B. LA VOLONTÉ AFFICHÉE PAR LE GOUVERNEMENT D'APPORTER UNE RÉPONSE QUI DÉPASSE LA GESTION DE L'URGENCE NE TROUVE PAS DE TRADUCTION BUDGÉTAIRE

1. La réponse à l'urgence se fait aux dépends de réels efforts d'accompagnement et de réinsertion
a) L'augmentation des crédits porte avant tout sur l'urgence

Au sein de l'action Hébergement et logement adapté , dont les crédits progressent de 5 %, les crédits alloués à l'hébergement d'urgence (en CHU ou en hôtel notamment) progressent de 67 millions d'euros (soit plus que l'augmentation globale des crédits du programme), alors que les crédits destinés aux CHRS sont stables et que les crédits du logement adapté baissent de 5 %.

Figure n° 6 : Evolution des crédits au sein de l'action 12 du programme 177 (PLF 2014 - PLF 2015)

(en millions d'euros)

Source : Projet annuel de performance

En termes de politiques publiques, cette répartition des crédits correspond à une politique de mise à l'abri qui ne s'accompagne pas assez d'efforts d'accompagnement en direction des personnes concernées. Il s'agit là d'une tendance observée depuis plusieurs années qui va à l'encontre des objectifs affirmés par le Gouvernement.

En particulier, alors que le recours à l'hôtel doit être résiduel, on constate que le nombre de nuitées d'hôtel financées est en progression constante, ce qui constitue un usage critiquable des derniers publics. Si ce mode d'hébergement n'est pas nécessairement le plus onéreux 3 ( * ) , la qualité des chambres proposées est souvent médiocre et ne permet pas de s'inscrire dans une logique de réinsertion. Le recours à l'hôtel ne se justifie donc que comme une réponse ponctuelle à des situations d'urgence.

Figure n° 7 : Nombre de places d'hébergement financées

Année

CHU

Hôtels

CHRS

2010

18 593

13 948

39 525

2011

19 766

16 235

39 346

2012

22 091

20 727

39 142

2013

28 692

25 496

39 145

2013/2010

54%

83%

-1%

Source : Projet annuel de performance

Les chantiers lancés dans le cadre de l'amélioration
du pilotage des politiques d'hébergement

Plusieurs chantiers engagés devraient permettre d'améliorer l'efficacité de la politique d'hébergement.

• Les Services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO)

La loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) a consacré le rôle des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui existaient jusque-là en vertu de circulaires (circulaires du 8 avril 2010 et du 13 janvier 2012). Ces services ont vocation à centraliser l'ensemble des places disponibles dans les différentes structures d'accueil afin de permettre une régulation plus efficace. Si la loi ALUR pose le principe d'un SIAO unique par département, intégrant le service téléphonique 115, le processus de convergence des modèles d'organisation est encore largement incomplet.

Le développement d'un système d'information unique (SI SIAO), financée sur les crédits de l'action 14 du programme 177, doit permettre de fluidifier la circulation de l'information.

• Etude nationale de coût

Afin de mieux connaître les différences de coût entre structures d'hébergement, une étude nationale de coût (ENC) a été lancée en 2010. Le déploiement d'un système informatique (SI ENC), qui a commencé en 2014, doit permettre de disposer de données de comparaison et d'enrichir le dialogue de gestion entre l'Etat et les opérateurs.

• Diagnostics territoriaux à 360°

Le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté a prévu l'établissement dans chaque département d'un diagnostic global, dit « à 360° » de l'offre et des besoins en matière de solutions d'hébergement. Leur généralisation devrait se poursuivre en 2015. Ces diagnostics doivent permettre l'actualisation des plans départementaux pour l'accès à l'hébergement et au logement des personnes défavorisées (PDAHLPD) réformés par la loi ALUR.

b) Les efforts d'accompagnement individualisés, qui seuls peuvent permettre d'apporter une réponse à la problématique de l'exclusion, sont insuffisants

Pour les personnes fortement désocialisées et éloignées depuis longtemps du logement, le logement adapté constitue une solution de transition intéressante. On peut donc regretter que les crédits destinés à financer ces dispositifs ne progressent pas.

Les modes de logement adapté

Les dispositifs de logement adapté sont destinés à accompagner les personnes en difficultés afin qu'elles retrouvent l'autonomie suffisante pour occuper un logement ordinaire.

Les dispositifs financés sont de plusieurs ordres :

- l'Etat cofinance avec la Cnaf une aide (ALT 1) destinée aux organismes qui logent à titre temporaire des personnes défavorisées ;

- par le biais de l'intermédiation locative, l'Etat aide des organismes qui prennent à bail des logements du parc privé afin de les sous-louer, à un tarif social, à des ménages défavorisés ;

- les maisons-relai et les pensions de famille sont des structures destinées à offrir un cadre de vie propre à la réadaptation à la vie sociale ;

- l'aide à la gestion locative est une aide versée par l'Etat aux gestionnaires de résidence sociale conditionnée à la mise en place de solutions adaptées aux résidents.

En 2015, les actions d'accompagnement vers et dans le logement (AVDL) ne seront plus financées par le budget de l'Etat mais uniquement par le fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), dont les ressources sont constituées des astreintes versées au titre du droit au logement opposable. Cette mesure ne permet toutefois pas d'expliquer entièrement la baisse des crédits affectés au logement adapté, le montant alloué à l'intermédiation locative passant de 70,1 à 64,8 millions d'euros.

Par ailleurs, des mesures de fongibilité sont régulièrement prises en cours d'année afin d'affecter à l'hébergement d'urgence des crédits initialement destinés au logement adapté.

2. L'objectif de sortie d'une « gestion au thermomètre » n'est pas en voie d'être atteint
a) La volonté de mettre fin à la gestion saisonnière de l'hébergement est partagée par les acteurs

L'augmentation non pérenne du nombre de places d'accueil au moment des grands froids est régulièrement dénoncée par les associations. En effet, si la mise à l'abri des personnes fragiles correspond à une nécessité vitale, leur prise en charge au moment de l'hiver devrait permettre de les faire entrer dans une démarche suivie de réinsertion.

Le Gouvernement a annoncé de manière répétée sa volonté de mettre fin à la gestion saisonnière, notamment dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté 4 ( * ) .

b) Force est de constater que cet objectif n'est pas atteint

Malgré la volonté affichée, cet objectif n'est pas atteint. Le recours à des locaux précaires (casernes, gymnases, hôtels...) a encore pu être observé lors de la campagne 2013-2014, et les personnes accueillies ne se sont pas vu offrir de solutions pérennes à la fin de la période hivernale.

Le manque de moyens explique dans une large mesure cette incapacité à sortir de la gestion au thermomètre, même s'il faut souligner qu'une partie des personnes concernées ne se tournent vers les dispositifs d'hébergement qu'au moment des vagues de froid et les quittent d'eux-mêmes à la fin de l'hiver.

Les chiffres du baromètre 115 de la Fnars

La fédération nationale des associations de réinsertion sociale (Fnars) publie chaque année un « baromètre » présentant l'exercice hivernal clôt. Pour l'hiver 2013-2014, l'étude de la Fnars a porté sur 37 départements et sur le Samu social de Paris et sur la période allant du 1 er novembre au 31 mars.

Il ressort que les demandes d'hébergement adressées au 115 ont progressé de 10 % (2,5 % à Paris), soit un rythme proche de 200 demandes supplémentaires par jour. Cette augmentation est pourtant le fait d'un nombre décroissant de personnes qui sont par ailleurs conduites à réitérer de plus en plus souvent leurs demandes afin d'obtenir une réponse (7,2 demandes en moyenne par personne contre 6,3 durant l'hiver précédent).

A Paris, 45 % des demandes n'ont pas donné lieu à un hébergement, cette part s'élevant à 61 % dans les 37 autres départements étudiés. Par ailleurs, 58 % des personnes qui ont sollicité le 115 étaient déjà connues des services, ce qui témoigne à la fois d'une réponse largement court-termiste et d'un non recours croissant.

Figure n° 8 : Les différentes structures d'hébergement

Dénomination

Missions

Public accueilli

Durée du séjour

CHRS

Accompagnement destiné à aider
les personnes et familles en détresse à retrouver leur autonomie

Personnes isolées
ou familles connaissant de graves difficultés économiques et sociales

Durée déterminée
et renouvelable. Un bilan est effectué
tous les 6 mois

CHU

Hébergement temporaire des personnes ou familles sans abri

Toute personne
sans domicile fixe

Pas de limite

Hébergement de stabilisation

Permettre aux personnes éloignées de l'insertion, de se stabiliser

Toute personne sans domicile fixe

Pas de limite

Logements
et chambres conventionnés ALT

Accueil, à titre temporaire, des personnes défavorisées sans logement et qui ne peuvent pas être hébergées en CHRS

Personnes défavorisées, sans logement,
qui ne peuvent pas être hébergées en CHRS

Pas de limite réglementaire mais l'objectif est que
la durée moyenne n'excède pas six mois

Résidence hôtelière à vocation sociale

Solution d'hébergement de qualité à coût maîtrisé

Publics rencontrant
des difficultés particulières pour
se loger

Occupation
à la journée, à la semaine ou au mois

CADA

Accueil, hébergement et accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile

Demandeurs d'asile en cours de procédure

Durée d'instruction du dossier des demandeurs d'asile

Dispositif HUDA

Accueil des demandeurs d'asile, préalablement à leur admission en CADA

Demandeurs d'asile

Transitoire

Centre maternel

Accueil
des femmes enceintes
et de mères isolées

Femmes enceintes
et mères isolées
avec enfants de moins
de trois ans

Résidence Sociale "classique"

Offrir un logement collectif temporaire meublé à des personnes en difficulté sociale et/ou économique

Personnes en difficulté sociale et/ou économique

1 mois renouvelable, sans limitation de durée

Maisons relais

Accueil des personnes dont l'accès à un logement autonome apparaît difficile à court terme, sans relever de structures de type CHRS

Personnes isolées, fréquentant ou ayant fréquenté de façon répétitive les structures d'hébergement provisoire

Accueil
sans limitation
de durée

Foyer de travailleurs migrants

Accueil
des travailleurs immigrés

Travailleurs immigrés
en situation d'exclusion

1 mois tacitement renouvelable, sans limitation de durée

Source : Direction générale de la cohésion sociale


* 3 Selon les chiffres communiqués par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le coût annuel moyen de l'hébergement en hôtel varie de 5 000 à 7 000 euros, contre 9 000 à 11 000 euros pour les places d'hébergement d'urgence et 15 000 euros en CHRS.

* 4 Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013.

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