PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE RÉFORME

I. LE POIDS DU SYSTÈME DE RETRAITES DANS L'ÉCONOMIE

Les développements suivants ont pour objet de mettre en perspective les besoins de financement du système de retraite avec les masses de prestations vieillesse servies, ainsi que la structure de leur financement. C'est notamment à l'aune de ces éléments que votre rapporteur pour avis analysera les mesures du présent projet de loi.

A. ETAT DES LIEUX DES DÉPENSES ET DES RESSOURCES

1. Les dépenses du système de retraites
a) Les pensions de retraite, première dépense du système de protection sociale

En 2011, 271,5 milliards d'euros de pensions de retraite ont été versées à 16,4 millions de retraités 1 ( * ) , ce qui correspond à 13,6 % du produit intérieur brut ( PIB ). Ainsi, les pensions de retraite et les pensions de survie versées aux conjoints et orphelins au titre de droits dérivés constituent la première des dépenses de prestation de la sécurité sociale (56 % tous régimes confondus) et de la protection sociale dans son ensemble (45 %).

Les trois quarts des pensions de retraite sont versées par les régimes de base , le quart restant relevant des régimes complémentaires. Les pensions de retraite supplémentaire versées par les mutuelles et les institutions de prévoyance demeurent quant à elles marginales en France : en 2011, celles-ci représentaient 2,2 % des prestations d'assurance vieillesse et survie 2 ( * ) .

Tableau n° 1 : Dépenses de pensions en 2011

(en milliards d'euros)

Type de régime de retraite

Montant

Part

Retraites de base

119,5

44 %

Salariés du privé et non-titulaires du public

103,1

38 %

Non salariés

16,4

6 %

Retraites complémentaires

74,3

27 %

Salariés du privé et non-titulaires du public

70,4

26 %

Non salariés

3,9

1 %

Régimes spéciaux

77,7

29 %

Fonction publique d'Etat

46,4

17 %

Collectivités territoriales et hospitalières

14,6

5 %

Autres régimes spéciaux

16,6

7 %

Total

271,5

100 %

Source : Conseil d'orientation des retraites, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale

Au total, les dépenses du système de retraites , incluant outre les pensions de retraite les dépenses d'action sociale ainsi que les charges financières et de gestion, se sont élevées à 282 milliards d'euros en 2011.

b) La part croissante des dépenses d'assurance vieillesse dans le PIB

La part des dépenses de prestations de retraite dans le produit intérieur brut (PIB), qui permet de mesurer le prélèvement que le financement des retraites exerce sur la richesse nationale, n'a cessé de progresser depuis 2000. Celle-ci est passée de 11,7 % du PIB en 2000 à 13,6 % en 2011 , soit une augmentation moyenne de 0,19 point de PIB par an.

Graphique n° 2 : Evolution de la part des dépenses de retraite dans le PIB

(en % du PIB)

Source : annexe 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, d'après les données de la DREES

Au niveau de l'Union européenne (UE) , la France est le troisième pays en termes de parts des dépenses de pensions de retraite dans le PIB 3 ( * ) , derrière l'Italie et l'Autriche. La tendance observée dans la plupart des pays européens ces dix dernières années est celle d'une augmentation du poids des dépenses de retraite dans le PIB, à l'exception du Royaume-Uni où le niveau de dépenses est stabilisé autour de 12 % du PIB et de l'Allemagne où, selon les données provisoires, la part de PIB consacrée aux dépenses d'assurance vieillesse aurait reculé en 2010.

Graphique n° 3 : Part des dépenses de pensions de retraite par rapport au PIB

dans une sélection de pays de l'Union européenne en 2010

(en % du PIB)

Source : commission des finances, d'après les données d'Eurostat

c) Les déterminants des dépenses de retraite

A long terme, l'évolution des dépenses de prestation d'assurance vieillesse est déterminée par deux principaux facteurs :

- le nombre de retraités , qui augmente tendanciellement avec le vieillissement de la population. Depuis le début des années 2000, la tendance à l'augmentation du nombre de retraités en raison de l'allongement de l'espérance de vie est amplifiée par l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du « baby-boom », nées entre 1946 et le milieu des années 1970. Ainsi, entre 2003 et 2011 , le nombre de retraités tous droits confondus 4 ( * ) est passé de 13,2 millions à 16,4 millions, soit une augmentation de près de 25 % ;

- le niveau de la pension moyenne , dont l'évolution dépend d'une part de la revalorisation annuelle selon le taux d'évolution des prix à la consommation (hors tabac) et d'autre part du renouvellement de la population de retraités. Selon l'« effet de noria », les nouveaux retraités entrant dans le système perçoivent, en moyenne, des pensions plus élevées que les sortants. Depuis 2004, la pension moyenne de droit direct augmente de 3 % par an en moyenne en euros courants, soit une croissance supérieure à l'inflation annuelle moyenne d'environ 1,3 point. Fin 2011, la pension moyenne de droit direct, tous régimes de retraite confondus, s'élevait à 1 256 euros par mois.

L'effet conjugué de ces deux facteurs, hausse du nombre de retraités et du niveau de la pension moyenne, a entraîné la progression rapide des dépenses publiques en matière de retraite. Pour y faire face, outre la mobilisation du levier des cotisations, les réformes successives ont entrepris de diversifier les sources de financement du système de retraites.

2. Les ressources du système de retraites
a) La diversification des ressources

Les ressources du système de retraites proviennent pour les deux tiers de cotisations sociales . Ainsi, 179 milliards d'euros de cotisations d'assurance vieillesse ont été prélevés sur les revenus d'activité de 25,8 millions de personnes en emploi en 2011.

Tableau n° 4 : Ressources du système de retraites en 2011

(en milliards d'euros)

Type de ressource

Montant

Cotisations sociales

179

Contributions d'équilibre de l'Etat

42

Impôts et taxes

31

Transfert

12

Produits de gestion

7

Total

271

Source : Conseil d'orientation des retraites, d'après des données de la commission des comptes de la sécurité sociale

Les réformes successives ont cependant diversifié les ressources des régimes de retraite. Outre les cotisations, ces dernières sont également constituées par :

- les contributions d'équilibre, versées principalement par l'Etat en faveur de certains régimes spéciaux (42 milliards d'euros en 2011) dont la situation démographique est particulièrement dégradée (principalement les régimes spéciaux de retraite des personnels de la SNCF, de la RATP, le régime spécial des mines et le régime spécial des marins) ;

- des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale (31 milliards d'euros en 2011) tels que la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ou encore la taxe sur les salaires. Le recours à ce type de ressource résulte à la fois des mesures de compensation des politiques d'allègements de charges sociales et de la recherche de ressources assises sur des assiettes autres que la masse salariale (revenus de patrimoine et de placement) ;

- des transferts (12 milliards d'euros en 2011) en provenance de l'assurance chômage et de la branche « famille » du régime général de sécurité sociale, qui financent les droits à retraite attribués au titre de la solidarité ;

- des produits de gestion (7 milliards d'euros en 2011).

Graphique n° 5 : Part des différents types de ressources dans le financement du

système de retraites en 2011

Source : commission des finances, d'après des données de la commission des comptes de la sécurité sociale (2012)

b) Des structures de financement différentes selon les régimes de retraite

Le régime général de retraite de la sécurité sociale reflète dans l'ensemble le mouvement général de diversification des ressources du système de retraites. Son financement repose à 63 % sur des cotisations sociales, à 10 % sur des impôts et taxes et à près de 25 % sur des transferts provenant principalement du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Néanmoins, tous les régimes de retraite n'ont pas la même structure de financement. Celle-ci peut fortement varier en fonction de leur situation démographique. Il convient ainsi de distinguer :

- les régimes intégralement financés par des cotisations sociales , comme par exemple le régime des professions libérales (CNAVPL) et les régimes complémentaires obligatoires de salariés du privé (AGIRC et ARRCO) ;

- les régimes dépendant en grande partie de transferts de compensation démographique entre régimes de retraite, tel que le régime des non-salariés agricoles (MSA) ;

- les régimes équilibrés en dernier ressort par une subvention de l'Etat (principalement les régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP et des marins) ou par l'affectation d'impôts et taxes comme le régime des artisans et commerçants (RSI).

Le graphique ci-après illustre la part de cotisations sociales finançant les charges de chaque régime. Plus le taux de couverture des prestations par les cotisations est faible, plus la situation démographique du régime en question est dégradée.

Tableau n° 6 : Taux de couverture par des cotisations des prestations des principaux régimes de base

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale (2012)

Pour le régime des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, il convient toutefois de souligner que ce taux n'est pas significatif : une convention comptable assimile les cotisations de l'Etat employeur à une subvention d'équilibre, biaisant à la baisse l'évaluation des cotisations pour ce régime.


* 1 Pensionnés de droit direct et de droit indirect.

* 2 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), « La protection sociale en France et en Europe en 2011 », juin 2013.

* 3 Le champ des dépenses de pensions retenu par Eurostat est plus large que celui retenu au national : il comprend une partie des prestations en espèces des fonctions invalidité, vieillesse, survie et chômage.

* 4 Pensionnés de droit direct et de droit indirect.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page