G. LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) constituent, en application de l'article 72 de la Constitution, une collectivité à statut particulier dont le régime est fixé par la loi du 6 août 1955. En l'absence de population permanente, cette collectivité dont le territoire s'étend sur près de 7 829 kilomètres carrés est directement administré par l'État, représenté par un préfet, administrateur supérieur. Ce territoire assure à la France environ 2,35 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE), soit près de 23 % de la surface totale des eaux sous juridiction française.

Les TAAF comptent cinq districts, circonscriptions déconcentrées dirigées par un chef de district désigné par l'administrateur supérieur : Crozet, Kerguelen, Amsterdam et Saint-Paul, Terre-Adélie et, depuis 2007, les îles Éparses 20 ( * ) détachées du préfet de La Réunion.

L'activité économique principale au sein des TAAF est la pêche qui est règlementée, dans le respect des engagements internationaux de la France, par l'administrateur supérieur. Les eaux des îles subantarctiques restent riches en ressources halieutiques, principalement pour la langouste et la légine.

Le tourisme reste marginal mais l' activité pétrolière , si les recherches d'hydrocarbures au large de Juan de Nova s'avéraient concluantes, pourrait constituer une nouvelle ressource qui ne manquerait pas de susciter la convoitise et d'attiser les contentieux de souveraineté dans la zone. Cette nouvelle activité pourrait conduire à une nouvelle source de financement pour l'administration des TAAF, par la voie d'une redevance sur les investissements pétroliers.

Les efforts de gestion de l'administration des TAAF ne doivent pas écarter une réflexion sur les ressources financières alors que la fin du « pavillon Kerguelen » 21 ( * ) en 2005 a représenté en 2011 une perte de recettes de l'ordre de 930 000 euros pour cette administration. À ce jour, cette perte n'a absolument pas été compensée, ce que votre rapporteur déplore depuis cette date.

1. Une vocation de préservation de l'environnement et de recherche scientifique à maintenir

L'essentiel du territoire des TAAF fait l'objet d'une protection environnementale particulière . Depuis 2006, une réserve naturelle nationale couvre ainsi la quasi-totalité des îles subantarctiques et de leurs aires marines. La Terre-Adélie, régie comme le reste du continent antarctique par le protocole au traité sur l'Antarctique du 4 octobre 1991, est protégée au titre des engagements internationaux de la France. Enfin, la création, en mars 2012, d'un parc naturel marin des Glorieuses adjacent à celui de Mayotte et s'ajoutant à la réserve naturelle de quatre îles Éparses confirme l'attachement de la France à assurer la protection de cet environnement inestimable. En application de ces règles, l'accès et les activités sur ces territoires sont restreints et effectués sous le contrôle de l'administration des TAAF.

Sur le plan de la recherche, cinq stations accueillent une moyenne annuelle de 225 scientifiques français ou étrangers sous la direction de l'institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV). Fait notable, la localisation de ces stations entre le 37 ème parallèle sud, pour la plus septentrionale, et le 75 ème parallèle sud, pour la station franco-italienne Concordia à l'intérieur du continent antarctique, place la France dans une position inédite pour mener des recherches sur le changement climatique. La vocation scientifique des TAAF a été confortée avec l'intégration des îles Éparses permettant des comparaisons entre les îles subantarctiques et ces îles situées au 13 ème parallèle sud, soit un gradient d'études qui recouvre près de 80 % de l'hémisphère sud.

Votre rapporteur ne peut que souhaiter le prolongement de ces actions en matière de recherche et d'environnement qui sont, à défaut d'activité économique sur place à l'exception de la pêche, la raison d'être des TAAF. Il réitère l'idée selon laquelle en dépit de sa position géographique éloignée, l'atoll de Clipperton pourrait utilement entrer dans ce cadre de recherches sur l'histoire de notre planète et la protection de sa biodiversité.

2. Une présence française à pérenniser

La présence française dans ces territoires, souvent difficiles d'accès, est indispensable pour affirmer la souveraineté française.

Si, pour les îles Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, la souveraineté française n'est pas formellement contestée, des revendications territoriales ont pu exister de la part de l'île Maurice sur Tromelin et pourraient se manifester pour certaines des autres îles Éparses. Il importe donc de défendre les intérêts français, et ce, d'autant plus que la découverte de ressources naturelles pourrait susciter de nouvelles revendications. Sur ce point, la convention de gestion signée le 6 juin 2010 entre l'île Maurice et la France 22 ( * ) pour une gestion conjointe des ressources de l'île Tromelin dans l'intérêt de la zone, sans se prononcer formellement sur la souveraineté dont il ne fait nul doute pour votre rapporteur qu'elle revient à la France, est une piste intéressante de règlement des différends territoriaux.

La Terre-Adélie répond, quant à elle, à un régime particulier puisque le traité de Washington, en vigueur depuis 1961 et reconduit en 1991 pour cinquante ans par le protocole signé à Madrid, réserve exclusivement le continent Antarctique à un usage scientifique tout en gelant, à cette date, les revendications de souveraineté des États possessionnés au rang desquels figure la France.

L'exercice des missions de souveraineté incombe, en application de l'article 2 de la loi du 6 août 1955, à l'administrateur supérieur, représentant de l'État et chef du territoire, qui doit, pour ce faire, disposer des moyens humains et financiers nécessaires. Le retrait de plusieurs agents notamment de Météo France, du fait de l'informatisation des stations de mesure, réduit la présence humaine sur certaines îles. Or, dans les îles Éparses notamment, l'absence d'implantation humaine ou de visites régulières peut susciter des convoitises sur les ressources naturelles ou favoriser l'implantation d'activités illégales ou de bases arrière pour des trafics ou des actes de piraterie. Si, lors de son audition par votre rapporteur, M. Pascal Bolot, préfet, administrateur supérieur des TAAF, a indiqué que les actes de piraterie avaient cessé depuis six mois dans la zone, la vigilance doit rester de mise.

Dans ce contexte, il semble indispensable que les forces armées continuent d'assurer la présence française sur les îles relevant des TAAF, ce qui constitue une de ses missions fondamentales. Les îles Glorieuses, Europa et Juan de Nova comptent actuellement des détachements de l'armée de Terre placés sous la direction d'un gendarme tandis que l'île Tromelin est gardée par un seul gendarme. La question d'une présence permanente ne se pose pas pour l'île Bassas de India recouverte à marée haute.

Cette présence est facilitée par le fait que les militaires sont mis à disposition auprès de l'administration des TAAF qui ne supportent ainsi que les « charges d'accompagnement » de ces militaires (logement, transport, etc.) et non leur rémunération.  Cette solution résulte d'un arbitrage en 1982 du Premier ministre Pierre Mauroy. Compte-tenu de l'enjeu vital pour les intérêts français, votre commission est attachée à son maintien, et ce, d'autant plus que les missions de souveraineté incombent bien à l'État et non à une collectivité même sui generis . Il serait également utile qu'une présence militaire soit régulièrement assurée à Clipperton dont les ressources naturelles, particulièrement riches, sont malheureusement pillées et polluées.

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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la mission outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2014.


* 20 Les îles Éparses comprennent les îles Tromelin, Glorieuses, Europa, Bassas de India et Juan de Nova.

* 21 Du fait de la création du registre international français (RIF) par la loi n° 2005-412 du 3 mai, son article 34 supprime, en conséquence, la possibilité pour les navires de commerce d'être immatriculés auprès du registre de Kerguelen à partir de mai 2007.

* 22 Accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur la cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l'île de Tromelin et à ses espaces maritimes environnants (ensemble deux annexes et trois conventions d'application), signé à Port-Louis le 7 juin 2010 : http://www.senat.fr/leg/pjl11-299-conv.pdf .

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