N° 162

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XXI

VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE

Par M. Gaëtan GORCE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 29 ) (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, le 12 novembre 2013 1 ( * ) , la commission des lois, réunie le 27 novembre 2013 2 ( * ) sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur a examiné, sur le rapport pour avis de M. Gaëtan Gorce, les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2014 au programme « vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE).

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis, a rappelé que les autorisations d'engagement pour 2014, qui s'élèvent à 285 357 667 euros, couvriront le financement public des partis politiques, les crédits nécessaires à l'organisation des élections, la dotation allouée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), ainsi que, dans une moindre mesure, l'entretien des édifices cultuels des départements concordataires d'Alsace et de Moselle et la maintenance du « Répertoire national des associations ».

Il a précisé que la forte hausse des crédits du programme s'expliquait par la tenue en 2014 des scrutins pour les élections européennes, sénatoriales, municipales et territoriales de Nouvelle-Calédonie .

Il a souligné que la diminution des dotations versées aux partis politiques à partir de 2013 s'expliquait, d'une part, par le nombre de suffrages exprimés pour les formations politiques lors des élections législatives, globalement moins important en 2012 qu'en 2007, et par une augmentation de la modulation financière, liée au non respect des règles en matière de parité, pour un plus grand nombre de formations politiques.

Il a noté que les dispositions législatives adoptées en 2013 conduiraient à terme à un plus grand respect de la parité , notamment pour les élections locales et sénatoriales, à un renforcement du pluralisme politique ainsi qu'à un meilleur contrôle des comptes des partis politiques .

Enfin, il a souhaité poursuivre la réflexion sur une éventuelle fusion, à terme, de la CNCCFP et de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 .

Mesdames, Messieurs,

En disposant que « les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage », l'article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 consacrait pour la première fois, dans notre texte fondamental, le rôle des formations politiques, en le limitant néanmoins à leur seule fonction électorale.

Pourtant, la fonction essentielle des partis politiques dans la vie démocratique est nécessairement plus large. Non seulement, ils participent à la formation de l'opinion mais ils structurent le débat démocratique en aidant à l'émergence de points de vue et de solutions alternatives. Il leur appartient également, comme l'ont fait les partis socialistes et communistes par exemple avec la classe ouvrière, de contribuer à l'intégration de catégories entières de la population dans le système politique.

Ce rôle, les partis ont aujourd'hui de plus en plus de difficultés à l'assumer. Leur évolution n'a pas suivi celle de la société ni les attentes des citoyens qui se montrent de plus en plus réservés voire franchement critiques à leur égard. La question de la « rénovation » d'appareils conçus aujourd'hui d'abord dans la perspective de l'élection présidentielle est posée, ce qu'illustre la faveur dont jouit en ce moment la procédure dite des primaires. Celle-ci fournit la preuve, pourtant, de l'inadaptation des règles internes des partis à une nouvelle donne qui amène le citoyen à refuser que le choix des candidats soumis à ses suffrages soit monopolisé par des organismes qu'il juge opaques et peu représentatifs.

Pour autant, les partis politiques demeurent indispensables. La vie politique ne saurait, sans s'assécher, se réduire à des compétitions personnelles et médiatisées, ou à la confrontation ponctuelle de réseaux ou de mouvements nés de l'actualité ou polarisés sur un seul type de questions.

Le cadre juridique offert aux partis doit donc avoir pour but d'aider ceux-ci à exercer pleinement leur mission sans conduire à une ingérence qui pourrait remettre en cause leur indépendance. L'article 4 de la Constitution, ne rappelle-t-il pas que les partis « se forment et exercent leur activité librement » sous réserve du respect de la souveraineté nationale et de la démocratie ?

La nature des dispositions légales entourant l'activité des partis, qui ne concernent curieusement que leurs modes de financement, témoigne de cette double exigence de contrôle et d'autonomie.

Par la loi du 11 mars 1988 puis la loi du 15 janvier 1990, le Parlement a ainsi souhaité fixer un cadre aux activités partisanes et au financement non seulement de leurs activités mais également à celui des campagnes électorales auxquelles ils ont naturellement vocation à participer.

Cet encadrement financier ne fait aujourd'hui plus débat dans son principe et connaît même un approfondissement régulier, la législation adoptée cette année l'ayant encore prouvé.

Dans le droit fil du rapport qu'il avait présenté l'an dernier, votre rapporteur a du coup souhaité poursuivre sa réflexion sur la question du financement de la vie politique. À cet égard, l'année 2013 a marqué une étape indéniable avec l'adoption de la loi relative à la transparence de la vie publique. À l'initiative du groupe écologiste de l'Assemblée nationale relayée et confortée par le Sénat, ce texte définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 17 septembre 2013 contient des dispositions visant à lutter contre les micro-partis, à mieux encadrer le financement des partis ou groupements politiques ou encore à interdire au niveau de la loi l'utilisation par un parlementaire des moyens accordés pour l'exercice de son mandat afin de régler des dépenses électorales. Ces avancées rejoignant des préconisations formulées par votre rapporteur dans son précédent rapport, votre rapporteur s'est attaché à évaluer, plus globalement, les changements mis en oeuvre au regard des recommandations qu'il avait alors pu proposer.

De manière générale, tout en se félicitant, en premier lieu, des récentes évolutions législatives, votre rapporteur regrette qu'une réflexion plus globale ne soit pas engagée sur la définition des partis ou groupements politiques qui ne forment aujourd'hui qu'une sous-catégorie des associations dont ils ne se démarquent que par les obligations juridiques et comptables auxquelles ils se soumettent.

De même, l'approche en matière d'aide financière apportée par les pouvoirs publics aux partis ou groupements politiques reste fondée sur les résultats électoraux et la mesure de l'audience électorale. Comme le relevait votre rapporteur l'an dernier, les règles d'éligibilité à l'aide publique apparaissent donc peu exigeantes sur le niveau du concours des formations bénéficiaires à la vie politique. Est-il cohérent de verser une dotation publique d'un montant non négligeable à un groupement qui participe presque marginalement aux consultations électorales et dispose d'une faible force militante ? Votre rapporteur renouvelle son souhait d'une réflexion sur la possibilité de conditionner l'aide publique à de nouveaux critères relatifs au nombre d'adhérents aux partis et à leur degré d'activité politique.

Votre rapporteur constate que ce débat n'est malheureusement pas davantage engagé.

Aussi, dans la perspective de dresser un bilan, votre rapporteur s'est-il concentré sur l'examen du financement des partis politiques, le montant du financement public qui leur est destiné représentant la part la plus significative des crédits de ce programme, soit plus de 76 millions d'euros engagés en 2013 - montant supérieur aux crédits destinés à couvrir le coût de l'organisation des élections cette année 3 ( * ) .

Auparavant, il a paru utile de présenter les modifications législatives intervenues en matière de droit électoral compte-tenu de l'activité législative particulièrement dense en ce domaine au cours de la session parlementaire écoulée.

I. UN APPROFONDISSEMENT NOTABLE DE LA LÉGISLATION ELECTORALE EN MATIÈRE DE PARITÉ, DE PLURALISME ET DE TRANSPARENCE FINANCIERE

Si l'année 2013 n'a connu que l'organisation d'élections partielles, notamment à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'élection de 7 députés élus lors du renouvellement général de juin 2012, le Parlement a cependant eu à connaître, au cours de cette année, de trois projets de loi dont l'objet principal résidait dans la modification substantielle des modes de scrutin d'élections locales ou nationales. Sans revenir sur l'ensemble des dispositions contenues au sein des lois électorales adoptées définitivement cette année, votre rapporteur souligne cependant que ces textes ont pour point commun de favoriser l'égale représentation des hommes et des femmes au sein des assemblées politiques et, dans une moindre mesure, de permettre une représentation pluraliste des forces politiques.

La législation récente a également marqué un élargissement, certes prudent, des règles de financement des campagnes électorales à l'élection des conseillers consulaires et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), tout en préparant l'application, pour la première fois, du régime des comptes de campagne à l'élection des sénateurs pour le renouvellement partiel de septembre 2014.

A. LE PARACHÈVEMENT D'UNE REPRÉSENTATION PARITAIRE AU SEIN DES ASSEMBLÉES POLITIQUES

Se fondant sur l'article 6 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel jugeait traditionnellement que, sauf disposition constitutionnelle contraire, le principe d'égalité faisait obstacle à toute règle imposant la présence, même minimale, d'un nombre de candidats de chaque sexe, estimant que « la règle qui, pour l'établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe, est contraire aux principes constitutionnels ».

Aussi, pour permettre l'instauration de mesures correctrices en faveur de la participation des femmes au sein des assemblées locales ou parlementaires, le constituant a confié, par la révision du 18 juillet 1999, le soin à la loi de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

La loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 a traduit cette exigence constitutionnelle en recourant à deux types de mécanismes : le premier fondé sur une présentation dans les mêmes proportions de candidats de chaque sexe, ce qui assure une parité au sein des assemblées élues, le second orienté par les partis politiques et prévoyant une minoration financière des aides publiques à ces partis lorsqu'ils ne présentent pas autant de candidats d'un sexe que de l'autre.

Depuis cette date, le législateur, empruntant ces deux voies, renforce progressivement le dispositif permettant d'aboutir à l'objectif constitutionnel de parité. À ce titre, le bilan législatif de l'année 2013 marque des avancées notables qui permettent d'évoquer, si ce n'est un aboutissement, une amélioration du dispositif législatif.

1. Une extension manifeste des exigences de parité lors des élections politiques

Au regard du mode de scrutin applicable, les règles envisageables pour favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives portent sur les modalités de présentation des listes de candidats ou de remplacement des titulaires du mandat.

En cas de scrutin de liste, les règles de déclaration de candidatures, peuvent obliger les listes présentées à comporter, de manière alternative, autant d'hommes que de femmes parmi les candidats. À l'origine appréciée par groupe de six candidats, cette obligation s'est progressivement renforcée pour les élections politiques avec l'exigence d'alterner un candidat de chaque sexe.

Lorsque le mode de scrutin est uninominal, la loi peut imposer au candidat titulaire de présenter un remplaçant de sexe différent du sien à l'instar de la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 pour les élections cantonales.

Sous l'effet de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013, ces règles s'appliquent désormais à l'ensemble des élections locales. En effet, le législateur, en prévoyant que le mode de scrutin de liste s'applique dans les communes comptant plus de 1 000 habitants et non plus 3 500 habitants, a eu pour effet d'étendre ce mode de scrutin à 6 713 communes. Mécaniquement, dans ces communes, les listes de candidats doivent désormais comporter par alternance un homme et une femme.

De surcroît, la loi du 17 mai 2013 a prévu, sur le même bulletin, la présentation des candidats au mandat de conseiller communautaire avec la même exigence d'alternance d'un homme et d'une femme. La loi contient pour la première fois, s'agissant des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, une règle électorale favorisant l'égale représentation des hommes et des femmes.

Si cette règle devrait renforcer la présence des femmes au sein de ces assemblées, elle ne peut totalement garantir un nombre parfaitement égal d'hommes et de femmes siégeant au sein de cette assemblée. En effet, dès lors que des communes disposeront d'un nombre de sièges impair de représentants au sein de l'assemblée délibérante de l'EPCI, il existera une différence dans la représentation d'une unité entre les deux sexes. Dans ce cas, l'addition de ces déséquilibres en termes de représentation strictement paritaire aura pour effet, dans une proportion certes limitée, d'obtenir plus de conseillers communautaires d'un sexe que de l'autre.

Dans le même esprit, contrairement à l'absence actuelle de règles pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 a retenu, pour l'élection des conseillers consulaires et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, des modalités de dépôt des candidatures qui imposent également une alternance de candidats de sexe différent sur les listes présentées. Lorsque la circonscription ne comporte qu'un siège, le remplaçant est alors de sexe différent.

Enfin, le Sénat a contribué à favoriser la parité pour l'élection des sénateurs, après avoir constaté l'arrêt de la dynamique qui avait conduit au fil des renouvellements partiels à augmenter la part des femmes siégeant au sein de notre assemblée. En effet, la seule règle en faveur de la parité portait sur l'obligation faite, depuis 2000, d'une présentation en alternance de candidats de chaque sexe sur la liste de candidats lorsque le scrutin de liste est applicable, soit depuis 2004, pour les départements comptant au moins quatre sièges de sénateurs. En abaissant le seuil d'application de ce scrutin aux départements comptant au moins trois sièges, la loi n° 2013-702 du 2 août 2013 a mécaniquement eu pour effet de favoriser la parité au sein de notre assemblée, ce qui était un objectif affiché de la réforme à la suite des travaux de la commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique.

Lors de la discussion de ce texte, le Sénat a adopté un amendement du groupe communiste favorisant la parité dans les circonscriptions élisant un ou deux sénateurs en obligeant le candidat à un siège à présenter un remplaçant de sexe différent. Cette innovation d'initiative sénatoriale est d'autant plus notable qu'elle est sans équivalent pour les élections législatives.

Enfin, malgré les réserves exprimées par votre commission, le Sénat, toujours sur proposition du groupe communiste, a franchi un pas supplémentaire pour l'élection des sénateurs en prévoyant que toute liste de candidats à la désignation comme délégués des conseils municipaux des communes de plus de 1000 habitants devrait faire figurer par alternance un candidat de chaque sexe. De cette manière, au sein du collège électoral des sénateurs, le nombre des grands électeurs de chaque sexe, sans être totalement identique, se rapprocherait indéniablement.

Parallèlement, le législateur a prévu, pour l'élection des futurs conseillers départementaux, la présentation d'un binôme paritaire avec un suppléant de même sexe. Le binôme ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés au premier ou second tour remporte ainsi les deux sièges occupés par un homme et une femme, chacun ayant pour remplaçant une personne de même sexe.

Au total, s'il faut se féliciter de ces évolutions qui visent à créer un mouvement irréversible en faveur d'une véritable représentation des femmes dans la vie publique, il semble à votre rapporteur que ce processus gagnerait à être évalué d'ici quelques années pour savoir s'il a provoqué une évolution des esprits rendant obsolètes des règles strictement contraignantes ou si celles-ci restent indispensables au regard des résistances opposées par le système politique à l'accès des femmes à la représentation.

En conclusion, parmi les élections politiques, seule l'élection des députés ne comporte aucune règle de présentation favorisant la recherche d'une parité entre les hommes et les femmes. Cette absence de règle au stade du dépôt de candidature trouve cependant une compensation puisque les minorations financières applicables à un parti ou groupement politique qui ne respecterait pas l'objectif de parité sont calculées sur la base des présentations de candidature lors du renouvellement général de l'Assemblée nationale.

2. Un renforcement des minorations financières pour les partis politiques

Parallèlement, le Gouvernement a souhaité renforcer les mécanismes incitant les partis ou groupements politiques à présenter autant de candidats que de candidates pour l'élection des députés.

En effet, contrairement aux règles pour l'élection des sénateurs élus scrutin uninominal, celles applicables à l'élection des députés n'obligent pas à la désignation d'un remplaçant de sexe différent.

Cependant, l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 prévoit une modulation sur le montant de l'aide publique versé par l'État aux partis ou groupements politiques. Ce montant est d'autant plus réduit que le parti ou groupement politique n'a pas respecté l'objectif de parité dans la présentation des candidatures.

Le financement public des partis ou groupements politiques

La loi n° 88-227 du 11 mars 1998 a instauré un mode de financement des formations politiques essentiellement public en contrepartie, d'une part, de l'interdiction faite aux personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques eux-mêmes, d'effectuer un don ou de conférer un avantage en nature aux partis ou groupements politiques et, d'autre part, de la limitation de ces dons et avantages en nature provenant des personnes physiques.

L'aide publique se décompose en deux fractions.

La première fraction est ouverte aux partis ou groupements politiques ayant obtenu une certaine audience lors des élections législatives générales, ce qui exige, en métropole ou à l'étranger, la réunion d'au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ou, pour les circonscriptions outre-mer qui connaissent un régime plus favorable, lorsque le ou les candidats présentés dans ces circonscriptions ont obtenu au moins 1 % de suffrages exprimés.

Pour les partis ou groupements éligibles, le montant de cette première fraction est calculé à due proportion du nombre de suffrages obtenus au premier tour des élections législatives lors du renouvellement général, ce calcul valant pour la durée totale de la législature.

La seconde fraction est fondée sur le nombre de parlementaires qui déclarent annuellement se rattacher à un parti ou groupement politique pourvu que ce dernier soit éligible à la première fraction.

a) Le renforcement en cours d'adoption du montant de la minoration financière de l'aide publique en cas de violation de l'objectif de parité

Une fois le montant de l'aide calculé, ce dernier peut se voir réduit dès que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasse 2 % du nombre total des candidats rattachés à un parti ou groupement politique. Cette minoration est proportionnelle à l'écart constaté : le montant est diminué d'un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart. Fixé à la moitié par la loi du 6 juin 2000, ce coefficient de diminution a été augmenté à son niveau actuel de trois quart par la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007.

Le projet de loi pour l'égalité des femmes et des hommes, adopté par le Sénat le 17 septembre 2013, prévoit de fixer le coefficient de diminution à 150 % de l'écart constaté, ce qui équivaut à un doublement du niveau actuel et un triplement du niveau d'origine. Ainsi, un parti politique qui présenterait parmi ses candidats moins d'un tiers de candidats d'un même sexe ne bénéficierait plus d'aide publique de la première fraction, ce qui serait toutefois sans incidence sur son droit à bénéficier de la seconde fraction d'aide s'il remplit les conditions.

En outre, la minoration ne peut excéder le montant de l'aide dû, ce qui signifie qu'elle ne peut aboutir à ce que le parti ou groupement politique devienne redevable d'une somme à l'État. Cette précaution permet d'éviter de transformer cette modulation de l'aide en une sanction, ce qui aurait alors pour effet de soumettre cette disposition au principe de nécessité des peines posé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

Cette modification résulte directement des propositions de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin qui, dans son rapport de 2012, souhaitait rendre plus dissuasive cette modulation.

Comme l'indiquait alors notre collègue Virginie Klès, rapporteur de votre commission, « ce pourcentage de 150 % constitue une option maximale, une augmentation au-delà pouvant compromettre le financement public qui assure l'essentiel des ressources de certaines partis politiques au risque de porter atteinte à l'objectif constitutionnel d'expression pluraliste des opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

b) L'évolution des minorations financières de l'aide publique en cas de violation de l'objectif de parité

Au-delà de la question du niveau de la minoration appliquée aux partis ou groupements politiques, votre rapporteur continue de s'interroger sur l'opportunité d'introduire un dispositif fondé davantage sur un « bonus » qu'un « malus » financier, ce qui serait plus incitatif qu'une approche d'essence punitive.

En revanche, lors de l'examen du projet de loi portant sur l'égalité entre les femmes et les hommes, le Sénat n'a pas adopté des amendements visant à intégrer une modulation financière sur la seconde fraction de l'aide publique.

En effet, la différence entre les deux fractions a conduit notre assemblée à ne pas retenir une telle option car si la première fraction est fonction du nombre de candidats et candidates présentés, ce que le parti politique maîtrise, la seconde fraction est une aide publique dont le montant est calculé à partir du nombre de députés et sénateurs qui se rattachent chaque année à ce parti politique. Or, le nombre d'élus qu'un parti politique peut « faire élire » au sein des deux assemblées est soumis à l'aléa du choix des électeurs quand bien même certains circonscriptions sont réputées avoir un profil politique de vote.

En outre, le rattachement est parfaitement libre et un parti ou groupement politique ne peut avoir l'assurance qu'un parlementaire se rattachera à lui, une fois élu. Une règle contraire pourrait s'apparenter à un mandat impératif, prohibé par l'article 27 de la Constitution.

Ces circonstances ont conduit notre assemblée, conformément à l'avis du rapporteur de votre commission, Mme Virginie Klès, à ne pas s'engager dans cette voie.


* 1 Le compte rendu de l'audition du ministre de l'intérieur est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/lois.html#toc3.

* 2 Le compte rendu de la réunion de commission est consultable à l'adresse suivante : http://intranet.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html.

* 3 Pour 2014, 68 millions d'euros sont prévues en autorisations d'engagement pour le financement des partis politiques contre 209 millions pour l'organisation des élections en raison du renouvellement générale des conseils municipaux, du Parlement européen et des assemblées de provinces de la Nouvelle-Calédonie ainsi que du renouvellement partiel du Sénat.

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