B. LES RÉSULTATS DE LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE EN 2013

Si la criminalité organisée a des conséquences humaines et financières très importantes tout en couvrant un spectre très large d'activités, elle reste méconnue, d'autant plus que, dans de nombreux cas, des faits apparemment isolés se rattachent en réalité à des réseaux du crime organisé.

En complément avec le bilan des ZSP, il a semblé utile à votre rapporteur de présenter un état des lieux de la criminalité organisée .

1. Les tendances constatées de la criminalité organisée

Lors de son audition par votre rapporteur, François-Xavier Masson, chef du Service d'information de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisé (SIRASCO) a constaté que la délinquance organisée pouvait être caractérisée par trois tendances principales :

- Le déclin du grand banditisme « traditionnel », constitué de délinquants endurcis se livrant aux attaques de banques, de fourgons blindés, au trafic international de stupéfiants, à l'extorsion de fonds, opérant dans les grandes villes. Ces délinquants font l'objet d'un suivi efficace par les services de police.

- La forte montée en puissance de la délinquance au sein des cités sensibles. Les groupes, historiquement structurés autour du trafic de résine de cannabis, maîtrisent désormais près de 80 % ou 90 % de ce trafic et se développent très rapidement en utilisant les filières d'approvisionnement du cannabis pour se livrer au trafic de cocaïne. Cette délinquance, très dynamique, constitue le risque le plus préoccupant pour l'avenir.

- L'implantation progressive d'organisations criminelles étrangères, principalement originaires de l'Europe de l'Est, spécialisées dans la délinquance d'appropriation.

2. Un nouvel agrégat statistique pour appréhender la criminalité organisée : l'agrégat de la grande criminalité

Le bilan de la lutte contre les organisations criminelles peut s'apprécier en termes statistiques via l'agrégat de la grande criminalité mis en place en avril 2013. Il remplace l'agrégat de la criminalité organisée et délinquance spécialisée (CODS) et comprend désormais 17 index de l'« état 4001 » au lieu des 21 index de l'agrégat CODS.

En 2013, 16 630 crimes et délits relevant de la grande criminalité ont été constatés en France par les services de police et les unités de gendarmerie (contre 15 842 en 2012), soit une hausse de 4,97% . Votre rapporteur rappelle que 28 596 crimes et délits relevant de l'ancien agrégat CODS ont été constatés en 2013.

Le nombre de personnes mises en cause en 2013 pour la grande criminalité s'élève à 18 725, contre 17 669 en 2012, soit une augmentation de 5,98 % . Votre rapporteur rappelle que le nombre de personnes mises en cause en 2012 au titre de l'ancien agrégat s'élevait à 27 075, contre 27 315 en 2011, soit une baisse de 0,88 %.

Évolution depuis 2007 de la grande criminalité (nouvel indicateur).

Grande criminalité / Tous services

Faits constatés

Faits élucidés

Personnes
mises en cause

Taux d'élucidation

Nombre

Variation

Nombre

Variation

Nombre

Variation

2007

16 311

-

11 351

-

16 871

-

69,59 %

2008

17 426

6,84 %

12 070

6,33 %

17 545

4,00%

69,26 %

2009

18 176

4,3 %

12 332

2,17 %

19 410

10,63%

67,85 %

2010

16 944

- 6,78 %

11 849

- 3,92 %

19 194

- 1,11%

69,93 %

2011

16 346

- 3,53 %

11 838

- 0,09 %

18 207

- 5,14%

72,42 %

2012

15 842

- 3,08 %

10 982

- 7,23 %

17 669

- 2,95%

69,32 %

2013

16 630

4,97 %

11 907

8,42 %

18 725

5,98%

71,60 %

1 er semestre 2014

8 736

3,12 %

6 615

10,53 %

10 371

8,08%

75,72 %

Source : ministère de l'intérieur

3. L'évolution des infractions constatées par l'Office central de lutte contre la criminalité organisée

L'office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO) est un service de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Créé par un arrêté du 6 mai 2006, il est compétent pour la lutte contre les groupes criminels, quelles que soient leurs activités illicites.

Ce service est constitué de trois brigades : la brigade nationale de répression du banditisme et des trafics, la brigade de recherche des fugitifs, la brigade de recherche et d'intervention nationale.

Cet office coordonne aussi l'activité de 14 brigades de recherche et d'intervention des services territoriaux de la direction centrale de la police judiciaire.

a) Les vols à main armée

En 2013, le nombre de vols à main armée, tous objectifs confondus, est en hausse de 2,5 % par rapport à l'année 2012, alors qu'il était en baisse de 8,5 % entre 2011 et 2012 (5 141 faits constatés en 2013 contre 5 017 en 2012) 20 ( * ) .

Toutefois, la diminution des vols à main armés commis contre les bijouteries se poursuit : après une baisse de 8,1 % des vols à main armée commis contre les bijouteries de 2011 à 2012, une nouvelle baisse de près de 30 % est intervenue en 2013.

b) Le trafic de véhicules volés

Les vols de véhicules connaissent une baisse continue depuis 2002 avec toutefois une hausse de 3,55 % en 2011. L'année 2012 a vu le niveau de véhicules volés revenir à celui de 2010, soit 161 792 véhicules, mais en 2013, ce chiffre s'est établi à 158 311, soit une diminution de 2 % par rapport à 2012.

Moins d'un véhicule sur deux a été retrouvé ; la tendance régulière à la baisse du nombre de véhicules volés retrouvés se confirme depuis 2009 : il est passé de 45 % en 2012 à 44 % en 2013.

c) Le trafic d'armes

Ce trafic, qui alimente le milieu du crime organisé, celui de la délinquance et des cités sensibles ainsi que celui des collectionneurs peu regardants sur l'origine des armes, connaît une forte augmentation en 2012 par rapport à 2011, de l'ordre de 33 %.

Depuis 2009, le nombre d'armes saisies est en très forte augmentation : en 2009, 1 508 armes ont été saisies, 2 170 en 2010, 3 910 en 2011 et enfin 5 198 en 2012. En 2013, cette hausse se maintient : 5 365 armes ont été saisies.

* *

*

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission sécurités, hors sécurité civile, pour le projet de loi de finances pour 2015.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

_______

Mercredi 19 novembre 2014

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Vous avez souhaité m'entendre sur les grandes lignes du budget du ministère de l'intérieur pour 2015.

En préambule, je voudrais évoquer le contexte budgétaire global. Alors qu'entre 2002 et 2011, la dépense publique a crû à un rythme annuel moyen de 2 %, puis de 1,7 % par an entre 2007 et 2011. Elle a été stabilisée en 2014 avec une croissance en volume de + 0,9 %. Cette stabilisation est confirmée en 2015 à + 0,2 % en volume, soit un effort historique.

Alors que dans tous les ministères hors Justice, Éducation nationale et Intérieur pour sa mission de sécurité voient leur budget diminuer, l'effort de réduction de la dépense publique est majeur, et, dans ce contexte, le budget du ministère est stabilisé, les effectifs et les moyens de la police et de la gendarmerie sont renforcés, la baisse des effectifs de l'administration territoriale est fortement atténuée par rapport aux années précédentes, les effectifs dédiés aux traitement de la demande d'asile sont renforcés, la réforme destinée à réduire les délais d'instruction de la demande d'asile est engagée.

En premier lieu, j'ai souhaité préserver les crédits de la mission « Sécurités », définie comme une politique prioritaire par le Président de la République. Ainsi, les crédits de la mission sont stabilisés, en légère hausse, à 12,2 millions d'euros hors dépenses de pensions.

Cela traduit la volonté du Gouvernement de préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité à répondre aux missions régaliennes qui sont les leurs. L'État assume sa mission de protection, au coeur des préoccupations de nos concitoyens, dans un contexte de menaces sérieuses et multiformes.

En termes d'emplois, dès son arrivée aux responsabilités, la majorité actuelle a fait un choix très clair : elle a stoppé l'effondrement des effectifs des forces de sécurité subi entre 2007 et 2012, équivalent à - 12 500 postes dans la police et la gendarmerie. Comme en 2013 et en 2014, nous créons des postes : en 2015, 405 postes sont créés, cet effort se poursuivra sur la durée du budget triennal. Les effectifs d'inspecteurs du permis de conduire sont stabilisés pour accompagner la réforme du permis de conduire.

S'agissant des conditions de rémunération et des conditions sociales des personnels de la mission « Sécurités », une enveloppe catégorielle de 21 millions d'euros dans la police, de 16 millions d'euros dans la gendarmerie est prévue, mais également un renforcement de 2,4 % de la masse salariale de la sécurité civile. Ces crédits permettront de mettre en oeuvre la dernière phase de revalorisation de différentes catégories d'agents, notamment des catégories B et C.

Ces mesures de renforcement net des effectifs et du pouvoir d'achat des personnels, n'auraient que peu de sens si les moyens de fonctionnement et l'investissement de la mission « Sécurités » n'étaient pas renforcés. Ces moyens ont trop longtemps été négligés et l'avenir n'a pas été préparé dans ce domaine. Pour mémoire, ces crédits ont dramatiquement diminué entre 2007 et 2012 avec une baisse de 17 %.

Nous avons donc décidé d'inverser la tendance et de fixer de nouvelles priorités. Pour la police, ce sont 34 millions d'euros supplémentaires dédiés au fonctionnement et à l'investissement, par rapport à la loi de finances pour 2014. Cela représente une hausse très nette de 3,7 % et par ailleurs une hausse très forte des crédits immobiliers, de 22 % en AE et 9,7 %. Cette tendance à la hausse sera poursuivie jusque la fin du quinquennat.

Pour la gendarmerie, les crédits de fonctionnement et d'investissement sont préservés en 2015. D'ici 2017, un renforcement de 24,5 millions d'euros est prévu. Au-delà de ce renforcement des moyens et des investissements courants, ce gouvernement répond à une attente forte et ancienne des gendarmes : un plan triennal de réhabilitation de l'immobilier domanial, doté en tout de 79 millions d'euros par an, est mis en oeuvre pour stopper la détérioration du logement et du lieu de travail des gendarmes.

Dès 2014, l'acquisition de quelque 2 000 véhicules supplémentaires a été permise pour chacune des forces de police et de gendarmerie et ces efforts se poursuivront en 2015 avec 40 millions d'euros par force, soit encore 2 000 nouveaux véhicules pour chacune des deux forces.

Concernant la sécurité civile, les moyens prévus en 2015 permettront de poursuivre le développement de son réseau de transmission ANTARES, intégré au réseau INPT, avec pour objectif d'achèvement en 2017, grâce à un effort de 36 millions d'euros. Par ailleurs, la sécurité civile se voit allouer les moyens de moderniser le système d'alerte aux populations à hauteur de 6 millions d'euros. Elle pourra ainsi poursuivre le déménagement de sa base d'avions à Nîmes.

Dans la même logique de préparation de l'avenir et afin de répondre aux menaces multiples auxquelles nous sommes confrontées, un plan d'investissement de modernisation technologique des forces (police, gendarmerie et sécurité civile) sera déployé à hauteur de 108 millions d'euros sur trois ans.

Nous devons poursuivre les mutualisations et les efforts de dématérialisation pour redonner des marges opérationnelles aux forces de sécurité, dans le respect de leurs spécificités. Nous rechercherons également des sources alternatives de financement, par exemple en mobilisant les saisies d'avoirs criminels. Nous souhaitons réaffecter une partie de ces sommes aux forces de sécurité.

Dans le cadre du budget pour 2015, j'ai également tenu à accompagner la réforme territoriale par la réforme des services de l'État qui sont sous mon autorité, les préfectures et sous-préfectures. Cette réforme de l'État est fondamentale pour réussir la réforme territoriale dans son ensemble. Elle est une condition du renforcement du service public sur les territoires, dans un contexte où aucune réforme importante de l'administration territoriale de l'État n'est intervenue depuis de nombreuses années. Cette réforme permettra d'assurer la pérennité des services publics, alors que ces derniers connu des déflations importantes avec la révision générale des politiques publiques.

Ainsi, je tiens à souligner que les effectifs de l'administration territoriale portés par le ministère de l'intérieur, qui, depuis plusieurs années, subissaient de fortes réductions, voient leur contribution à l'effort de redressement des finances publiques passer de - 550 postes en 2014 à
- 180 postes en 2015. J'ai d'ailleurs veillé à ce que ces 180 postes puissent être déflatés sans préjudice pour le fonctionnement des services de l'administration déconcentrée de l'État. Cette marge de manoeuvre est dégagée notamment par un effort de mutualisation, avec la mise en place par exemple de plates-formes interdépartementales de naturalisation. L'effort est donc en 2015 du tiers de celui effectué en 2014.

Il aurait en effet été incompréhensible pour les agents de lancer la réforme de l'administration territoriale de l'État qui est en cours en continuant d'absorber des réductions d'effectifs importantes.

Quelques mots sur la philosophie de cette réforme territoriale. Nous allons d'abord poursuivre la revue des missions, qui est conduite par le secrétariat d'État à la réforme de l'État, le ministère de l'intérieur et le secrétariat général du gouvernement, en association étroite avec les secrétariats généraux des administrations centrales, à faire, ministère par ministère, la part de ce qui doit être confiée à l'administration déconcentrée et ce qui reste entre les mains des administrations centrales. Aux termes de cette revue des missions, fin 2014, nous élaborerons début 2015 une charte de la déconcentration, qui définira les conditions de transfert des missions vers l'administration déconcentrée. L'objectif est aussi de donner plus de pouvoirs au préfet, dans un cadre interministérialisé, en matière budgétaire et en matière de gestion des personnels. Je tiens à rappeler ici que ce qui sera transféré vers les administrations territoriales de l'État ne fera pas par un processus de recentralisation au détriment des collectivités locales.

Nous allons également donné un mandat de négociation aux préfets de région, à l'instar de ce qui a été fait en Alsace et dans la Moselle, qui les conduira à engager avec les élus locaux et les organisations syndicales, pour déterminer les sous-préfectures à fermer, si elles doivent l'être, substituer à des sous-préfectures des Maisons de l'État et moderniser le réseau infra-départemental, avec comme objectif qu'il y ait plus de services publics et non pas moins. Il y a des territoires qui se sont désertifiés qui ont des sous-préfectures, des territoires qui se sont densifiés qui n'en ont pas assez. Je souhaite que ce travail de négociation fasse l'objet d'un rendu régulier devant les parlementaires.

Ainsi, en 2015, comme je l'ai précédemment indiqué, les agents bénéficieront des mesures transversales décidées par le Gouvernement au plan interministériel, en particulier pour ce qui concerne les personnels de catégories B et C.

Enfin, je veillerai à ce que, dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale et des efforts d'optimisation et de mutualisation, les moyens de fonctionnement et d'investissement de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » soient protégés. Je souhaite atteindre ce résultat grâce au recentrage engagé par les préfectures et sous-préfectures sur les missions qui sont au coeur de leurs métiers, grâce à la rationalisation immobilière, pour dégager les marges nécessaires au financement des besoins de fonctionnement et d'investissement dont l'État a besoin au plan local.

S'agissant enfin de la mission « Immigration, asile, intégration », ce Gouvernement souhaite afficher des objectifs clairs : la lutte déterminée contre les filières et l'immigration irrégulière, le renforcement de notre attractivité pour les migrations de l'excellence, de la connaissance et du savoir, et l'harmonisation et la simplification des conditions d'accueil et de séjour pour une meilleure intégration des étrangers qui ont vocation à nous rejoindre.

Au plan global, les crédits de la mission progressent de 2,7 millions d'euros par rapport à la LFI 2014. Par ailleurs, les crédits du programme 303 portant sur la politique d'immigration et d'asile, qui représentent 91 % des crédits de la mission, sont globalement stabilisés par rapport à l'an dernier. Le projet de loi de réforme de l'asile répond à la nécessité de transposer les directives communautaires dites « paquet asile » et de refonder notre dispositif national de prise en charge des demandeurs d'asile. Cette réforme apporte des garanties nouvelles par la généralisation du recours suspensif, la présence d'un conseil juridique lors de l'entretien à l'OFPRA, et la détection des personnes vulnérables.

Le Gouvernement entend réduire les délais d'instruction des demandes d'asile, au bénéfice des demandeurs, dont l'attente est trop longue, et des services. Cet objectif sera atteint notamment en affectant 55 agents supplémentaires à l'OFPRA pour faciliter l'instruction des dossiers et en portant la subvention de l'Office à 46 millions d'euros. En outre, il est prévu d'étendre les procédures accélérées, d'encadrer les délais de jugement de la CNDA, de simplifier le régime de l'aide juridictionnelle et de prévoir le passage de certains dossiers en juge unique.

Une nouvelle allocation pour demandeur d'asile sera également mise en place. Le principe retenu est celui d'une unification des barèmes pour les demandeurs d'asile, compensée par un caractère plus directif et obligatoire de l'hébergement ainsi qu'une plus grande efficacité des sanctions, permettant des économies importantes. La baisse de la dotation de l'allocation temporaire d'attente est le reflet de la réforme de l'asile dont l'un des objectifs est de réduire les délais d'instruction et donc les coûts associés.

Enfin, la réforme s'appuie sur la poursuite de la création d'un nombre important de places de CADA, après la création de 4 000 places en deux ans, en 2013 et 2014. Si, comme le souhaite le Gouvernement, la réforme est votée d'ici mi-2015, nous ambitionnons de créer 5 000 places supplémentaires en CADA, par transformation de 1 000 places d'hébergement d'urgence et grâce à l'unification et à la simplification du système d'allocation.

Malgré un contexte de crise en Méditerranée, je tiens à rappeler que la France est moins touchée que ses voisins par la hausse des demandes d'asile : ces dernières devraient être stable en 2014 en France alors qu'elle augmente de plus de 50 % chez nombre de nos partenaires. Par ailleurs, nous agissons au niveau de l'Union européenne : à notre initiative, des réponses collectives sont désormais apportées au travers de l'action de Frontex ou du lancement de l'opération Triton. L'Union européenne va également intensifier le dialogue avec les pays source et de transit de la Corne de l'Afrique et veiller à ce que l'ensemble des États membres respectent leurs obligations, notamment d'identification. Je pense ici notamment à l'Italie. C'est le résultat de la démarche que j'ai faite à la fin du mois d'août et dont les propositions ont été reprises lors du dernier conseil des ministres Justice et affaires intérieures de l'Union européenne.

Au plan budgétaire, les crédits destinés à la lutte contre l'immigration irrégulière sont stabilisés en 2015. En particulier, l'investissement immobilier dans les centres de rétention administrative est préservé et servira notamment à terminer la construction du nouveau centre de rétention administrative de Mayotte, que j'ai récemment visité, constatant qu'il est d'une indignité totale.

Enfin je tiens à rappeler les résultats significatifs obtenus en matière de lutte contre les filières d'immigration clandestine : ils ont augmenté de 26 % entre 2013 et 2014. Nous avons vu ce qu'il s'est passé récemment en Libye. Les filières qui y opèrent sont de véritables filières de la traite des êtres humains, tenues par des acteurs du crime organisé. Ces derniers mettent un nombre de plus en plus important de migrants, qui sont de plus en plus vulnérables, sur des embarcations de plus en plus frêles, en leur faisant payer un impôt de plus en plus significatif, et les conduisent souvent vers la mort. L'opération « mare nostrum » conduite par les italiens, qui s'est tenue au plus près des côtes libyennes et a sauvé des vies, mais a conduit les passeurs à mettre de plus en plus de monde sur les embarcations. Cette opération a donc conduit, paradoxalement, à plus de sauvetages mais aussi plus de morts. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à ce que cette opération prenne fin, et que se substitue à cette opération une opération de contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne.

Je vous remercie et suis maintenant à votre disposition pour échanger.

Mme Esther Benbassa , rapporteur pour avis des crédits affectés à l'asile . - Je vous remercie pour votre présentation. Je souhaiterais tout d'abord observer que si l'objectif de création de 4000 places supplémentaires en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) fixé en 2012 pour la fin 2014 est apparemment en passe d'être atteint, ce qui porterait le nombre de places à 25 689, cela reste pourtant insuffisant au regard de la demande d'asile. Le rapport sur l'hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d'asile établi en avril 2013 par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de l'administration fixait comme objectif-cible un parc de 35 000 places à l'horizon 2019, mais dans le PLF 2015, seule la pérennisation du parc existant au 31 décembre 2014 semble être prévue. Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ?

De même, si l'on ne peut que souligner le réalisme consistant à ré-augmenter le nombre de places en hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, prévu par le projet de loi de finances pour 2015, pourquoi ne pas consacrer une partie de cette somme à la poursuite de la création de CADA ?

On constate une augmentation du financement de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile mais, en même temps, une baisse de la dotation de l'allocation temporaire d'attente (ATA). Pourquoi cette divergence concernant des dépenses visant grosso modo le même public ?

La sous-budgétisation de l'ATA reste une constante du budget de l'asile, et ce, en dépit des efforts de sincérité budgétaire menés depuis 2012, salués par notre commission. Aujourd'hui, Pôle Emploi ne peut assurer la distribution de l'ATA qu'au prix d'une avance de trésorerie mais l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sera-t-il en capacité de faire de même ?

Enfin, l'OFII voit ses missions profondément remaniées et accrues par le projet de loi relatif à la réforme de l'asile : détection de la vulnérabilité, gestion du dispositif d'orientation directive des demandeurs d'asile, en sus de la reprise de la gestion de l'ATA. Sera-t-il en mesure d'assumer ses missions ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur pour avis des crédits affectés à l'immigration, l'intégration et la nationalité . - Monsieur le ministre, je souhaiterais insister sur la question de la sous-dotation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par ailleurs, je note que le renforcement des moyens en personnels de l'OFPRA permettra de faire diminuer le délai d'instruction des demandes. C'est le seul type de solution possible pour résorber le flux et, même si je n'aime pas trop ce terme, le stock des demandes.

Dans votre propos introductif, vous avez répondu à la question que je me posais à propos de l'échéance des travaux au centre de rétention administrative de Mayotte.

Je souhaiterais savoir si vous pouvez nous faire état des conclusions menées sur les cahiers des charges communs de travaux et de maintenance des centres de rétention administrative par le groupe interministériel constitué sur ce sujet ?

En outre, peut-on disposer de précisions sur l'avenir du centre de rétention administrative de Coquelles ?

Enfin, j'ai une remarque d'ordre plus général : la lutte contre l'immigration irrégulière passe par la lutte contre les filières de l'immigration clandestine mais il existe aussi le cas d'étrangers entrant sur le territoire avec un visa touriste et restant sur le territoire à l'expiration de celui-ci.

Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » . - En tant que rapporteur de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je n'épiloguerai pas sur la thèse, qui me surprend, selon laquelle avec moins de personnels et moins de crédits, l'administration est plus efficace.

Ma première question est relative à la réforme de l'administration territoriale de l'État. L'un des objectifs de cette réforme est d'adapter cette organisation à l'évolution des compétences des collectivités territoriales mais au regard des incertitudes pesant sur l'organisation territoriale, est-ce possible ? Par exemple, après avoir restauré le rôle des départements et des régions, en leur accordant notamment une clause générale de compétence, le Gouvernement a successivement entendu redécouper les régions, dévitaliser les départements, puis restaurer partiellement ces derniers et abandonner la clause générale de compétence, ce à quoi la gauche s'était opposée quand elle était dans l'opposition, sans parler des évolutions récentes et variables quant au rôle des départements. Dès lors, comment voyez-vous l'articulation entre l'administration territoriale de l'État et la réforme des collectivités territoriales ?

Ma deuxième question porte sur l'évolution du rôle du préfet. La Cour des comptes a consacré un rapport qui porte un bilan contrasté de la gestion des préfets, proposant en conséquence la suppression des préfets et leur remplacement par des emplois fonctionnels. Le Premier ministre ne m'a pas semblé opposé à cette conclusion. Mais peut-on sans danger politique majeur, oublier qu'un préfet, avant d'être un directeur général des services de l'État, est l'affirmation de la présence de la République, une et indivisible, sur tout le territoire national ?

Ma dernière question est relative à la pérennisation du déploiement d'un hélicoptère de la sécurité civile en Centre Var, sur la base du Cannet. Votre prédécesseur, à trois reprises et vous-même, en juin 2014, m'avez affirmé que ce serait le cas. Pourtant la direction de la sécurité civile ne semble pas en avoir été informée, et ne fait rien en ce sens.

M. Jean-Patrick Courtois , rapporteur pour avis des programmes « Police nationale » ; « gendarmerie nationale » ; « sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » . - Monsieur le ministre, vous avez répondu dans vos propos d'introduction à un certain nombre de questions que je souhaitais vous poser. J'ai trois questions, deux relatives aux moyens, par lesquelles je commencerai, et une, relative à la gestion et à la direction du personnel au sein de la police nationale.

Les syndicats s'inquiètent de l'état des véhicules, dont l'état les rend inaptes à l'utilisation par les services. Le nombre de véhicules, qui est certes en augmentation par rapport aux autres années, ne permettra pas de lutter contre le vieillissement du parc automobile.

Ma deuxième préoccupation est relative à l'immobilier, certains commissariats étant dans un état indigne, comme nous l'ont rapporté les syndicats de policiers. En ce sens, il serait souhaitable de permettre aux collectivités territoriales de participer au financement de la construction de certains bâtiments relevant de la police nationale, comme cela a été fait pour la gendarmerie. Ne pourrait-on pas reconduire le mécanisme instauré par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure 2 consistant à permettre aux collectivités territoriales de participer au financement d'immeubles affectés à la police ou à la gendarmerie nationale ? Cela permettrait notamment d'avoir des commissariats aux normes pour l'accueil des handicapés.

Ma dernière question, sur laquelle je m'attarderai plus longuement, porte sur la gestion et le commandement des personnes dans la police. J'ai trois observations. En premier lieu, les personnels, à tous les niveaux, ont le sentiment d'un accroissement continu des tâches administratives à effectuer. La démotivation qui s'ensuit a pour effet de rendre moins attractifs les services de police judiciaire. N'est-il pas possible de limiter ces tâches administratives ? Des réflexions sont-elles menées avec la Justice sur ce sujet ? En deuxième lieu, une certaine défiance des échelons inférieurs vers les échelons supérieurs semble se manifester. En effet, l'échelon supérieur ne peut plus prendre le temps nécessaire pour écouter, accompagner l'échelon inférieur. Enfin, il semble y avoir une certaine méfiance à l'égard de l'administration centrale, qui se concrétise par une augmentation des recours contentieux. Quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre en la matière ?

M. Philippe Bas , président . - Je vais poser à la place de Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis, qui est empêchée, trois questions relatives au programme « Sécurité civile ». Pouvez-vous nous fournir un bilan du volontariat, de l'accès prioritaire des sapeurs-pompiers au logement social et de sa pérennisation au regard de la directive « Temps de travail » ? La deuxième question a trait au secours en montagne ; comment pourrait-on réguler les interventions actuellement concurrentes des sapeurs-pompiers, des CRS et de la Gendarmerie nationale ? Enfin Mme Catherine Troendlé souhaiterait que vous lui fassiez un point de situation à propos de la rationalisation des interventions des commissions consultatives de sécurité.

M. Jean-Pierre Sueur . - Monsieur le ministre, votre tâche est considérable. Je souhaiterais vous interroger tout spécialement sur la question de la lutte contre le terrorisme. En premier lieu, quel bilan pouvez-vous tirer du passage de la direction centrale du renseignement intérieur à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ? En particulier, quelles ont été les dispositions prises pour qu'entre les échelons locaux de la DGSI et l'échelon central une parfaite coopération soit assurée : l'histoire a montré que c'était essentiel. Dans le même ordre d'idée, Existe-t-il une synergie totale entre la préfecture de police de Paris et la DGSI ? La lutte contre le terrorisme est d'actualité, j'estime qu'il est légitime d'aborder le sujet. Je souhaiterais également connaître les dispositions prises au titre de la police de l'air et des frontières, dans le cadre du renforcement de la lutte contre le terrorisme.

M. Jacques Mézard . - Ma question porte sur le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Nous avons bien entendu les déclarations de M. le Premier ministre concernant la réforme territoriale, nous indiquant que des efforts conséquents seraient faits pour renforcer les services de l'État dans nos départements, en considérant qu'il y avait eu beaucoup de transferts des préfectures de département vers les préfectures de région et qu'il fallait désormais enclencher un mouvement inverse pour renforcer les services de l'État, afin de pallier à certaines difficultés résultant de la réforme territoriale. Or, je constate que dans les objectifs du budget triennal il est indiqué comme objectif l'« allégement et la simplification des missions des préfectures », certes concomitamment à l'allégement des procédures pour les usagers, dans le cadre du choc de simplification que nous attendons tous ; d'autre part, quand je regarde les crédits, sur un point précis, par exemple le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales, je relève une diminution des crédits, alors que dans la période allant de 2015 à 2017, les collectivités auront à instruire directement les autorisations d'urbanisme, les permis de construire et un certain nombre d'autres opérations. Au vu de ces chiffres, je n'ai pas le sentiment que la pratique corresponde aux objectifs sagement déterminés par le Premier ministre et le Gouvernement. Je souhaiterais donc savoir ce que vous comptez faire pour être en harmonie avec ce qui a été annoncé.

M. Jean-Yves Leconte . - La durée de validité de la carte nationale d'identité a été allongée de cinq ans pour des raisons de simplification affichées, mais en réalité pour des questions d'économie. Serait-il possible de permettre à ceux qui le souhaitent de disposer d'une carte nationale d'identité faisant apparaître sa véritable durée de validité ? Est-ce envisageable ?

Le Président de la République a annoncé la possibilité de renouveler son passeport en ligne en 2015. Cela sera-t-il possible ? Quels sont les effets budgétaires de cette annonce ?

Une question sur les visas biométriques qui seront mis en place définitivement l'an prochain. L'ANTS va être conduite à développer beaucoup de dispositifs en recourant notamment à des prestataires extérieurs. Je n'ai pas l'impression qu'il est prévu de leur faire payer l'usage des machines qui seront mises à leur disposition. Pourquoi ? Et quel est le coût de cette opération ?

La réforme de l'asile. L'OFPRA va devoir faire face à la réduction des délais et à des besoins nouveaux, en particulier au moment des entretiens. Question : le fléchage des hébergements impose d'en disposer pour les proposer. Les contraintes budgétaires vous permettent-elles de transposer la directive « procédures » dans de bonnes conditions ?

M. Alain Richard . - Quelques questions sur la situation de la gendarmerie.

En 2013 - ce sera peut-être vérifié en 2014 -, la gendarmerie nationale n'est pas arrivée à honorer ses engagements avec les crédits de fonctionnement dont elle dispose. C'est une situation de rigidité : une partie très substantielle de ces crédits est consacrée à des loyers. Cette information correspond-elle à la réalité ? Et des mesures d'efficacité permettent-elles qu'avec des crédits qui n'augmentent pas et des effectifs qui augmentent un peu, la gendarmerie nationale puisse faire face à ses responsabilités dans des conditions opérationnelles adaptées ?

L'immobilier ensuite. Le mécanisme des relations contractuelles immobilières avec les collectivités locales s'est singulièrement affaibli. La plupart des conseils généraux ne proposent plus de locaux à la gendarmerie. Certaines intercommunalités relativement importantes peuvent le faire encore mais la carte des intercommunalités importantes ne coïncide pas avec celle de la gendarmerie. On voit s'engager des négociations pour la construction de bâtiments qui sont des investissements lourds avec des communautés qui n'ont pas la surface financière pour y faire face. Y a-t-il une réflexion d'ensemble au ministère pour réamorcer la pompe de relations contractuelles pour des financements équilibrés avec les collectivités territoriales ?

La France est un peu en difficulté pour faire face à de multiples engagements d'affluence en matière de coopération technique internationale. Pour certaines de ces opérations au moins, certains financements internationaux compensent ces difficultés. Qu'en est-il au ministère de l'intérieur ?

M. René Vandierendonck . - Vu de Roubaix, on constate une amélioration des délais de réponse aux demandes d'asile et aux demandes de naturalisation. Les effectifs de police nationale que j'ai vu chuter s'améliorent également.

Je sais qu'un secrétaire d'État réfléchit et consulte sur la révision des missions de l'État. On dit : le projet de loi NOTRe est un vrai texte de décentralisation. Alors je dis : chiche ! Que ce texte soit amendé tant qu'il est encore temps pour qu'il le soit véritablement.

Le Sénat a organisé hier un débat sur la ruralité. En ce qui concerne l'ingénierie territoriale, dans certains endroits, on marche dessus ; dans d'autres, c'est le désert le plus complet.

J'ai connu un nombre de préfets considérables et je continue à discuter avec eux dans le Nord-Pas-de-Calais et ailleurs. Il y a un recul préoccupant de la déconcentration. Je milite en conséquence pour que, par un amendement du Gouvernement, vous puissiez dire les choses très clairement sur la déconcentration et l'autorité à reconstituer chez les préfets. Beaucoup de décisions maintenant remontent dans les ministères.

M. Bernard Cazeneuve, ministre . - Je vais tout d'abord répondre à la première série de questions de la sénatrice Esther Benbassa.

Le nombre de places en CADA : l'objectif de 4 000 places sera atteint fin 2014. Cet effort, dans un contexte budgétaire difficile, mérite d'être souligné. 3 066 de ces 4 000 places créées sont déjà ouvertes, le reste sera effectif avant la fin de l'année. En 2015, 5 000 places supplémentaires seront créées, dont 1 000 par transformation de places d'hébergement d'urgence grâce à la simplification des systèmes de location en 2015 et 2016.

Je sais bien que les milieux associatifs disent qu'il faudrait 35 000 places, mais vous connaissez les contraintes.

J'insiste sur l'importance de ce que nous faisons pour que la France retrouve sa vocation en matière d'asile. Avec franchise, je dis que les déboutés du droit d'asile n'ont pas vocation à rester sur le territoire sinon, il n'y a plus d'asile. Mais il faut que ceux qui sont déboutés puissent quitter le territoire dans de bonnes conditions avec des garanties de destination. Je ne suis pas naïf et je pressens que lors des débats parlementaires, toutes les dispositions visant à améliorer les droits aux demandeurs d'asile seront approuvées par tous, mais que celles tendant à améliorer l'efficacité des mesures d'éloignement ne le seront que par une partie des parlementaires.

Pour ce qui concerne l'ATA, je souhaiterais, Madame Benbassa, vous fournir des éléments très précis qui, je l'espère, vous rassureront. En 2011, les crédits d'ATA en loi de finances initiale représentaient 34 % de la dépense réelle ; l'inquiétude que vous avez formulée dans votre question était donc légitime. En 2013 - et je pense que cela sera encore plus significatif en 2014 -, 93 % de la dépense est satisfaite. Vous mesurez donc le progrès accompli. L'objectif du Gouvernement est de faire en sorte que ce nous budgétons corresponde effectivement à ce que nous dépensons. Dans la mesure où la réforme de l'asile devrait permettre de réduire les délais, nous pouvons légitimement espérer que tout ce que nous ferons en termes de réduction des délais aura un impact sur le volume de l'enveloppe. Cela ne sera certes pas instantané, mais la tendance est bien celle-ci. Tel est le pari de la réforme que nous proposons au Parlement.

Pour ce qui concerne l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et la baisse de l'ATA, vous avez exprimé une préoccupation globale à laquelle je viens de répondre en vous renvoyant à la réforme de l'asile.

Pour ce qui concerne l'OFII, qui a des missions extrêmement importantes, nous confortons ces missions comme nous confortons celles de l'OFPRA. L'OFPRA verra ainsi ses effectifs croître de 55 ETPT, effectifs qui viendront s'ajouter à des efforts de réorganisation interne de l'Office, conduits par le très remarquable directeur général de l'OFPRA, M. Pascal Brice. Cela permet d'améliorer les délais de traitement des dossiers.

Pour le reste des réponses à vos questions, Madame Benbassa, vous les recevrez par écrit.

Monsieur Buffet m'a interrogé au sujet des centres de rétention administrative.

Je saisis cette occasion pour vous indiquer que sont parus aujourd'hui dans la presse quelques articles sur les durées de retenue dans ces centres, qui mériteraient presque des communiqués de correction tant ils laissent à penser que nous sommes dans une situation très dégradée par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Ce n'est absolument pas le cas puisque nous sommes au contraire l'un des pays pour lesquels la durée en centre de rétention est la plus courte possible. Je souhaite d'ailleurs, compte tenu de ces articles d'aujourd'hui, que tous les membres de la commission des lois disposent d'un document extrêmement précis sur ce qu'est la réalité des conditions de rétention dans les CRA, car je constate sur ce sujet, comme sur d'autres, que le décalage est abyssal entre ce qu'on lit dans la presse et la réalité. J'invite d'ailleurs, sans vouloir m'ingérer dans des affaires qui ne me regardent pas, les rapporteurs pour avis du budget à venir vérifier la véracité de ce que j'avance par des contrôles sur pièces et sur place, et autres procédés de contrôle de l'action de l'administration à leur disposition.

Un groupe de travail interministériel a été mis en place pour étudier, dans un souci d'économies de gestion, les possibilités d'améliorer les conditions de gestion des marchés de maintenance, d'entretien des locaux et de restauration. Sur ce dernier point, le projet de rattacher pour la fourniture de plateaux-repas le marché des CRA à celui des gardés-à-vue a été abandonné, les plateaux ne constituant pas des repas adaptés aux conditions de rétention. Je vais vous faire passer toute une série d'éléments sur les marchés relatifs au fonctionnement des CRA qui vous permettront de constater, poste par poste, les économies que nous nous efforçons de réaliser.

Monsieur Collombat me pose des questions de toute nature. Je vais commencer par celles auxquelles il attend des réponses depuis longtemps sans les avoir obtenues.

Vous avez souhaité la remise en service sur votre territoire d'un hélicoptère de la sécurité civile pendant la période estivale. Ce qui a été fait durant cette période pour des raisons de risque spécifiques. Puis l'hélicoptère est reparti.

De fait, il nous faut reconnaître qu'il y a un problème dans ce pays sur la gestion des flottes d'hélicoptères. Nous disposons d'hélicoptères bleus relevant de la gendarmerie, de blancs relevant du ministère de la santé et de rouges de la sécurité civile, auxquels correspondent autant de contrats de maintenance et autant de gestion qu'il y a de ministres fiers de la flotte d'hélicoptères dont ils disposent dans un contexte où pourtant on demande des sacrifices à chacun. Il n'existe pour l'heure aucune réflexion sur une éventuelle mutualisation de la maintenance ou sur la mise en commun d'éventuels marchés de location ou d'acquisition, ce qui, en tant qu'ancien ministre du budget et actuel ministre de l'intérieur gestionnaire d'une flotte, m'agace au plus haut point. Si nous avions une gestion commune des hélicoptères, nous pourrions répondre plus facilement aux sollicitations dans un cadre plus rationnel. Je souhaite pour ma part que nous fassions cet effort de rationalisation. Les hélicoptères, qui sont des moyens de secours d'urgence à la personne et auxquels tiennent beaucoup les élus, ne sont pas forcément nécessaires sur les territoires dès lors qu'il existe d'autres moyens de secours à la personne mobilisables. C'est le cas par exemple au Touquet où les moyens très importants qui peuvent être mobilisés n'empêchent pas le maire du Touquet de m'adresser un mot à chaque séance de questions d'actualité au Gouvernement. Mais dans le contexte de contrainte budgétaire qui est le nôtre, on ne peut fournir autant d'hélicoptères qu'il y a d'élus pour en réclamer.

C'est pourquoi, actuellement j'essaye de rationaliser l'utilisation de la flotte d'hélicoptères, de regarder bassin de vie par bassin de vie les moyens de secours d'urgence à la personne dont les territoires ont besoin afin d'identifier les zones dans lesquelles un hélicoptère est indispensable et celles dans lesquelles on peut mobiliser d'autres moyens moins coûteux. Sans cela, je manquerais à mon devoir de responsabilité eu égard aux contraintes budgétaires, mais également de l'efficacité du service public.

M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » . - Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre patience et n'insiste pas. Mais outre le problème de fond, je tiens à rappeler que j'ai déjà obtenu par le passé des réponses précises mais que je ne vois toujours pas d'hélicoptère venir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre . - La question du secours d'urgence à la personne est un sujet important qui est d'autant mieux traité qu'il est examiné sur place. Aussi je vous propose de me déplacer afin de pouvoir poursuivre les expertises et prendre une décision définitive.

Concernant la question des préfets, je me rendrai dans quelques jours à l'assemblée générale du corps préfectoral pour faire un certain nombre de propositions sur la base du rapport de la Cour des comptes. Je peux toutefois d'ores et déjà vous indiquer qu'il est hors de question de remettre en cause le corps préfectoral contrairement à ce que j'ai lu dans la revue Acteurs publics après que le Premier ministre a dit simplement qu'il prendrait en compte les recommandations de la Cour des comptes pour améliorer la gestion du corps, qui en a besoin.

Je voudrais d'ailleurs saisir l'occasion que m'offre votre question pour tordre le cou à certaines idées qui courent quand bien même elles ne correspondent pas du tout à la réalité. On a le sentiment qu'il existerait au ministère de l'intérieur d'immenses placards dans lesquels seraient entreposés des préfets hors cadre qu'on oublierait et dont on s'efforcerait de faire oublier qu'on les rémunère. C'est faux. Le nombre de préfets hors cadre sans affectation et sans mission au ministère de l'intérieur est actuellement de six. Dix-neuf se sont vus confiés des missions pour lesquelles l'appui d'un haut-fonctionnaire était nécessaire. Je vous citerai deux exemples d'actualité : accueil des minorités chrétiennes et yézidis de Syrie en France et Ebola. Ces préfets remplissent des missions de service public à temps plein. Je souhaite rendre publiques les conditions de mobilisation de ces préfets qui sont des hauts-fonctionnaires engagés en faveur du service public, possèdent le sens de l'État et font un travail remarquable.

Les trois directions dans lesquelles je vais engager la réforme du corps préfectoral sont : la suppression de la notion de préfet hors cadre - je rendrai public chaque année le tableau des emplois et des missions de chacun des préfets -, le renforcement de la professionnalisation, de la gestion, de l'accompagnement des préfets et des sous-préfets, la formation et l'évaluation, notamment par le CSATE auquel je souhaite donner des pouvoirs plus importants afin de décrisper les préfets par rapport à l'évaluation dont je pense, de manière générale, qu'elle est une excellente chose, enfin une réflexion sur la durée des carrières et les conditions de titularisation de manière à améliorer la fluidité, la lisibilité de la gestion du corps préfectoral.

Je répondrai à la question de Monsieur Buffet sur la prolongation du séjour des personnes entrées avec un visa de tourisme par écrit.

Sur la situation du parc automobile de la police nationale en 2015 : 28 190 véhicules, près de six ans d'âge moyen, un budget de renouvellement estimé à 40 millions d'euros - tels sont les trois chiffres-clé. Aujourd'hui des directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationale essayent de faire fonctionner une voiture en en démontant deux qui ont 250 000-300 000 kilomètres. À mon arrivée au ministère de l'intérieur, je me suis demandé si ce n'était pas une forme de bizutage d'un ancien ministre du budget que de me raconter cela. Puis je me suis rendu compte que c'était vrai. Je me suis d'abord battu pour que le dégel de la fin de l'exercice 2014 permette l'acquisition de 2 000 véhicules pour la gendarmerie nationale avant la fin de l'année. Pour 2015, j'ai obtenu 40 millions d'euros par force, ce qui revient à l'achat de 2 000 véhicules par force. Voici la ventilation par type de véhicule : 34,4 millions pour les quatre roues, 2,6 millions pour les deux roues et 3 millions sur les poids lourds.

Quant aux relations entre la gendarmerie nationale et la police nationale d'une part, et la justice d'autre part, on est face à des procédures qui s'alourdissent et une démotivation qui gagne. J'ai engagé un travail avec la Garde des sceaux pour identifier tout ce qui peut faire l'objet d'une simplification des procédures. Les services ne peuvent en effet à la fois trouver, élucider et interroger dans le cadre de procédures de plus en plus lourdes, qui fournissent autant d'occasions pour les avocats de déceler des vices de forme susceptibles d'aboutir à la remise en liberté de personnes arrêtées au terme de longues procédures.

S'agissant du management des forces de police et de gendarmerie, la mise en place de comités techniques départementaux permet aux personnels de s'exprimer, de même que le CHSCT pour évoquer les conditions de travail. Je signale également la mise en place de cellules de prévention de risques médico-sociaux. Nous déplorons en effet depuis le début de l'année 2014 46 suicides dans la police et 19 dans la gendarmerie. Toute la violence qui s'exerce à l'encontre des forces de l'ordre finit par atteindre les policiers et les gendarmes au plus profond d'eux-mêmes. La théorisation de la consubstantialité de la violence à la police n'arrange rien, permettez-moi de le dire. L'espace public est effectivement saturé d'un discours selon lequel il y aurait derrière chaque policier, chaque gendarme, chaque ministre de l'intérieur une espèce d'avidité répressive. Cela ne correspond pas à la réalité de l'état d'esprit des forces de l'ordre. Les policiers, les gendarmes sont de véritables républicains, de même que le ministère de l'intérieur. Ils subissent des violences constantes qu'ils doivent intérioriser. C'est pourquoi il y a un gros travail à faire sur le management, d'autant que certaines conditions de travail contribuent à dégrader davantage l'état d'esprit des agents. L'effort consenti en termes d'effectifs et de moyens hors titre 2 vise à donner à ceux-ci les moyens de remplir leur mission dans ce contexte.

Concernant la question de l'immobilier dans la gendarmerie, nous mettons beaucoup de moyens sur la rénovation du parc immobilier, 70 millions d'euros. C'est un effort considérable, par rapport aux importantes baisses d'investissement intervenues sur la période 2007-2012.

Les relations avec les collectivités locales se modifient pour des raisons liées à la contrainte budgétaire. La diminution des effectifs, le départ de pelotons dans un certain nombre de territoires, l'inadaptation de certains locaux conduit a conduit les collectivités territoriales à financer le maintien des pelotons, dans le cadre de partenariats public-public. J'ai eu l'occasion d'expérimenter ce partenariat dans la ville dont j'ai été le maire. Je souhaite développer ces montages.

Enfin, les avoirs récupérés par la police et la gendarmerie ont représenté l'an dernier 357 millions d'euros. Si nous parvenons à récupérer ne serait-ce qu'un tiers de ces avoirs pour abonder le budget d'investissement, cela n'est pas négligeable. Je suis déterminé à mener ce combat.

Je réponds maintenant à Mme Troendlé sur le volontariat des sapeurs-pompiers. La plupart des 25 propositions de l'« accord de Chambéry » sont engagées ou réalisées. Concernant le logement, nous travaillons avec les grands organismes bailleurs et le ministère du logement pour faciliter l'accession au logement social des sapeurs-pompiers volontaires à proximité du lieu où ils interviennent.

Sur le secours en montagne, je répondrai précisément par écrit, mais j'indique d'ores et déjà que nous allons rationaliser les modes d'intervention entre la gendarmerie et les pompiers.

En réponse à M. Sueur, nous créons 436 postes à la DGSI, sur 3 ans, et nous mettons 12 millions d'euros chaque année pour moderniser ses moyens, afin de lui permettre, notamment dans la lutte contre le terrorisme, de faire son travail.

Pour M. Mézard, il y a un enjeu de la présence territoriale important, notamment au plan départemental. C'est au niveau départemental que se fera la grande part de l'opération de déconcentration que j'ai évoquée. Le maintien des effectifs dans l'administration déconcentrée sera assuré par plusieurs moyens. Tout d'abord, le rythme des baisses d'effectifs ralentit, et l'effet de la mutualisation des back-office devrait permettre de neutraliser la baisse de 180 EPTP. Il y aura aussi des mutualisations sur les fonctions support. Il y a encore l'effet de la simplification et de la numérisation : un ordinateur ne peut remplacer un fonctionnaire, mais il y a de grandes possibilités de progrès. Par exemple, l'inscription numérique sur les listes électorales, pour laquelle nous visons un objectif de 60 à 80 % des inscriptions. Nous souhaitons par ailleurs autoriser l'inscription jusqu'à la veille du jour de l'élection.

Je répondrai à M. Leconte sur les passeports biométriques, ainsi que sur les visas.

M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie, Monsieur le ministre.


* 20 Pour rappel, 5 431 faits ont été constatés en 2011.

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