B. LE PROJET DE LOI VISE À PRÉCISER LES CRITÈRES DE L'AGRÉMENT ET À ÉTENDRE SA DÉLIVRANCE

L' article 7 du projet de loi opère une refonte complète de la définition de l'agrément solidaire, à travers une réécriture globale de l'article L. 3332-17-1 du code du travail, qui renvoie elle-même aux dispositions des articles 1 et 2 du projet de loi.

1. Définition de l'agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale »

L'agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » (ou agrément Esus), remplacera celui d'« entreprise solidaire ». Il ne pourra être accordé que si l'entreprise respecte les conditions posées par l'article 1 er du projet de loi.

La nouvelle définition de l'économie sociale et solidaire
prévue par l'article 1 er du projet de loi

L'article 1 er du projet de loi comporte deux volets : le premier définit les principes de l'ESS, tandis que le second adopte une approche organique en distinguant les formes juridiques de ce « mode d'entreprendre ».

Le premier volet définit les trois conditions essentielles en matière de gouvernance et de gestion que doivent suivre toute entité de l'ESS :

- son but ne doit pas être le seul partage des bénéfices ;

- sa gouvernance doit être démocratique, prévue par les statuts, avec une forte participation des parties prenantes ;

- sa gestion doit être atypique : ses bénéfices doivent être majoritairement utilisés pour maintenir ou développer l'activité, tandis que les réserves obligatoires constituées sont impartageables.

Le second volet reconnaît que les coopératives, les mutuelles, les fondations et les associations appartiennent de plein droit à l'ESS.

Le texte assimile également aux entreprises de l'ESS les sociétés commerciales si elles remplissent, outre les trois conditions essentielles vues précédemment, diverses conditions comme l'affectation d'une partie des bénéfices à la constitution de la « réserve statutaire » et au report bénéficiaire, ou encore l'interdiction du rachat de ses propres actions ou de parts sociales (sauf dans des cas prévus par décret).

Ces entreprises commerciales ne peuvent faire état de leur qualité d'entreprises de l'ESS que si elles sont valablement immatriculées auprès de l'autorité compétente.

Outre cette condition préalable évidente, l'agrément est accordé si cinq conditions cumulatives sont remplies.

Première condition : l'entreprise doit poursuivre comme objectif principal la recherche d'une utilité sociale , telle que définie à l'article 2. De fait, cet objectif peut être atteint de deux manières différentes :

- soit en apportant un soutien à des personnes en situation de fragilité, du fait de leur situation économique, sociale ou personnelle ;

- soit en contribuant à la préservation et au développement du lien social, au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ou de concourir au développement durable.

Deuxième condition : la charge induite par cet objectif d'utilité sociale doit affecter de manière significative le résultat de l'entreprise.

Cette condition a suscité de nombreuses interrogations lors des auditions de votre rapporteure pour avis.

Le Gouvernement indique pour sa part que cette disposition a pour but de mieux cibler le nouvel agrément sur les entreprises poursuivant une mission d'utilité sociale, dont la charge affecte de manière caractérisée son activité. Il est ainsi fait référence à la méthodologie de France Active, qui distingue d'ores-et-déjà plusieurs « modèles types », notamment des tarifs significativement bas à l'attention des publics vulnérables ou économiquement fragiles (notamment dans le secteur du tourisme social ou pour les crèches solidaires), des coûts d'accompagnement importants (assistance aux personnes âgées par exemple), ou encore les activités environnementales présentant un caractère manifestement solidaire (comme la mise en relation au niveau local de producteurs et de consommateurs d'électricité).

En définitive, cette condition ne devrait pas, selon le Gouvernement, pénaliser les entités qui bénéficient actuellement de l'agrément solidaire, mais elle vise à mieux contrôler la délivrance du nouvel agrément aux sociétés de droit commercial qui souhaiteraient entrer dans le périmètre de l'économie sociale et solidaire.

Troisième condition : la politique de rémunération de l'entreprise doit être équitable. Concrètement, la moyenne des sommes versées aux cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés ne devra pas excéder, au titre de l'année pour un emploi à temps complet, un plafond fixé à sept fois ( contre cinq aujourd'hui ) la rémunération annuelle perçue par un salarié à temps complet sur la base de la durée légale du travail et du salaire minimum de croissance, ou du salaire minimum de branche si ce dernier est supérieur.


Les règles en matière de rémunération
dans les grandes entreprises publiques et privées

I. L'encadrement des rémunérations des dirigeants des entreprises publiques

Le décret n° 2012-915 du 26 juillet 2012, relatif au contrôle de l'Etat sur les rémunérations des dirigeants d'entreprises publiques, a plafonné la rémunération annuelle d'activité de ces derniers à 450 000 euros bruts, soit vingt fois la moyenne des plus bas salaires des principales entreprises concernées. Des arrêtés du ministre de l'économie permettront de faire respecter et d'adapter cette limite, tout en évitant que les rémunérations ne convergent toutes vers ce plafond.

Ce décret concerne l'ensemble des entreprises publiques détenues majoritairement par l'Etat, soit une cinquantaine de structures (EDF, Areva, La Poste, SNCF, RATP, etc.), y compris leurs principales filiales.

Le Gouvernement avait pour objectif que ces nouvelles règles s'appliquent également aux établissements publics et autres opérateurs de l'Etat, ainsi qu'à la Caisse des dépôts et consignations et à ses principales filiales. Des instructions seront données par les représentants de l'Etat dans les entreprises où celui-ci n'est pas majoritaire afin de tendre vers le même objectif de modération des rémunérations les plus élevées.

II. Le nouveau code de gouvernement des entreprises cotées

Le Gouvernement avait initialement envisagé d'agir de manière unilatérale pour encadrer les rémunérations des mandataires sociaux.

Toutefois, il a confié au Medef et à l'Afep (Association française des entreprises privées) le soin d'élaborer des règles pour encadrer la rémunération des dirigeants.

Le 16 juin dernier, la nouvelle version du code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées a été rendue publique.

Ce nouveau code ne prévoit pas de plafond théorique pour les rémunérations des dirigeants, mais introduit la pratique dite du « say and pay ». Les actionnaires voteront sur ces rémunérations à compter des assemblées générales de l'année prochaine. En cas d'avis négatif, le conseil, sur avis du comité des rémunérations, devra se prononcer sur les suites qu'il entend donner aux attentes des actionnaires.

Le code contient notamment des recommandations concernant les indemnités de prise de fonction, les indemnités de départ et les retraites chapeaux.

Enfin, un Haut comité de gouvernement d'entreprise est chargé d'assurer le suivi des recommandations prévues dans le code.

Quatrième condition : les titres de capital de l'entreprise, lorsqu'ils existent, ne doivent pas être admis aux négociations sur un marché réglementé.

Dernière condition : les statuts de l'entreprise doivent mentionner les dispositions relatives à l'utilité sociale et aux règles de rémunération mentionnées précédemment.

Le projet de loi prévoit que les entreprises solidaires d'utilité sociale sont agréées par l'autorité compétente.

Enfin, un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application de l'article 7, et en particulier les conditions de délivrance de l'agrément, les modalités de contrôle des entreprises agréées, ainsi que la portée de la règle relative à l'impact de la charge induite par l'objectif d'utilité sociale sur le résultat de l'entreprise.

2. La double extension de l'agrément

Le projet de loi prévoit, aux II et III de l'article 7, deux manières d'étendre le bénéfice de l'agrément.

En premier lieu, les entreprises d'insertion et d'autre structures « sociales » analogues bénéficieront de plein droit du nouvel agrément Esus , sous réserve de remplir les conditions prévues à l'article 1 er du projet de loi et de ne pas avoir introduit leurs titres de capital sur un marché réglementé.

Concrètement, il s'agit :

- des entreprises de travail temporaire d'insertion ;

- des associations intermédiaires ;

- des ateliers et chantiers d'insertion ;

- des organismes d'insertion sociale relevant de l'article L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles ;

- des services de l'aide sociale à l'enfance ;

- des centres d'hébergement et de réinsertion sociale ;

- des régies de quartier ;

- des entreprises adaptées ;

- des centres de distribution de travail à domicile ;

- et des établissements et services d'aide par le travail.

En second lieu, le projet de loi permet à des organismes de financement et des établissements de crédit de bénéficier de l'agrément sous conditions. Le projet de loi reprend ainsi le principe de l'assimilation des financeurs solidaires aux entreprises agréées.

Ainsi, les organismes de financement peuvent obtenir l'agrément à une double condition : leur actif doit être composé d'au moins 35 % de titres émis par des entreprises de l'économie sociale ; et parmi ces 35 %, 5/7 e des titres doivent être émis par des entreprises solidaires d'utilité sociale (soit 25 % de leur actif total). Cette disposition vise à accorder une souplesse aux financeurs assimilés solidaires pour qu'ils continuent à investir, sans perdre le bénéfice de cette assimilation, dans des entreprises de l'économie sociale et solidaire qui n'ont pas vocation à demander l'agrément Esus (comme les coopératives industrielles ne recherchant aucun impact social).

De même, les établissements de crédit se verront attribuer l'agrément s'ils affectent au moins 80 % de l'ensemble de leurs prêts et investissements à destination des entreprises solidaires d'utilité sociale.

Selon l'étude d'impact, le nouvel agrément Esus pourrait à terme être délivré à 10 000 voire 12 000 structures 4 ( * ) .

3. La mesure transitoire prévue par l'article 52 du projet de loi

La durée de validité de l'agrément solidaire est, pour une première demande, de deux ans. En cas de renouvèlement, cette durée est portée à cinq ans.

L'article 52 prévoit que les entreprises bénéficiant, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, de l'agrément solidaire, sont réputées bénéficier du nouvel agrément « entreprises solidaires d'utilité sociale » pour la durée restante de validité de l'agrément lorsque celle-ci dépasse une année et pour une durée d'une année dans le cas contraire.

Autrement dit, une entreprise qui renouvèle son agrément solidaire la veille de la promulgation de la loi bénéficiera de plein droit du nouvel agrément pendant cinq ans moins un jour. Inversement, une entreprise dont l'agrément solidaire expire trois mois après la promulgation de la loi bénéficiera du nouvel agrément pendant encore une année.


* 4 Etude d'impact, p. 41.

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