de retraite. Cela constitue une difficulté. Il conviendrait d'imaginer une forme de « passerelle juridique » permettant à la personne de conserver certaines garanties alors même qu'elle est en congé parental. Une telle mesure serait source de davantage d'égalité et contribuerait à assurer le libre choix des salariés concernés. La question se pose également, de façon différente, pour les personnes affiliées au régime social des indépendants.

Je m'interroge sur l'opportunité de la comparaison avec l'Allemagne. Nos dispositifs de protection sociale sont loin d'être semblables et la natalité y est beaucoup moins dynamique qu'en France.

Dans son intervention, la rapporteure a effectué un rapprochement entre les dispositions contenues dans le projet de loi et le plan pour l'accueil de la petite enfance présenté en juin dernier, qu'elle a défini comme « ambitieux ». Certes, il est positif d'affirmer certains principes et de soulever des enjeux. Mais il convient également de réfléchir à la mobilisation des moyens adéquats ainsi qu'à la définition d'un partage des responsabilités financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

En matière d'égalité salariale, je ne parviens pas à comprendre comment, à responsabilité égale, les femmes continuent d'être moins bien payées que les hommes. Cette anomalie doit être corrigée.

Mme Muguette Dini . - Je remercie la rapporteure pour la précision de son exposé et me réjouis du fait que nous puissions discuter de ce texte, notamment de son volet relatif aux violences faites aux femmes qui est traité par la commission des lois.

Certaines mères sont aujourd'hui confrontées à l'irresponsabilité de pères qui refusent de payer les pensions alimentaires et se rendent insolvables volontairement. Je suis donc favorable à l'expérimentation qui nous est proposée. Mais ne risque-t-on pas de contribuer à renforcer ce penchant à l'irresponsabilité en garantissant, quel que soit le comportement du père, un minimum de ressources pour la mère ?

Je suis favorable au fait d'inscrire dans la loi la possibilité d'un partage du CLCA entre les deux parents. Nombre de pères se sentiront certainement davantage soutenus dans leur démarche par la société lorsqu'ils feront le choix de bénéficier de la prestation. Mais ne va-t-on pas un peu vite ? Nous parlons de mères qui sont souvent en situation précaire, dont le contrat de travail est suspendu et qui vont devoir reprendre leur activité avant l'entrée de leur enfant à la maternelle. Durant le laps de temps qui sépare l'arrêt du versement de la prestation de la rentrée scolaire, comment l'enfant pourra-t-il être pris en charge ? Il me semble que nous n'avons pas suffisamment réfléchi à la façon dont des structures collectives pourront prendre le relai de la mère afin qu'elle ne soit pas confrontée au risque d'être licenciée. Il y a là bien évidemment un enjeu financier. Ouvrir des places en crèche pour des durées très limitées ne serait pas adapté. Les jardins d'éveil, quant à eux, sont très peu nombreux et ne peuvent être créés qu'avec l'accord de la commune. Toutes ces interrogations me confortent dans l'idée que la création de maisons d'assistants maternels devrait être encouragée.

L'idée de bénéficier d'une formation pendant la durée de versement du CLCA a été évoquée. Mais comment assurer la garde de l'enfant durant ces périodes de formation ?

Au final, nous n'avons que peu d'informations sur l'impact du CLCA tel qu'il existe actuellement ni sur les évolutions qui nous sont proposées. Si je suis favorable au principe même de la réforme, je suis donc plus réservée quant aux modalités de sa mise en oeuvre.

Mme Gisèle Printz . - A combien s'élève le CLCA ? En Allemagne, les hommes peuvent toucher jusqu'à 1 900 euros par mois.

Il faudrait développer les crèches et mettre en avant le rôle que peut jouer la solidarité familiale pour assurer la garde des enfants.

La route vers l'égalité entre les femmes et les hommes est encore longue mais il faut se souvenir qu'il n'y a pas si longtemps, une femme souhaitant travailler devait en demander l'autorisation à son mari !

Mme Patricia Schillinger . - Comme Catherine Génisson, je suis très favorable au fait de pouvoir fractionner dans le temps le congé parental.

Un dispositif de médiation a-t-il été prévu dans les cas où les deux parents demanderaient à bénéficier du CLCA sans parvenir à se mettre d'accord ?

Dans certaines entreprises, trouver un remplaçant pour une personne qui demande un congé parental prend du temps. La question des délais auxquels pourraient être soumis les parents pour bénéficier du congé parental ou du CLCA est-elle évoquée dans le projet de loi ?

Enfin, comment s'organise le congé parental en cas de naissances multiples ?

Mme Catherine Procaccia . - En réponse aux préoccupations de Jean-François Husson, j'indiquerai que de premières avancées ont été prévues dans une loi de 2006 qui autorise les personnes dont le contrat de travail est suspendu à continuer de verser des sommes sur le plan d'épargne d'entreprise. Mais il est nécessaire d'aller plus loin.

La question soulevée par Muguette Dini n'est pas résolue. Il faudrait inscrire dans la loi l'interdiction de rompre le contrat de travail jusqu'à la rentrée scolaire la plus proche. Il s'agit d'une proposition que j'ai déjà défendue au Sénat.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis . - Je vous remercie pour ces échanges qui enrichissent notre réflexion. Ainsi que l'a pointé très justement Catherine Génisson, la question de l'égalité salariale constitue l'une des clés d'entrée dans le débat. Il est évident que si cette égalité était atteinte, la teneur de nos échanges serait d'une nature très différente.

Il est certain, comme vous l'avez justement souligné, que ce projet de loi a vocation à être enrichi et amélioré. C'est ainsi que le conçoit la ministre et nous devons nous montrer créatifs. Les travaux de la délégation aux droits des femmes, qui a par exemple recommandé d'étendre le congé paternité de onze jours à quatre semaines et de le rendre obligatoire et fractionnable, vont dans ce sens.

En ce qui concerne les questions de formation et d'emploi liées au congé parental, le Gouvernement a indiqué qu'il ferait plusieurs propositions d'amendements en séance publique dans le cadre de la transposition de l'accord national interprofessionnel (Ani) du 19 juin 2013. Il s'agirait notamment de prévoir, quelques mois avant la reprise du travail, un rendez-vous permettant de faire un point d'étape avec l'employeur, le directeur des ressources humaines ou toute autre instance compétente.

Le but des dispositions relatives au CLCA est d'instaurer un véritable partage de la responsabilité parentale qui permette à la fois de modifier la posture des parents dans la cellule familiale et de déconstruire les schémas et les stéréotypes qui existent sur cette question. Il est vrai que la réduction de trois ans à deux ans et demi de la durée maximale du CLCA à partir du deuxième enfant, dans le cas où seul l'un des deux parents décide d'y recourir, peut poser problème en raison des difficultés d'accès à l'école maternelle avant trois ans. C'est pourquoi le Gouvernement réfléchit à mettre en place un dispositif de tuilage ou de prolongation jusqu'à la rentrée scolaire qui permettrait de résoudre ces problèmes ; rien cependant n'est encore fixé et nous en saurons davantage en séance publique. Par ailleurs, des moyens supplémentaires pour l'accueil de la petite enfance sont déjà prévus : la convention d'objectifs et de gestion (Cog) signée entre la Cnaf et l'État prévoit une augmentation de 7,5 % par an des ressources du fonds national d'action sociale (Fnas), notamment pour ce poste. D'une manière générale, les moyens de la Cnaf vont être augmentés, ne serait-ce que pour la mise en place du dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires.

S'agissant des personnes que l'on peut considérer comme étant « hors d'état » de s'acquitter du versement d'une pension alimentaire - soit qu'elles soient insolvables, soit qu'elles soient incarcérées ou encore qu'elles ne résident pas en France -, j'ai prévu un amendement qui propose que, dans le cadre de l'expérimentation définie à l'article 6 du projet de loi, les conditions dans lesquelles un parent peut être considéré comme « hors d'état » de faire face à son obligation d'entretien soient définies par décret.

Le montant du CLCA dépend à la fois de la réduction d'activité du parent qui sollicite cette prestation et de la perception de l'allocation de base de la Paje. Pour un arrêt total d'activité, le CLCA versé s'élève ainsi respectivement à 388,19 euros par mois ou 572,81 euros selon que la famille perçoit ou non l'allocation de base de la Paje. Pour une activité professionnelle inférieure ou égale à un mi-temps ou une formation professionnelle rémunérée, son montant est de 250,95 ou 435,57 euros par mois selon les mêmes conditions. Enfin, pour une activité professionnelle comprise entre 50 et 80 %, il s'élève à 144,77 ou 329,28 euros. Il est à noter que le CLCA versé n'est pas proportionnel au salaire du parent qui en sollicite le bénéfice.

Mme Catherine Procaccia . - S'agissant des délais de reprise du travail, des dispositions figurent déjà dans le code du travail et dans certaines conventions collectives.

M. Ronan Kerdraon . - Parmi les solutions complémentaires pour l'accueil des jeunes enfants - jardins d'éveil, crèches, assistants maternels, on oublie souvent une solution alternative en partie financée par les collectivités territoriales - et que l'État devrait à mon avis financer davantage : les classes passerelle adossées aux maisons de la petite enfance. Ces classes offrent une solution pédagogique dans laquelle interviennent à la fois des enseignants et des éducateurs spécialisés pour la petite enfance. Elles sont très différentes des jardins d'éveil, qui sont le plus souvent mis en place dans l'enseignement privé et sans autorisation de la collectivité.

Mme Muguette Dini . - Nous évoquions tout à l'heure la question de l'égalité salariale. À mon avis, on ne peut pas penser que l'égalité salariale dans la sphère professionnelle, entre hommes et femmes exerçant un même métier, va régler l'inégalité salariale à l'intérieur du couple.

Mme Annie David, présidente. - Disposons-nous d'études indiquant le niveau de salaire des 18 000 hommes qui ont choisi de recourir au CLCA, ainsi que celui de leur compagne ? Il pourrait être intéressant d'examiner leur profil afin de comprendre les raisons qui les poussent à demander le bénéfice de cette allocation.

Je regrette que ce texte parle d'égalité professionnelle de manière générale alors que c'est bien l'égalité salariale qu'il faut chercher à atteindre. J'espère que le Gouvernement déposera des amendements visant à améliorer ce point précis. Je sais qu'il existe déjà des dispositifs en ce sens, et que des pénalités ont déjà été prononcées à l'encontre de certaines entreprises qui ne respectent pas leurs obligations de négociation, mais elles sont encore peu appliquées.

La modification du régime du CLCA va entraîner en pratique une économie de six mois de prestation pour la Cnaf dans certains cas où seul un parent décide d'y recourir. Comment est-il prévu d'utiliser cet argent ? Permettra-t-il de financer la création de places en crèche ? Il ne s'agirait pas que cette économie serve à alimenter le budget de l'État.

Sur la question de la lutte contre les stéréotypes, je crois qu'il est nécessaire, pour que les mentalités changent, de faire évoluer l'organisation de la société dans son ensemble. Des choses aussi simples qu'éviter de programmer des réunions importantes le mercredi après-midi pourraient permettre aux femmes de prendre toute leur place dans la sphère professionnelle.

Mme Catherine Procaccia . - Pour les femmes qui ont adapté leur temps de travail à la semaine scolaire de quatre jours, le passage à la semaine de quatre jours et demi va d'ailleurs poser problème.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis . - Nous n'avons pas d'indications plus précises sur le profil des 18 000 pères ayant aujourd'hui recours au CLCA. Ils appartiennent souvent à des catégories sociales plus averties que les autres.

Nous devrons demander au Gouvernement de confirmer que, comme il s'y est engagé, les éventuelles économies dégagées par la réforme du CLCA bénéficieront bien à l'accueil de la petite enfance.

J'en viens à la présentation des amendements évoqués dans mon exposé liminaire.

Le premier d'entre eux vise à modifier l'intitulé de la prestation du CLCA en « prestation partagée d'accueil de l'enfant ». Il s'agit de tenir compte du fait que ce dispositif n'est pas toujours l'expression d'un libre-choix.

Mme Catherine Procaccia . - Quelles seraient les incidences de ce changement, en particulier sur le plan financier, pour l'administration ? Les bonnes intentions peuvent parfois déboucher sur des coûts importants. C'est pourquoi je préfère m'abstenir.

L'amendement n° 1 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 2 est de nature rédactionnelle. Il modifie, au sein du projet de loi, la place de la disposition relative à la date d'entrée en vigueur de la réforme du CLCA afin d'en accroître la lisibilité.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Il en va de même de l'amendement n° 3 qui réécrit l'article 4 du projet de loi, consacré à la protection des collaborateurs libéraux contre les discriminations liées à la maternité et à la parentalité, afin d'en améliorer l'intelligibilité, d'assurer la transposition exacte des mécanismes existant à l'heure actuelle dans le code du travail et de corriger des erreurs de rédaction.

L'amendement n° 3 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 4 modifie le régime sous lequel sera conduite l'expérimentation visant à permettre aux salariés qui le souhaitent de transformer les droits qu'ils ont acquis sur leur CET en Cesu afin de financer des prestations de service à la personne.

Mme Annie David, présidente . - A titre personnel, je suis en désaccord avec le dispositif du CET et m'abstiendrai donc sur cet amendement.

Mme Laurence Cohen . - Je souhaiterais obtenir davantage de précision sur le dispositif proposé.

Mme Annie David, présidente . - L'article 5 du projet de loi prévoit la possibilité de transformer les droits accumulés sur le CET en Cesu.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Le présent amendement prévoit que seule une partie et non la totalité des droits affectés sur le CET pourra être utilisée de cette façon afin de garantir que le CET ne soit pas détourné de son objet initial.

Mme Catherine Génisson . - Selon quelles modalités la part maximale de droits convertibles sera-t-elle définie ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement propose que l'accord collectif qui institue le CET prévoie la possibilité de liquider une partie de son contenu sous la forme de Cesu.

Mme Catherine Procaccia . - Cet amendement constitue un premier pas mais je m'abstiendrai. Il risque de créer une nouvelle inégalité entre les hommes et les femmes. Celles-ci seront davantage conduites à consommer des droits accumulés sur leur CET en Cesu.

Mme Annie David, présidente . - Mais la mesure n'est pas réservée aux femmes. Elle concerne également les hommes.

Mme Catherine Procaccia. - Dans ce cas, il faut prévoir un partage égalitaire et obligatoire entre les parents, à défaut de quoi les femmes seront majoritaires dans le recours à ce dispositif. En outre, tout le monde ne bénéficie pas d'un CET dans les entreprises, ce qui est, là aussi, source d'inégalité.

Mme Annie David, présidente . - Il est vrai que toutes les entreprises n'ont pas mis en place de CET, notamment dans le secteur du bâtiment.

Mme Catherine Génisson . - L'argument de Catherine Procaccia est important. Votre amendement permet d'améliorer le texte mais je crains également que le dispositif ne s'avère discriminatoire à l'encontre des femmes.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Je rappelle que ce dispositif est une expérimentation d'une durée de deux ans qui sera évaluée à son terme.

Mme Annie David, présidente . - Malgré les réserves exprimées par les unes et les autres, cet amendement constitue une amélioration par rapport au texte initial.

L'amendement n° 4 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 5 reprend l'une des préconisations formulées par l'Inspection générale des affaires sociales dans son rapport comparatif de janvier 2013 sur la politique d'égalité professionnelle. Il s'agit d'inscrire à la liste des discriminations prohibées par le droit du travail les traitements défavorables liés à l'utilisation des congés parentaux.

L'amendement n° 5 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 6 a pour objet d'élargir le champ du rapport de situation comparée afin qu'il traite des questions de sécurité et de santé au travail.

Mme Catherine Génisson. - Je suis favorable à l'amendement mais opposée à la façon dont est rédigé l'exposé des motifs. Le rapport de situation comparée effectue déjà une analyse genrée. Pourquoi indiquer en plus qu'il s'agira d'étudier les difficultés particulières auxquelles sont confrontées les femmes ? Cela ne fait qu'entretenir les discriminations.

Mme Annie David, présidente. - Il n'en demeure pas moins que ce sont souvent les femmes qui sont les premières victimes d'une organisation décousue du temps de travail.

L'amendement n° 6 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 7 reprend l'une des dispositions de la proposition de loi de Claire-Lise Campion relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Adopté par le Sénat le 16 février 2012, le texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. L'objectif est d'imposer une pénalité financière d'un montant de 1 % de leur masse salariale aux entreprises qui ne transmettent pas à l'inspecteur du travail leur rapport de situation comparée dans les délais prévus.

Mme Catherine Génisson . - Cet amendement illustre le fait qu'il est très difficile d'inclure les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes (PME) dans la politique d'égalité professionnelle.

Mme Annie David, présidente. - La question que vous soulevez renvoie à celle de l'organisation du dialogue social dans ces entreprises.

Mme Muguette Dini. - Le nombre de salariés concernés est pourtant important.

L'amendement n° 7 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 8 vise à étendre l'expérimentation prévue à l'article 6 sur les impayés de pensions alimentaires aux personnes qui ne bénéficient pas de l'allocation de soutien familial.

Enfin, l'amendement n° 9 renvoie à un décret la définition des conditions dans lesquelles un parent est considéré comme « hors d'état de faire face à son obligation d'entretien », celles-ci étant pour le moment très floues.

Les amendements n os 8 et 9 sont adoptés.

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