C. LA NÉCESSITÉ DE RÉDUIRE LA MASSE SALARIALE

1. La maîtrise de la masse salariale, pierre d'achoppement de la précédente programmation

Entre 2008 et 2012, les dépenses de rémunération des militaires du ministère de la défense ont progressé de 5,5 %, alors que, sur la même période, les effectifs militaires ont diminué de 8,6 % et que la LPM 2009-2014 tablait sur d'importantes économies pour assurer son équilibre. Les crédits inscrits en titre 2 se sont révélés systématiquement insuffisants, nécessitant un abondement par loi de finances rectificative de 213 millions d'euros en 2010, 158 millions d'euros en 2011 et 474 millions d'euros en 2012.

Alertée par cette dérive persistante de la masse salariale du ministère de la défense, votre commission des finances a demandé à la Cour des comptes, en application des dispositions de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), de réaliser une enquête sur les rémunérations des militaires et leur évolution depuis 2009.

Selon l'enquête de la Cour des comptes 17 ( * ) , la surconsommation des crédits de personnel tient essentiellement :

- aux mesures de revalorisation des carrières ;

- à un défaut de maîtrise de l'avancement ;

- à une tendance à l'allongement des carrières liée à la réforme des retraites.

Sont ainsi particulièrement visées les conditions de mise en oeuvre du plan d'amélioration de la condition des personnels prévu par la loi de programmation militaire 2009-2014 mais engagé dès 2008. Ce plan, souligne la Cour des comptes, comporte « deux volets intrinsèquement liés : une revalorisation des grilles indiciaires et une refonte des procédures statutaires d'avancement de grade et d'échelon. Ces deux dimensions sont cumulatives. Ainsi, tout militaire qui entre dans la réforme bénéficie, de manière instantanée, d'un indice plus élevé qu'auparavant à grade et échelon égal. En outre, l'avancement dans les échelons est accéléré pour de nombreux grades. »

Votre rapporteur estime qu'une amélioration des conditions des personnels militaires était effectivement nécessaire, mais que la mise en oeuvre de ce plan n'était budgétairement viable qu'à condition que les effectifs cibles par grades soient précisément définis et respectés.

Cela n'a malheureusement pas été le cas. La Cour des comptes relève ainsi que « la revalorisation indiciaire et l'accélération des carrières ont produit une augmentation significative du glissement vieillesse technicité (GVT) » et donne plusieurs causes à ce phénomène : « des réductions d'effectifs qui ont plus affecté les premiers grades à la rémunération plus faible, que les plus hauts grades, conduisant à un repyramidage au profit des niveaux les plus élevés ; une faible sélectivité pour certains avancements ».

Le ministère de la défense a dû trouver les ressources nécessaires pour financer les insuffisances récurrentes du titre 2, « en redéployant, en particulier en 2012, des crédits destinés aux équipements, en contradiction avec les principes de la LOLF ».

Vos rapporteurs spéciaux de la mission « Défense » notaient déjà dans leur contribution au rapport sur la loi de règlement pour 2012 « qu'alors que les économies réalisées sur la masse salariale devaient aider au financement de l'équipement des forces , on assiste au phénomène contraire » .

Le RAP 2012 de la mission « Défense » explique ainsi, s'agissant du programme 146 « Équipement des forces », que le décret d'avance « a annulé des crédits à hauteur de 234,94 millions d'euros en AE et 176,62 millions en CP sur le hors titre 2, destinés à financer les insuffisances du titre 2 et de carburant de la mission « Défense » ».

À peine un mois plus tard, la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a ouvert 195 millions d'euros supplémentaires en crédits de titre 2 et annulé 100 millions d'euros de crédits hors titre 2 sur le programme 146 « Équipement des forces ».

Comme le relève la Cour des comptes dans son analyse de l'exécution budgétaire de l'exercice 2012, « il est assez étonnant qu'une dépense aussi conséquente n'ait pas été anticipée au moment du décret d'avance, ce qui pose avec une acuité renouvelée la question de la gestion et de la programmation de la masse salariale du ministère ».

Les dysfonctionnements du système de paie Louvois ont sans doute contribué à perturber l'exécution budgétaire. Leurs coûts, effectivement difficilement prévisibles, ne suffisent cependant pas à expliquer la surconsommation de crédits constatée en 2012 qui révèle, d'une part, un défaut de programmation budgétaire (sous-estimation du GVT et surestimation des économies à attendre de la réduction des effectifs) et, d'autre part, une évolution non maîtrisée et défavorable de la pyramide des effectifs .


* 17 Enquête remise ayant donné lieu à une audition publique pour suite à donner le 9 octobre 2013.

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