EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. TANDIS QUE LES INÉGALITÉS CONTINUENT DE SE CREUSER, UN BUDGET TRÈS EN-DEÇÀ DES IMMENSES BESOINS DES TERRITOIRES ULTRAMARINS

A. PLUSIEURS INDICATEURS POUR UNE SITUATION ÉCONOMIQUE, SOCIALE ET SANITAIRE TRÈS DÉGRADÉE DANS LA PLUPART DES OUTRE-MER

Si le souvenir des vagues d'explosion sociale de 2009 tend à s'éloigner dans l'hexagone, les causes de ces intenses mouvements de protestation demeurent cependant bien présentes dans les territoires ultramarins. Sur l'ensemble des sujets qui intéressent la commission des affaires sociales, les indicateurs apparaissent en effet durablement dégradés .

Plus inquiétant encore, il semble que le sombre constat d'un « rattrapage en panne », dressé par le rapport présenté en juillet 2014 par nos collègues Eric Doligé et Michel Vergoz au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer 1 ( * ) , reste pleinement d'actualité : comme l'an passé, votre rapporteur ne peut que souligner que le mouvement de résorption des inégalités avec l'hexagone présente un inquiétant ralentissement . Il rappelle que cette évolution connaît une inflexion sensible depuis le début des années 2000, et plus encore depuis la crise économique de 2008-2009. Au total, l'écart de développement entre la France métropolitaine et les outre-mer continue à s'établir à 20 ans en moyenne, et atteint jusqu'à 28 ans pour la Polynésie française.

Le premier de ces indicateurs est celui des taux de chômage , qui, malgré une certaine embellie dans quelques zones, continuent de culminer à des niveaux insoutenables dans la plupart des territoires ultramarins.

Selon l'enquête emploi pour l'année 2014, les taux de chômage constatés dans les Dom 2 ( * ) atteignent en effet plus du double de celui relevé dans l'hexagone . Ils s'élèvent ainsi à 23,7 % en Guadeloupe, 19,4 % en Martinique, 22,3 % en Guyane, 26,8 % à La Réunion et 19,5 % à Mayotte, contre 10,1 % en France métropolitaine.

Ces taux annuels masquent cependant une évolution contrastée selon les territoires : ainsi, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion, le niveau du chômage a baissé en un an respectivement de - 2,5, - 3,4 et - 2,2 points en un an, tandis qu'il a respectivement augmenté de un et de deux points en Guyane et à Mayotte.

Votre rapporteur s'inquiète plus particulièrement du niveau du chômage des jeunes , qui représente également bien souvent le double du taux hexagonal (23,9 % en 2014). Si une évolution positive a certes pu être relevée entre 2014 et 2015, les jeunes ultramarins demeurent en effet bien trop nombreux à ne disposer d'aucune réelle perspective d'avenir : 56,7 % (soit - 3,4 points par rapport à 2014) des 15-24 ans sont ainsi au chômage en Guadeloupe, 50,6 % en Martinique (soit - 17,6 points), 40 % en Guyane (- 4,8 points), 54,4 % à La Réunion (- 4,2 points) et 37,4 % à Mayotte.

Les niveaux de richesse par habitant constituent un deuxième indicateur très révélateur des écarts qui continuent de se creuser entre la France hexagonale et les outre-mer.

En légère augmentation par rapport aux années précédentes, l'écart par rapport au PIB par habitant mesuré dans l'hexagone est de 31 et 38 % respectivement pour la Martinique et la Guadeloupe, 40 % pour La Réunion, 51 % pour la Guyane et 75 % à Mayotte.

Les taux d'allocataires des différentes prestations sociales permettent par ailleurs de mesurer la pauvreté et la précarité des populations ultramarines.

Pour l'ensemble des prestations, on compte 70,2 % d'allocataires dans l'ensemble des Dom, contre 42,9 % dans l'hexagone.

S'agissant plus particulièrement de la CMU-C et du RSA, les Dom, qui ne regroupent que 2,8 % du total de la population nationale, représentent respectivement 11,9 % et 10 % de leurs bénéficiaires.

Cette situation économique dégradée s'accompagne d'une situation sanitaire inquiétante , ainsi que l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport thématique de juin 2014 3 ( * ) . Celui-ci a mis en lumière les spécificités de la situation sanitaire dans les territoires ultramarins, mais également le caractère d'urgence attaché à la résolution de ces enjeux.

Les territoires ultramarins cumulent en effet les difficultés, avec des risques spécifiques importants dans un contexte socio-économique dégradé . La Cour relève en particulier la présence d'agents infectieux spécifiques (épidémies de chikungunya et de zika), de pathologies rares ou peu fréquentes dans l'hexagone (leptospirose, résurgence de la tuberculose et des hépatites), la prévalence des maladies chroniques (en particulier le diabète et l'hypertension artérielle, associés à la prévalence du surpoids et de l'obésité, mais aussi le Sida) et enfin certains risques environnementaux (chlordécone aux Antilles, notamment).

Les différents territoires ultramarins présentent cependant une situation très contrastée . Tandis que La Réunion et les Antilles sont dans une « dynamique de convergence » avec l'hexagone, la Guyane et Mayotte, notamment, font face à des « retards importants ». Ainsi, le taux de mortalité infantile, qui s'établissait à 3,3 pour mille dans l'hexagone en 2012, atteignait à la même date 8,5 à La Réunion, 9,9 en Guadeloupe et jusqu'à 16,1 à Mayotte.

La Cour relève ensuite que face à ces risques et déterminants de santé spécifiques, l'organisation du système de santé demeure « à la peine » sur ces territoires, entravant l'efficacité des prises en charge. Les problèmes rencontrés dans l'hexagone s'y manifestent en effet de manière aiguë. En particulier, les problèmes de répartition des professionnels de santé , aggravés par l'insularité, y prennent une acuité particulière, rendant parfois très difficile l'accès aux soins ambulatoires et entraînant la saturation des urgences hospitalières. L'hospitalocentrisme y est de ce fait très prononcé, avec de grands ensembles hospitaliers souffrant d'une gestion hasardeuse et concentrant des investissements souvent mal maîtrisés.

Votre rapporteur souligne que l'importance de ces enjeux a été largement mise en évidence dans le cadre du débat sur la loi de santé, avec notamment plusieurs amendements portant sur les lacunes de l'information statistique. La question devra nécessairement faire l'objet de travaux approfondis et de solutions rapides et concrètes au cours des prochains mois. À cet égard, votre commission se montrera particulièrement attentive à la définition et à la mise en oeuvre de la stratégie de santé pour les outre-mer, actuellement en cours d'élaboration au niveau interministériel.


* 1 « Les niveaux de vie dans les outre-mer : un rattrapage en panne ? », rapport d'information de MM. Eric Doligé et Michel Vergoz fait au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, n° 710 (2013-2014), 9 juillet 2014.

* 2 Taux de chômage mesurés annuellement par l'enquête emploi.

* 3 Cour des comptes, « La santé dans les outre-mer. Une responsabilité de la République », rapport public thématique, juin 2014.

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