B. ANTICIPER LES RECOMPOSITIONS DE L'ECONOMIE MONDIALE

? La ministre du Commerce extérieur a présenté fin 2012 le nouveau concept stratégique de la France en matière d'exportations . Cette stratégie repose sur un travail préalable d'identification de couples pays -secteurs porteurs à l'export au cours de la prochaine décennie, sur la base des projections du commerce mondial d'ici 2022.

En complément des forces traditionnelles de la France, comme l'aéronautique, la ministre a choisi de concentrer ses efforts et son action de mobilisation, de structuration et de promotion de l'offre française autour de :

- quatre « familles » de produits : « mieux se nourrir », « mieux se soigner », « mieux communiquer », « mieux vivre en ville » ;

Dans le domaine du « mieux se soigner », on peut citer le projet de fourniture d'équipements pour un nouvel hôpital à Can Tho au Vietnam et les projets de construction et d'équipement, voire de gestion, de plusieurs centres hospitalo-universitaires en Algérie. Par ailleurs, une initiative a été prise pour la Chine et la Russie et le sera très prochainement pour le Brésil : la création de « clubs santé » réunissant des entreprises françaises du secteur présentes sur place et des représentants des administrations.

Dans le domaine du « mieux vivre en ville », sont suivis des projets d'éco-quartiers en Chine et au Maroc. Le ministère du commerce extérieur a également lancé, le 26 juillet 2013, un appel à projets pour la réalisation d'un simulateur en trois dimensions, afin de mettre en valeur l'offre de la France en matière de ville durable. Il s'agit de réaliser une maquette virtuelle, à l'échelle d'un quartier ou d'une ville, qui permette de référencer le maximum d'entreprises françaises du secteur. Un label a également été élaboré pour fédérer l'offre française : Vivapolis.

Dans le domaine du « mieux se nourrir », un comité stratégique pour l'Asie a été mis en place le 14 janvier 2013. Il comprend des groupes de travail par filière, présidés par des chefs d'entreprise. Le comité a présenté le 24 juillet 2013 des propositions très concrètes, par exemple le renforcement des moyens humains dédiés aux questions sanitaires et phytosanitaires au sein du service économique régional de Pékin.

Source : réponse au questionnaire budgétaire pour le PLF 2014

- et 49 pays prioritaires (Allemagne, Italie, Royaume- Uni, Espagne, Pays- Bas, Suède, Finlande, Autriche, Danemark, Pologne, Hongrie, République Tchèque, Belgique, Suisse, Norvège, États-Unis, Canada, Japon, Corée du Sud, Singapour, Taïwan, Australie, Brésil, Russie, Inde, Chine, Turquie, Ukraine, Kazakhstan, Algérie, Égypte, Tunisie, Maroc, Nigéria, Côte d'Ivoire, Kenya, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Qatar, Mexique, Argentine, Chili, Colombie, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Vietnam et Philippines).

Pour chacune des familles, 10 à 21 pays cibles ont été identifiés, en fonction de la taille de leur marché et de leur potentiel d'importation à échéance de 10 ans.

? L'évolution de la structure géographique des échanges commerciaux de la France et les perspectives.

Au cours de la période 2008-2013, les évolutions du commerce mondial ont été fortement impactées par la crise et nos exportations de biens ont chuté de 17 % en valeur en 2009, avant de rebondir de 14 % en 2010, puis de 8 % en 2011. Dans ce contexte, de 2008 à 2012, les échanges de biens de la France ont été plus dynamiques avec l'Asie et les pays émergents que vis-à-vis des économies développées. Au 1 er semestre 2013, les échanges de biens de la France restent déficitaires vis-à-vis de la plupart des régions du monde, à l'exception du Proche et Moyen Orient et de l'Amérique du sud. L'Union européenne et l'Asie, qui sont nos principaux partenaires commerciaux représentent 80 % de ce déficit et contribuent par ailleurs négativement à la croissance de nos exportations sur le semestre. Néanmoins, en comparaison du 1 er semestre 2012, la France voit son solde commercial s'améliorer vis-à-vis de presque toutes les zones, à l'exception de l'Europe hors Union européenne et de l'Afrique.

L' Europe demeure notre premier partenaire commercial, concentrant les deux-tiers de nos échanges en 2012 contre 69,3 % en 2008. Elle perd donc progressivement de l'importance, avec une réorientation vers les zones émergentes mais également une décroissance des flux commerciaux de la France avec l'Europe. Nos importations ayant plus augmenté que nos exportations en Europe, le déficit de la France vis-à-vis de cette région s'est accru de plus de 10,9 milliards d'euros entre 2008 et 2012.

Au 1 er semestre 2013, l'Union européenne reste à la fois notre premier partenaire commercial et notre premier déficit, qui diminue toutefois légèrement à -20,2 milliards d'euros grâce à une légère baisse des exportations (-1,2 %) et un repli légèrement plus marqué des importations (-2,5%) par rapport au 1 er semestre 2012.

Avec 14,3 % des échanges commerciaux de biens en 2012, l'Asie- Océanie est la deuxième grande région en termes de commerce bilatéral français. Elle gagne en outre de l'importance par rapport à 2008, avec une croissance moyenne de 7,3 % sur les cinq dernières années. Le moindre effondrement du commerce français vis-à-vis de la région Asie en 2008-2009 et le plus vif rebond en 2009-2011 ont permis au commerce franco-asiatique de gagner en importance. Sur l'ensemble de la région Asie-Océanie, les exportations ont progressé plus rapidement que les importations (respectivement +9,8 % et +5,2 % entre 2008 et 2012), mais le déficit demeure, bien qu'il se soit réduit de 1,3 milliard d'euros entre 2008 et 2012, pour atteindre 24,8 milliards d'euros en 2012. Au 1 er semestre 2013, pour la première fois depuis la crise de 2009, les exportations de la France vers l'Asie diminuent mais notre déficit vis-à-vis du continent se réduit de 20 % par rapport au 1 er semestre 2012, à 10,9 milliards d'euros. L'Asie est aujourd'hui devenue l'un des moteurs des exportations françaises, au sein desquelles elle a acquis un poids non-négligeable (12,5 %), en seconde position derrière l'Union européenne.

Avec un poids de 9,3 %, le continent américain constitue la troisième région partenaire de la France en 2012. Cependant, sur l'ensemble de la région, les importations progressent plus vite que les exportations, de sorte que le déficit bilatéral se creuse de près de 3,4 milliards d'euros entre 2008 et 2012, et s'affiche à -4,2 milliards d'euros fin 2012. Le poids du commerce avec l'Amérique latine ne progresse en moyenne que de 1,8 % sur la même période mais il est tiré par des exportations françaises dynamiques et la France affiche un excédent commercial depuis 2008 en progression de +1,3 milliard d'euros.

Ensemble l'Afrique, le Proche et Moyen Orient, et le reste du monde représentent 11,1 % du commerce extérieur français en 2012 , contre 10,9 % en 2008.

Le poids de l'Afrique passe de 5,8 % en 2007 à 6 % en 2012, notamment sous l'impulsion du commerce avec l'Afrique Sub-saharienne (+2,4 % de croissance moyenne 2008-2012, contre 2 % pour la région Afrique dans son ensemble). Le commerce de la France avec l'Afrique du Nord comme avec l'Afrique Sub-saharienne a souffert de la crise de 2008-2009 dans les mêmes proportions mais la reprise des échanges avec l'Afrique du Nord a été interrompue dès 2010-2011, coïncidant avec le printemps arabe. Le solde commercial de la France avec l'ensemble de la région Afrique est déficitaire en 2012 à -5,7 milliards d'euros mais ce déficit s'est considérablement réduit puisqu'il était de -2,06 milliards d'euros en 2008.

Le continent africain contribue positivement à la croissance de nos exportations mais celles-ci progressent moins vite que les importations, en particulier énergétiques (respectivement +2,8 % pour les exports et +5,6 % pour les imports par rapport au 1 er semestre 2012). Au niveau sous régional, les ventes françaises destinées à l'Afrique du Nord sont bien orientées (+9,1 %), tandis que celles vers l'Afrique sub-saharienne, qui représentent 30 % des ventes de la France vers l'Afrique, sont stables (-0,02 %) et que celles vers l'Afrique Australe chutent de près de 16%, en lien notamment avec de moindres performances de l'industrie pharmaceutique.

La croissance moyenne 2008-2012 de la France avec la région Proche et Moyen Orient est faible (+0,6 %), stable et excédentaire depuis 5 ans, tirée par le Moyen-Orient ; notre solde commercial est positif passant de 2,6 milliards d'euros en 2008 à 2,1 milliards d'euros en 2012.

Au premier semestre 2013, notre excédent commercial récurrent vis-à-vis du Proche et Moyen Orient a presque doublé par rapport à la même période en 2012, il atteint 1,9 milliard d'euros sur 6 mois contre 1,1 milliard d'euros et demeure le premier excédent régional semestriel de la France. La baisse des importations (-11,9 %), essentiellement d'énergie, explique une grande part de cette évolution. Dans le même temps, les exportations progressent de 2 %, grâce à la vente de matériels de transport et tandis que celles d'équipements mécaniques, électriques et informatiques fléchissent.

ÉCHANGES COMMERCIAUX TOTAUX ET SOLDES COMMERCIAUX BILATÉRAUX DE LA FRANCE AVEC LES GRANDES RÉGIONS DU MONDE (EN MILLIONS D'EUROS)

et CEI, dont :

ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS DE LA FRANCE VIS-À-VIS DES GRANDES RÉGIONS DU MONDE (EN MILLIONS D'EUROS)

(Source DG Trésor).

SYNTHÈSE DES FLUX COMMERCIAUX DE LA FRANCE PAR GRANDE RÉGION PARTENAIRE ET CONTRIBUTION DE CHAQUE ZONE À L'ÉVOLUTION DES ÉCHANGES TOTAUX DE LA FRANCE AU 1 ER SEMESTRE 2013 (EN MILLIARDS D'EUROS)

(Source DG Trésor)

? Afin de resituer l'évolution stratégique présentée par le Gouvernement dans son contexte général, on peut rappeler, comme le fait l'OMC dans son dernier rapport 17 ( * ) , que pour la première fois de l'histoire du monde, en 2012 la production des pays en développement a dépassé celle des pays « dits riches » développés.

Alors que la thèse du déplacement du centre de gravité de l'économie-monde vers l'Asie-Pacifique avait marqué les esprits à partir des années 1970, on souligne aujourd'hui que « le 21 e siècle sera africain ». La démographie va effectivement dans ce sens et les nouvelles technologies, en particulier le téléphone portable, doivent permettre à l'Afrique de bruler les étapes du développement. Un des signes de cette évolution est, par exemple, qu'aujourd'hui, l'Angola serait le premier pays du monde en termes d'utilisation du téléphone mobile comme moyen de paiement.

La France a cependant eu tendance à se désengager de l'Afrique au cours des vingt dernières années pour essayer, avec un succès limité, de conquérir les marchés asiatiques. Pendant ce temps, la Chine prenait pied en Afrique avec énergie. Les observateurs attentifs de cette zone discernent aujourd'hui un créneau porteur pour la France : la Chine aurait, en effet, développé des infrastructures de façon très rapide en Afrique mais avec des normes de qualité parfois jugées insuffisantes. La France pourrait, dès lors, relayer les efforts déjà accomplis en apportant son savoir-faire en matière d'infrastructures.

Les spécialistes de l'Afrique soulignent, en même temps, qu'il convient de surveiller attentivement le moment où des pays comme l'Algérie très solide financièrement et dont la dette publique est minime s'ouvriraient.

Dans les dernières évaluations de risque - pays publiées par la Coface, il est, par exemple, précisé que l' Algérie connaît en 2013 un léger rebond de sa croissance, toujours tirée principalement par le secteur des hydrocarbures et la dépense publique.

Ce pays se caractérise surtout par un faible endettement public (environ 10% de son PIB) et une solide position financière extérieure. Certes, en dépit de la hausse des revenus pétroliers - représentant plus de 70% des recettes de l'Etat - le déficit budgétaire s'est accru en 2012, en raison de l'augmentation des dépenses (salaires du secteur public, mesures sociales, modernisation des infrastructures). Ce déficit budgétaire devrait, cependant, se réduire en 2013 grâce à une gestion plus prudente et grâce aux exportations d'hydrocarbures - représentant plus de 95% des recettes en devises les balances commerciale et courante seront encore excédentaires en 2013, malgré un effritement. Par ailleurs, toujours selon la Coface, les importations resteront limitées par les mesures restrictives prises par les autorités depuis 2009, en dépit d'importants achats de blé, dont l'Algérie est l'un des plus gros importateurs au monde, et de biens d'équipement liés au développement des infrastructures. D'imposantes réserves de change (environ trois ans d'importations) renforcent une situation financière extérieure déjà solide. Afin de diversifier ses avoirs, l'Algérie a apporté fin 2012 une contribution de 5 milliards de dollars au FMI. Le pays entend également ainsi s'affirmer sur la scène internationale, dans le contexte de son processus d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. De plus, la politique active de désendettement extérieur, via notamment l'interdiction pour les entreprises d'emprunter à l'étranger, maintient le ratio dette extérieure/PIB à un niveau très faible (3%).

Dans le contexte des soulèvements intervenus depuis 2011 dans d'autres pays arabes, le pouvoir a pris des mesures destinées à lutter contre le chômage des jeunes et à augmenter les logements sociaux, afin de désamorcer la contestation politique et sociale. Par ailleurs, des restrictions visant les importations et les investissements étrangers - dans le but de protéger l'économie du pays et de promouvoir les industries nationales - ont été introduites par la loi de finances complémentaire de 2009 et globalement reconduites depuis, en dépit de quelques assouplissements. Le cadre des affaires paraît donc désormais stabilisé, mais il est peu propice à l'expansion du secteur privé et des investissements étrangers, et s'y ajoute l'inadaptation du secteur bancaire.

(Source : http://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Algerie)

Notre ministre du commerce extérieur semble parfaitement consciente de ces perspectives, comme en témoignent ses déplacements récents à l'étranger, et il convient effectivement d'organiser une veille stratégique adaptée.

Cependant, votre rapporteur pour avis souligne que d'autres pays de la zone euro, comme l'Allemagne ou la Suède, donnent l'exemple d'une stratégie orientée vers la « voie royale » de la compétitivité, qui leur permet d'enregistrer des excédents avec les pays de l'Union européenne, en réduisant à la fois la conflictualité des relations de travail, les dépenses publiques ainsi que les réglementations superfétatoires.


* 17 Organisation mondiale du commerce - Rapport sur le commerce mondial 2013.

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