C. DE FORTES ATTENTES À L'ANNONCE D'UN PROJET DE LOI

1. Une simplification des régimes de protection du patrimoine monumental

Lors de la conférence de presse organisée le 13 septembre 2013 au musée national des arts asiatiques - Guimet, la ministre de la culture et de la communication a indiqué que le projet de loi sur les patrimoines, devant être examiné en Conseil des ministres au début de l'année 2014, a pour ambition de moderniser et d'harmoniser le droit du patrimoine, « rendu complexe par une longue histoire de stratification normative ».

La simplification, souhaitée par les acteurs du patrimoine compte tenu des difficultés rencontrées notamment par les plus petites collectivités territoriales, devrait permettre de passer d'une dizaine de dispositifs à trois catégories d'espaces protégés : les « cités historiques », les « sites classés » et les « abords ».

En outre, le projet de loi devrait permettre de mettre en conformité le droit du patrimoine avec quatre conventions Unesco . Votre rapporteur pour avis est heureux qu'une telle réforme soit envisagée, reprenant ainsi les orientations de votre commission et répondant aux besoins des acteurs patrimoniaux auxquels il appartient de gérer les contraintes par exemple liées au classement de zones au titre du patrimonial mondial, sans pouvoir s'appuyer sur des dispositifs législatifs existants ni sur des crédits clairement identifiés. À la demande de votre rapporteur pour avis, le ministère de la culture et de la communication a identifié les crédits accordés dans le cadre du suivi et de la gestion des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Ils sont détaillés dans l'encadré ci-après.

Crédits accordés dans le cadre du suivi et de la gestion des biens français
inscrits sur la liste du patrimoine mondial

La France compte 38 biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial (34 culturels, 3 naturels et 1 mixte). L'État, garant de la préservation de la valeur universelle exceptionnelle des biens, de leur authenticité et de leur intégrité, doit veiller à la mise en oeuvre des engagements pris lors de la ratification de la convention de 1972 concernant la protection du patrimoine.

Dans le cadre du suivi et de la gestion de ces biens, le ministère de la culture et de la communication accorde régulièrement des crédits centraux pour financer des actions et opérations liées au patrimoine mondial. À titre d'exemple :

- la cartographie du bien « Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France » : marché public de 160 000 euros sur 2013 et 2014 ;

- la réalisation d'un atlas des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial : 30 000 euros annuels pour la mise à jour et l'actualisation ;

- l'enveloppe annuelle pour la rédaction de plans de gestion des biens inscrits : 80 000 euros. En 2013, une subvention à hauteur de 22 000 euros a été accordée à la collectivité pour l'élaboration du plan de gestion de la juridiction de Saint-Emilion et un marché d'étude sous maîtrise d'ouvrage de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d'Aquitaine a été notifié pour l'élaboration du plan de gestion du bien « grottes préhistoriques de la vallée de Vézère ». Le montant de ce marché atteint près de 50 000 euros ;

- dans le cadre de la présidence française des Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes : séminaire scientifique, valorisation au niveau international : 15 000 euros pour 2013 ;

- l'élaboration du plan de gestion du Mont-Saint-Michel : 110 000 euros (achèvement prévu courant 2014).

Ces financements s'effectuent hors opérations sur les monuments historiques, les espaces protégés et l'archéologie. Parmi les crédits accordés à la conservation des biens inscrits proprement dite, on peut citer :


• pour les monuments historiques :

- les « Palais et parc de Versailles » inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1979. Le montant des travaux inscrits au budget de 2013 s'élève à 42 millions d'euros (hors report) dont près de 11,3 millions d'euros par subvention d'investissement du ministère de la culture et de la communication ;

- les « Palais et parc de Fontainebleau » inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1981. Le montant des travaux inscrits au budget de 2013 s'élève à près de 7,7 millions d'euros (hors report) dont près de 6,4 millions d'euros par subvention d'investissement du ministère de la culture et de la communication et 0,8 million d'euros par mécénat ;

- En Champagne-Ardenne, les très importants travaux de l'étage de la rose de la cathédrale de Reims ont débuté pour un montant total de travaux de 3,9 millions d'euros dont 1,5 million d'euros de mécénat. Ils doivent se poursuivre en 2014.


• Pour les espaces protégés :

- la mise en oeuvre du périmètre de protection modifié aux abords du Mont Saint-Michel : le montant de l'opération s'élève à environ 400 000 euros dont près de 145 000 euros pour 2013.

Source : Ministère de la culture et de la communication
Réponse au questionnaire budgétaire

L'amélioration de l'accès au patrimoine concernera également les archives , éléments de notre mémoire collective, en clarifiant les délais de communicabilité des documents.

Enfin, le projet de loi devrait intégrer la notion de qualité architecturale dans le code du patrimoine et faire bénéficier les particuliers, lorsqu'ils construisent pour eux-mêmes, sans architecte, dans les communes où il existe un patrimoine protégé, des conseils architecturaux du CAUE du département. Ce projet s'inscrit donc bien dans la continuité de la politique mise en oeuvre par le ministère dans le cadre du présent projet de loi de finances.

2. Le périmètre du Centre des monuments nationaux

Depuis 2009 6 ( * ) et jusqu'à la fin de l'année 2011, votre commission a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises la nécessité de conforter le système de péréquation du Centre des monuments nationaux (CMN), qui permet d'ouvrir au public et d'animer 94 monuments grâce aux profits tirés de la billetterie des 6 monuments bénéficiaires (Arc-de-triomphe, Mont Saint-Michel...).

Dans son rapport public annuel de février 2013, la Cour des comptes est revenue sur le cas du CMN, jugeant qu'il s'agit d' « un redressement tardif ». Déjà en 2010, elle avait estimé que la vague de transferts de monuments historiques appartenant à l'État vers les collectivités territoriales avait entraîné une « période d'incertitude sur le périmètre du parc de monuments du CMN ».

En 2013, la Cour rappelle également plusieurs éléments jugés alors « contestables », tels que l'affectation des ressources ou la compétence de la maîtrise d'ouvrage. Surtout, elle insiste sur la redéfinition du périmètre du CMN, « toujours en suspens ». Elle juge urgent d'actualiser les listes des monuments affectés au CMN ou dont la gestion lui a été confiée par convention avec L'État, telles qu'elles figurent respectivement dans l'arrêté du 5 mai 1995 et la convention du 4 avril 1998.

Les discussions entre l'établissement public d'une part, et le ministère de la culture et de la communication et France Domaines d'autre part, seront certainement facilitées par l'inscription, dans le futur projet de loi, d'une définition législative du principe de péréquation des ressources entre monuments . Cette garantie de péréquation constituera une contrainte juridique forte pour la définition des listes de monuments, dans la mesure où elle garantira au CMN le bon fonctionnement du patrimoine monumental dont il a la responsabilité.

3. La mise en oeuvre de certaines recommandations du Livre blanc de l'archéologie préventive

Le Livre blanc élaboré par la commission d'évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d'archéologie préventive a été remis à la ministre de la culture et de la communication le 29 mars 2013.

Ce Livre blanc exprime un consensus de la commission sur la discipline archéologique :

- il présente les principes fondamentaux pour l'ensemble de la discipline et de ses acteurs ;

- il expose un bilan partagé sur dix années de mise en oeuvre de la législation relative à l'archéologie préventive ;

- il formule une série de propositions articulées autour de six thèmes majeurs et inscrites dans un projet conceptualisé.

Sur le fond, le ministère de la culture envisage de reprendre à son compte l'essentiel des propositions du Livre blanc. D'autres sujets, pas ou peu explorées par le Livre blanc, feront également l'objet de propositions de réforme.

Le Livre blanc constitue ainsi un point de départ à un projet d'ensemble qui s'articule autour de 6 axes :

- le patrimoine archéologique, une ressource à préserver ;

- le renforcement du dispositif actuel de l'archéologie préventive ;

- le financement du dispositif ;

- l'exploitation scientifique et la diffusion des résultats de la recherche archéologique ;

- les acteurs de l'archéologie ;

- les relations entre archéologie et aménagement du territoire.

Sans entrer dans l'énumération complète des mesures proposées ou à l'étude, on peut en signaler certaines, particulièrement emblématiques :

- l'instauration d'un régime de propriété du mobilier archéologique, de nature à garantir des conditions de conservation et d'accessibilité satisfaisante d'un point de vue scientifique et patrimonial ;

- le replacement de la notion de responsabilité scientifique de l'État au coeur du dispositif ;

- l'organisation de la conservation des vestiges in situ en utilisant une pluralité d'outils (acquisition, protection au titre des monuments historiques, protection des espaces protégés, intégration dans les documents d'urbanisme) ;

- la définition et l'organisation d'un pôle public de l'archéologie (qui réunirait l'État « culture », l'Institut national de recherches archéologiques préventives - Inrap -, les collectivités territoriales, le Centre national de la recherche scientifique - CNRS -, les universités) et la mise en oeuvre d'une garantie des conditions d'une concurrence équitable entre l'Inrap et les autres opérateurs ;

- la définition d'un bon équilibre entre les différents délais permettant la réalisation d'un travail scientifique de qualité compatible avec les contraintes de l'aménagement.

Votre rapporteur pour avis se réjouit que la définition de la politique de recherche soit prochainement abordée, compte tenu des difficultés rencontrées sur le terrain. Les personnels des services archéologiques territoriaux se sont d'ailleurs très récemment mobilisés autour de cette question, démontrant la nécessité de développer la réflexion relative à la politique nationale de recherche dans le domaine de l'archéologie préventive.

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* *

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à votre commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Patrimoines » au sein de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2014.

DEUXIÈME PARTIE

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* 6 Rapport d'information n° 599 (2009-2010), de Mme Françoise Férat, sénateur, au nom du groupe de travail sur le Centre des monuments nationaux et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, « Au service d'une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable du Centre des monuments nationaux ».

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