INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

À titre liminaire, votre rapporteur pour avis souhaite rendre hommage à M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pendant plusieurs années, dont la qualité des analyses ont permis à votre commission d'apprécier les problématiques relatives aux finances des collectivités territoriales.

Après trois années de gel en valeur de leurs dotations entre 2011 et 2013, puis une année de baisse partiellement compensée par la mise en place de ressources nouvelles en 2014, les collectivités territoriales devraient, à partir de 2015, être plus étroitement associées à l'effort national de redressement des finances publiques. En effet, le projet de loi de finances pour 2015 déposé à l'Assemblée nationale prévoit une diminution des dotations de 3,67 milliards d'euros. L'effort ainsi consenti par les collectivités locales devrait être poursuivi en 2016 et 2017 pour atteindre, en trois ans, 11 milliards d'euros. Si l'association des collectivités à la volonté du Gouvernement de redresser le budget national est ancienne, force est de constater qu'elle prend une ampleur inédite, dans un contexte de difficultés économiques et sociales.

On ne peut que regretter que les collectivités territoriales, pourtant soumises au principe de la « règle d'or » selon lequel les recettes de fonctionnement doivent couvrir les dépenses de fonctionnement, le recours à l'emprunt n'étant autorisé que pour le financement de la section d'investissement, à l'exception du remboursement des annuités d'emprunt, payent un tribut élevé alors qu'elles ne sont responsables que de 9,5 % de l'ensemble de la dette publique.

Cette baisse importante des concours financiers de l'État affectera l'exercice des politiques publiques des collectivités, en particulier les projets d'investissement envisagés, dans un contexte de crise économique. Votre rapporteur pour avis s'inquiète des conséquences d'une telle diminution qui va conduire les élus locaux à effectuer des choix politiques difficiles, souvent impopulaires, pour parvenir à des économies dépassant le simple ajustement conjoncturel.

Si cet effort doit être l'occasion pour les élus locaux de s'interroger sur la pertinence de certaines dépenses, en particulier de fonctionnement, et sur l'utilité sociale de leurs projets d'investissement, la nécessité d'assainir la situation financière de l'État, à laquelle souscrit la majorité des élus locaux, pourrait conduire à détériorer durablement les politiques d'investissement des collectivités territoriales ce qui serait préjudiciable pour l'avenir. C'est pourquoi une attention particulière doit être portée, selon votre rapporteur pour avis, à cette question qui fait l'objet d'une réflexion prospective dans le présent rapport.

Votre rapporteur pour avis s'est appuyé pour sa réflexion sur les travaux tout à fait éclairants de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui a missionné MM. Charles Guené, Philippe Dallier et Jacques Mézard 1 ( * ) pour apprécier les conséquences de la baisse des dotations sur l'investissement public local.

I. UNE MISSION MARGINALE AU SEIN DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE TOTAL DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Pour la deuxième année, le questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis était identique à celui de MM. Jean Germain et Charles Guené, rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat, afin que votre commission puisse bénéficier de données précises sur les finances locales.

Votre rapporteur pour avis se félicite, à l'instar de son prédécesseur, de la qualité des réponses apportées par les administrations de l'État, en comparaison des réponses des années précédentes. Elle regrette toutefois qu'une majorité des réponses ne lui ait été adressée qu'après le 10 octobre 2014, date limite de remise des réponses au questionnaire budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances.

Votre rapporteur souligne cette amélioration notable, tout en regrettant le retard de l'envoi des réponses et l'absence d'envoi pour deux d'entre elles.

Dans la tradition des avis budgétaires précédents, votre rapporteur pour avis a souhaité élargir le champ du présent avis à l'ensemble des concours budgétaires dont bénéficient les collectivités territoriales, ainsi qu'aux comptes d'avance aux collectivités territoriales et ne pas le cantonner aux seuls crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ces derniers ne représentant qu'une part modeste de l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités territoriales.

A. UNE MISSION AUX CREDITS BUDGÉTAIRES LIMITÉS

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, les crédits inscrits à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'élèvent à 2,73 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,68 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 1,2 % par rapport au montant ouvert en loi de finances initiale pour 2014, à périmètre constant. Pour mémoire, les crédits de la mission avaient diminué de 5 % entre les budgets 2013 et 2014. Ces crédits représentent 3 % des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales , soit 101 milliards d'euros .

Dans le contexte de diminution des concours financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui s'élèvent à 3,67 milliards d'euros, les crédits de la mission sont stabilisés, puisqu'ils sont fléchés vers le soutien à l'investissement public local et la compensation des transferts de compétences aux collectivités territoriales.

L'architecture de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » a été simplifiée dans le cadre du présent projet de loi de finances. Alors que la mission était composée de quatre programmes - les programmes 119 « Concours financiers aux communes et groupements de communes », 120 « Concours financiers aux départements », 121 «  Concours financiers aux régions » et 122 « Concours spécifiques et administration » - ses crédits sont désormais répartis entre deux programmes :

- un nouveau programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », issu de la fusion des programmes 120 et 121 avec l'ancien programme 119. Ce nouveau programme comporte désormais six actions et vingt-et-une sous-actions au lieu des deux anciennes actions et des neuf anciennes sous-actions. Par ailleurs, l'action n° 03 « Dotation générale de décentralisation » du programme 122 « Concours spécifiques et administration » a également été incluse dans le nouveau programme 119 ;

- le programme 122 qui a également connu quelques changements de périmètres : deux sous-actions de l'ancien programme 120 sur la dotation globale de compensation de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin ont été incluses dans ce programme.

Le nouveau programme 119 , « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », regroupe, à l'échelle de la présente mission, l'ensemble des subventions d'investissement de l'État aux collectivités territoriales ainsi que les compensations de transferts de compétences. Les crédits de ce programme s'élèvent à 2,56 milliards d'euros en AE et 2,49 milliards d'euros en CP , répartis entre six actions :

- l 'action n° 01 , « Soutien aux projets des communes et groupements de communes », regroupe les crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation « régisseurs de police municipale », de la dotation forfaitaire « titres sécurisés » et de la dotation politique de la ville (ex dotation de développement urbain). Les crédits affectés à cette action s'élèvent à 735,4 millions d'euros en AE et 674,8 millions d'euros en CP . La baisse de 1 million d'euros des AE est liée à la diminution des crédits de la dotation forfaitaire « titres sécurisés » ;

- l 'action n° 02 , « Dotation générale de décentralisation », reprend une partie des dotations de compensation des charges globales de fonctionnement des communes et de leurs groupements lorsque ces charges résultent d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences. Les crédits alloués à cette action pour 2015 s'élèvent, en AE et en CP, à 130,3 millions d'euros ;

- l 'action n° 03 , « Soutien aux projets des départements », issue, comme rappelé précédemment par votre rapporteur pour avis, de l'intégration de l'action n° 01 de l'ancien programme 120 dans le nouveau programme 119, regroupe les crédits de la dotation globale d'équipement des départements. Les crédits s'élèvent à 219,4 millions d'euros en AE et CP ;

- l 'action n° 04 , « Dotation générale de décentralisation des départements », est issue de l'intégration de l'action n° 02 de l'ancien programme 120 dans le nouveau programme 119. Elle regroupe l'allocation de dotation générale de décentralisation attribuée aux départements afin d'assurer la compensation financière des charges qui leur sont transférées. Les crédits affectés à cette nouvelle action représentent 265,3 millions d'euros en AE et CP ;

- l 'action n° 05 , « Dotation générale de décentralisation des régions », est issue du transfert de l'action n° 02 de l'ancien programme 121 vers le nouveau programme 119. Elle regroupe l'allocation de dotation générale de décentralisation attribuée aux régions, visant à assurer la compensation financière des charges qui leur sont transférées. Les crédits de cette action s'élèvent à 984,4 millions d'euros en AE et CP . La hausse des AE de 62,6 millions d'euros s'explique par la compensation dont bénéficient les régions des charges résultant du décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux gares de voyageurs et autres infrastructures de services du réseau ferroviaire ;

- l 'action n° 06 , « Dotation générale de décentralisation concours particuliers », est issue du transfert de l'action n° 03 du programme 122 vers le nouveau programme 119. Elle regroupe les crédits de la dotation générale de décentralisation attribués, dans le cadre de concours particuliers, indistinctement aux communes, départements, régions ou groupements de collectivités territoriales. Les crédits alloués s'élèvent à 222,7 millions d'euros en AE et CP , soit une hausse de 1 million d'euro résultant de la majoration des crédits du concours particulier relatif au domaine public fluvial, en particulier le transfert du domaine public du fleuve du port de Saint-Laurent-du-Maroni à la communauté de communes de l'Ouest guyanais et de la Sèvre niortaise à l'Institut interdépartemental du bassin de la Sèvre niortaise.

Répartition des crédits du programme 119 par action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action n° 01

734 469 247

663 779 990

Action n° 02

130 308 258

130 308 258

Action n° 03

219 355 969

219 355 969

Action n° 04

265 318 252

265 318 252

Action n° 05

984 445 988

984 445 988

Action n° 06

222 662 699

222 662 699

Total

2 556 560 413

2 485 871 156

Le programme 122 , « Concours spécifiques et administration », s'élève, pour 2015, à 170,2 millions d'euros en AE et 194,4 millions d'euros en CP . Il regroupe l'ensemble des concours financiers spécifiques gérés par le ministère de l'Intérieur et attribués aux collectivités territoriales ainsi que les crédits dont bénéficie la direction générale des collectivités locales (DGCL). Les crédits de ce programme se répartissent entre trois actions :

- l' action n° 01 , « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales », comprend, pour une enveloppe de 17,3 millions d'euros en AE et 41,3 millions d'euros en CP , les subventions exceptionnelles de fonctionnement pouvant être accordées par l'État aux communes en difficultés financières particulièrement graves à la suite de circonstances anormales ;

- l' action n° 02 , « Administration des relations avec les collectivités territoriales », dotée, pour 2015, de 2,6 millions d'euros en AE et 2,8 millions d'euros en CP , regroupe les crédits de fonctionnement et d'investissement alloués à la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour assurer ses missions d'élaboration et de suivi des normes applicables aux collectivités. Les crédits affectés à la DGCL augmentent de 260 000 euros, en raison de la baisse des dépenses de fonctionnement (- 40 000 euros) et d'une hausse des dépenses d'informatique (+ 300 000 euros) ;

- l' action n° 04, « Dotations Outre-mer », affectée de 150,2 millions d'euros en AE et en CP , comprend cinq dotations dont bénéficient la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Saint-Martin.

L'action n° 03, « Dotation générale de décentralisation », est devenue l'action n° 06 du nouveau programme 119.

Répartition des crédits du programme 122 par action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action n° 1

17 295 000

41 295 000

Action n° 2

2 625 375

2 756 375

Action n° 4

150 263 527

150 263 527

Total

170 183 902

194 314 902

Le schéma suivant récapitule l'organisation de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » entre les deux programmes la composant désormais, ainsi que les actions rattachées à chacun d'entre eux.

- 13 -

MISSON RCT - AE : 2.726,75 - CP : 2.680,19 (millions d'euros)

Programme n° 119
Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements
AE : 2.556,57
CP : 2.485,88

Programme n° 122
Concours spécifiques et administration
AE : 170,18
CP : 194,31

Action n° 1

Action n° 2

Action n° 3

Action n° 4

Action n° 5

Action n° 6

Action n° 1

Action n° 2

Action n° 4

Soutien aux projets des communes
et groupements
de communes
AE : 734,47
CP : 663,78

Dotation
générale de décentralisation des communes
AE : 130,3
CP : 130,3

Soutien aux projets
des départements
AE : 219,4
CP : 219,4

Dotation générale
de décentralisation des départements
AE : 265,3
CP : 265,3

Dotation générale
de décentralisation des régions
AE : 984,4
CP : 984,4

Dotation générale de décentralisation concours particuliers
AE : 222,7
CP : 222,7

Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales

AE : 17,3
CP : 41,3

Administration des relations avec les collectivités territoriales
AE : 2,62

CP : 2,75

Dotation
Outre-Mer
AE : 150,26
CP : 150,26

Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR)
AE : 615,69
CP : 575

Concours particulier en faveur des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains

AE : 87,9

CP : 87,9

Subventions exceptionnelles aux communes en difficulté

AE : 2
CP : 2

Dépenses de fonctionnement courant
AE : 0,72
CP : 0,72

Dotation globale de fonctionnement des provinces de Nouvelle-Calédonie
AE : 82,75

CP : 82,75

Dotation forfaitaire titres Sécurisés
AE : 18,28
CP : 18,28

Concours particulier en faveur des ports maritimes

AE : 49,3

CP : 49,3

Subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques

CP : 24

Dépenses d'informatique
AE : 1,9
CP : 2,03

Dotation globale de compensation versée à la Nouvelle-Calédonie au titre des services et établissements publics transférés

AE : 49,7

CP : 49,7

Concours particulier en faveur des aérodromes

AE : 3,9

CP : 3,9

Dotation politique de la ville (ex dotation de développement urbain (DDU)
AE : 100
CP : 70

Concours particulier de la DGD pour les bibliothèques municipales et départementales de prêt

AE : 80,5

CP : 80,5

Subventions pour travaux d'intérêt divers

AE : 15,3

CP : 15,3

Dotation globale de construction et d'équipement des collèges en Nouvelle-Calédonie

AE : 12,4

CP : 12,4

Dotation « Régisseurs de police municipale »
AE : 0,5
CP : 0,5

Concours particulier relatif au domaine public fluvial

AE : 1,1

CP : 1,1

Dotation globale de compensation versée à la Polynésie française au titre des services et établissements publics transférés

AE : 1,1

CP : 1,1

Dotation globale de compensation versée à Saint-Martin

AE : 4,4

CP : 4,4

Compte tenu du poids de la dotation générale de décentralisation, qui représente 59 % des crédits de la mission, celle-ci regroupe principalement des dotations de fonctionnement (66 %). Les dotations d'investissement, représentant un tiers des crédits (34 %), sont essentiellement composées de la dotation d'équilibre des territoires ruraux (DETR) et de la dotation politique de la ville (ex dotation de développement urbain) pour le bloc communal, et de la dotation globale d'équipement pour les départements, comme le présente le graphique suivant.

Les principales dotations de la mission RCT - PLF 2015

(M€ = millions d'euros)

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2015 - Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales


* 1 Rapport n° 95 (2014-2015) de MM. Charles Guené, Philippe Dallier et Jacques Mézard, « L'évolution des finances locales à l'horizon 2017 », fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

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