EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Économie » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Daniel Raoul , président . - Mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Économie » dans le projet de budget pour 2014, qui mobilise trois rapporteurs pour avis. Je laisse la parole à notre collègue Martial Bourquin, qui va nous en faire une présentation générale.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Merci Monsieur le Président.

La finalité de la mission « Économie » est, je le rappelle, de favoriser la mise en place d'un environnement propice à une croissance durable et équilibrée et de promouvoir le redressement productif du pays. Elle retrace pour 2014, comme les années précédentes, les crédits relatifs à trois programmes :

- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » ;

- le programme 220 « Statistiques et études » ;

- le programme 305« Pilotage de l'économie française ».

À ces trois programmes, qui constituent le coeur historique de la mission, s'ajoutent, en 2014, trois programmes temporaires destinés à mettre en oeuvre le nouveau plan d'investissements d'avenir (PIA). Il s'agit des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ».

Compte tenu de l'ajout de ces trois programmes, qui représentent 1,6 milliard d'euros, comparer globalement les crédits de la mission par rapport à ceux de l'année dernière n'aurait pas de sens. Je vous propose donc de scinder l'analyse de l'évolution des crédits en deux, en commençant par examiner les programmes pérennes de la mission, avant d'analyser ceux qui servent de support au nouveau PIA.

Les crédits relatifs à la conception et au pilotage des politiques économiques nationales figurent sur les programmes 220 et 305. Ils financent l'expertise économique, statistique et juridique présente dans les directions du Trésor, de la législation fiscale et de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Aucun changement significatif n'est à souligner en ce qui les concerne. Leur périmètre est inchangé et ils se voient dotés de 471 millions d'euros pour le programme « Statistiques et études », en progression de 0,5 %, et de 494 millions d'euros pour le programme « Pilotage de l'économie française », en recul de 3 %.

Le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » regroupe les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'un ensemble de politiques assez disparates, qui portent sur l'accompagnement des entreprises par les pouvoirs publics, la surveillance du cadre concurrentiel général ou sectoriel, ou encore la protection des consommateurs.

Les crédits de ce programme sont en baisse par rapport à 2013 : ils s'établissent à 1 027 millions d'euros en crédits de paiement, en recul de 5,5 %. Si l'on tient compte du fait que ce programme inclut pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au titre d'une nouvelle action « Fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des produits structurés », action sans lien avec la finalité du programme et qui devrait plutôt être rattachée à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le recul des crédits du programme 134 par rapport à 2013 s'établit en réalité à 108 millions d'euros , soit une baisse de 10%.

L'évolution négative des crédits de ce programme 134 recouvre cependant des évolutions contrastées. Parmi les actions en baisse, il y a :

- les crédits de l'action 02 « Commerce, artisanat et services », qui visent à soutenir le commerce de proximité et les services à la personne. Ils perdent 12,4 millions d'euros, soit un recul de 12 %. En cinq ans, les crédits de cette action auront été divisés par deux. En particulier, les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) - Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) inclus -, prévus à 27 millions d'euros pour 2014, perdent de nouveau 5 millions d'euros. Mais la question est plus complexe qu'elle n'en a l'air ; j'y reviendrai ultérieurement.

L'aide au comité professionnel de la distribution de carburant connaît elle-aussi une nouvelle érosion, tombant à 3,1 millions d'euros. Je rappelle à cet égard qu'en première lecture du projet de loi sur la consommation, le Sénat s'est prononcé en faveur du report au 31 décembre 2020 de l'obligation d'enterrer les réservoirs des stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an, report indispensable compte tenu de l'asphyxie progressive du CPDC ;

- en baisse également, les crédits de l'action 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles ». Ils s'établissent, pour 2014, à 196 millions d'euros, soit un recul de 8,1 % par rapport à 2013. Je tiens cependant à souligner que les crédits figurant sur cette action ne constituent qu'une fraction minime de l'effort national en faveur des entreprises et du renouveau industriel de la France. Je pense qu'il serait souhaitable, pour rendre plus lisible la politique industrielle de la nation, de disposer d'un document budgétaire de synthèse permettant de chiffrer l'investissement public consenti dans le domaine industriel via des dépenses budgétaires et fiscales aujourd'hui dispersées dans plusieurs missions et programmes ;

- les crédits de l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information » reculent de 33,7 % ; mon collègue co-rapporteur pour avis Pierre Hérisson vous les détaillera tout à l'heure ;

- les crédits de l'action 07 « Développement international des entreprises », c'est-à-dire la dotation à Ubifrance, s'établissent à 97,8 millions d'euros, en baisse de 6 % par rapport à 2013. C'est un nouveau recul après la diminution de 14 millions d'euros entre 2012 et 2013 ;

- évolution en baisse très légère également pour les crédits de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), dont la dotation perd 300 000 euros à 13,9 millions d'euros ;

- enfin, baisse de près de 4 % pour les crédits de l'action 21 en faveur du développement du tourisme.

D'autres actions voient au contraire leurs crédits se stabiliser ou augmenter légèrement :

- c'est le cas des crédits des autorités administratives indépendantes rattachées au programme 134 - action 13 : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [ARCEP], action 14 : Commission de régulation de l'énergie [CRE] et action 15 : Autorité de la concurrence -, qui restent stables nominalement par rapport à 2013, respectivement à 23, 20 et 21 millions d'euros ;

- les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - action 15 « Régulation concurrentielle des marchés », action 16 « Protection économique du consommateur » et action 17 « Protection économique du consommateur » - sont en hausse. Globalement, ils s'établissent à 238 millions d'euros, contre 235 millions d'euros en 2013. Le plafond d'emplois sur ces trois actions est également en augmentation d'une centaine d'équivalents temps plein (ETP) pour atteindre 3 109. Je me réjouis de l'inflexion intervenue depuis le début de la nouvelle législature en vue de mettre en accord les moyens de la DGCCRF avec les missions fondamentales que le législateur lui assigne.

J'en viens maintenant aux trois programmes portant les crédits du deuxième PIA, annoncé par le Premier ministre le 9 juillet 2013. Ce PIA 2, d'un montant de 12 milliards d'euros, a pour objet de prolonger l'effort d'investissement national engagé par le premier PIA de 2010. Il est articulé autour de trois axes : le soutien à la recherche et à l'université ; la transition énergétique et écologique et la ville durable ; et enfin l'innovation et la recherche dans les filières industrielles. Budgétairement, ces crédits seront portés par neuf missions, dont la mission « Économie » au travers des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ». Au total ces trois programmes, pilotés par direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) sous la responsabilité du ministre du redressement productif, représentent une enveloppe de 1,675 milliards d'euros.

Il faut souligner qu'une partie des dépenses du second PIA, singulièrement celles inscrites sur les programmes 405, 406 et 407, accroissent le patrimoine de l'État puisqu'elles prennent la forme de créances détenues sur les acteurs économiques - prêts et avances remboursables - ou de prises de participation.

Le programme 405 « Projets industriels » vise à soutenir l'investissement des filières industrielles dans des projets structurants pour le tissu économique national.

L'action 01 « Projets industriels d'avenir » tend à conforter les grandes filières actuelles au niveau national. La Banque publique d'investissement (BPI) en sera l'opérateur. Les projets industriels seront sélectionnés par appels à projets en fonction, d'une part, de leur cohérence avec les priorités de la politique industrielle et, d'autre part, des enjeux stratégiques de chaque projet pour la filière concernée, notamment eu égard au potentiel de croissance qu'ils recèlent.

L'action 02 « Projets pour l'industrialisation » est dotée de 30 millions d'euros. Elle servira à financer des prêts pour l'industrialisation pour des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il s'agit de concrétiser au travers d'une industrialisation et d'une valorisation commerciale des projets de recherche et développement (R&D) qui arrivent à leur terme mais peinent à trouver les financements nécessaire pour passer au marché. Les 30 millions d'euros figurant sur cette action ne sont pas destinés à alimenter les prêts pour l'industrialisation eux-mêmes, mais à les garantir.

Enfin, l'action 03 « Usine du futur : robotisation » est dotée de 60 millions d'euros. Elle permettra de bonifier et garantir pour 300 millions d'euros des prêts destinés à financer des investissements de robotisation de PME et ETI industrielles.

Doté d'une enveloppe substantielle de 690 millions d'euros, le programme 406, intitulé « Innovation », vise à renforcer la compétitivité de notre économie en favorisant la croissance des entreprises innovantes. Il comporte trois actions :

- la première, bénéficiant de 150 millions d'euros, est un complément de l'action « Innovation de rupture » du premier programme d'investissements d'avenir, déjà dotée de 150 millions d'euros de subvention ;

- la deuxième, dotée de 240 millions d'euros, permettra de soutenir un fonds souverain de la propriété intellectuelle, de renforcer l'innovation de modèle et de procédé, et de développer la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat ;

- la troisième, mobilisant 300 millions d'euros, permettra de réaliser les projets structurants des pôles de compétitivité.

Enfin, le programme 407 « Économie numérique » comprend deux actions :

- l'action 01 « Quartiers numériques » est dotée de 215 millions d'euros en vue de dynamiser et d'accompagner les programmes de soutien à la croissance des entreprises numériques et de constitution de quartiers numériques ;

- l'action 02 « Usages et technologies du numérique » est dotée de 350 millions d'euros.

Un dernier mot pour évoquer les 86 dépenses fiscales associées à la mission « Économie ». La très grande majorité - 77 exactement - est rattachée au programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi ». Ces niches représentent une perte de recettes fiscales dont le montant total est estimé à 16,874 milliards pour 2014.

Il faut évidemment souligner la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui constitue la plus connue des 35 mesures du Pacte national pour la croissance. Ce crédit d'impôt est conçu comme un outil pour rétablir les marges des entreprises et permettre, grâce à la restauration des capacités d'autofinancement, une reprise de l'investissement et une montée en gamme de l'économie française.

Budgétairement, pour 2014, le coût du CICE est évalué à 9,76 milliards d'euros. Il est à noter que cette somme correspond au coût du CICE enregistré en 2013, pendant que la mesure se mettait en place et n'avait pas encore atteint son plein régime

Concernant le CICE, je souhaite faire deux remarques :

- tout d'abord, les entreprises peuvent depuis le début de l'année solliciter auprès de BPI France le préfinancement du CICE. Ce mécanisme de préfinancement a permis de donner un effet immédiat à la mesure ;

- le ciblage du CICE pourrait être amélioré. Applicable aux salaires inférieurs à 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), il s'applique très largement au-delà des entreprises industrielles, innovantes et exportatrices qui constituent le socle du redressement productif national. De fait, deux tiers de la masse salariale des entreprises françaises entrent dans le champ du CICE. Ainsi, l'industrie manufacturière n'en bénéficie que pour 18 % du total. Le CICE apparaît donc davantage comme un dispositif de soutien à l'emploi, équivalent à des mesures d'allègement du coût du travail, que comme une mesure destinés à stimuler la compétitivité et à faire évoluer la structure productive dans le sens d'une montée en gamme. Pour donner sa pleine mesure, le dispositif mériterait donc d'être mieux ciblé au bénéfice des entreprises industrielles et exportatrices.

M. Daniel Dubois . - Je n'ai jamais compris pourquoi le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) avait accepté l'instauration du CICE. La meilleure chose à faire aurait été de réduire les charges des entreprises, une mesure plus efficace économiquement et plus forte symboliquement. Certes, elle posait des problèmes politiques, mais il aurait fallu passer outre, tant le consensus est unanime sur la nécessité d'une baisse des charges.

Vous dites, Monsieur le Rapporteur, qu'il faut réviser le périmètre du CICE. Cela serait compliqué à mettre en oeuvre pour les entreprises, et notamment pour les PME, qui ont besoin d'une stabilité et d'une plus grande lisibilité du cadre règlementaire. Il faudra du temps pour leur redonner de la compétitivité et réindustrialiser le pays.

M. Jean-Jacques Mirassou . - Pour ma part, je rejoins l'analyse qu'a faite le rapporteur pour avis. Il importe en effet de mieux cibler le CICE, plutôt que de décider une baisse générale des charges : l'emploi n'est pas le seul objectif devant être poursuivi, l'innovation doit tout autant être recherchée.

M. Daniel Raoul , président . - Le CICE poursuit concurremment deux objectifs : l'emploi et la compétitivité. Certes, il concerne pour 18 % seulement l'industrie et la grande distribution en profite. Si l'on veut l'axer davantage sur la compétitivité et la réindustrialisation, alors il faut le cibler en effet.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Le CICE réduit de facto le coût du travail. Mais 18 % consacrés à l'industrie, c'est trop peu. Les entreprises manufacturières doivent davantage en profiter.

M. Daniel Raoul , président . - Attention cependant à ne pas réduire l'industrie à l'industrie manufacturière stricto sensu. D'autres secteurs, comme l'agroalimentaire, l'industrie du numérique ou l'industrie pharmaceutique par exemple, contribuent également à la production industrielle...

Je donne à présent la parole à notre collègue Pierre Hérisson, qui va nous présenter la partie « Poste et communications électroniques » de la mission « Économie ».

M. Pierre Hérisson , rapporteur pour avis . - Effectivement Monsieur le Président, et je le ferai en deux temps : tout d'abord, une analyse des évolutions budgétaires pour 2014, puis quelques développements sur les problématiques actuelles du secteur des communications électroniques, à savoir le déploiement de la fibre et de la 4G.

Mais je voudrais en introduction souligner que nous allons vivre, l'année prochaine, un bouleversement des secteurs des télécommunications et de la poste. Certains opérateurs sont à bout de souffle, d'autres profitent d'un marché très changeant. L'insuffisance de règles d'encadrement européennes en ce domaine se fait sentir.

Je porte à votre connaissance le fait que le gouvernement australien vient de céder l'intégralité de ses participations dans l'opérateur historique des communications électroniques, afin de financer le déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire. Et que la Nouvelle-Zélande et le Canada ont mis fin à la distribution du courrier à domicile, les usagers devant désormais aller le chercher au bureau de poste le plus proche ...

J'en reviens à l'analyse budgétaire, qui porte tout d'abord sur les actions 0 et 13 du programme 134. Elles correspondent à des sommes relativement faibles - 215 millions d'euros - au regard du poids du secteur dans la richesse nationale.

L'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information », qui voit ses crédits reculer de 33,7 %, à 194,8 millions d'euros, finance plusieurs dépenses :

- une dotation de 33,8 millions d'euros à l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette enveloppe est en baisse de 2,8 % cette année, après avoir déjà diminué de 3 % l'an passé. Cela est préoccupant à l'heure où les missions de l'ANFR se diversifient : l'Agence doit notamment gérer les problèmes de réception de la télévision numérique terrestre (TNT) dus à la proximité de fréquence de la 4 G ; elle doit par ailleurs intégrer, au 1 er janvier, la mission « très haut débit » supervisant le déploiement de la fibre ;

- la compensation par l'État des surcoûts liés à la mission de service public de transport postal de La Poste, qui s'élève à 150,1 millions d'euros. Cette compensation avait été transférée, l'an passé, à la mission « Médias » ; elle est aujourd'hui réintégrée dans la mission « Économie », dans cette action 04 ;

- le remboursement de La Poste pour l'acheminement réalisé en franchise postale, pour 1,5 millions d'euros ;

- des subventions attribuées par la France à divers organismes internationaux, dont l'Union postale universelle et la Conférence européenne des postes et télécommunications, pour 9,5 millions d'euros.

L'action 13 « Régulation des communications électroniques et des postes » est quasi stable, à 22,9 millions d'euros ; elle finance l'ARCEP. Hors dépenses de personnel, les crédits de l'Autorité ont diminué de 15 % au cours des cinq dernières années. Et le cycle budgétaire 2013-2015 programme une baisse significative de ses crédits de fonctionnement sur l'exercice, conformément à l'effort demandé à toutes les administrations de l'État.

Comme l'année passée, nous attirons à nouveau l'attention sur les limites d'une telle régulation. L'ARCEP a anticipé ces évolutions en réduisant de 21 % ses frais de fonctionnement depuis 2009. Mais elle arrive aujourd'hui « dans le dur », comme nous l'avait déjà dit son président, M. Jean-Ludovic Silicani, l'année dernière. Les budgets d'étude et ceux affectés aux enquête de vérification de la couverture mobile risquent fort d'être diminués. Ce sont donc les capacités du régulateur à connaître le marché, et par conséquent à y intervenir en encadrant ses acteurs, qui sont désormais remises en cause.

Enfin, pour en finir avec l'analyse budgétaire, quelques mots du programme n° 407, « Économie numérique », qui est un « nouveau venu » dans cette mission. Bénéficiant d'une enveloppe importante de 565 millions d'euros, il met en oeuvre des crédits mobilisés au titre du « PIA ». Il comporte deux actions :

- la première, dotée de 215 millions d'euros, vise au développement de « quartiers numériques ». Elle est portée par la Caisse des dépôts et consignations ;

- la seconde, à hauteur de 350 millions d'euros, tend à soutenir, plus largement, les « usages et technologies du numérique ». Elle est prise en charge par la BPI.

Je voudrais à présent vous dire quelques mots du déploiement des réseaux de communications électroniques du futur : fibre pour le fixe, 4G pour le mobile. En sachant qu'un « mix technologique », intégrant d'autres supports de transmission, sera indispensable pour obtenir une couverture satisfaisante du territoire dans des délais raisonnables. La ministre en charge de l'économie numérique, Mme Fleur Pellerin, semble l'avoir compris, et je m'en réjouis.

S'agissant de la fibre, pour commencer, je vous rappelle que l'ancien plan national très haut débit, le PNTHD, a été remplacé au printemps par un plan France très haut débit (PFTHD).Très ambitieux, il vise une couverture intégrale du territoire en très haut débit d'ici une dizaine d'années.

Avec notre collègue Yves Rome, de la commission du développement durable, nous avions remis au mois de mars un rapport plaidant pour un « triple play » gagnant du très haut débit. Certaines de nos orientations ont été suivies dans le nouveau plan, et nous nous en félicitons, même si des zones d'incertitude demeurent encore.

Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique, les fameux SDANT, sont désormais bien lancés, après des débuts difficiles. Sur les 98 départements qui se sont engagés dans leur élaboration, 80 les ont même achevés aujourd'hui. Je tiens à citer à cet égard l'exemple emblématique du département de la Haute-Marne, présidé par notre collègue Bruno Sido, qui procède à une expérimentation en recourant à une mise en régie de la desserte en fibre optique.

Le cadre règlementaire a été arrêté par l'ARCEP. Si les contraintes qu'il a fait peser sur les opérateurs en termes de mutualisation ont retardé leur déploiement, ces derniers n'en ont pas moins conclu des accords de cofinancement.

Certes, les Français sont encore loin d'être tous raccordés, mais les taux de souscription au très haut débit progressent sensiblement : + 22 % sur un an, avec 1,8 millions d'abonnés au deuxième semestre.

Pourtant, des interrogations demeurent sur le financement du dispositif, notamment. Interrogations que nous avions soulevées dans notre rapport précité.

La « feuille de route » présentée par le Gouvernement au printemps table sur un besoin total de financement de 20 milliards d'euros ; or, cela constitue la fourchette basse des projections réalisées par les spécialistes, qui vont jusqu'à 37 milliards. Ensuite, le Gouvernement annonce une taxe sur les communications électroniques qui n'apparaît pas dans le projet de loi de finances ; or, elle est censée représenter la majeure source de financement provenant de l'État. Enfin, il reste elliptique sur les moyens de financement des collectivités, dont 3 milliards d'euros sont attendus ; notamment, il ne clarifie pas la façon dont serait alimenté le Fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT), fonds spécialement créé par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite « loi Pintat », en vue de soutenir l'intervention des collectivités pour le financement des réseaux numériques à très haut débit.

Quelques mots pour finir sur le déploiement du réseau très haut débit mobile, cette fois : la 4G. Le groupe d'études « communications électroniques et poste », que je copréside avec notre collègue Michel Teston, a auditionné les quatre opérateurs nationaux au mois de septembre dernier. Ces derniers investissent fortement depuis 2012 dans le déploiement de leurs réseaux mobiles 4G. Ils ont, à l'exception de Free Mobile, déjà ouvert commercialement leurs services 4G, pour 35 à 60 % de la population. Et Free déploie son réseau intégré de sites 3G/4G, sans donner de date de commercialisation. On peut toutefois s'attendre à ce que l'opérateur propose à nouveau une offre fracassante, ce qui devrait reposer la question de l'équilibre entre l'intérêt des consommateurs à bénéficier de tarifs bas et celui des opérateurs à pouvoir investir.

Vous avez sûrement vu les publicités pour la 4G, et peut-être certains d'entre vous y sont déjà abonnés ? Ce réseau très haut débit mobile, c'est une qualité de service inégalée pour les usages nomades. Et ce, à terme, sur une majeure partie du territoire. La bande des 800 MHz, ou « fréquence en or », possède en effet des propriétés de propagation exceptionnelles. De plus, et du fait de la « loi Pintat », le déploiement doit avoir lieu concurremment en zones denses et en zones peu denses, grâce notamment à des accords de mutualisation. Ce principe, toutefois, n'est pas respecté, ce qui a été signalé à la ministre ; les contrôles doivent être plus stricts sur ce point.

Certains obstacles à un déploiement massif et rapide de la 4G devront être surmontés.

Les opérateurs devront amortir les 3,6 milliards d'euros qu'ils ont déboursés pour obtenir les fréquences 4G. Et ce alors que l'arrivée de Free leur a « fait beaucoup de mal », en tirant les marges vers le bas. Et alors, surtout, qu'ils devront à nouveau réinvestir des montants très importants pour le « deuxième dividende numérique », la bande des 700 MHz. Une problématique que connaît bien notre collègue Bruno Retailleau.

Par ailleurs, les problèmes de brouillage sur la bande des 800 MHz, proche de la TNT, devront être résolus. Toutefois, l'expérimentation menée à Saint-Etienne semble plutôt rassurante sur ce point.

Enfin, la demande devra suivre pour tirer le marché. Comme pour la fibre, restent encore à inventer les nouveaux usages, les « killing applications » de demain, qui rendront indispensables d'être connecté en permanence à 100 Mbit/s.

Pour conclure, et en revenant à La Poste, je tiens à souligner l'importance d'une pérennisation de la dotation du fonds postal national de péréquation territoriale, qui s'élève à 170 millions d'euros, et ce alors que l'ARCEP a chiffré à 250 milliards d'euros le coût de la couverture du territoire par le groupe.

M. Martial Bourquin . - Vous avez signalé, Monsieur le Rapporteur pour avis, que deux pays avaient arrêté la distribution du courrier à domicile. Sur le territoire national, elle intervient en n'importe quel endroit au même prix : y a-t-il un risque de remise en cause de ce principe ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur pour avis . - Je souhaitais simplement porter cette information à votre connaissance. Dans notre pays, le service universel de la poste a été confié au groupe La Poste pour une durée de 15 ans, lors de la modification de son statut. Et le groupe assure une distribution du courrier six jours sur sept, alors que les directives européennes ne l'exigent que cinq jours sur sept. Il n'est pas question de revenir sur ces principes.

Toutefois, le chiffre d'affaires de l'activité « courrier » du groupe est passé sous la barre des 50 % du chiffre d'affaires total, à 49 % exactement. Si le compte d'exploitation 2013 est encore excédentaire sur ce segment d'activité, on peut légitimement se demander combien de temps cela continuera d'être le cas. À terme, la diminution attendue de l'activité « courrier » devra faire l'objet de compensations avec d'autres segments d'activité, sans que le service universel ne soit pour autant remis en cause.

M. Daniel Dubois . - En matière de couverture numérique du territoire, on assiste, d'un gouvernement à l'autre, à une continuité des programmes de déploiement de la fibre. Mon département, la Somme, s'est engagé, via un syndicat mixte, à une couverture à 70 % de la population, en intégrant les opérateurs privés. Sachant que les 30 % restants, qui représentent 80 % du territoire, seront extrêmement coûteux à desservir en très haut débit. Les capacités des opérateurs, qui ont souscrit des emprunts pour financer la première tranche de déploiements, seront très limités pour la deuxième. En-dehors d'un financement par le FANT, il n'y aura point de salut pour nos zones rurales !

M. Jean-Jacques Lasserre . - Il est inévitable que le chiffre d'affaires « courrier » de La Poste finisse par plonger. Il nous faudra y apporter une réponse à caractère général, en favorisant la mutualisation, sachant que les opérateurs alternatifs se concentreront naturellement sur les seules zones rentables.

M. Gérard Bailly . - La présence de La Poste en zone rurale est extrêmement importante. Afin de favoriser son maintien, et dans une perspective de développement durable, ne devrait-elle pas prendre en charge, en plus du courrier, la distribution des journaux et publicités ? Celle-ci est aujourd'hui assurée, en effet, par des manutentionnaires qui doublonnent en partie l'activité du facteur.

L'équipement de nos territoires en infrastructures à très haut débit a fait l'objet d'annonces successives, sans que cela ne s'accélère pour autant sur le terrain. Or, la dématérialisation de l'administration, qui affecte jusqu'à la gestion par les agriculteurs de leur exploitation, exige que l'on en fasse en priorité. À cet égard, on peut s'interroger sur l'importance des moyens alloués à cet objectif, tant au niveau national que local. Il faut aller plus vite, aujourd'hui, au risque de voir se creuser la fracture numérique.

M. Yannick Vaugrenard . - Je partage ce sentiment d'inquiétude au sujet de La Poste, dont la baisse du chiffre d'affaires « courrier » est encore plus importante que ce qui était attendu. Un constat positif s'impose, toutefois : le rôle du facteur, particulièrement bien perçu dans l'opinion publique. Il faut qu'il soit utilisé au profit d'autres administrations ou services, par exemple pour relever les compteurs d'eau, de gaz et d'électricité. Il est aujourd'hui possible de connaître précisément les pertes d'énergie en chaque point du territoire ; le facteur pourrait informer les personnes concernées des possibilités qu'elles ont d'y remédier.

La problématique de la réaffectation de la bande des 700 MHz est certes importante, mais elle n'interviendra pas avant 2017. Le produit des licences octroyées sera affecté au budget de la défense. Ce changement d'usage aura des répercussions sur la réception de la télévision, obligeant les téléspectateurs à acquérir un adaptateur, d'un coût chiffré de 30 à 50 euros, voire à changer de téléviseur. Il y a là un risque réel d'extension de la fracture numérique à la réception de la télévision.

M. Daniel Raoul , président . - Avez-vous des informations, Monsieur le Rapporteur, sur les projets de fusion de l'ARCEP et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ? S'agissant de la couverture numérique du territoire, je suis d'avis que la 4G constitue l'une des réponses à la problématique des « zones blanches » en matière de téléphonie mobile, comme à celle de l'apport du très haut débit à des territoires très reculés.

M. Pierre Hérisson , rapporteur pour avis . - Je souscris entièrement à vos propos sur le second point, Monsieur le Président : la 4G constitue l'un des moyens de remédier à la fracture numérique qu'entraînera nécessairement l'insuffisance de moyens alloués au déploiement du très haut débit. Les associations de consommateurs se sont d'ailleurs déjà saisies du sujet. Cependant, j'entends insister sur le fait que la 4G ne constitue pas - et ne doit pas constituer - un palliatif à l'absence de déploiement d'un réseau très haut débit.

S'agissant des autorités de régulations des secteurs des télécommunications et de l'audiovisuel, il semblerait que soit privilégié un rapprochement des services et la mutualisation de certaines fonctions, sans aller jusqu'à la fusion, chaque autorité conservant son propre collège. Mais sont en jeu des considérations politiques, allant bien au-delà des seuls éléments techniques.

Enfin, et au vu des motifs d'insatisfaction et d'inquiétude que procure l'examen des crédits dont j'ai à connaître, je donnerai un avis négatif sur l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

M. Didier Guillaume . - La 4G est très importante, mais elle ne constitue ni l'alpha et l'oméga de la politique de déploiement, ni un palliatif à d'autres technologies. Elle mettra longtemps avant de desservir les zones les plus rurales. Pour ces dernières, et à l'exception des plus reculées, il n'y a pas d'autre solution que leur équipement en FttH. Celui-ci ne représente pas un coût si élevé, au regard de son importance. Certes, le nouveau plan national de déploiement diffère peu du précédent dans ses modalités, si ce n'est qu'il s'accompagne de de crédits substantiels, comme ceux mobilisés par certaines régions. La ministre en charge de l'économie numérique vient d'ailleurs demain dans mon département, la Drôme. Nous y avons déjà déployé 2 300 km de fibre optique, et nous avons comme projet de rendre éligible 800 000 personnes, pour un coût total de 450 millions d'euros, que nous allons financer.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Monsieur le Président, mes chers collègues, je reprends la parole pour vous présenter un état des lieux du Fisac. Depuis plusieurs années, notre commission suit avec inquiétude l'évolution de ses moyens budgétaires, en soulignant que leur baisse drastique et continue menace de disparition un outil pourtant indispensable au maintien et au développement du commerce de proximité dans les secteurs ruraux ou urbains les plus fragiles.

Le projet de loi de finances pour 2014, dans sa version déposée initialement devant le Parlement, n'était pas de nature à dissiper cette inquiétude. Avec une dotation annuelle annoncée de 20 millions d'euros, 27 millions en comptant la subvention versée à l'EPARECA, on semblait en effet entériner l'impasse budgétaire du Fisac et acter la disparition de fait de cet outil.

L'annonce par le Gouvernement d'une rallonge budgétaire significative pour solder plusieurs années de sous-financement du fonds et une réforme législative qui devrait se faire à l'occasion de l'examen prochain du projet de loi sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises pourraient cependant marquer le renouveau d'un Fisac recentré sur ses missions essentielles.

Mais avant de tracer les perspectives, je crois qu'il faut prendre le temps de dresser un bilan objectif de la situation du Fisac. Par lettre de mission du 13 septembre 2012, la ministre du commerce, de l'artisanat et du tourisme a saisi le Contrôle général économique et financier d'une mission de diagnostic et de propositions sur le Fisac. La mission a rendu ses conclusions dès le mois de décembre 2012.

Le premier constat est celui d'un élargissement des missions du Fisac au cours du temps, notamment lors du vote de la loi de modernisation de l'économie (LME). Le rapport du contrôle financier est assez sévère sur ce point, parlant d'élargissement « tous azimuts » ou encore « d'inventaire à la Prévert ». Je suis plus nuancé. Aucune des missions confiées au cours du temps au Fisac ne semble franchement aberrante et contraire à son objectif fondamental, qui est de soutenir le commerce de proximité dans les secteurs démographiquement et économiquement fragiles.

Le problème réside sans doute moins dans la définition du champ des missions du Fisac que dans un sous-financement chronique. Quelques chiffres éloquents. À la fin de septembre 2012, au moment où la mission de contrôle commence son travail, le besoin de financement pour honorer la file d'attente des dossiers recevables est estimé à 120 millions d'euros, alors que les fonds Fisac disponibles à cette date se montent à seulement 15 millions d'euros. Le trou à combler est donc de l'ordre de 100 millions d'euros.

Le rapport de la mission de contrôle évoque un effet de ciseaux entre l'élargissement des missions du Fisac d'un côté et la réduction de sa dotation budgétaire annuelle de l'autre. L'explication n'est cependant qu'à moitié convaincante. Les chiffres mettent en effet en évidence une augmentation du nombre de dossiers déposés mais pas une augmentation concomitante de la valeur cumulée de ces dossiers. La valeur des dossiers déposés atteint en 2011 un montant analogue à celui de 2007 ou de 2009, environ 55 millions d'euros. Autrement dit, l'élargissement des missions du Fisac a conduit à un saupoudrage des crédits - ce qui certes n'est pas une bonne chose -, mais pas à une explosion des besoins de financement.

Si l'augmentation en valeur des dossiers de demande n'est pas criante, la réduction drastique des crédits du Fisac est en revanche manifeste, avec une réduction par deux de la dotation budgétaire entre 2007 et 2012. La cause première de l'impasse budgétaire du Fisac est donc bien une politique constante de sous-dotation budgétaire.

Le second constat fait par la mission de contrôle est celui des dysfonctionnements dans l'administration du Fisac. La crise financière du Fisac les a exacerbés et rendus manifestes. Parmi les principaux problèmes, je citerai :

- une absence de sélectivité. Les opérations individuelles (ORI) sont par exemple éligibles dès lors qu'elles concernent les communes de moins de 3 000 habitants et les entreprises faisant moins d'un million d'euros de bénéfice. Entrent donc dans le champ des ORI 90 % des communes et la quasi-totalité des entreprises artisanales et commerciales ! La même remarque vaut pour les opérations urbaines ;

- une absence de modularité des taux de subvention en fonction de l'intérêt intrinsèque de l'opération. Selon la mission de contrôle, les dossiers présentés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), à quelques exceptions près, font tous état de demandes de subvention au taux maximal ;

- une gestion assez opaque des dossiers et crédits. L'absence de modularité et de sélectivité, dans un contexte de pénurie financière, conduit en effet à une gestion très empirique. Les dossiers instruits par les DIRECCTE, trop nombreux eu égard aux fonds disponibles, sont conservés avant d'être transmis à la DGCIS. Celle-ci fait de même avant de les transmettre au ministre pour signature. Ce dernier stocke lui-même les dossiers avant d'autoriser la délivrance des fonds. D'où une incroyable accumulation de dossiers recevables en attente de règlement : environ un millier fin 2012. À cette gestion par allongement de la file d'attente s'ajoute une gestion par abattement des taux de subvention : ainsi, après s'être vus accordés une subvention au taux maximal dans un premier temps, les dossiers se voient tous appliqués un taux d'abattement arbitraire de 20 % en 2009, 26 % en 2010, 32 % en 2011 et 43 % en 2012 ;

- un dispositif coûteux à faire fonctionner, notamment du fait d'une double instruction par les DIRRECTE et la DGCIS. En équivalents temps plein, le traitement des dossiers mobilise 10 agents à la DGCIS et 70 à 80 agents dans les DIRECCTE. Si on ne prend en compte que les agents de l'État - en région et au niveau central -, le Fisac occupe ainsi près d'une centaine d'agents, soit un coût - salaires et fonctionnement induit - de l'ordre de 8 millions d'euros par an. Ce montant est à rapporter à celui des fonds distribués par le Fisac, de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros ces dernières années ;

- enfin, une répartition géographique des aides peu égalitaire. Les trois premières régions bénéficiaires (Rhône-Alpes, Aquitaine, Île-de-France) captent un tiers des sommes allouées alors que les trois dernières s'en partagent 3 %. La région Aquitaine, malgré un nombre de commerces équivalent, bénéficie de deux fois plus d'aides que le Nord-Pas-de-Calais. La région Rhône-Alpes, avec un nombre de commerces équivalent à celui de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), est quatre fois mieux pourvue que cette dernière. On pourrait multiplier les exemples. La comparaison des aides allouées en regard du tissu artisanal et commercial de chaque région illustre une forte distorsion entre les attributions de crédits du FISAC et le tissu commercial et artisanal, et démontre une inégale capacité des collectivités à capter les crédits disponibles.

Il est évident que pour rebâtir le Fisac, il prendre en compte tous ces constats. L'urgence est d'apurer ses comptes dans un contexte de maîtrise des finances publiques. La mission du contrôle économique et financier a proposé quelques pistes :

- la récupération des soldes inutilisés. Les données du régime social des indépendants (RSI) font en effet état d'un important volume de subventions accordées avant 2009 mais non encore utilisées - de l'ordre de 30 millions d'euros. Les sommes concernées sont inemployées sur le compte Fisac du RSI. Ces dossiers ayant parfois fait l'objet d'une prorogation, une expertise précise au cas par cas est cependant nécessaire pour déterminer les crédits effectivement récupérables. Certains projets ont également fait l'objet d'avances, mais n'ont pas été mis en oeuvre effectivement. Ces avances, d'un montant total de quelques 5 millions d'euros, devraient donc être remboursées. Le recouvrement de ces sommes peut cependant poser des difficultés ;

- la réduction des taux de subvention. En l'absence de « coup de pouce budgétaire », cette coupe dans les subventions devrait atteindre théoriquement 70 %.

Au cours de l'année 2013, ces deux solutions ont été partiellement mises en oeuvre. Une sélection des dossiers en faveur des territoires les plus fragiles et des opérations à plus forte valeur ajoutée, ainsi que la mobilisation des crédits bloqués depuis plusieurs années sur des opérations non réalisées ont permis de ramener le besoin de financement de 100 à 60 millions d'euros.

Le 7 novembre 2013, le Gouvernement a annoncé une rallonge budgétaire pour le Fisac par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances initiales. Un premier effort d'un montant de 35 millions d'euros, sera réalisé dès cette année par dégel de crédits au sein du programme 134 de la mission « Économie », ce qui permettra de financer dès cette année les dossiers prioritaires. Les fonds destinés au Fisac devraient atteindre en 2014 62 millions d'euros, et non 27 millions, comme inscrit en loi de finances, retrouvant ainsi leur niveau de 2010 et 2011.

Un exercice identique sera mené l'année prochaine pour clore les derniers dossiers en attente.

Sur cette base financièrement apurée, il sera possible de rebâtir un nouveau Fisac. L'axe de la réforme est déjà connu : il s'agit de faire passer le Fisac d'une logique de guichet ouvert - logique intenable dans un contexte financièrement très contraint, peu favorable à une allocation optimale des ressources publiques et conduisant au saupoudrage des fonds et à une gestion opaque des crédits - à une logique d'appel à projet dont les critères de sélections seront fixés ex ante et en toute transparence. Cela permettra d'utiliser de façon plus efficace la ressource financière disponible, en ciblant les projets à plus fort effet de levier.

Cette réforme figure déjà à l'article 25 du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui sera examiné dès décembre prochain par l'Assemblée nationale. Nous aurons à nous y pencher dans les mois à venir.

Mme Élisabeth Lamure . - Ce constat est sévère, mais réaliste. Cependant, il faut le nuancer : nous avons tous profité du Fisac. Ses crédits, s'ils n'ont pas bénéficié directement aux commerces, y sont allés indirectement, au moins...

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - L'étude menée sur le Fisac est extrêmement intéressante. Le Premier ministre a parlé hier d'équilibre territorial et d'une nécessaire solidarité sur ces questions ; le Fisac peut en être un levier non négligeable pour que les bourgs-centres, la ruralité, les quartiers sensibles aient des activités de commerce à côté des maisons de service public. Lorsque des villes ont des bases importantes, elles pourront financer elles-mêmes certains projets et veiller à faire en sorte qu'on ait un cahier des charges du Fisac permettant de réduire la fracture territoriale.

M. Daniel Raoul , président . - Juste une précision technique : les 35 millions d'euros ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2014 ; où sont-ils ?

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Ils feront l'objet d'une réaffectation, après dégel de crédits. Pour terminer, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

Mme Élisabeth Lamure , rapporteur pour avis . - Je vous présente les crédits de la mission économie consacrés au commerce extérieur dans le projet de lois de finances pour 2014. J'articulerai mon exposé en deux temps. Tout d'abord, il s'agit d'analyser ces crédits de façon précise et réaliste tout en essayant de mieux cadrer leurs enjeux et leurs limites. Cela débouche sur un premier constat : au moment où notre appareil de soutien aux exportateurs fait l'objet de critiques assez sévères, en réalité il se réforme pour optimiser ses moyens en sévère contraction.

En second lieu, et comme de coutume, le commentaire de ces crédits s'accompagne d'un diagnostic sur notre commerce extérieur et de recommandations. Je souligne d'emblée une évidence qui ne se dégage pas clairement dans le flot des documents et informations budgétaires : les quelques 100 millions de crédits que nous examinons représentent à peine deux millièmes de notre déficit extérieur, qui s'élève à 67 milliards d'euros (soit environ 3,5 % du PIB) et de l'ordre du dix millième du volume des exportations (environ 20 % de notre PIB). Il ne faut donc pas surestimer l'impact de ces crédits mais, en même temps, l'accompagnement qui est ainsi financé a une importance humaine fondamentale : au cours des auditions, on nous a cité l'exemple de dirigeants de PME dont le moral est peu à peu miné parce qu'ils sont entrés en relation, dans certains pays, avec des clients ou des correspondants peu recommandables.

Par ailleurs, les périodes de restriction budgétaire ont le mérite de stimuler la réflexion sur les moyens pour la France d'anticiper la nouvelle donne économique mondiale qui se profile dans les années à venir. C'est le principal message de la seconde partie du rapport qui dresse un bilan de l'évolution de notre déficit et des stratégies pour mieux anticiper les mutations de l'économie mondiale. L'État doit ici pleinement jouer un rôle de stratège et de soutien : je signale, par exemple, que nos entrepreneurs confrontés à la concurrence chinoise en Afrique témoignent qu'ils ont eu l'impression de lutter non pas seulement contre d'autres entreprises mais contre le déploiement de toute la puissance du Gouvernement Chinois.

Première question : que représentent et à quoi servent les 100 millions de crédits que nous examinons ? Le rapport répond en trois temps à cette interrogation.

Tout d'abord, il constate la contraction générale des crédits de soutien à l'exportation pour 2014. Vous trouverez au rapport écrit une vue générale des outils et des crédits d'État. Ces derniers s'élèvent à 342 millions d'euros pour 2014, contre 354 en 2013, ce qui correspond à une baisse de 3,5 %. Par ailleurs, les régions consacrent à ce même objectif environ 65 millions d'euros chaque année. Cette dépense reste globalement maîtrisée puisque, comme l'ont confirmé à votre rapporteure les représentants de la Coface, ce coût est plus que compensé par des recettes non fiscales, à hauteur de 650 millions d'euros, correspondant à la récupération des créances détenues par la Coface et Natixis.

Dans cet ensemble, les crédits de la mission « Économie » consacrés au commerce extérieur, qui font, stricto sensu, l'objet du présent rapport, se limitent à deux actions du programme 134 intitulé « Développement des entreprises et du tourisme ». Leur montant total - identique en autorisations d'engagement et en crédits de paiement - s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2014, à 124 millions d'euros qui se décomposent en :

- 98 millions d'euros, contre 103,9 en 2013 - en diminution de 6 % - au titre de l'action 07 « Développement international des entreprises », qui couvre les dépenses de l'Agence française pour le développement international des entreprises, Ubifrance ;

- et, pour le reste, soit 26 millions d'euros en diverses lignes de crédits rassemblés dans l'action 20 intitulée Financement des entreprises et de l'attractivité du territoire. Ces sommes financent essentiellement l'Agence française pour les investissements internationaux, mais également des bonifications accordées à des prêts en faveur des PME.

Comme vous le savez, il n'est pas simple de comparer les chiffres d'une année sur l'autre car le périmètre des actions est souvent modifié, et on voit apparaitre des dotations ponctuelles : ainsi, pour 2014, les crédits de l'action 20 incorporent une dotation du budget général d'un montant de 25 millions d'euros pour abonder les fonds de garantie gérés par Bpifrance financement.

Deux principales observations peuvent être faites sur ces crédits pour 2014. D'une part, on constate donc une contraction des crédits de ces actions à périmètre constant, alors même que la priorité affichée pour le commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 2013 n'était pas aisément démontrable en raison d'un certain éparpillement des crédits budgétaires. D'autre part, dans le bleu budgétaire pour 2014, l'« efficience du dispositif d'Ubifrance » de soutien aux entreprises à l'exportation est mesuré par un indicateur qui a décliné : de 19 en 2011, à 13,6 en 2013, les prévisions pour 2014 s'établissant à ce même niveau. Or on constate que cet indicateur d'efficacité se définit essentiellement comme le ratio du nombre annuel d'interventions d'Ubifrance sous forme d'accompagnements rapporté au nombre d'agents d'Ubifrance. Un tel système de mesure est critiquable : il suffit de faire observer qu'une explosion du nombre de réunions ferait mécaniquement grimper l'indicateur vers des sommets, quelqu'en soit l'efficacité ultérieure en matière économique. Je m'interroge sur cette méthode et l'audition des représentants d'Ubifrance a permis de préciser que des sondages réalisés par des organismes indépendants permettent également de mesurer si, selon l'entreprise, l'accompagnement par Ubifrance a déclenché ou favorisé un courant d'affaires nouveau. Je vous propose donc de suggérer qu'il est peu cohérent de maintenir un indicateur qui pourrait favoriser la « réunionite » au moment même où les entreprises ont fait savoir qu'elles attendent des dispositifs publics des résultats et pas seulement un déploiement de moyens. Par ailleurs, Ubifrance, conformément à l'objectif qui consiste à faire émerger 1 000 nouveaux acteurs de l'exportation, est incité par le Gouvernement non pas à multiplier ou à « saupoudrer » les accompagnements mais à les cibler et à les concentrer de façon efficace.

Dans un second temps, je dresse un rapide bilan des critiques adressées aux dispositifs de soutien des exportations. La synthèse la plus récente de ces critiques a été établie en juillet 2013 par le rapport d'information de nos collègues députés MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat, au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation du soutien public aux exportations. Seulement 10 % des entreprises exportatrices utilisent des mécanismes de soutien pilotés par l'État, ce ratio n'intègrant pas les dispositifs régionaux : il s'agit, pour l'essentiel des accompagnements Ubifrance, avec 9 295 nouvelles entreprises aidées en 2012, et du recours à l'assurance prospection, qui a également bénéficié à 1 873 nouvelle entreprises en 2012.

De son côté, le réseau CCI International revendique 20 000 contacts de PME différentes pour un appui à l'export en France en 2012 et l'accompagnement annuel de 3 000 primo exportateurs ainsi que 3 000 entreprises à fort potentiel qui font partiellement doublon avec les bénéficiaires des dispositifs étatiques.

En revanche, l'assurance-crédit ne concerne que quelques centaines d'entreprises par an et sa concentration financière est particulièrement élevée puisque trois entreprises mobilisent 46 % des encours, soit 27,6 milliards d'euros.

Cette proportion minime est d'autant plus notable que le nombre d'entreprises exportatrices françaises (119 000 en 2012) est faible par rapport à l'Allemagne (de l'ordre de 300 000) ou à l'Italie (200 000).

Interrogés sur les raisons de ce faible intérêt, par voie de sondage en février 2013, les chefs d'entreprise qui exportent répondent qu'ils jugent le système français de soutien à l'export peu ou pas efficace (61 %), peu ou pas compréhensible (66 %) et peu ou pas adapté au contexte économique actuel (67 %). En conséquence, 78 % d'entre eux se chargent eux-mêmes de la commercialisation de leurs produits à l'exportation. De même, les chefs d'entreprise estiment inefficace à 58 % le soutien à l'exportation dans une enquête d'Ernst Young de février 2013 consacrée aux aides publiques aux entreprises. En revanche, le soutien à l'innovation jugé efficace à 71 %, le soutien à l'investissement étant pour sa part jugé inefficace à 74 %.

Face à ce désaveu, la stratégie des pouvoirs publics ne doit vraisemblablement pas consister à faire du chiffre en s'évertuant à intégrer davantage de TPE ou PME, qui n'en ont pas les moyens, dans une démarche d'exportation. Au regard de la concentration des chiffres des exportations (2,5 % des entreprises sont à l'origine de 43 % des exportations et les ETI, c'est-à-dire, 8 % des entreprises représentent 30 % des exportations), il est préférable de se focaliser sur l'identification des entreprises à fort potentiel afin de les aider à mettre en place ou consolider une stratégie de moyen terme à l'exportation.

L'accompagnement des 1 000 ETI et PME de croissance identifié par le pacte de compétitivité correspond à cette orientation qui doit être assignée aux différents acteurs du soutien à l'export. La marge de progrès sur ce segment est importante car la moitié des ETI françaises ne sont pas exportatrices et, parmi les ETI exportatrices, 40 % réalisent moins de 10 % de leur chiffre d'affaires à l'export. Je souligne que ces sondages et ces diagnostics rejoignent les remontées de terrain que je constate, en particulier dans ma région.

Cependant, à la lumière des auditions, je crois utile de relativiser ces critiques. En particulier, j'ai longuement entendu les représentants d'Ubifrance et j'estime que nous devons rendre justice aux efforts consentis par cette agence. Deux remarques à ce sujet, en commençant par la plus générale : je l'ai dit en introduction, les quelques 400 millions d'euros de crédits de soutien en question représentent moins d'un millième de la valeur des exportations de notre pays et les montants les plus importants sont concentrés sur quelques opérations de grande ampleur. Dans ces conditions, rechercher ou suggérer une quelconque « responsabilité » d'Ubifrance dans l'aggravation de nos déficit serait particulièrement absurde puisque l'Agence accompagne des PME, qui nous l'avons vu, représentent une part infime des exportations. Notre déficit commercial est, en effet, avant tout le révélateur d'une compétitivité insuffisante, ce qui relève de facteurs bien plus puissants que les dispositifs spécifiques de soutien à l'exportation.

Ma seconde remarque porte sur la gestion et la réorganisation de l'Agence Ubifrance. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sa dotation budgétaire a diminué de 10 % depuis 2012, ses frais de fonctionnement, hors personnel, ont été réduits de 30 % depuis 2009 et ses effectifs expatriés de droit français ont diminué du quart depuis deux ans. En particulier, le représentant d'Ubifrance a souligné que le nombre de cadres expatriés français avait été diminué de moitié et que les effectifs ont étés particulièrement réajustés dans les pays où le niveau de vie est le plus élevé, avec un redéploiement dans les pays émergents.

Je m'arrête un instant sur ce point : faute de moyens, il semble donc que la baisse du nombre de fonctionnaires a été compensée par des recrutements de contractuels locaux, rémunérés en devise locale et selon des standards locaux. Or il semblerait que ce recours à ces contractuels locaux très proches de la réalité de terrain permette à Ubifrance de détecter des signaux et des opportunités économiques, de manière encore plus efficace qu'avant. Sans en tirer de conclusions hâtives, il nous faudrait peut-être méditer sur cet exemple qui témoigne que l'augmentation des moyens n'est pas toujours l'alpha et l'oméga de l'efficacité et que la diminution du nombre de fonctionnaire réduit la dépense publique.

Malgré ce relatif désengagement de l'État, Ubifrance a maintenu ses missions. A mon sens, l'essentiel dont j'ai dit un mot en introduction, n'est pas mesurable : alors que les grandes entreprises disposent d'une logistique impressionnante à l'exportation, les ETI et les PME sont confrontés à des risques importants de désillusion et de chausse-trappe. Ubifrance peut ici jouer un rôle d'alerte et de mise en relation avec des correspondants fiables et c'est ce dont ont besoin nos entrepreneurs pour éviter les situations cauchemardesques dans les pays émergents ou ailleurs.

Ma conclusion est que tout en prenant acte des critiques justifiées de nos dispositifs de soutien trop souvent redondants, il nous faut éviter de saper le moral de nos opérateurs qui ont consenti des efforts considérables et qui ont une connaissance fine du terrain. Il faut, bien au contraire, utiliser leurs intuitions et leur vision de terrain pour anticiper les opportunités et les transformations rapides de l'économie mondiale.

Ce thème fait l'objet du second volet du rapport également consacré au suivi de notre commerce extérieur. Je me limiterai à trois rapides observations.

Tout d'abord, notre déficit commercial après un montant record de 73 milliards d'euros en 2011 a été réduit à 67 milliards en 2012 et avoisinera probablement 60 milliards en 2013. La séquence chiffrée est plutôt rassurante mais les mécanismes sous-jacents le sont moins : c'est, en effet, la contraction de la demande intérieure et de nos importations qui explique la réduction du déficit, et non pas la hausse de nos exportations. Un phénomène similaire est observé dans de nombreux pays : par exemple, au premier semestre 2013, l'Allemagne a enregistré l'un de ses plus importants excédents commerciaux semestriels de ces dix dernières années avec un recul plus prononcé de ses importations (-2 %) que des exportations (-1 %). D'ailleurs, le repli des exportations allemandes a été particulièrement prononcé en direction de la zone euro et surtout de la France (-5 %), ce qui confirme l'analyse précédente.

S'agissant des indicateurs de notre commerce extérieur, j'avais, l'an dernier, évoqué l'un des principaux « combats » de Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, pour une mesure plus intelligente du solde des échanges. Je rappelle, en effet, que l'achat d'un Iphone par un américain aggrave le déficit de son pays, car les douanes enregistrent un transfert entrant en provenance de la Chine où sont fabriqués ces objets. Pour autant, cet achat est bénéfique pour les entreprises américaines qui capturent la valeur ajoutée du produit. Je note que nos collègues députés ont placé cette suggestion à la première place de leurs recommandations en juillet dernier, en prenant l'exemple allemand de la Porsche Cayenne dont 90 % des composants sont importés. Je vous suggère donc de renouveler notre souhait auprès du Gouvernement, même si cela vient nuancer ou contredire un certain nombre de postures prises par certains de ses membres, ce qui a d'ailleurs conduit ce même directeur général de l'OMC à se demander si le GPS de la France n'était pas un peu déréglé en matière économique. Les stratégies de progrès adaptées au monde d'aujourd'hui et de demain ne peuvent plus se contenter d'instruments de mesure du dix-neuvième siècle.

Quelques mots enfin sur les orientations stratégiques.

Tout d'abord, comme le souligne l'OMC dans son dernier rapport, en 2020, 30 % des classes moyennes seront issues des pays émergents. Or il s'agit là de nouveaux clients extrêmement séduits par la France et ses produits. On perçoit une immense attente, en particulier en Inde et au Brésil, qui contraste avec une certaine morosité ambiante dans notre pays qui a besoin de retrouver confiance en lui-même.

Ensuite, les exportateurs, à commencer par les PME, connaissent de sérieux obstacles pour l'accès au financement à l'exportation. A la lumière des auditions, je suis réservée sur la reconstitution d'un établissement financier spécifiquement axé sur le financement à l'exportation, tout simplement parce que ce modèle ne fonctionne à peu près dans aucun grand pays exportateur. Les solutions sont plutôt à rechercher du côté des garanties de refinancement qui permettent aux banques de réduire à zéro le risque de prêt à l'exportation. Cette garantie à 100 % de paiement inconditionnelle à première demande à l'organisme refinançant un crédit export assuré par la COFACE existe en Allemagne et est en cours d'adoption aux Pays-Bas. Elle a fait l'objet d'une disposition spécifique de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, mais il a fallu attendre mai 2013 pour la publication du décret d'application. Nous suivrons attentivement l'utilisation de ce mécanisme, même si cela ne rentre pas directement dans le champ de nos investigations budgétaires.

Je termine en attirant votre attention sur les recompositions de l'économie mondiale. Comme le rappelle l'OMC, pour la première fois de l'histoire du monde, en 2012 la production des pays en développement a dépassé celle des pays développés « dits riches ».

Vous vous souvenez sans doute à quel point la thèse du déplacement du centre de gravité de l'économie-monde vers l'Asie-Pacifique avait marqué les esprits. Aujourd'hui, on nous annonce que « le 21 e siècle sera africain ». La démographie va effectivement dans ce sens et les nouvelles technologies, en particulier le téléphone portable, doivent permettre à l'Afrique de bruler ce que l'on appelait les étapes du développement. Un des signes de cette évolution est, par exemple, qu'aujourd'hui, l'Angola serait le premier pays du monde en termes d'utilisation du téléphone mobile comme moyen de paiement. La France a cependant eu tendance à se désengager de l'Afrique au cours des vingt dernières années pour essayer, avec un succès limité, de conquérir les marchés asiatiques. Pendant ce temps, la Chine prenait pied en Afrique avec énergie. On nous indique qu'il y a aujourd'hui un créneau porteur pour la France : la Chine aurait, en effet, développé des infrastructures de façon très rapide en Afrique mais avec des normes de qualité parfois jugées insuffisantes. Il y a donc un relai possible pour l'économie française. Les stratèges du commerce extérieur ont, en même temps, souligné qu'il convenait de surveiller attentivement le moment où des pays comme l'Algérie s'ouvriraient. Vous trouverez sur ce point, au rapport écrit, quelques éléments sur ce pays très solide financièrement.

Notre ministre du commerce extérieur semble influencée par ces perspectives et il convient effectivement d'organiser une veille stratégique adaptée. Cependant, je rappelle que d'autres pays de la zone euro, comme l'Allemagne ou la Suède, donnent l'exemple de la voie royale de la compétitivité en réduisant à la fois la conflictualité des relations de travail et les dépenses publiques ainsi que les réglementations superfétatoires.

M. Roland Courteau . - J'évoquerai le secteur viticole qui représente notre deuxième poste exportateur après l'aéronautique. Je souligne que la consommation mondiale de vin est en train de progresser, en particulier en Europe du Nord, dans les pays asiatiques et aux États-Unis. Or la concurrence est particulièrement vive sur ce marché en croissance, avec l'offensive du Chili, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Californie et de l'Espagne, laquelle consacre des moyens importants à la promotion de ses produits sur les marchés porteurs. Je m'interroge sur les crédits que consacre aujourd'hui l'État à la promotion de nos vins, en rappelant que la part de ce dernier était, en 2007-2008, inférieure aux sommes allouées par la région Languedoc-Roussillon et très inférieure à l'effort public consenti en Espagne ou en Australie.

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Notre co-rapporteure pour avis a très habilement souligné les divergences entre les thèses défendues respectivement par Pascal Lamy et par notre ministre du Redressement productif. Je souligne, pour ma part, de façon très réaliste qu'étant donné la situation de l'industrie française dont la part dans le PIB se limite à 14 % voire 12 %, il nous faut absolument produire en France. Cela ne remet pas en cause la nécessité de maintenir, par ailleurs, les implantations européennes et mondiales de nos grands groupes qui vont chercher la croissance là où elle est la plus dynamique. J'estime que certaines des analyses formulées par l'ancien directeur général de l'OMC ne vont pas dans le sens des orientations visant à renforcer les douze grandes filières productives françaises en faisant en sorte de les localiser le plus possible sur notre territoire, tout en sachant qu'elles sont intégrées dans un processus internationalisé de « global sourcing » que l'on peut traduire approximativement de politique d'achat au niveau mondial.

Je partage, par ailleurs, l'idée que l'Afrique jouera un rôle croissant, mais plutôt que de se focaliser trop exclusivement sur la mondialisation, ce qui a contribué au déclin industriel de la France, il me parait préférable - sans pour autant verser dans une conception hexagonale étriquée - de produire sur notre territoire. La France a d'ailleurs une des meilleures productivités du travail d'Europe et le « made in France » commence à connaître un réel succès : je constate d'ores et déjà des changements de comportements très positifs de la part des consommateurs dans l'agroalimentaire ou dans l'habillement. La Suisse et d'autres pays ont parcouru ce chemin avant nous et il doit nous permettre de fabriquer des produits de qualité en France sans ignorer la mondialisation des échanges. Enfin, je souligne que le partenariat étroit d'Ubifrance avec la Caisse des dépôts et la BPI me paraît la solution la plus opportune pour aider les PME à réaliser leur potentiel à l'exportation.

M. Gérard Le Cam . - Sur la première partie du rapport budgétaire, je rappelle, comme vous le savez, que mon groupe n'est pas favorable au CICE qui prive les collectivités locales de possibilités de développement de l'emploi. Sa réorientation vers l'industrie serait, j'en conviens, un moindre mal car il profite, dans sa configuration actuelle, trop à la grande distribution au détriment des petits producteurs locaux.

Nous sommes en revanche favorables aux orientations présentées sur le FISAC même s'ils consistent surtout en redéploiements.

S'agissant du commerce extérieur, nous pensons qu'on ne réfléchit pas suffisamment aux possibilités de réduire les achats d'objets importés et, parfois superfétatoires pour le consommateur, ce qui aurait également l'avantage de produire des effets bénéfiques en matière d'environnement puisqu'on réduirait, en particulier, les transports de marchandises.

Puisqu'il nous faut exprimer un vote global sur les crédits de la mission, nous nous prononcerons contre, tout en précisant que le volet consacré au Fisac recueille plutôt notre approbation.

M. Daniel Raoul , Président . - J'insiste sur le fait que la croissance des PME passe souvent par un développement à l'exportation. Ce ne sont donc pas seulement les grandes PME, les ETI et les grands groupes qui doivent être accompagnés par les dispositifs publics.

Mme Élisabeth Lamure , rapporteure pour avis . - S'agissant du secteur viticole, il faut distinguer l'accompagnement des entreprises, y compris du secteur viticole, qui relève d'Ubifrance et l'aide à la promotion qui relève sans doute des filières et d'autres canaux budgétaires.

M. Daniel Raoul . - Effectivement, il conviendrait d'analyser les crédits qui alimentent, au niveau national, les filières du secteur viticole.

M. Roland Courteau . - Autrefois, l'Etat à travers l'ONIVINS apportait une contribution spécifique.

Mme Élisabeth Lamure , rapporteure pour avis . - Le « made in France » est un concept certainement intéressant, et tout le monde s'accorde à souhaiter la relocalisation industrielle en France. Pour autant, le « made in France » ne doit pas devenir un dogme. Il faudrait commencer par mieux définir de façon précise cette notion en essayant d'intégrer des produits dont certains composants peuvent être importés mais qui incorporent une valeur ajoutée de source française. Je pense également que la relocalisation de l'industrie textile, même si elle est souhaitable, est un objectif difficile à atteindre car un certain nombre de ressources en ateliers et en savoir-faire ont été délocalisés. En pensant aux récents événements du Bengladesh, je crois qu'il faut également veiller à ne pas bouleverser les équilibres existants et à ne pas détruire des emplois dans les pays en développement.

Je rappelle enfin, pour bien souligner la nécessité d'accompagner les PME, que Mme Christine Lagarde, en 2009, a confié à Ubifrance cette mission de soutien des petites entreprises : c'est la vocation première de cette agence.

Ubifrance a fait l'objet de critiques assez sévères ; j'estime cependant que ses efforts de restructuration sont encourageants et, par conséquent, justifient un avis de sagesse sur ce volet de notre rapport budgétaire qui est centré sur son action.

M. Daniel Raoul , Président . - Nous devons nous prononcer sur l'ensemble de la mission qui, je le rappelle, a reçu un avis favorable de M. Martial Bourquin, l'avis défavorable de M. Pierre Hérisson et un avis de sagesse de Mme Élisabeth Lamure .

M. Martial Bourquin , rapporteur pour avis . - Il s'agit, pour le FISAC, certes d'un redéploiement des crédits mais aussi et surtout d'un effort sans précédent.

La commission émet un avis favorable aux crédits de la mission économie du projet de loi de finances pour 2014.

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