C. LE CONTRÔLE DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES : DES PISTES À ENVISAGER

Malgré les avancées législatives évoquées, plusieurs pistes doivent encore être envisagées pour que le contrôle opéré par la CNCCFP puisse être pleinement satisfaisant. Il s'agit, d'une part, d'homogénéiser les règles de présentation des comptes par l'ensemble des formations, d'autre part de se pencher sur les flux financiers entre formations politiques et autres personnes morales.

1. Une indispensable homogénéisation des règles comptables dans la présentation des comptes des partis

La présentation et l'organisation de la comptabilité des partis politiques sont prévues par l'avis no 95-02 du 8 mars 1995 du Conseil national de la comptabilité relatif à la comptabilité des partis politiques et groupements politiques qui doit servir de référence lors de la certification des comptes d'ensemble des partis politiques, comme l'a rappelé le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) dans un avis 8 ( * ) .

Cependant, le H3C a souligné l'absence de référence de l'avis n° 95-02 au principe d'image fidèle 9 ( * ) Dès lors, l'opinion des commissaires aux comptes « sera formulée en termes de conformité des comptes, dans tous leurs aspects significatifs », et « pourra utilement faire référence, en particulier, au respect par les comptes du principe de sincérité, qui implique que les informations comptables donnent à leurs utilisateurs une description adéquate, loyale, claire, précise et complète des opérations, événements et situations ».

En outre, le H3C a considéré que l'ensemble des normes d'exercice professionnel trouvaient à s'appliquer aux commissaires aux comptes des formations politiques dont notamment les normes relatives au « rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés » et à la « justification des appréciations ».

Enfin, un avis technique a été élaboré par la compagnie nationale des commissaires aux comptes 10 ( * ) afin, d'une part, d'exposer les risques propres aux partis et groupements politiques et, d'autre part, de présenter les diligences appropriées qui en résultent pour les commissaires aux comptes qui contrôlent ce type d'organismes.

Au-delà de l'ancienneté de l'avis, rendu en 1995, dont certains postes comptables mériteraient une actualisation, son caractère non contraignant ne permet pas d'imposer une homogénéisation de la présentation des comptes déposés devant la CNCCFP. Votre rapporteur continue donc de préconiser de rendre obligatoire l'utilisation d'un formulaire, agréé par la CNCCFP, pour permettre une présentation homogénéisée des comptes des partis politiques et des candidats.

Ayant eu l'occasion l'an dernier de consulter, dans les locaux de la CNCCFP, les comptes de plusieurs formations politiques, votre rapporteur n'avait pu que constater l'extrême diversité des éléments fournis par les partis politiques.

Si les candidats aux élections et les partis politiques respectent scrupuleusement, dans leur immense majorité, les préconisations de la CNCCFP, la procédure contradictoire permet à ces derniers, le cas échéant, d'apporter à la commission les précisions souhaitées.

Néanmoins, l'absence de cadre précis et contraignant rend le contrôle imparfait. À titre d'exemple, les manifestations événementielles des candidats à l'élection présidentielle (organisation d'un meeting, etc.) peuvent figurer sur des lignes budgétaires très disparates selon que le candidat les a organisées lui-même, ou les a confiées à une entreprise qui va les réaliser « clé en mains ». Il n'est donc pas possible de retracer, par exemple, le coût d'un événement de campagne dans sa globalité, sur le fondement des seuls éléments que les partis politiques doivent obligatoirement fournir. Un cadre comptable détaillé, par nature et par fonction, permettrait de croiser et donc de contrôler efficacement les données.

2. Vers davantage de contrôle sur les transferts financiers entre partis politiques et autres personnes morales

Lors de son rapport de l'an dernier, votre rapporteur avait mis en exergue le fait que l'existence de flux financiers entre partis politiques rend incertaine la destination effective des dons aux partis politiques, en contradiction avec l'intention du législateur qui avait souhaité assurer la traçabilité des fonds destinées aux activités partisanes.

Votre rapporteur réitère le constat selon lequel une analyse succincte des flux entre formations politiques laisse transparaître que ce sont principalement les formations politiques majeures qui alimentent les plus petites, et non l'inverse. Autrement dit, les courants d'idées, structurés associations, organisés autour d'une ou plusieurs personnalités, sont assez largement financés par des « formations mères ».

Or, il est impossible pour la CNCCFP, dans les comptes des partis bénéficiant d'une aide publique, de distinguer les dépenses consacrées directement aux campagnes électorales et les versements effectués à un autre parti. Indéniablement, cette situation gagnerait à être clarifiée car le financement public des partis n'a pas vocation à alimenter des formations politiques qui contournent, par leur mode de financement, l'esprit de la loi. Sans interdire le principe des flux financiers entre partis politiques, une réflexion devrait être engagée sur la part maximale que les transferts financiers doivent représenter dans l'ensemble des revenus d'une formation politique.

Au cours de l'examen de la loi relative à la transparence de la vie publique, le Sénat avait adopté en première lecture, à l'initiative de votre rapporteur, une disposition tendant à compléter la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 afin que les partis ou groupements politiques bénéficiant d'un financement public établissent pour tout transfert financier avec une autre personne morale une convention annexée aux comptes déposés annuellement auprès de la CNCCFP. Les bénéficiaires d'un tel versement n'étant pas soumis aux mêmes obligations de contrôle que les partis ou groupements politiques, l'obligation d'établir une convention permettait d'assurer sa transparence et son suivi.

Toutefois, à la faveur des débats particulièrement nourris en séance publique, cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Sans remettre en cause son intention, l'Assemblée nationale a estimé qu'en raison de la trop grande diversité des personnes morales pouvant avoir des liens financiers avec un parti politique, cette obligation paraissait lourde et complexe au regard de son utilité. En effet, de par la rédaction de cette nouvelle disposition, la moindre prestation commerciale courante à destination d'un part ou groupement politique aurait impliqué la rédaction d'une convention. Si votre rapporteur ne mésestime pas ces difficultés, il constate que le problème du contrôle des flux financiers entre les formations politiques et certaines personnes morales n'est pas résolu et préconise que la question soit de nouveau abordée par le législateur.


* 8 Avis 2011-21 du 28 novembre 2011 rendu par le Haut conseil du commissariat aux comptes en application de l'article R. 821-6 du code de commerce sur une saisine portant sur l'exercice de la mission de commissariat aux comptes dans les partis et groupements politiques.

* 9 Ce principe, qui favorise une vision d'ensemble de l'entité concernée et permet de traduire la réalité d'une situation financière ou patrimoniale en l'absence d'une règle ad hoc ou en présence d'une règle inadaptée, ne pourra pas être utilisé par le commissaire aux comptes pour exprimer son opinion sur les comptes.

* 10 Avis technique du 19 avril 2012 relatif à la mission des commissaires aux comptes dans les partis et groupements politiques entrant dans le champ d'application de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée.

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