D. DES DÉPENSES FISCALES DEUX FOIS SUPÉRIEURES AUX CRÉDITS PORTÉS PAR LA MISSION « OUTRE-MER » ET FAISANT L'OBJET DE FRÉQUENTES MODIFICATIONS

Les dépenses fiscales spécifiques aux outre-mer, c'est-à-dire l'ensemble des mesures d'exonération d'impôt hors cotisations sociales, sont estimées à 3,927 milliards d'euros en 2016 . Ce montant vient après 3,905 milliards pour 2014 et 3,943 milliards pour 2014, soit une relative stabilité des crédits associés.

Plus de la moitié de la dépense fiscale réalisée dans les Dom résulte des dispositifs relatifs à la TVA. En particulier, 1,37 milliard d'euros de dépenses sont imputables aux taux minorés de TVA 6 ( * ) ; il est à noter que cette dépense est en progression légère mais régulière (1,33 milliard en 2014 et 1,34 en 2015).

Les dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement dans les outre-mer, s'agissant en particulier de l'investissement productif et du logement social, représentent également une part importante des dépenses fiscales.

En revanche, les exonérations directement applicables aux ménages (qui recouvrent essentiellement les exonérations d'impôt sur le revenu) représentent moins de 10 % des dépenses fiscales, selon les réponses au questionnaire budgétaire transmises à votre rapporteur.

Votre rapporteur rappelle cette année encore cette évidence qui doit cependant, semble-t-il, être régulièrement réaffirmée : l'économie des territoires ultramarins est devenue, au fil des années, largement dépendante de la dépense fiscale.

Cette dépendance s'explique par des raisons principalement historiques , dans la mesure où elle a longtemps été préférée à la dépense budgétaire. Dans le budget qui nous est ici présenté, les dépenses fiscales représentent près du double des crédits inscrits en dépenses . Les dépenses fiscales constituent ainsi aujourd'hui le premier outil de la politique de l'Etat en faveur des territoires ultramarins et le principal dispositif d'aide aux investissements en outre-mer.

Ces mécanismes sont indispensables à la survie des économies ultramarines et constituent un levier de croissance sans lequel leurs résultats seraient encore plus catastrophiques qu'ils ne le sont à ce jour.

Votre rapporteur relève que ces dépenses font l'objet de modifications législatives régulières : la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer 7 ( * ) , dite Lodeom, ainsi que les lois de finances pour 2011 8 ( * ) , 2012 9 ( * ) et 2014 10 ( * ) , avant l'article 43 du présent projet de loi, sont venus successivement aménager les dispositifs de dépenses fiscales ultramarines.

L'entrée en vigueur de ces différentes adaptations apparaît parfois erratique. Ainsi, les importantes dispositions de l'article 21 de la LFI pour 2014 - qui ont partiellement substitué à certains dispositifs de défiscalisation existant pour les entreprises les plus importantes deux crédits d'impôt, portant respectivement sur les investissements productifs et le logement social - ne sont appliquées que depuis le 1 er janvier 2015, du fait du délai dû aux travaux d'analyse menés par la Commission européenne sur leur conformité avec le droit communautaire.

En outre, si l'article 43 du présent projet de loi permet de lever certaines interrogations jusqu'au 31 décembre 2017, la question du devenir des aides concernées après cette date, notamment dans le champ du logement social, reste entière.

Figure n° 5 : Principales modifications législatives intervenues en matière de dépenses fiscales depuis 2009

Loi

Articles du CGI visés

Modification apportée

2009-594
du 27/05/2009

article 295-A du CGI

limitation du dispositif de la TVA NPR aux seuls biens d'investissement neufs

2010-1657
du 29/12/2010

articles 199 undecies B et 217 undecies du CGI : aide fiscale à l'investissement productif outre-mer

exclusion des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil du champ d'application du dispositif d'aide à l'investissement productif

2010-1657
du 29/12/2010

article 199 undecies B du CGI

diminution du taux de réduction d'impôt accordé au contribuable dans le cadre de l'aide à l'investissement productif, avec une augmentation du taux de rétrocession, et une diminution du montant plafond d'avantage fiscal à l'impôt sur le revenu

2010-1657
du 29/12/2010

article 199 undecies A du CGI

diminution du taux d'avantage pour le dispositif d'aide à l'investissement dans le secteur du logement (hors social)

2011-1977
du 28/12/2011

article 217 bis du CGI (abattement du tiers à l'impôt sur les sociétés)

suppression du dispositif d'abattement

2011-1977
du 28/12/2011

article 199 undecies B du CGI

diminution du taux de réduction d'impôt accordé au contribuable dans le cadre de l'aide à l'investissement productif, et du montant plafond de l'avantage fiscal à l'impôt sur le revenu, sans modification du taux de rétrocession

2011-1977 du 28/12/2011

article 199 undecies A du CGI

diminution du taux d'avantage pour le dispositif d'aide à l'investissement dans le secteur du logement (hors social)

2010-1657
du 29/12/2010

article 199 undecies D du CGI

Diminution (« rabot ») du plafond annuel d'imputation des réductions d'impôt dans le cadre d'investissements relevant du logement (hors social), du secteur productif et du logement locatif social

2011-1977
du 28/12/2011

article 199 undecies D du CGI

Diminution (« rabot ») du plafond annuel d'imputation des réductions d'impôt dans le cadre d'investissements relevant du logement (hors social) et du secteur productif

2012-1509
du 29/12/12

article 200-OA du CGI

diminution (« rabot ») du plafond global des avantages fiscaux

2013-1278
du 29/12/2013

(article 21)

articles 199 undecies B, 199 undecies C, 217 undecies, 217 duodecies, 244 quater W
et 244 quater X
du CGI

- suppression de la défiscalisation en matière productif pour les entreprises avec un CA > 20 millions d'euros et création d'un crédit d'impôt

- création d'un crédit d'impôt optionnel pour le logement social

- augmentation des taux de retrocession (investissement productif et logement social)

- obligation de financement des logements sociaux par une subvention publique à hauteur d'une fraction minimale de 5%

- programmation pluri-annuelle par territoire de la construction de logements sociaux

- restriction de l'aide fiscale dans le secteur des concessions de services publics aux seuls biens immobilisés plus de 5 ans

- encadrement des investissements de renouvellement (déduction de la base éligible de la valeur du bien remplacé)

- exclusion des véhicules soumis à la taxe sur les véhicules de sociétés non strictement indispensables à l'exploitation

Source : Réponses aux questionnaires budgétaires

Dans ces conditions, ces réformes répétées et rapprochées posent la question de la visibilité de l'évolution de ces dispositifs pour les investisseurs, qui conditionne largement leur efficacité. Si l'on peut comprendre la nécessité de procéder à une rationalisation de mécanismes souvent complexes, ainsi que de participer à l'effort de rétablissement des comptes publics, cela ne peut se faire au prix de la dégradation de l'attractivité des territoires ultramarins.

Figure n° 6 : Principales dépenses fiscales de la mission « Outre-mer »

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

Dépenses fiscales sur impôts d'Etat contribuant au programme « Emploi outre-mer »

368

368

355

dont exonération de TVA de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

180

180

180

dont régime particulier de TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

100

100

100

dont abattement d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés applicable aux bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées dans les Dom

88

88

75

Dépenses fiscales sur impôts d'Etat contribuant au programme
« Conditions de vie outre-mer »

3 521

3 481

3 515

dont régime spécifique de TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

1 330

1 340

1370

dont exclusion des Dom du champ d'application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants

750

828

866

dont réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer avant le 31 décembre 2017

372

380

380

dont réduction d'impôt sur le revenu, dans la limite d'un certain montant, pour les contribuables des Dom (30 % en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion ; 40 % en Guyane et à Mayotte)

313

300

300

dont réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés dans les Dom, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises

222

185

150

dont déduction d'impôt sur les sociétés des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, avant le 31 décembre 2017

170

170

nc

dont réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social dans les départements et collectivités d'outre-mer

284

205

nc

Dépenses fiscales sur impôts locaux, prises en charge par l'Etat, contribuant au programme « Conditions de vie outre-mer »

54

56

57

TOTAL DES DEPENSES FISCALES

3 943

3 905

3 927

Source : Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016


* 6 En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, le taux normal de TVA est fixé à 8,5 % et son taux réduit à 2,1 %.

* 7 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite Lodeom.

* 8 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

* 9 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011.

* 10 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.

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