Avis n° 114 (2014-2015) de Mme Jacqueline GOURAULT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 novembre 2014

Disponible au format PDF (429 Koctets)


N° 114

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XIV

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Par Mme Jacqueline GOURAULT,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Vincent Dubois, Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mlle Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234 , 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, mercredi 12 novembre 2014, la commission des lois du Sénat, réunie le mardi 25 novembre 2014, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Jacqueline Gourault, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte d'avances aux collectivités territoriales du projet de loi de finances pour 2015.

Après avoir rappelé que les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représentaient qu'une part modeste de l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités territoriales, la rapporteur pour avis a estimé légitime l'association des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques. Elle a rappelé que la baisse des dotations s'élevait, entre 2015 et 2017, à 11 milliards d'euros, soit 3,67 milliards d'euros chaque année. Après trois années de gel entre 2011 et 2013 et une première diminution des dotations de l'État en 2014 s'élevant à 1,5 milliard d'euros, la baisse totale des dotations budgétaires des collectivités territoriales représente 12,5 milliards d'euros en quatre ans.

La rapporteur pour avis a ensuite présenté les différentes mesures prévues par le projet de loi de finances pour 2015 destinées à atténuer les conséquences de cette baisse, en particulier le renforcement de la péréquation. Elle s'est félicitée des dispositions adoptées par la commission des finances du Sénat tendant à maintenir les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et à minorer de 1,2 milliard d'euros la baisse des dotations.

Enfin, elle a conclu que, bien que l'impact de cette baisse, d'une ampleur inédite, soit difficile à évaluer, les collectivités territoriales pourraient être incitées à diminuer leurs dépenses de fonctionnement et à modifier leurs projets d'investissements, tout en soulignant les difficultés à termes sur l'économie locale. Elle a également estimé que la proposition de loi de M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France, relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, pourrait inciter les communes à se regrouper afin de faire face à cette diminution sans précédent de leurs dotations budgétaires.

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte d'avances aux collectivités territoriales dans le projet de loi de finances pour 2015.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

À titre liminaire, votre rapporteur pour avis souhaite rendre hommage à M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pendant plusieurs années, dont la qualité des analyses ont permis à votre commission d'apprécier les problématiques relatives aux finances des collectivités territoriales.

Après trois années de gel en valeur de leurs dotations entre 2011 et 2013, puis une année de baisse partiellement compensée par la mise en place de ressources nouvelles en 2014, les collectivités territoriales devraient, à partir de 2015, être plus étroitement associées à l'effort national de redressement des finances publiques. En effet, le projet de loi de finances pour 2015 déposé à l'Assemblée nationale prévoit une diminution des dotations de 3,67 milliards d'euros. L'effort ainsi consenti par les collectivités locales devrait être poursuivi en 2016 et 2017 pour atteindre, en trois ans, 11 milliards d'euros. Si l'association des collectivités à la volonté du Gouvernement de redresser le budget national est ancienne, force est de constater qu'elle prend une ampleur inédite, dans un contexte de difficultés économiques et sociales.

On ne peut que regretter que les collectivités territoriales, pourtant soumises au principe de la « règle d'or » selon lequel les recettes de fonctionnement doivent couvrir les dépenses de fonctionnement, le recours à l'emprunt n'étant autorisé que pour le financement de la section d'investissement, à l'exception du remboursement des annuités d'emprunt, payent un tribut élevé alors qu'elles ne sont responsables que de 9,5 % de l'ensemble de la dette publique.

Cette baisse importante des concours financiers de l'État affectera l'exercice des politiques publiques des collectivités, en particulier les projets d'investissement envisagés, dans un contexte de crise économique. Votre rapporteur pour avis s'inquiète des conséquences d'une telle diminution qui va conduire les élus locaux à effectuer des choix politiques difficiles, souvent impopulaires, pour parvenir à des économies dépassant le simple ajustement conjoncturel.

Si cet effort doit être l'occasion pour les élus locaux de s'interroger sur la pertinence de certaines dépenses, en particulier de fonctionnement, et sur l'utilité sociale de leurs projets d'investissement, la nécessité d'assainir la situation financière de l'État, à laquelle souscrit la majorité des élus locaux, pourrait conduire à détériorer durablement les politiques d'investissement des collectivités territoriales ce qui serait préjudiciable pour l'avenir. C'est pourquoi une attention particulière doit être portée, selon votre rapporteur pour avis, à cette question qui fait l'objet d'une réflexion prospective dans le présent rapport.

Votre rapporteur pour avis s'est appuyé pour sa réflexion sur les travaux tout à fait éclairants de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui a missionné MM. Charles Guené, Philippe Dallier et Jacques Mézard 1 ( * ) pour apprécier les conséquences de la baisse des dotations sur l'investissement public local.

I. UNE MISSION MARGINALE AU SEIN DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE TOTAL DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Pour la deuxième année, le questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis était identique à celui de MM. Jean Germain et Charles Guené, rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat, afin que votre commission puisse bénéficier de données précises sur les finances locales.

Votre rapporteur pour avis se félicite, à l'instar de son prédécesseur, de la qualité des réponses apportées par les administrations de l'État, en comparaison des réponses des années précédentes. Elle regrette toutefois qu'une majorité des réponses ne lui ait été adressée qu'après le 10 octobre 2014, date limite de remise des réponses au questionnaire budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances.

Votre rapporteur souligne cette amélioration notable, tout en regrettant le retard de l'envoi des réponses et l'absence d'envoi pour deux d'entre elles.

Dans la tradition des avis budgétaires précédents, votre rapporteur pour avis a souhaité élargir le champ du présent avis à l'ensemble des concours budgétaires dont bénéficient les collectivités territoriales, ainsi qu'aux comptes d'avance aux collectivités territoriales et ne pas le cantonner aux seuls crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ces derniers ne représentant qu'une part modeste de l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités territoriales.

A. UNE MISSION AUX CREDITS BUDGÉTAIRES LIMITÉS

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, les crédits inscrits à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'élèvent à 2,73 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,68 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 1,2 % par rapport au montant ouvert en loi de finances initiale pour 2014, à périmètre constant. Pour mémoire, les crédits de la mission avaient diminué de 5 % entre les budgets 2013 et 2014. Ces crédits représentent 3 % des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales , soit 101 milliards d'euros .

Dans le contexte de diminution des concours financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui s'élèvent à 3,67 milliards d'euros, les crédits de la mission sont stabilisés, puisqu'ils sont fléchés vers le soutien à l'investissement public local et la compensation des transferts de compétences aux collectivités territoriales.

L'architecture de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » a été simplifiée dans le cadre du présent projet de loi de finances. Alors que la mission était composée de quatre programmes - les programmes 119 « Concours financiers aux communes et groupements de communes », 120 « Concours financiers aux départements », 121 «  Concours financiers aux régions » et 122 « Concours spécifiques et administration » - ses crédits sont désormais répartis entre deux programmes :

- un nouveau programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », issu de la fusion des programmes 120 et 121 avec l'ancien programme 119. Ce nouveau programme comporte désormais six actions et vingt-et-une sous-actions au lieu des deux anciennes actions et des neuf anciennes sous-actions. Par ailleurs, l'action n° 03 « Dotation générale de décentralisation » du programme 122 « Concours spécifiques et administration » a également été incluse dans le nouveau programme 119 ;

- le programme 122 qui a également connu quelques changements de périmètres : deux sous-actions de l'ancien programme 120 sur la dotation globale de compensation de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin ont été incluses dans ce programme.

Le nouveau programme 119 , « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », regroupe, à l'échelle de la présente mission, l'ensemble des subventions d'investissement de l'État aux collectivités territoriales ainsi que les compensations de transferts de compétences. Les crédits de ce programme s'élèvent à 2,56 milliards d'euros en AE et 2,49 milliards d'euros en CP , répartis entre six actions :

- l 'action n° 01 , « Soutien aux projets des communes et groupements de communes », regroupe les crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation « régisseurs de police municipale », de la dotation forfaitaire « titres sécurisés » et de la dotation politique de la ville (ex dotation de développement urbain). Les crédits affectés à cette action s'élèvent à 735,4 millions d'euros en AE et 674,8 millions d'euros en CP . La baisse de 1 million d'euros des AE est liée à la diminution des crédits de la dotation forfaitaire « titres sécurisés » ;

- l 'action n° 02 , « Dotation générale de décentralisation », reprend une partie des dotations de compensation des charges globales de fonctionnement des communes et de leurs groupements lorsque ces charges résultent d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences. Les crédits alloués à cette action pour 2015 s'élèvent, en AE et en CP, à 130,3 millions d'euros ;

- l 'action n° 03 , « Soutien aux projets des départements », issue, comme rappelé précédemment par votre rapporteur pour avis, de l'intégration de l'action n° 01 de l'ancien programme 120 dans le nouveau programme 119, regroupe les crédits de la dotation globale d'équipement des départements. Les crédits s'élèvent à 219,4 millions d'euros en AE et CP ;

- l 'action n° 04 , « Dotation générale de décentralisation des départements », est issue de l'intégration de l'action n° 02 de l'ancien programme 120 dans le nouveau programme 119. Elle regroupe l'allocation de dotation générale de décentralisation attribuée aux départements afin d'assurer la compensation financière des charges qui leur sont transférées. Les crédits affectés à cette nouvelle action représentent 265,3 millions d'euros en AE et CP ;

- l 'action n° 05 , « Dotation générale de décentralisation des régions », est issue du transfert de l'action n° 02 de l'ancien programme 121 vers le nouveau programme 119. Elle regroupe l'allocation de dotation générale de décentralisation attribuée aux régions, visant à assurer la compensation financière des charges qui leur sont transférées. Les crédits de cette action s'élèvent à 984,4 millions d'euros en AE et CP . La hausse des AE de 62,6 millions d'euros s'explique par la compensation dont bénéficient les régions des charges résultant du décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux gares de voyageurs et autres infrastructures de services du réseau ferroviaire ;

- l 'action n° 06 , « Dotation générale de décentralisation concours particuliers », est issue du transfert de l'action n° 03 du programme 122 vers le nouveau programme 119. Elle regroupe les crédits de la dotation générale de décentralisation attribués, dans le cadre de concours particuliers, indistinctement aux communes, départements, régions ou groupements de collectivités territoriales. Les crédits alloués s'élèvent à 222,7 millions d'euros en AE et CP , soit une hausse de 1 million d'euro résultant de la majoration des crédits du concours particulier relatif au domaine public fluvial, en particulier le transfert du domaine public du fleuve du port de Saint-Laurent-du-Maroni à la communauté de communes de l'Ouest guyanais et de la Sèvre niortaise à l'Institut interdépartemental du bassin de la Sèvre niortaise.

Répartition des crédits du programme 119 par action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action n° 01

734 469 247

663 779 990

Action n° 02

130 308 258

130 308 258

Action n° 03

219 355 969

219 355 969

Action n° 04

265 318 252

265 318 252

Action n° 05

984 445 988

984 445 988

Action n° 06

222 662 699

222 662 699

Total

2 556 560 413

2 485 871 156

Le programme 122 , « Concours spécifiques et administration », s'élève, pour 2015, à 170,2 millions d'euros en AE et 194,4 millions d'euros en CP . Il regroupe l'ensemble des concours financiers spécifiques gérés par le ministère de l'Intérieur et attribués aux collectivités territoriales ainsi que les crédits dont bénéficie la direction générale des collectivités locales (DGCL). Les crédits de ce programme se répartissent entre trois actions :

- l' action n° 01 , « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales », comprend, pour une enveloppe de 17,3 millions d'euros en AE et 41,3 millions d'euros en CP , les subventions exceptionnelles de fonctionnement pouvant être accordées par l'État aux communes en difficultés financières particulièrement graves à la suite de circonstances anormales ;

- l' action n° 02 , « Administration des relations avec les collectivités territoriales », dotée, pour 2015, de 2,6 millions d'euros en AE et 2,8 millions d'euros en CP , regroupe les crédits de fonctionnement et d'investissement alloués à la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour assurer ses missions d'élaboration et de suivi des normes applicables aux collectivités. Les crédits affectés à la DGCL augmentent de 260 000 euros, en raison de la baisse des dépenses de fonctionnement (- 40 000 euros) et d'une hausse des dépenses d'informatique (+ 300 000 euros) ;

- l' action n° 04, « Dotations Outre-mer », affectée de 150,2 millions d'euros en AE et en CP , comprend cinq dotations dont bénéficient la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Saint-Martin.

L'action n° 03, « Dotation générale de décentralisation », est devenue l'action n° 06 du nouveau programme 119.

Répartition des crédits du programme 122 par action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action n° 1

17 295 000

41 295 000

Action n° 2

2 625 375

2 756 375

Action n° 4

150 263 527

150 263 527

Total

170 183 902

194 314 902

Le schéma suivant récapitule l'organisation de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » entre les deux programmes la composant désormais, ainsi que les actions rattachées à chacun d'entre eux.

- 13 -

MISSON RCT - AE : 2.726,75 - CP : 2.680,19 (millions d'euros)

Programme n° 119
Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements
AE : 2.556,57
CP : 2.485,88

Programme n° 122
Concours spécifiques et administration
AE : 170,18
CP : 194,31

Action n° 1

Action n° 2

Action n° 3

Action n° 4

Action n° 5

Action n° 6

Action n° 1

Action n° 2

Action n° 4

Soutien aux projets des communes
et groupements
de communes
AE : 734,47
CP : 663,78

Dotation
générale de décentralisation des communes
AE : 130,3
CP : 130,3

Soutien aux projets
des départements
AE : 219,4
CP : 219,4

Dotation générale
de décentralisation des départements
AE : 265,3
CP : 265,3

Dotation générale
de décentralisation des régions
AE : 984,4
CP : 984,4

Dotation générale de décentralisation concours particuliers
AE : 222,7
CP : 222,7

Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales

AE : 17,3
CP : 41,3

Administration des relations avec les collectivités territoriales
AE : 2,62

CP : 2,75

Dotation
Outre-Mer
AE : 150,26
CP : 150,26

Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR)
AE : 615,69
CP : 575

Concours particulier en faveur des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains

AE : 87,9

CP : 87,9

Subventions exceptionnelles aux communes en difficulté

AE : 2
CP : 2

Dépenses de fonctionnement courant
AE : 0,72
CP : 0,72

Dotation globale de fonctionnement des provinces de Nouvelle-Calédonie
AE : 82,75

CP : 82,75

Dotation forfaitaire titres Sécurisés
AE : 18,28
CP : 18,28

Concours particulier en faveur des ports maritimes

AE : 49,3

CP : 49,3

Subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques

CP : 24

Dépenses d'informatique
AE : 1,9
CP : 2,03

Dotation globale de compensation versée à la Nouvelle-Calédonie au titre des services et établissements publics transférés

AE : 49,7

CP : 49,7

Concours particulier en faveur des aérodromes

AE : 3,9

CP : 3,9

Dotation politique de la ville (ex dotation de développement urbain (DDU)
AE : 100
CP : 70

Concours particulier de la DGD pour les bibliothèques municipales et départementales de prêt

AE : 80,5

CP : 80,5

Subventions pour travaux d'intérêt divers

AE : 15,3

CP : 15,3

Dotation globale de construction et d'équipement des collèges en Nouvelle-Calédonie

AE : 12,4

CP : 12,4

Dotation « Régisseurs de police municipale »
AE : 0,5
CP : 0,5

Concours particulier relatif au domaine public fluvial

AE : 1,1

CP : 1,1

Dotation globale de compensation versée à la Polynésie française au titre des services et établissements publics transférés

AE : 1,1

CP : 1,1

Dotation globale de compensation versée à Saint-Martin

AE : 4,4

CP : 4,4

Compte tenu du poids de la dotation générale de décentralisation, qui représente 59 % des crédits de la mission, celle-ci regroupe principalement des dotations de fonctionnement (66 %). Les dotations d'investissement, représentant un tiers des crédits (34 %), sont essentiellement composées de la dotation d'équilibre des territoires ruraux (DETR) et de la dotation politique de la ville (ex dotation de développement urbain) pour le bloc communal, et de la dotation globale d'équipement pour les départements, comme le présente le graphique suivant.

Les principales dotations de la mission RCT - PLF 2015

(M€ = millions d'euros)

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2015 - Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales

B. L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DES CONCOURS COMPOSANT L'EFFORT FINANCIER DE L'ETAT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales représentent, dans le projet de loi de finances pour 2015, 101 milliards d'euros, soit une diminution de 2,4 % par rapport à la loi de finance initiale pour 2014.

Par conséquent, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'une part marginale de cet effort financier total de l'État en faveur du monde local : les crédits de la mission ne représentent en effet que 5 % des concours de l'État aux collectivités territoriales , sur un total de 53,2 milliards d'euros et plus de 2,7 % des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités, sur un total de 101 milliards d'euros.

Les transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales regroupent en réalité plusieurs composantes. Les prélèvements sur les recettes (PSR) de l'État représentent 50 % de l'ensemble des transferts financiers aux collectivités et 95 % des concours de l'État. A ces derniers s'ajoutent les dégrèvements, le compte d'avance aux collectivités territoriales et la fiscalité transférée.

Le schéma suivant permet d'apprécier la répartition des crédits dont bénéficient les collectivités territoriales de la part de l'État. Il met surtout en valeur la complexité de la répartition budgétaire, que votre commission a dénoncée à plusieurs reprises. Votre rapporteur pour avis se félicite qu'un premier effort, certes timide, ait été apporté par le Gouvernement dans la nomenclature de la présente mission. Elle invite toutefois le Gouvernement à poursuivre cet effort, à travers une réflexion d'ensemble de la fiscalité locale et des dotations budgétaires attribuées aux collectivités territoriales.

( en milliards d'euros )

Fiscalité transférée

27.451

Transferts des compétences
de l'État aux collectivités territoriales

101,0

Transferts des compétences de l'État
hors fiscalité transférée

66,9

Fiscalité transférée (hors formation professionnelle)

32,6

Financement des fonds régionaux de l'apprentissage

1,5

Concours de l'État
hors crédits DGCL et TDIL

53,2

Dégrèvements d'impôts locaux + amendes + autres crédits budgétaires
13,7

Prélèvement

sur recettes

(PSR)

50,6

Missions RCT

2,6

Source : Commission des lois du Sénat

1. Fiscalité transférée

27.451

La part importante des prélèvements sur recettes

La majeure partie des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales est versée sous forme de prélèvements sur recettes.

L'article 14 du projet de loi de finances pour 2015 fixe le prélèvement sur recettes en faveur des collectivités territoriales à 50,516 milliards d'euros contre 54,171 milliards en 2014 et 55,693 milliards en 2013, soit une diminution de 9,3 % en deux ans. Cette baisse correspond à la réduction de l'enveloppe normée des concours de l'État aux collectivités à hauteur de 1,5 milliard d'euros en 2014 et de 3,67 milliards supplémentaires cette année.

Ils représentent 49 % de l'ensemble des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales, contre 54 % en 2013, et 95 % des concours de l'État.

Deux dotations concentrent 84 % de ces prélèvements sur recettes (PSR) :

- la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2015, à 36,558 milliards d'euros , en vertu de l'article 9. On rappellera qu'elle s'élevait, dans la loi de finances pour 2014, à 40,124 euros, soit une diminution de 3,7 milliards d'euros sur un an, correspondant à 8,8 % de la dotation et correspondant à l'objectif du Gouvernement. La DGF représente près de 73 % du total des PSR ;

- le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), dont les crédits s'élèvent à près de 5,9 milliards d'euros, soit 11,7 % des PSR.

Les PSR intègrent également les dotations de compensations d'exonérations, destinées à compenser les pertes de recettes fiscales entraînées par les exonérations et allègements de bases décidés par le législateur, les dotations issues de la réforme de la fiscalité locale et des dotations diverses.

2. Le poids prépondérant des dégrèvements et des compensations d'exonérations

Les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2015 au titre des dégrèvements et compensations d'exonérations représentent 13,1 milliards d'euros, sur les 101 milliards d'euros de transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales. Ils se répartissent entre :

- 10,6 milliards d'euros au titre des dégrèvements législatifs, soit une baisse de 2,75 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 ;

- 1,74 milliard d'euros au titre des compensations d'exonérations ;

- 0,80 milliard d'euros au titre des dotations de compensation d'anciennes allocations compensatrices .

Les montants inscrits en loi de finances ne sont que des estimations des dépenses qui interviendront en gestion. Ces crédits évaluatifs sont regroupés au sein d'un programme ad hoc , intitulé « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » (programme 201) de la mission « Remboursements et dégrèvements », dont la vocation est d'alimenter le compte d'avance aux collectivités territoriales.

3. Une légère augmentation de la fiscalité transférée

La fiscalité transférée représente une autre composante des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales. Représentant 32,6 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, elle tend à compenser les transferts de compétences effectués par les lois de décentralisation ainsi que les effets de la réforme de la fiscalité directe locale. Elle se compose de cinq taxes et des frais de gestion suivants :

- la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) (10,4 milliards d'euros) ;

- le droit départemental d'enregistrement et la taxe de publicité foncière (8,3 milliards d'euros) ;

- la taxe sur les conventions d'assurance (7,1 milliards d'euros) ;

- les cartes grises (2,1 milliards d'euros) ;

- la taxe sur les surfaces commerciales (0,8 milliard d'euros) ;

- les frais de gestion (3,9 milliards d'euros).

L' article 10 procède à la modification des fractions de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers affectées aux régions, soit une majoration de 947 281 euros de la fiscalité transférée par l'État aux régions afin de tenir compte de :

- l'augmentation de la compensation des quinze régions concernées par la réforme du diplôme d'État de manipulateur d'électroradiologie médicale ;

- la diminution de la compensation des charges résultant pour les régions de la réforme du diplôme d'État d'infirmier anesthésiste ;

- l'augmentation de la compensation des trois régions concernées par la réforme du diplôme d'État de pédicure-podologue, au titre de sa deuxième année de mise en oeuvre.

De même, l' article 11 met à jour les droits à compensation des départements en matière de revenu de solidarité active (RSA) et, pour le département de Mayotte, les droits à compensation d'aides de nature sociale liée au processus de départementalisation et qui complètent la compensation des charges liées au RSA. Enfin, il reconduit le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) jusqu'en 2017.

4. La diversité de concours budgétaires complémentaires

La dernière composante du transfert financier de l'État en faveur des collectivités territoriales est le versement de dotations complémentaires relevant de plusieurs ministères.

Les crédits inscrits dans ce cadre s'élèvent à 2,37 milliards d'euros en AE , soit une diminution de 9 % par rapport à 2014, et 2,39 milliards d'euros en CP , représentant une diminution d'environ 1 % en comparaison du précédent budget.

83 % de ces dotations complémentaires relèvent des six missions suivantes :

- la mission « Égalité des territoires et logement », pour des crédits s'élevant à 50 millions d'euros en AE et 56 millions d'euros en CP ;

- la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2015 s'élèvent à 118,5 millions d'euros en AE et 56,9 millions d'euros en CP ;

- la mission « Outre-mer », dont le projet de loi de finances pour 2015 prévoit des crédits de 478 millions d'euros en AE et 370 millions d'euros en CP ;

- la mission « Politique des territoires », dont les crédits s'élèvent à 211,4 millions d'euros en AE et 236,6 millions d'euros en CP ;

- la mission « Culture », pour des crédits représentant 206 millions d'euros en AE et 229 millions d'euros en CP ;

- la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », dont les crédits représentent 156,2 millions d'euros en AE et 158,3 millions d'euros en CP.

L'évolution du montant des subventions pour 2015 s'explique par :

- la présence ponctuelle en 2014 d'un programme « Internats de la réussite » qui a augmenté de 150 millions d'euros en AE et en CP le montant des crédits prévus dans le PLF 2014 sur la mission « Enseignement scolaire » dans le cadre du second programme d'investissement d'avenir ;

- la diminution de 90 millions d'euros de la prévision de crédits destinés aux contrats uniques d'insertion - contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE), au sein de la mission « Travail et emploi » ;

- le passage du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Égalité des territoires et logement » en 2013 à la mission « Politique des territoires » en 2015, qui a été réimputé dès 2013 sur cette dernière pour des raisons de lisibilité.

5. Le compte d'avances aux collectivités territoriales : la matérialisation de la fonction de « fermier général » de l'État

Le compte d'avance aux collectivités territoriales matérialise la fonction de « fermier général » de l'État envers les collectivités territoriales. Il garantit à ces dernières le versement par l'État du produit des impositions directes locales sous forme d'avances mensuelles régulières, calculées en fonction du produit voté par les collectivités. Une régularisation s'effectue sur les derniers versements en fin d'année lors de la mise en recouvrement définitive de chaque impôt, indépendamment de la collecte de ce produit par les services de l'État.

Il retrace en dépenses et en recettes le versement et le remboursement :

- d'une part, des avances aux collectivités territoriales et établissements publics, territoires et établissements d'outre-mer connaissant des difficultés de trésorerie ou ayant besoin d'emprunter (programme 832). Les crédits affectés à ce programme s'élèvent à 6 millions d'euros en AE et en CP ;

- d'autre part, des avances sur les recettes fiscales revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes (programme 833). Ce programme, doté de 101,5 milliards d'euros en AE et en CP, est en augmentation de 3,9 % par rapport à 2014, et représente 99,99 % des crédits et 100 % des recettes du compte d'avances.

Les crédits de ce compte de concours financiers s'élèvent à 101,472 milliards d'euros en 2015 .

Répartition, par action, des crédits du concours financier
« Avances aux collectivités territoriales »

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme 832

6 000 000

6 000 000

Action n° 01

6 000 000

6 000 000

Action n° 02

0

0

Action n° 03

0

0

Action n° 04

0

0

Programme 833

101 466 412 512

101 466 412 512

Action n° 01

93 793 451 284

93 793 451 284

Action n° 02

5 880 850 162

5 880 850 162

Action n° 03

874 432 324

874 432 324

Action n° 04

917 678 742

917 678 742

Total

101 472 412 512

101 472 412 512

Comme les années précédentes, seule l'action n° 01 du programme 832 est dotée de crédits. Son objet est d'accorder des avances à des collectivités et à des établissements publics, afin qu'ils puissent faire face à des difficultés momentanées de trésorerie. Depuis 1996, une seule avance a été accordée à travers ce programme : la loi de finances rectificative pour 2013 a ouvert 41,9 millions d'euros de crédits supplémentaires correspondant à une avance accordée à la Polynésie française.

Le Gouvernement prévoit une augmentation de 4,2 % des impositions versées aux collectivités territoriales. Par ailleurs, les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui ont été transférés aux départements par la loi de finances pour 2014, devraient augmenter de 5,7 %. Ceux transférés aux régions devraient connaître, en revanche, un dynamisme moindre estimé à 1,8 %. Enfin, les avances aux départements sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers devraient diminuer de 0,5 %.

II. UNE NOUVELLE CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES : QUELLES CONSÉQUENCES SUR L'INVESTISSEMENT PUBLIC LOCAL ?

Votre rapporteur pour avis partage l'objectif de participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques. Il apparaît difficile d'exonérer les collectivités territoriales de l'effort national de redressement du budget de l'État et, pour réduire la dette publique, il convient de réduire la dépense publique. En effet, les collectivités territoriales représentent environ 20 % des dépenses publiques. C'est pourquoi il paraît difficile de réduire le poids de ces dépenses dans le PIB sans solliciter le secteur local.

En revanche, la difficulté est de parvenir à un partage juste et équitable entre les collectivités territoriales et l'État et, surtout, de permettre aux collectivités territoriales d'avoir les moyens suffisants pour assumer leurs compétences et d'offrir aux citoyens un service public de qualité. À cet égard, votre rapporteur pour avis émet le souhait que l'État fasse les efforts à hauteur de ce qu'il demande aux collectivités territoriales.

A. L'ÉVOLUTION DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DEPUIS 2011

1. Après trois années de gel, les concours budgétaires de l'État aux collectivités territoriales ont diminué de 1,5 milliard d'euros en 2014...

Une partie des concours financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales, représentant un montant global de 50,5 milliards d'euros, a connu un gel en valeur entre les budgets 2011 et 2013.

En 2014, dans le cadre de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 qui prévoyait la stabilisation des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en 2013 puis leur diminution en 2014 et en 2015 de 750 millions d'euros, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales ont connu, pour la première fois, une baisse de 1,5 milliard d'euros imputée sur la DGF.

Cette baisse s'est répartie entre les différents échelons locaux au prorata de leurs ressources totales. Elle s'élevait à :

- 840 millions d'euros pour le « bloc communal », répartie pour 30 % sur les EPCI et pour 70 % sur les communes au prorata de leurs recettes de fonctionnement ;

- 476 millions d'euros pour les départements. Entre les départements, la répartition de cette baisse reposait sur un indice synthétique prenant en compte les critères de péréquation : le rapport entre le revenu par habitant et le revenu moyen par habitant (à hauteur de 70 %) et le rapport entre le taux moyen de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et le taux de TFPB du département (30 %) ;

- 184 millions d'euros pour les régions, au prorata des recettes totales
- fonctionnement et investissement - hors emprunts et prélèvement du fonds de garantie individuelle de ressources (FNGIR).

Part de chaque niveau de collectivités dans les recettes totales

( en milliards d'euros )

Recettes totales

Proportion des recettes totales

Bloc communal

129,62

56 %

Départements

71,82

31 %

Régions

28,23

12 %

TOTAL

229,67

100 %

Source : groupe de travail du Comité des finances locales, à partir des données
de l'observatoire des finances locales 2014

2. ... avec la neutralisation partielle de la baisse globale de la dotation globale de fonctionnement en 2014

Toutefois, pour faire face à cette baisse de dotations sans précédent, la loi de finances initiale pour 2014 a prévu plusieurs dispositifs de recettes nouvelles tendant à compenser au moins partiellement cette ponction.

En particulier, ont été augmentées de 119 millions d'euros les ressources consacrées à la péréquation au sein de la DGF, financées par une minoration des compensations d'exonération de fiscalité directe locale. Par ailleurs, les départements ont bénéficié du transfert des frais d'assiette et de recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à hauteur de 827 millions d'euros et de la faculté d'augmenter, pendant deux ans, le taux des droits de mutation à titre onéreux, à hauteur de 827 millions d'euros. Cette mesure était destinée à financer la part du plan de lutte contre la pauvreté relevant des conseils généraux, en particulier la revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active (RSA).

Enfin, les subventions des différents ministères ont été augmentées de 201 millions d'euros et des financements sur le programme d'investissements d'avenir ont été versés, à hauteur de 200 millions d'euros, aux collectivités territoriales.

3. Une nouvelle baisse pour les années 2015 à 2017

Pour l'année 2015, le Président de la République a annoncé, en janvier 2014, un plan d'économies de 50 milliards d'euros sur la période 2015-2017, afin de ramener le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB et de financer le pacte de responsabilité pour relancer la compétitivité et l'économie du pays. Le Premier ministre a précisé que les collectivités territoriales participeraient à cet effort à hauteur de 11 milliards d'euros sur cette même période, contribution représentative de leur part dans la dépense publique, soit un abattement annuel de 3,67 milliards d'euros sur trois ans. Cette diminution se justifie, par le Gouvernement, par la nécessité d'une économie du même montant sur les dépenses des collectivités territoriales. L'article 9 du projet de loi de finances pour 2015 met en oeuvre cette mesure.

Ainsi, entre 2014 et 2017, les concours budgétaires de l'État en faveur des collectivités territoriales diminueront de 12,5 milliards d'euros, après trois années de gel des mêmes concours en volume.

L'article 58 du projet de loi de finances répartit cette diminution entre les différents niveaux de collectivités territoriales, en reprenant les critères retenus en 2014, soit, pour 2015 :

- 2,071 milliards d'euros pour le bloc communal (soit 56 % de l'effort total), répartis entre les EPCI à hauteur de 621 millions d'euros (30 %) et les communes dont les dotations devraient diminuer de 1,45 milliard d'euros (70 %) ;

- 1,148 milliard d'euros (31 % de l'effort total) pour les départements ;

- 0,451 milliard d'euros (12 % de l'effort total) pour les régions.

Toutefois, à l'initiative de son rapporteur général, M. Albéric de Montgolfier, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement à la première partie du projet de loi de finances pour 2015 minorant la baisse des dotations, en déduisant les dépenses imposées par l'État aux collectivités territoriales, évaluées, en 2013 par la Commission consultative d'évaluation des normes, à 1,2 milliard d'euros, portant ainsi à 2,47 milliards d'euros la baisse des dotations en faveur des collectivités territoriales.

Par amendement déposé par M. Charles Guené, l'un des deux rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » de la commission des finances, cette minoration de 32,76 % de la DGF a été répartie entre chaque niveau de collectivités territoriales de façon homothétique, conformément au tableau suivant.

Minoration de la contribution des collectivités territoriales
au redressement des finances publiques

(en euros)

Minoration prévue
(PLF)

Minoration proposée par la commission des finances du Sénat

Écart

Communes

1 450 000 000

974 956 663

475 043 337

EPCI

621 000 000

417 550 405

203 449 595

Départements

1 148 000 000

771 896 723

376 103 277

Régions

451 000 000

303 245 141

147 754 859

TOTAL

3 670 000 000

2 467 648 932

1 202 351 068

Source : Commission des finances du Sénat

B. L'ADOPTION DE DISPOSITIONS DESTINÉES À ATTÉNUER LA BAISSE DES DOTATIONS

À l'instar de la loi de finances initiale pour 2014, le projet de loi de finances pour 2015 comporte plusieurs dispositions destinées à corriger les effets de la baisse des dotations de l'État pour les collectivités territoriales.

1. Un renforcement de la péréquation verticale et horizontale

Une hausse de la péréquation verticale de 228 millions d'euros est prévue à l'article 58 du projet de loi de finances pour 2015, réparties entre :

- d'une part, les dotations de péréquation affectées au bloc communal qui augmenteraient de 208 millions d'euros : 120 millions au titre de la dotation de solidarité urbaine (DSU), 78 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR) et 10 millions d'euros au titre de la dotation nationale de péréquation (DNP) ;

- d'autre part, les dotations de péréquation dont bénéficient les départements seraient augmentées de 10 millions d'euros.

Comme l'ont indiqué nos collègues, MM. Jean Germain et Charles Guené, cette hausse de la péréquation est financée, pour moitié, au sein de la DGF et, pour l'autre moitié, par une minoration des variables d'ajustement. Ainsi, « la hausse de la péréquation verticale est intégralement financée par les collectivités territoriales ».

L'Assemblée nationale, sur proposition de M. François Pupponi, député du Val d'Oise, a augmenté de 99 millions d'euros supplémentaires la DSU et la DSR. La commission des finances du Sénat a, quant à elle, abaissé l'augmentation de la péréquation verticale de 228 millions d'euros à 119 millions d'euros, comme en 2014, en raison de « l'absence d'évaluation des effets combinés de la hausse de la péréquation et de la baisse des dotations ».

À l'initiative de M. Charles Guené, la commission des finances a adopté un amendement visant à ralentir la progression du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) : au lieu de 210 millions d'euros, il augmenterait de 105 millions d'euros en 2015 par rapport à l'année précédente.

2. Les dispositions portant sur le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

L'article 9 bis , inséré par l'Assemblée nationale, propose d'augmenter le taux forfaitaire du FCTVA, qui passerait à 16,404 %, soit une hausse de 5 %. Selon la commission des finances du Sénat, cette hausse représenterait une moindre recette de l'État de 26 millions d'euros en 2015 et 246 millions d'euros à partir de 2017.

Par ailleurs, le FCTVA a été exclu du champ de l'enveloppe normée, son dynamisme pouvant peser sur le montant des autres concours.

3. La suppression des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et leur remplacement par une dotation de soutien à l'investissement

L'article 9 ter propose de remplacer les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) par une dotation de soutien à l'investissement local. Ainsi, les FDPTP seraient supprimés ; ces fonds, d'un montant total de 423 millions d'euros, sont versés par l'État aux départements, qui les répartissent ensuite aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) « défavorisés par la faiblesse de leur potentiel fiscal » ou « par l'importance de leur charge ».

Ils seraient remplacés par une dotation de soutien à l'investissement local d'un même montant. Toutefois, les modalités de répartition de cette dotation ne sont pas précisées. Il pourrait s'agir d'une majoration de plusieurs dotations (dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de développement urbain (DDU), dotation globale d'équipement, dotation de solidarité urbaine (DSU) « cible » ou dotation de solidarité rurale (DSR) « cible »). Une telle disposition relèverait de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

C'est pourquoi, sur proposition de son rapporteur général, la commission des finances du Sénat a supprimé l'article 9 ter , « considérant que les collectivités ne bénéficieraient pas d'un euro supplémentaire de la part de l'État à travers ce dispositif et qu'il fragiliserait les communes et EPCI qui perçoivent aujourd'hui les attributions versées au titre des FDPTP . » 2 ( * )

4. La fusion des diverses composantes de la dotation forfaitaire de la DGF des communes et des départements

Afin d'appliquer l'impact de la baisse des dotations, est prévue, à l'article 58 du projet de loi de finances pour 2015, la fusion des diverses composantes de la dotation forfaitaire de la DGF des communes et des départements, d'un montant de 12,5 milliards d'euros. Seraient ainsi concernées la dotation de base, la dotation de superficie, la dotation « parcs naturels et marins », le complément de garantie, la dotation forfaitaire des groupements touristiques et les compensations, chacune d'entre elles obéissant à des règles d'évolution spécifiques. Ainsi, les situations existantes seraient gelées.

Cette mesure vise à faciliter les répartitions à la DGF qui est censée diminuer en 2016 et 2017.

La nouvelle dotation forfaitaire issue de cette fusion évoluerait en fonction de la démographie et d'un écrêtement portant sur l'ensemble de la dotation forfaitaire. Elle serait également péréquée.

Ainsi que le constatent dans leur rapport nos collègues, MM. Jean Germain et Charles Guené, « le fonctionnement actuel de la DGF n'a pas été conçu dans un contexte de diminution de son montant et cette réforme a minima devrait être suivie par une refonte d'ampleur, annoncée pour le projet de loi de finances pour 2016 ».

5. La fixation d'un objectif non contraignant d'évolution des dépenses des collectivités territoriales

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, actuellement en discussion au Parlement, prévoit, à l'article 11, la fixation d'un objectif, non contraignant, d'évolution des dépenses des collectivités territoriales, comme il en existe pour l'État et la sécurité sociale.

La mise en place de cet objectif ne contrevient pas au principe de libre administration des collectivités territoriales, dans la mesure où il ne présente pas de caractère contraignant.

C. DES CONSÉQUENCES NÉGATIVES SUR LE NIVEAU D'INVESTISSEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ?

Comme l'a relevé la Cour des comptes 3 ( * ) , « alors qu'en 2014, la baisse des dotations de l'État a été en partie neutralisée par des transferts de ressources nouvelles, l'importance de l'effet de levier de la baisse programmée des dotations entre 2015 et 2017 dépendra des modalités de répartition qui seront retenues et de l'ajustement des comportements des acteurs locaux. »

La contrainte sur les ressources, en 2015, sera plus sensible pour les collectivités territoriales. La baisse des dotations budgétaires en leur faveur sera répartie au prorata de la part de chaque échelon local dans les recettes totales.

Selon les éléments présentés par Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique lors de son audition devant votre commission, cette diminution représente une baisse des ressources des collectivités territoriales de l'ordre de 1,6 % de leurs recettes totales et de 1,9 % de leurs recettes de fonctionnement.

1. Une répartition inégale de l'effort entre niveaux de collectivités territoriales

Selon les éléments recueillis par votre rapporteur pour avis, la répartition de l'effort supporté par les collectivités territoriales ne tient pas suffisamment compte des situations financières respectives de chaque échelon local.

Contrairement aux régions et aux départements, le bloc communal
- à savoir les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre - bénéficie de marges de manoeuvre fiscales et budgétaires qui lui permettent de faire face à la baisse des dotations. En effet, ses ressources sont constituées d'une part importante de fiscalité directe, en particulier les impôts des ménages que sont la taxe d'habitation, la taxe sur le foncier bâti et la taxe sur le foncier non bâti. Ces trois impôts reposent sur des bases dynamiques ce qui permet aux communes et à leur groupement de moduler les taux d'imposition.

A contrario , les départements et les régions ne disposent pas des mêmes ressources. L'unique marge de manoeuvre à la disposition des départements est le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties, des droits de mutation à titre onéreux, de la taxe d'aménagement et de la taxe sur la consommation finale d'électricité. Quant aux régions, leurs marges de manoeuvre apparaissent encore plus étroites : taux de la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules, de la taxe sur les permis de conduire et de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques.

2. Quelles marges de manoeuvre à la disposition des collectivités territoriales ?

Selon le Gouvernement, la diminution de 12,5 milliards d'euros des dotations de l'État en faveur des collectivités territoriales devrait nécessairement s'accompagner d'une diminution équivalente des dépenses de celles-ci. La Cour des comptes estime que « la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales pourrait avoir pour effet de ralentir la progression de leurs dépenses, sous réserve des mesures prises au plan national ou local en matière de recettes ». Toutefois, l'impact de cette baisse, qui est d'une ampleur inédite, est difficile à évaluer.

a) La recherche d'économies de fonctionnement

Les auditions menées par votre rapporteur pour avis ont relevé la nécessité, pour les élus locaux, de rechercher le maximum d'économies en matière de dépenses de fonctionnement. Toutefois, cette recherche d'économies sera nécessairement limitée puisqu'elle s'échelonnera sur plusieurs années.

Elle devrait conduire les élus locaux à recourir à une gestion plus rigoureuse des personnels par la recherche de marges de manoeuvre aussi bien au niveau des effectifs que des modalités de gestion des ressources humaines.

En effet, comme l'a relevé la Cour des comptes, la masse salariale des collectivités territoriales a augmenté, en 2013, de 3,1 %, après une hausse de 3,5 % en 2012. « Cette évolution tendancielle découle notamment de la hausse des effectifs, [...], de celles des rémunérations indiciaires, sous l'effet des avancements d'échelon et de grade, et des régimes indemnitaires. Elle résulte également de décisions qui échappent aux collectivités locales, telles que l'augmentation des cotisations à la caisse nationale de retraite des collectivités territoriales (CNRACL) et la revalorisation du smic qui a un effet sur la rémunération des agents appartenant à la catégorie C. »

En d'autres termes, les collectivités territoriales pourraient être incitées à remettre en cause leurs politiques de personnels, en particulier en matière d'avancements automatiques de grade et d'échelon, ou encore de durée de temps de travail. « Une révision de ces règles pourrait contribuer à freiner la hausse tendancielle des dépenses de personnel, de même qu'une meilleure maîtrise des régimes indemnitaires, jusqu'à maintenant en progression constante. » Toutefois, votre rapporteur pour avis estime que cette réorientation des politiques de gestion de personnels ne doit pas concerner les agents de catégorie C dont les revenus sont modestes.

b) Une réflexion nécessaire sur la pertinence de certains investissements

Afin de maintenir le niveau de leur politique d'investissement, les collectivités territoriales pourraient diminuer leur capacité d'autofinancement.

Toutefois, se pose la question des choix d'investissement des collectivités, en particulier le maintien de leurs programmes d'investissement, soit en recourant à l'endettement, soit en renonçant à certains projets pour tenir compte du recul de leur autofinancement. En effet, la baisse des dotations budgétaires des collectivités territoriales pourrait inciter les élus locaux à s'interroger sur la pertinence de certains investissements. Les chambres régionales des comptes relèvent régulièrement le manque d'utilité de certains projets locaux, jugés dispendieux.

La Cour des comptes considère que « la programmation d'une baisse des dotations de l'État de 3,7 milliards d'euros par an de 2015 à 2017 est d'une toute autre ampleur que celle de 2014. Elle pourrait donc, compte tenu de son effet cumulatif, modifier le référentiel de décision des élus locaux. »

Il convient de rappeler que les cycles d'investissement sont fortement marqués par le cycle électoral, qui se vérifie en particulier pour le bloc communal. Selon les éléments recueillis par la Cour des comptes, à titre d'exemple, l'investissement communal a, jusqu'en 2012, progressé parallèlement à l'évolution des recettes d'investissement hors emprunt. En 2013, l'effort d'équipement a été financé par un recours accru à l'endettement. En 2014, année de renouvellement des conseils municipaux et des conseils communautaires, la situation devrait correspondre à « une phase de préparation du programme d'investissement de la mandature et donc de ralentissement des dépenses ».

Votre rapporteur pour avis estime, à l'instar de la Cour des comptes, que l'évolution des dépenses d'investissement sera liée en réalité aux comportements des acteurs locaux qui devront arbitrer entre l'accroissement de leurs dépenses en préservant leur épargne brute par la recherche d'économies, en particulier de fonctionnement, ou en ajustant leurs recettes au moyen de la pression fiscale. Les collectivités territoriales pourraient en effet favoriser le recours à l'impôt pour compenser la baisse de leurs ressources afin d'offrir à leurs citoyens une qualité satisfaisante des services publics locaux.

c) Le recours à la mutualisation et aux communes nouvelles ?

Votre rapporteur pour avis estime enfin que la baisse des dotations pourrait inciter les communes à mutualiser l'exercice de leurs compétences pour lesquelles elles ne disposent plus des moyens suffisant. La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a assoupli les dispositions permettant aux collectivités territoriales de mutualiser leurs compétences, soit entre celles appartenant à un même échelon local, soit entre collectivités de niveaux différents.

Par ailleurs, les communes pourraient être incitées à recourir au dispositif des communes nouvelles, visant à faciliter le regroupement de communes, dont la proposition de loi de M. Jacques Pélissard, député et président de l'Association des maires de France (AMF), vise à assouplir les dispositions de regroupement des communes, en proposant notamment une bonification de la DGF pendant trois ans.

L'assouplissement du dispositif des communes nouvelles proposé
par l'Association des Maires de France

L'Association des Maires de France porte une révision du dispositif des communes nouvelles institué par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 pour rénover les fusions de communes.

Son président, le député Jacques Pélissard, a déposé à cette fin une proposition de loi à l'Assemblée nationale ainsi que, parallèlement, le député Bruno Le Roux.

L'objectif poursuivi est d'accélérer et de faciliter la création de communes nouvelles : la baisse de la DGF devrait aggraver la faiblesse des moyens des petites communes confrontées, dans le même temps, à leur place et à leur poids au sein de communautés appelées à s'élargir notablement aux termes du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Pour parvenir à cet objectif, il est proposé plusieurs incitations :


• Pour encourager les fusions, les conseils municipaux des communes appelées à fusionner pourraient décider, par délibérations concordantes, de maintenir en place l'ensemble des élus municipaux des anciennes communes dans le conseil de la commune nouvelle jusqu'aux prochaines élections municipales ;


• Les maires délégués (pour chaque commune fusionnée) deviendraient des adjoints au maire de la commune nouvelle et pourraient se réunir au sein d'une conférence municipale présidée par celui-ci ;


• Les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants, créées au plus tard le 1 er janvier 2016, bénéficieraient pendant trois ans d'un pacte de stabilité de la DGF intégrant les dotations de péréquation. Ce montant serait au moins égal à la somme des montants de la DGF perçus l'année précédente par les anciennes communes ;


• Le maintien de la DGF serait également garanti, sans condition de population, à toute commune nouvelle créée au plus tard le 1 er janvier 2016, qui se substituerait à un EPCI à fiscalité propre ;


• S'y ajouterait une bonification de la DGF de 5 % pendant 3 ans à compter de leur création aux communes nouvelles dont la population regroupée serait comprise entre 1 000 et 10 000 habitants ;


• Enfin, le délai de rattachement de la commune nouvelle à un EPCI à FP serait assoupli.

*

* *

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte d'avances aux collectivités territoriales dans le projet de loi de finances pour 2015.

EXAMEN COMMISSION

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur pour avis . - Succédant à Bernard Saugey dont les analyses ont éclairé notre commission pendant des années, il me revient de rappeler que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se concentre sur un périmètre restreint : avec 2,73 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,68 milliards d'euros en crédits de paiement, elle représente 3 % seulement des 101 milliards d'euros de transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales. Bernard Saugey regrettait à juste titre que la composition de cet effort financier ne soit pas clarifiée. En effet, aux crédits de la mission s'ajoutent les crédits inclus dans l'enveloppe normée, ceux qui ne le sont pas, les dégrèvements et compensations, les transferts de fiscalité. Une présentation plus lisible donnerait une vision globale et, partant, une meilleure appréciation des aides que l'État dégage pour les collectivités locales. C'est important, en période de budget restreint.

Après trois années de gel en valeur des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales entre 2011 et 2013, les prélèvements sur recettes dont elles ont bénéficié ont diminué de 1,5 milliard d'euros en 2014. Le président de la République a annoncé un effort de 50 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017, pour ramener le déficit public sous le seuil des 3 % du PIB et financer le pacte de responsabilité pour relancer la compétitivité et l'économie du pays. Le Premier ministre a précisé que les collectivités participeraient à hauteur de 11 milliards d'euros, contribution représentative de leur part dans la dépense publique. Correspondant à un abattement annuel de 3,67 milliards d'euros sur trois ans, cette participation devrait entraîner, selon le Gouvernement, une baisse des dépenses des collectivités territoriales d'un même montant. Le bloc communal supportera 56 % de cet effort, avec une baisse de dotation de 2,071 milliards d'euros, dont 30 % pour les EPCI et 70 % pour les communes ; les départements en prendront en charge 31 % (1,15 milliard d'euros) et les régions 12 % (0,4 milliard d'euros).

Plusieurs correctifs sont cependant prévus dans le projet de loi de finances pour 2015. La péréquation verticale augmente de 228 millions d'euros (218 millions d'euros pour le bloc communal, à travers une majoration des dotations de solidarité urbaine, de la solidarité rurale et de la dotation nationale de péréquation, et 10 millions d'euros pour les départements). Le taux forfaitaire du FCTVA passerait à 16,404 % (+ 5 %), et serait exclu du champ de l'enveloppe normée, son dynamisme pouvant peser sur le montant des autres concours.

Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) - représentant 423 millions d'euros - seraient remplacés par une dotation de soutien à l'investissement local d'un même montant, dont la répartition reste à préciser. À l'initiative de son rapporteur général, M. Albéric de Montgolfier, la commission des finances du Sénat a supprimé ce dispositif qui risquerait de fragiliser les communes et les EPCI bénéficiant des attributions versées au titre des FDPTP.

Enfin, la commission des finances a proposé un amendement pour minorer la baisse des dotations des collectivités territoriales, en déduisant les dépenses qui leur sont imposées par l'État - estimées à 1,2 milliard d'euros en 2013 par la Commission consultative d'évaluation des normes. La baisse des dotations serait ainsi ramenée à 2,47 milliards d'euros.

Selon le Gouvernement, la diminution de 12,5 milliards d'euros
- 1,5 milliard d'euros en 2014 et 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017 - des dotations de l'État devrait s'accompagner d'une moindre dépense des collectivités territoriales. L'impact sur les politiques publiques et les projets d'investissement des collectivités reste difficile à évaluer, d'autant que le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises a déjà orienté leurs recettes à la baisse. Les auditions que j'ai conduites et le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales, publié en octobre 2014, indiquent que les économies pourraient porter sur les dépenses de fonctionnement, via la mise en place d'une gestion plus rigoureuse des personnels. Les collectivités territoriales devraient ainsi mettre un terme à leur politique d'avancements automatiques de grade et d'échelon, ou de durée de temps de travail. Quant aux politiques d'investissement, elles seront directement affectées par le nouveau référentiel de décision imposé aux élus locaux, et l'effet cumulatif de la baisse des dotations de 3,7 milliards d'euros par an entre 2015 et 2017. Enfin, la proposition de loi sur les communes nouvelles de M. Jacques Pélissard, député et président de l'Association des Maires de France, vise à assouplir les dispositions de regroupement des communes, en proposant notamment une bonification de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pendant trois ans.

Sur l'ensemble de ces sujets d'une extrême sensibilité, je vous laisse avec sagesse nous dire quel est votre avis sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

M. François Pillet . - Malgré votre synthèse talentueuse, voilà des perspectives peu enthousiasmantes - nous nous y attendions. Pour que les collectivités locales continuent à participer au redressement du pays, il aurait été plus satisfaisant de maintenir le gel de leurs dotations. Tout le monde s'accorde à dire que leur baisse aura une incidence sur l'investissement. Dans les années à venir, certaines communes ne pourront pas engager les projets qu'elles avaient prévus. D'autres ont déjà abandonné ceux de 2013, vidant ainsi les carnets de commandes des entreprises locales. Les communes rurales sont très fragilisées par cette baisse de l'investissement qui affecte surtout les petites entreprises. En effet, lorsqu'un maire décide de rénover la salle communale, de refaire une toiture, un enduit ou une tranchée, c'est à elles qu'il s'adresse. Si les commandes baissent, le petit tissu local sera le premier à en souffrir. Deux, trois ou quatre compagnons sans travail, c'est autant de dégât social. Le défaitisme s'installe, qui bloque l'imagination de l'investissement. Cette phase risque de s'aggraver en 2016. En tant qu'élu d'un département rural, je suis très inquiet. Les catastrophes humaines iront s'additionnant. On parle beaucoup des plans de licenciements dans les grandes entreprises, mais trop peu des entreprises familiales. Les difficultés qu'elles vont connaître auront des conséquences sociales dont nous n'avons pas suffisamment mesuré l'ampleur.

M. Pierre-Yves Collombat . - Le rapport peut se lire de deux manières. Dans la version pour enfants que nous a livrée notre rapporteur, les collectivités locales sont incitées à participer au redressement des finances publiques. Dans la version pour adultes, il s'agit de les faire contribuer à l'approfondissement de la crise économique qui secoue notre pays. Selon les dernières estimations de l'INSEE, notre appareil de production tourne à 80 % de sa capacité. Les collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation vient de publier un excellent rapport qui donne une bonne vision de l'avenir. Jacques Mézard nous en parlera. On critique régulièrement le manque de lisibilité du dispositif, alors qu'il tient en partie à la structure même de la LOLF, ce miracle des miracles réduit à une entreprise d'enfumage. Dans la pratique, on noie tout. On prend 100 et on redonne 2, personne n'a rien vu et tout le monde est content. Le meilleur exemple est le fonds de péréquation départemental de la taxe professionnelle. En le modifiant, on transforme des recettes de fonctionnement en recettes d'investissement, et l'on fait participer les communes au sauvetage des départements, en captant une partie de leur dotation. Personne ne se rend compte que nous courons à la catastrophe.

M. Jacques Mézard . - Avec MM. Charles Guéné et Philippe Dallier, nous venons de présenter un bilan d'étape, mesurant les conséquences de la baisse des dotations à échéance de 2017. Nous nous sommes livrés à une analyse mathématique avec l'aide du cabinet Klopfer. Les chiffres sont révélateurs. En 2017, cela représentera une diminution de 6 % de leurs recettes pour les 38 000 collectivités. Elles auront du mal à y faire face, car on ne peut pas diminuer d'un coup les charges de personnel. La fin du rapport est instructive, avec le détail chiffré des conséquences strate par strate. Une majorité des départements et des communes de plus de 10 000 habitants seront en situation de double déficit. Ce n'est pas possible. Le bilan chiffré existe ; il n'est pas contestable. Nous sommes partis d'une évolution au fil de l'eau sur les chiffres de programmation du Gouvernement. Même sans baisse des dotations, le nombre des collectivités en situation difficile est en hausse. Avec la baisse, c'est la majorité des collectivités qui ne pourra plus faire face à leurs dépenses. Je ne dis pas qu'il ne faut pas de baisse de dotations ; il faut trouver les moyens d'absorber le choc.

M. Christian Favier . - Le régime auquel les collectivités locales vont être soumises créera des difficultés de fonctionnement et d'investissement pour un résultat qui est loin d'être acquis en matière de relance économique. Dans les autres pays européens, la baisse de l'investissement public a systématiquement été accompagnée par une hausse du chômage. Je ne crois pas à cette solution. Je ne crois pas non plus que l'effort demandé aux collectivités soit proportionné : elles représentent moins de 10 % de la dette publique ; on leur demande un effort bien plus important - 28 milliards d'euros en cumulé. Beaucoup de collectivités, et pas seulement rurales, seront en grande difficulté. Je réunis, vendredi, dans mon département, 160 entreprises qui s'inquiètent de l'évolution à la baisse de la dépense publique. Les collectivités locales ont déjà réalisé des efforts considérables pour participer au redressement du pays ; on doit les prendre en compte. L'Assemblée des Départements de France (ADF) a chiffré à 48 milliards d'euros la non-compensation du coût du versement des allocations de solidarité assumé par les collectivités départementales en lieu et place de l'État. Une baisse des dotations laisse envisager deux solutions impossibles : soit de nouvelles fermetures de services publics, alors qu'en période de crise, les populations ont besoin de notre solidarité, soit une augmentation de la fiscalité, qui atteint déjà un niveau insupportable pour nos concitoyens.

Non, les collectivités territoriales n'ont pas une politique trop généreuse à l'égard de leurs personnels. Certains agents de la fonction publique ont un niveau de revenus à peine supérieur au SMIC et leur indice est gelé depuis des années. Enfin, on n'a pas forcément besoin de la loi, mais surtout de l'intelligence des élus pour mieux mutualiser les moyens dont ils disposent. Soumettre les collectivités locales à une cure d'austérité n'est pas la solution pour redresser le pays.

M. Alain Marc . - La disparition des FDPTP m'inquiète pour la péréquation. Quel système les remplacera ? Il ne va pas de soi que la mutualisation dégage des économies. À chaque fois que l'on agrège des collectivités locales, ce sont des frais de fonctionnement en plus. Il faudrait évaluer de manière précise les économies que cela représente. Bien souvent, la mutualisation fait peser sur les petites communes un soupçon de mauvaise gestion, avec en arrière-pensée l'idée de les supprimer. Or, sur le terrain, on constate que les communes les mieux gérées sont souvent de petite taille. La secrétaire de mairie n'y travaille qu'aux deux tiers de son temps, ce qui autorise des investissements pour rénover une salle de classe, etc. Les technocrates nous assènent toujours le postulat selon lequel la mutualisation génère des économies de fonctionnement. Cela commence à être indécent ; il est temps de réagir.

M. Jean-Jacques Hyest . - Depuis vingt-cinq ans, l'État supprime des impôts locaux qu'il remplace par des dotations attribuées selon des critères bizarres. On a ainsi créé la dotation globale d'équipement, distribuée par le préfet, ce qui était une voie de recentralisation. En conséquence de quoi, l'autonomie des collectivités s'est fortement affaiblie, surtout celle des régions.

Que les dettes de collectivités comptent dans la comptabilité nationale ne justifie pas de leur imposer plus d'économies qu'à l'État : elles ne sont pas responsables des déficits puisqu'elles sont obligées de gérer leur budget à l'équilibre. Le bloc communal constitue une entreprise de services
- crèches, haltes garderies, etc. Elles ont des personnels de catégorie C dont les salaires sont souvent faibles. Si l'on ne peut plus accorder d'avancement de grade, c'est un peu sévère...

Les collectivités doivent participer à l'effort de redressement du pays, sans pour autant que ce soit suicidaire. J'étais à Chartres, avec la commission des lois ainsi que M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour la présentation du rapport de Michel Klopfler. Il faut s'attendre dans les deux ans à une catastrophe industrielle monumentale pour le secteur du BTP.

M. Didier Marie . - Je remercie la rapporteure pour sa présentation mesurée. Nous voici à front renversé par rapport aux débats qui avaient cours il y a quelques années sur le même sujet.

M. Jean-Jacques Hyest . - Nous ne partagions pas la politique de gel des dotations des collectivités locales.

M. Didier Marie . - Pas autant. Quelle que soit notre formation politique, nous sommes tous d'accord sur la nécessité de réduire les déficits. La question du rythme, seulement, nous partage. En fixant le déficit public à 4,4 % cette année et à 4,3 % l'an prochain, le Gouvernement a choisi de ne pas casser le moteur de la croissance. L'effort doit être partagé. Celui qui est demandé aux collectivités locales est proportionnel à leur part dans la dépense publique. L'augmentation de 0,9 % des bases de la fiscalité locale devrait compenser en partie la diminution de leurs dotations. Enfin, le faible taux d'inflation leur est favorable. Les efforts ne sont jamais agréables à consentir mais ils sont absolument indispensables.

En période de restriction budgétaire, il faut donner plus à ceux qui ont moins. L'augmentation de 8 % des dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale (DSU et DSR) contribue à cet effort de péréquation, ainsi que la mise en place d'un fonds d'investissement, dont le financement reste à définir. Si l'on a supprimé les FDPTP, c'est parce que la taxe professionnelle n'existe plus.

M. Jean-Jacques Hyest . - C'est facile...

M. Didier Marie . - Il faut requalifier ce fonds et le répartir différemment. Il ne doit pas pour autant être retiré aux communes qui en bénéficient (704 des 745 communes de mon département !). Il faut maintenir ce financement. Si l'on trouve le moyen de l'alimenter, le fonds d'investissement contribuera à la péréquation, en aidant les collectivités à investir davantage.

Élu local comme vous, je sais que les difficultés ne datent pas d'aujourd'hui. Depuis quelques années, les collectivités se sont efforcées à la maîtrise des dépenses et ce qui apparaissait impossible alors s'est révélé réalisable. Nous devons évaluer avec justesse l'effort que peuvent encore livrer les communes, en veillant à ne pas mettre à mal leur capacité d'investissement.

M. Yves Détraigne . - Les politiques menées par les administrations centrales entrent de plus en plus en contradiction avec les moyens des administrations déconcentrées. L'État baisse ses dotations, tout en imposant aux collectivités des obligations nouvelles : la mise en place d'activités périscolaires, par exemple, est catastrophique pour les finances de beaucoup de communes. L'écart se creuse entre les administrations normatives dont la machine tourne toute seule, et les équipes sur le terrain, en région ou en département. Notre commission pourrait étudier cette inadéquation, qui explique en grande partie l'impasse où se trouvent les collectivités locales.

M. Jean-Pierre Sueur . - Tout le monde est d'accord pour réduire la dépense et le déficit publics.

M. Pierre-Yves Collombat . - Non !

M. Jean-Pierre Sueur . - Un grand nombre d'entre nous l'est. Cela affectera forcément les collectivités locales. Regardez les déclarations de certains partis politiques qui voudraient multiplier nos efforts par deux. Les collectivités locales aussi seront concernées. Je ne souhaite pas reprendre à mon compte, comme mon collègue M. Alain Marc, l'idée que l'intercommunalité entraîne des dépenses supplémentaires. Dans mon département, la situation est contrastée, selon les décisions des élus qui peuvent choisir de bâtir un hôtel communautaire ou bien se réunir dans la salle du conseil municipal de l'une des communes membres. En elle-même, l'intercommunalité ne crée pas de coûts supplémentaires ; tout dépend de la manière dont elle est mise en oeuvre. Les efforts en termes de péréquation se font au sein d'une enveloppe qui reste constante. Cependant, alors que la part des dotations de l'État dans les ressources des collectivités locales a augmenté, celle des péréquations est restée la même. L'État peut faire de la péréquation, mais la DGF est très peu péréquatrice, en réalité. Il reste un gros effort à accomplir. Réduire la part des dotations peut se justifier, si la capacité des collectivités à lever des impôts locaux s'accroît. Dans les régions, les recettes viennent essentiellement des dotations de l'État. Il faut du courage politique pour les réduire et créer des impôts nouveaux.

M. Jean-Patrick Courtois . - L'idéologie ne fera pas avancer les choses. Je suis en train de faire le budget de la commune de Mâcon. Le rapport de la chambre régionale des comptes est excellent et nous avons le triple A. Si l'on applique les mesures gouvernementales, la ville subira une baisse de 2 millions d'euros de DGF. Elle devra trouver 400 000 euros non compensés pour financer la réforme des rythmes scolaires, et 250 000 euros pour financer des mesures catégorielles pour le personnel. Nous devons trouver 2,65 millions en section de fonctionnement, laquelle doit être équilibrée, voire être en excédent, et qu'on ne peut financer par l'emprunt. La seule solution consiste à faire des économies sur les dépenses ou, plus précisément, sur les dépenses facultatives. Le champ se réduit aux dépenses sur le personnel contractuel, à celles sur les travaux de voirie et de bâtiments, et aux subventions aux associations. Les recettes ne peuvent en effet venir que des trois impôts. Les taxes sur le foncier bâti et le foncier non bâti ne rapportent pas des sommes considérables. La seule solution pour garder l'équilibre, à Mâcon, est de combiner ces mesures, d'augmenter les impôts de 20 % sur trois ans, de baisser les subventions aux associations de 15 % et de diminuer les travaux d'entretien de 40 %. Le préfet m'avait d'abord dit que je dramatisais, mais des maires socialistes lui tiennent le même discours.

M. Philippe Bas , président . - Si nous nous accordons pour considérer que les collectivités territoriales doivent contribuer à l'effort national, les modalités et le montant de ces économies, qu'il s'agit désormais de doubler, font débat. Car les charges de nos collectivités augmentent par le transfert, souvent insidieux, des charges de l'État, qui réduit dans le même temps ses dotations. Ces économies doivent en outre être prises non sur les dépenses de fonctionnement, mais d'investissement, ce qui aura des conséquences économiques majeures. Cette situation, bien différente de celle des services de l'État, est critique.

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur pour avis . - Le sujet n'est ni facile ni enthousiasmant. Le rapport de Jacques Mézard et de ses collègues, que j'avais initié en tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a irrigué la réflexion de mon rapport : je sais combien les analyses du cabinet Klopfer sont pertinentes.

J'ai évoqué les propositions du Gouvernement et de la Cour des comptes relatives au personnel : si la situation salariale de la catégorie C est médiocre, certains notent sans penser aux conséquences indemnitaires.

Si je partage l'avis d'Alain Marc sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, je remarque que les critères en sont très différents d'un département à l'autre. Il ne s'agit pas pour autant de les supprimer.

Jean-Jacques Hyest le soulignait avec raison, les suppressions répétées de recettes locales et de dégrèvements se conjuguent pour donner le sentiment que nous arrivons au bout d'un système. Posons, en parallèle à l'effort des collectivités territoriales, celui que doit faire l'État.

Yves Détraigne a évoqué les dépenses nouvelles consécutives à la production de normes : la commission des finances les a évaluées à 1,2 milliard et demandé une réduction égale de la baisse des dotations de l'État. Elle s'est également prononcée en faveur d'une diminution de la péréquation horizontale la ramenant de 228 à 119 millions d'euros.

La mutualisation peut être source d'économies, j'en suis persuadée, pour l'avoir expérimenté moi-même. L'intercommunalité, en revanche, si elle n'est pas toujours source d'économies, a apporté des services nouveaux.

La baisse des dotations sera évidemment plus sensible pour les communes très endettées et entraînera, comme le disait Christian Favier, une diminution des investissements. Ayons l'honnêteté de reconnaître que cela pourra parfois être une bonne chose de reconsidérer certains projets.

Face à ces réserves, je propose un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Yves Fréville , ancien sénateur, membre du Comité des finances locales

M. Michel Klopfer , consultant finances locales

M. Yann Le Meur , professeur associé à l'université de Rennes 1, consultant finances locales

COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU,
MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE MME MARYLISE LEBRANCHU,
MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

( Mercredi 12 novembre 2014 )

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique. - Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un effort des collectivités territoriales de 3,67 milliards d'euros sur la DGF, réparti au prorata de la part de chaque catégorie locale dans les recettes totales, soit 2,071 milliards d'euros pour le bloc communal - réparti entre 1,450 milliard d'euros pour les communes et 621 millions d'euros pour leurs groupements -, 1,148 milliard d'euros pour les départements, et 451 millions d'euros pour les régions. Les critères de répartition de cet effort entre catégories de collectivités sont identiques à ceux du précédent budget. Pour donner un ordre de grandeur, cet effort représente une baisse des ressources des collectivités locales de l'ordre de 1,6 % de leurs recettes totales et de 1,9 % de leurs recettes de fonctionnement.

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit également un renforcement de la péréquation, avec une progression de celle-ci qui a doublé par rapport à 2014, progression encore accentuée par l'Assemblée Nationale. Ainsi, le fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France (FSRIF) ne connaîtra aucune diminution. Le rapport ira de un à sept entre les collectivités territoriales compte tenu de ce renforcement de péréquation. En d'autres termes, l'objectif de cette mesure est d'atténuer les effets de la baisse des concours financiers pour les collectivités les plus pauvres.

Une attention particulière a été portée à l'investissement avec le FCTVA retiré de l'enveloppe normée, la suppression de la réfaction de 0,9 point, la création d'un fonds d'investissement, la reconduction des dispositifs en faveur des départements. Je reviendrai plus en détails sur ces dispositions dans le cadre des questions que vous me poserez.

Beaucoup d'élus locaux réclament une hausse des dotations budgétaires. Or celles-ci sont financées par les impôts payés par nos concitoyens. Certaines collectivités territoriales estiment ne pouvoir faire face à cet effort que par une hausse de leur fiscalité locale qui pèse, là encore, sur le contribuable. À chaque bout de la chaîne, ce sont les citoyens qui sont concernés.

Pour conclure sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je souhaite souligner qu'au terme de la première lecture du projet de loi de finances pour 2015 à l'Assemblée nationale, l'équilibre budgétaire initial est modifié par le vote de 808 millions d'euros de dépenses en plus ou de recettes en moins. Sur ce montant, près de 500 millions d'euros concernent les collectivités territoriales : 300 millions d'euros supplémentaires pour les rythmes scolaires, 200 millions d'euros pour le FCTVA, liés au retrait du fonds de l'enveloppe normée et à la diminution de la réfaction.

Un amendement de rééquilibrage sera déposé à l'Assemblée Nationale par le Gouvernement pour financer ces 808 millions d'euros supplémentaires. Il n'est pas exclu que certaines dispositions concernent les finances des collectivités territoriales.

Le programme 148 « Fonction publique » concerne l'action sociale et la formation interministérielles.

En 2015, le Gouvernement a choisi de faire porter les efforts d'économie sur la formation pour stabiliser les crédits en faveur de l'action sociale pour les agents les plus modestes, notamment lors du premier déménagement.

C'est une action sociale peu large. Les fonctionnaires bénéficient d'un traitement et de la garantie d'emploi mais, parfois, certains rencontrent des difficultés.

Au programme est inscrite une subvention pour charges de service public des opérateurs du programme : l'École nationale d'administration (ENA) et les cinq instituts régionaux d'administration (IRA). La dotation diminue de 5 % sur les dépenses de fonctionnement,  réduction globale de 5 ETP sur les emplois permanents, soit 3 à l'ENA et 2 pour les IRA ; cela ne constitue pas de problème majeur pour l'ENA. L'effectif de la promotion du concours interne de l'ENA croît à hauteur de dix élèves pour 2015 car certaines directions de l'administration ne trouvent plus suffisamment de candidats à recruter.

Certains hauts fonctionnaires donnent des cours à l'ENA bénévolement car ils tiennent à la qualité de la formation de ceux qui les suivront.

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Relations avec les collectivité territoriales » . - Vous avez rappelé l'association des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques en diminuant leurs dotations budgétaires de 3,7 milliards d'euros. Si la majorité des élus locaux est favorable à cet effort de redressement, ils estiment que ce dernier ne peut s'accompagner de dépenses nouvelles, telles que la mise en place des rythmes scolaires. Sans parler du bien-fondé de cette réforme, sa présentation et le coût de sa mise en oeuvre ont été catastrophiques, compte tenu de l'effort déjà demandé aux communes. Il est important que le Gouvernement en ait pleinement conscience.

Le Gouvernement a-t-il évalué les conséquences de la baisse des dotations sur la mise en oeuvre des politiques publiques des collectivités territoriales et, surtout, l'impact de cette diminution sur l'investissement local ?

Par ailleurs, onze métropoles ont été créées par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 - même si cette dénomination recouvre différentes réalités. Quelles sont les conséquences de ces créations sur les dotations dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale, dans le cadre de cette baisse des dotations ?

Ensuite, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral prévoit une nouvelle carte régionale, avec des régions plus grandes qui se verront confier de nouvelles compétences avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Quelles sont les dispositions financières prévues par le Gouvernement pour permettre aux régions d'assumer leurs nouvelles compétences ?

Enfin, dernière question, où en est la réflexion du Gouvernement sur la Métropole du Grand Paris ?

M. Hugues Portelli , rapporteur pour avis des crédits du programme Fonction publique . - Madame la ministre, je vous poserai quatre questions, dont certaines parlent de la fonction publique territoriale.

La première prolonge la question de Jacqueline Gourault sur les rythmes scolaires. Les collectivités territoriales sont obligées de recourir à de nombreux recrutements mais, le plus souvent, il s'agit de personnels précaires, difficiles à trouver. En conséquence, le format du projet est réduit faute des personnels suffisants pour l'exécuter.

Nous avons voté des lois sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique et nous alimentons la précarité !

Deuxième question : beaucoup de fonctionnaires, en raison de la dureté des temps, sont amenés à travailler plus longtemps mais, parallèlement, cette donnée accroît la part maladie. Se pose donc la question de l'articulation des contributions respectives des collectivités et de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

Troisième question : comment se préparent les prochaines élections professionnelles du 4 décembre 2014 ?

Quatrième question enfin concernant la fonction publique d'État : avez-vous fait votre miel des derniers rapports établis sur la fonction publique ?

M. René Vandierendonck . - Par le hasard des calendriers, j'ai assisté ce matin à la réunion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui rendait compte d'un rapport de nos collègues Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard sur l'impact des mesures de restrictions budgétaires pour les collectivités territoriales. Ce travail, à l'essentiel, montre que la déflagration va être redoutable et conduire à l'impasse financière 60 % environ des départements et les communes de 10 000 à 50 000 habitants.

Avant que le Sénat n'examine le projet de loi de finances pour 2015, il faut un rappel des premières mesures annoncées par le Gouvernement à l'Assemblée nationale pour sauver le soldat « investissement ». Plus largement, lors de l'examen du projet de loi de finances, est-il possible d'envisager l'adoption de mesures pour lesquelles à l'Assemblée, la députée Christine Pires Beaune a été mandatée. Au Sénat, je ne sais pas lequel de nos collègues a été désigné.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Le Gouvernement a saisi le Sénat de cette demande mais il n'a pas eu de réponse pour le sénateur pressenti, M. Philippe Dallier.

M. René Vandierendonck . - En cette période de congrès annuel des maires, compte tenu de l'existence de ce travail, est-il envisageable, dans le cadre d'une contractualisation, de lisser la durée des trois ans fixés à la réduction sensible de la DGF pour sauvegarder le niveau d'investissement des collectivités locales. Pour la communauté urbaine de Lille, cela représente une diminution de 30 % sur le plan pluriannuel d'investissement. C'est particulièrement préjudiciable au tissu économique.

Seconde question : puisque le Sénat note avec grande satisfaction une inflexion sensible du Gouvernement pour l'avenir du département après la déclaration du Premier ministre devant notre Haute Assemblée, confirmée au congrès de l'Assemblée des Départements de France à Pau, et compte tenu du rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation selon lequel 60 % des départements restent dans l'oeil du cyclone, à l'instar de la proposition de loi sur les communes nouvelles - qui prévoit une garantie de DGF pendant trois ans -, est-il envisageable que le regroupement de départements puisse être accompagné de mesures analogues ?

M. Michel Mercier . - Il est vrai que la baisse des dotations va changer la donne pour les collectivités locales mais il est très vrai aussi qu'on ne peut pas échapper à cet état dans le contexte de réduction générale des dépenses publiques.

En revanche, on peut peut-être y procéder avec un peu plus d'équité : la diminution de la DGF des communes sans la réformer ne peut pas tenir très longtemps : tout le monde est responsable : dans cette assemblée, on a voté des amendements pour prévoir des exceptions au profit de certaines catégories de communes. Il faut réduire les écarts entre les communes.

En ce qui concerne le projet de loi NOTRe, il n'est pas sûr qu'il corresponde aux besoins d'aujourd'hui. Il faudrait plutôt offrir des outils aux collectivités territoriales pour qu'elles s'en saisissent pour l'exercice de leurs compétences.

Quand on respectera l'accord local, on ira beaucoup plus vite sur l'évolution des structures locales. La création d'une commune nouvelle peut engendrer des économies. Je vous indique mon exemple : cinq communes ont fusionné, ce qui a permis une économie sur certaines dépenses comme les fournitures scolaires en permettant la passation d'un seul marché ; l'économie réalisée en conséquence s'élève à environ 200 000 euros.

Notre rôle d'élus nationaux est de préparer le changement.

M. François Grosdidier . - Je ne suis pas persuadé que des changements provoquent des économies. Je suis même persuadé du contraire.

S'agissant de la baisse de dotations, le travail qui a été mené par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat est intéressant mais inquiétant, d'autant plus qu'il ne se fonde pas sur des scenarii catastrophistes. D'ailleurs, il ne prend pas en compte les effets mécaniques de hausse de la dépense locale.

Au niveau global, on assistera donc à une dégradation de la situation financière de toutes les collectivités territoriales, c'est-à-dire non seulement celles en bonne santé qui vont connaître une dégradation, mais également celles qui sont déjà mal en point et qui vont basculer « dans le rouge ». Ainsi, le taux d'épargne brute va diminuer d'un quart voire, pour les grandes communes et les départements, de moitié.

Stabiliser les dépenses de fonctionnement signifie concrètement qu'il faudra diminuer les effectifs mais aussi l'investissement à hauteur de 30 % avec de lourds impacts. Dans ce cas, comment demander aux collectivités territoriales, parallèlement, de lutter contre le chômage en soutenant l'emploi public ?

Je vous entends, Madame la ministre, expliquer qu'à la fin, c'est toujours le contribuable qui paie. Or la fiscalité locale est socialement injuste, notamment au regard de ses assiettes, comme l'a souvent dit votre famille politique. Il y aura donc des conséquences injustes.

Ajoutons à cela que les collectivités territoriales subissent les hausses de cotisations sociales, y compris pour les élus locaux. À cet égard, je note que les élus perçoivent, en retour de leurs cotisations comme prestations sociales, entre un dixième et un quart seulement du montant de leurs cotisations.

L'Association des Maires de France estime à un milliard d'euros par an le coût pour les collectivités territoriales de la mise aux normes imposée par la loi ou par une simple impulsion gouvernementale. Prenez l'exemple du service public de la petite enfance qui est reporté sur les collectivités territoriales et la branche famille, déjà en difficulté. Les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne tiennent, dans leurs calculs sur l'impact de la baisse des dotations, même pas compte de ces tendances lourdes.

Les collectivités territoriales se substituent à l'État, comme pour les maisons de l'accès au droit.

La baisse des dotations que les gouvernements minimisent aura des incidences lourdes. Ce seront les élus locaux qui devront assumer l'augmentation des impôts locaux socialement injustes.

Enfin, je ne suis pas sûr que le changement d'échelle soit source d'économie. Si je prends l'exemple de la politique de la ville, auparavant les contrats urbains de cohésion sociale étaient signés par les communes alors que, dorénavant, s'y ajoutent, sous l'effet des politiques communautaires, les établissements publics de coopération intercommunale qui font doublon.

M. Christian Favier . - Les dotations aux collectivités territoriales ne sont pas des cadeaux mais des compensations, souvent insuffisantes, de transfert des compétences en provenance de l'État.

S'agissant des départements, la croissance exponentielle des dépenses sociales, due à la période de crise que nous connaissons, ne peut être limitée par les départements qui ne disposent pas de leviers pour fixer le niveau du RSA et les conditions d'accès aux prestations sociales.

L'an dernier, plusieurs mesures ont été prises en faveur des finances départementales. On ne peut qu'apprécier qu'elles soient prolongées pour la durée du quinquennat mais elles ne permettent, en tout état de cause, qu'une pose en matière d'écart entre les dépenses à engager et le niveau de compensation.

Lors d'une rencontre entre le Premier ministre et une délégation de présidents de conseils généraux, à laquelle vous assistiez Madame la ministre, a été évoquée la possibilité d'un retour du RSA à l'État. Pouvez-vous nous indiquer sous quelle forme cela pourrait se faire et quel est l'état de la réflexion à ce sujet ?

Ces mesures sont importantes pour les départements car on ne peut pas faire porter les efforts supplémentaires sur eux alors qu'ils ont un pouvoir fiscal limité et que les impôts dont ils perçoivent le produit sont injustes.

J'entends : « Tout le monde doit faire des efforts . » Pour les départements, les efforts, notamment sur leur gestion, sont anciens, ne serait-ce qu'avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Ces efforts ont eu un effet direct sur les services rendus. Il faut donc prendre en compte les efforts déjà accomplis par les départements.

Est-ce que les regroupements de départements vont améliorer la gestion et permettre de faire face à cette hausse de dépenses ? J'entendais l'exemple donné par mon collègue René Vandierendonck à propos des deux départements de la région Nord-Pas-de-Calais. Je crois que les effets attendus d'un regroupement sont une illusion. L'essentiel est de ne pas priver les collectivités territoriales de leurs capacités d'investissement car elles forment un levier pour la croissance et non uniquement une source de dépenses. À défaut, nous alimenterons la spirale du déclin.

Il faut tenir compte de la croissance démographique qui oblige, par exemple, à la construction, et non pas seulement à la rénovation de collèges, ce qui impliquera des dépenses d'investissement, mais aussi de fonctionnement. Or les départements sont dans l'incapacité de construire de nouveaux établissements. Je crois donc que les limites ont été atteintes.

M. Philippe Bas, président . - Beaucoup de sénateurs connaissent bien les collectivités territoriales, vous avez pu le constater Madame la ministre : c'est une réalité qu'il conviendrait de maintenir...

La plupart des interventions de mes collègues concernent non pas le principe même de la baisse des dotations, mais l'ampleur d'une telle diminution, avec les conséquences très fortes que cela entraîne sur les investissements locaux. Ces remarques transcendent largement les clivages partisans. Vous avez été interrogée, Madame la ministre, sur les communes nouvelles mais aussi sur les fusions de départements et leurs effets sur l'emploi. J'ajoute une question : quelle est l'ampleur des effectifs, dans les services de l'État, concernés par l'instruction, à l'avenir, des permis de construire par les communes rurales ?

M. Jean-Jacques Hyest . - C'est déjà en place. Ces services sont exsangues !

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Nombreux sont ceux, parmi les sénateurs qui sont intervenus aujourd'hui, à souligner qu'il faut regarder en amont l'impact d'une décision sur les collectivités. Je remarque qu'il s'agissait précisément de l'objet du Haut conseil des territoires dont le Sénat a rejeté la création, en considérant que c'était à lui d'anticiper cet impact. Il faudra adopter une telle pratique à partir du conseil national d'évaluation des normes en faisant évoluer son rôle pour qu'il puisse examiner en amont l'impact des décisions prises.

Concernant les grandes difficultés qui résulteraient de la baisse des dotations, je ne suis pas en mesure de vous fournir des données chiffrées. On ne peut pas connaître l'impact précis sur l'investissement dans l'immédiat.

Je tiens à préciser, pour corriger ce que j'ai indiqué précédemment et en réponse à M. Mercier, que c'est le rapport dans la contribution à la baisse de la DGF par les différentes collectivités qui va de un à sept, et non la DGF elle-même.

Certaines collectivités disposent de réserves, n'ont aucun emprunt et peu de dépenses d'investissement en cours, donc les réalités dans les situations des collectivités sont très différentes. C'est aussi le rôle de la péréquation et de l'intercommunalité.

Concernant le conseil national d'évaluation des normes, pour l'instant, je n'ai pas les données nécessaires pour m'engager. Je précise en outre que même sans la baisse des dotations, il y aurait eu un ralentissement compte tenu du cycle électoral.

M. Jean-Jacques Hyest . - On le sait bien, ce n'est pas le problème !

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Je suis en tout cas partisane de flécher un certain nombre de fonds, même si cela touche au principe de libre administration des collectivités territoriales. Flécher les dotations vers des investissements prioritaires ne me semble pas choquant. Pour pallier les insuffisances actuelles, nous allons mettre en place un groupe « dialogue national des territoires », destiné à soutenir l'investissement. Je précise que nous n'avons pas souhaité inclure ces dépenses fléchées destinées à l'investissement dans les dotations concernées par la baisse. Le FCTVA par exemple n'est pas dans l'enveloppe normée visée par la baisse des dotations et va passer de 15,761 % à 16,404 %. Ce n'est pas anodin.

Enfin, certaines dotations de soutien à l'investissement, comme la dotation globale d'équipement (DGE) ou la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) doivent être fléchées pour cibler trois objectifs : les bourgs centres, la transition énergétique et la petite enfance. Nous avons par exemple examiné une question avec les associations d'élus : pourquoi manque-t-il autant de logements, si l'on exclut la question du logement social ? C'est tout simplement parce que le logement implique du service : crèches, classes scolaires, etc. Les investissements liés à ces services ne sont absolument pas compensés par la taxe d'habitation que génère la construction de logements. Il y a donc des réticences des élus locaux à accepter des programmes de construction de logements, même privés. Flécher la dotation, c'est donc inciter les maires à accepter la construction de logements neufs.

Je crois à la mutualisation, il s'agit d'un des meilleurs leviers.

La dépense publique génère toujours de l'investissement. Au contraire, toute baisse de dépenses publiques est récessive, c'est un postulat économique.

Mais la dette est soumise aux taux d'intérêt et nous n'avons pas la garantie que ces taux restent bas. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'une baisse de la dépense publique.

Le coût de la création de quatre grandes métropoles - Grenoble, Rouen, Rennes et Montpellier - s'élève à 30 millions d'euros pour 2015. Je n'ai pas été suivie par le Comité des finances locales (CFL) qui pense qu'il faut des critères de répartition plus larges.

Peut-on lisser les progressions sur plusieurs années ? Les métropoles doivent répondre immédiatement à leurs compétences. Il faudra regarder de plus près les répartitions à bâtir ensemble mais pour ma part, je n'ai pas la réponse.

Par ailleurs, il y a une distorsion trop grande entre nos collectivités. Il faut préserver certains territoires locaux pour assurer dans l'avenir notre indépendance alimentaire. La DGF doit être réformée, au moins sur son volet de péréquation verticale.

On ne peut pas continuer à avoir des régions aux compétences majeures mais sans ressources propres.

En ce qui concerne la fonction publique, le déficit chronique est lié à la démographie. La pyramide des âges est peu favorable, il y aura beaucoup de départs à la retraite dans les cinq ans à venir. On constate aussi que des fonctionnaires territoriaux veulent travailler après l'âge de départ à la retraite.

Pour revenir aux collectivités territoriales, il faut reconnaître que le potentiel fiscal n'est pas partout identique.

M. Jean-Jacques Hyest . - La gestion aussi est importante.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Oui, c'est vrai mais on ne peut pas nier que tous les territoires n'ont pas les mêmes ressources.

Il y a parfois des villes-centre à fiscalité importante qui pourraient fusionner avec des villes périphériques. Pourtant, elles ne le font pas.

Pour les départements, j'ai reçu quatre demandes de fusion de départements. Cela permet de garder les dotations mais c'est au sein de la même enveloppe.

On s'achemine vers de grandes régions. Nous serons au même niveau que nos voisins. C'est une bonne évolution pour certains, c'est une évolution tout simplement selon moi.

Pour le financement des dépenses des conseils généraux, en juillet 2013, le pacte de confiance et de responsabilité s'est accompagné d'un complément de 841 millions d'euros de ressources fiscales dynamiques de l'État auxquels s'ajoutent 800 millions d'euros supplémentaires.

Les écarts entre les départements ont diminué au profit des plus fragiles. Nous avons fait preuve de justice en aidant les plus faibles.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé : la pérennisation du fonds de solidarité, la réforme des DMTO, la modification de l'indicateur CNSA. À cela s'ajoute la constitution d'un groupe de travail entre l'ADF et le Gouvernement sur le financement des allocations et leur articulation. En effet, 40 % des personnes qui pourraient bénéficier du RSA n'y font pas appel. Mon souhait, sans anticiper sur le résultat, est d'engager une réflexion sur le RSA socle et le RSA cible. Il y a là un vrai sujet. Les associations de collectivités territoriales et leurs représentants seront invités à cette réflexion.

M. Michel Mercier . - Il faut convier la caisse d'allocations familiales, dans ce cas, car elle décide de l'affectation de la dépense.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - La caisse d'allocations familiales ne fait qu'appliquer des déterminants qui sont décidés au niveau national.

Pour répondre à M. Favier, le décalage de paiement d'un mois aura un effet sur les finances des caisses d'allocations familiales. Je ne peux donc pas donner toute seule un accord de principe à une mesure à laquelle le Gouvernement n'est pas, à ce stade, favorable.

Je précise d'ailleurs que la hausse de 2 % du RSA décidée, dans le cadre du plan « pauvreté », sur la durée du quinquennat, sera assumée financièrement par l'État.

Monsieur Mercier, vous évoquiez les règles équitables pour appliquer la baisse des dotations. Je crois que cela passera par la réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui assure une péréquation verticale.

Des demandes nombreuses m'ont été faites de renforcer les dotations rurales par rapport à celles urbaines. Je crois devoir insister sur le fait que les villes assument des charges de centralité.

M. Michel Mercier . - Elles ont aussi des habitants supplémentaires pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement ! Je ne demande pas la stricte égalité mais un rapprochement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - La part de la dotation globale de fonctionnement doit davantage être assise sur les critères tels les espaces agricoles naturels, les captages d'eau, etc. Je crois que dans les prochaines décennies, se posera un enjeu de souveraineté alimentaire. Nous avons tous intérêt à ce que les communes rurales, littorales et de montagne ne construisent pas pour préserver de l'espace. Dans ce cas, il faut compenser ce choix d'intérêt général sur le plan financier. L'opposition n'est pas tant entre l'urbain et le rural qu'entre le construit et le non-construit.

Il me semble que, dans certaines communes, ce sont les non-habitants qui sont seulement des résidents qui font monter les prix. J'estime que les maires devraient pouvoir faire contribuer davantage ces résidents plutôt que les habitants qui animent la vie de la commune.

Dans un souci de subsidiarité, la conférence territoriale de l'action publique est un signe de confiance en direction des élus locaux. Même si ce ne fut pas sans difficulté au Sénat, le Parlement a adopté cet outil d'adaptation locale. Les décrets ayant été pris, il faut désormais les faire vivre !

Monsieur Portelli, vous m'avez interrogée sur les élections professionnelles. Pour l'instant, l'ambiance est bonne. J'espère que le vote électronique sera mieux réussi que lors des précédentes élections. Pour la première fois, toutes les élections professionnelles auront lieu en même temps, ce qui est favorable, selon moi, au dialogue social. Je souhaite que la participation électorale soit forte car je crois à la nécessité des corps intermédiaires.

M. Philippe Bas , président . - Je précise à nos collègues que nous vous entendrons à nouveau, Madame la ministre, le 2 décembre prochain en commission, le matin, sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et en séance publique, l'après-midi, à propos de votre mission budgétaire. Je laisse la parole à mes collègues pour les trois dernières interventions.

Mme Catherine Tasca . - Ce ne sera pas une question, mais une demande. La loi du 12 mars 2012 visait à résorber la précarité dans la fonction publique. Je souhaiterais obtenir de votre part un état des lieux sur sa mise en oeuvre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Le bilan de cette loi a été dressé et je veillerai à ce qu'il vous soit transmis.

M. René Vandierendonck . - Pourrions-nous disposer, d'ici le 2 décembre prochain, d'une piste pour corriger les effets inéquitables entre fonctionnaires territoriaux des régimes indemnitaires des collectivités territoriales ?

Ce problème est sous-jacent à la réforme territoriale car il existe de fortes disparités à grades identiques. Si je fais la comparaison entre la ville de Roubaix et la région Nord-Pas-de-Calais, il existe, pour des horaires et des charges de travail différentes, près de 600 euros d'écart de traitement.

M. Jean-Pierre Vial . - Comme savoyard, je suis sensible aux propos de la ministre sur la fusion des départements. Je ne sais pas si les régions sont trop grandes ou trop petites, je souhaite surtout qu'elles soient plus fortes.

J'ai une profonde inquiétude car vous minimisez la baisse énorme des capacités d'investissement des collectivités territoriales qui sera d'au moins 30 % selon les experts entendus par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Il y a déjà des tailles dans les dépenses de fonctionnement. Dans mon département, c'est une baisse de 2,5 millions d'euros. Des programmes de logements sociaux sont arrêtés.

J'approuve les propos de Michel Mercier sur le rapprochement de l'écart entre les communes urbaines et rurales. Actuellement, ce sont les départements qui résorbent ces écarts. Qu'adviendra-t-il lorsqu'ils auront moins de marges de manoeuvre financières ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - S'agissant de la question qui m'a été posée par M. le président Bas sur les permis de construire, je veillerai à vous faire transmettre les chiffres exacts. Je note cependant que la réduction de l'assistance technique fournie par l'État aux collectivités pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire a été décidée par les deux majorités successives.

C'est pourquoi je souhaite réellement la création de la compétence de solidarité territoriale car je me méfie du recours systématique à des bureaux d'étude, ce qui pourrait aboutir à un coût plus élevé.

Monsieur Vial, nos experts avancent plutôt un recul de l'investissement de 5 % que de 30 % comme vous l'évoquiez. J'attends de pouvoir connaître les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour pouvoir comparer nos prévisions.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie, Madame la ministre. Nous nous retrouverons donc le 2 décembre prochain et je suspens la séance d'ici l'audition de la ministre des outre-mer.


* 1 Rapport n° 95 (2014-2015) de MM. Charles Guené, Philippe Dallier et Jacques Mézard, « L'évolution des finances locales à l'horizon 2017 », fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

* 2 Rapport général n° 108 (2014-2015) de M. Albert de Montgolfier, « Les conditions générales de l'équilibre financier », tome II, fascicule 1, fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2015.

* 3 Cour des comptes, « Les finances publiques locales », octobre 2014.

Page mise à jour le

Partager cette page