D. L'INA : UNE RÉORIENTATION STRATÉGIQUE BIENVENUE

1. Une situation enfin clarifiée

L'INA sort progressivement d'une situation qui devenait de plus en plus incertaine. Le désaccord avec l'État sur le projet immobilier avait conduit en 2014 à un prélèvement de 19,8 millions d'euros sur son fonds de roulement et à une baisse de sa dotation de 1,2 million d'euros. Le changement de président avec l'arrivée de Mme Agnès Saal en mai 2014 devait permettre une remise à plat de la situation et un nouveau départ pour cet établissement unique en charge de la mémoire audiovisuelle.

Il n'en fut rien puisque le projet, plus raisonnable, de regroupement de l'essentiel des implantations sur le site historique de Bry-sur-Marne davantage adapté au contexte budgétaire a été éclipsé par la polémique créée par le montant des notes de taxi de sa présidente qui a conduit à sa démission le 28 avril 2015 sur fond crise plus générale de la gouvernance de l'Institut.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le nouveau président-directeur-général, M. Laurent Vallet, qui a pris ses fonctions le 21 mai 2015 a indiqué que la priorité était d'imaginer l'après « plan de sauvegarde numérique » (PSN) qui a occupé les trois précédents COM et qui devrait s'achever à l'issue du prochain COM. Il souhaite à cette fin réinventer le rôle et la place des archives et des métiers de l'INA dans le cadre d'une démarche davantage tournée vers les usages que vers les outils.

Lancement d'« Ina Premium »

« J'aime le Culte » , c'est avec ce slogan accrocheur que l'INA a lancé son offre de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) le 30 septembre 2015. Cette plateforme a été développée en deux ans et demi pour un coût de 3 millions d'euros. L'abonnement à INA Premium permet pour 2,99 euros par mois d'accéder à 20 000 contenus qui constituent « ces moments cultes de notre mémoire audiovisuelle » selon M. Laurent Vallet qui revendique un positionnement de « Netflix du culte » pour cette plateforme qui doit permettre à chacun de « retrouver des racines et des repères » .

Concernant le modèle économique de l'INA, M. Laurent Vallet considère que le statut d'établissement public économique et commercial (EPIC) constitue une chance et doit être valorisé et que les ressources commerciales ne sont pas vouées par nature à décroître. Interrogé sur les difficultés rencontrées récemment par l'institution, son président a reconnu que « le contrôle de la dépense n'était pas optimal » à l'INA et qu'il était nécessaire d'y appliquer les règles déjà développées dans les entreprises publiques et privées notamment en ce qui concerne la politique des achats.

Le projet de regroupement de la majorité des services de l'INA à Bry-sur-Marne sera poursuivi en 2016 avec la construction d'un nouveau bâtiment de 4 000 m 2 . Seuls les locaux d'Issy-les-Moulineaux seront conservés pour la formation ainsi que le site des Essarts qui accueille le stockage des supports originaux et qui pourrait faire l'objet d'une mutualisation avec le CNC et la cinémathèque.

Au regard du PLF 2016, le bleu budgétaire 36 ( * ) indique que « les prévisions budgétaires 2016 de l'INA son concordantes avec la trajectoire financière de son projet de contrat d'objectifs et de moyens 2015-2016 » . Les ressources issues de la CAP sont reconduites à l'identique à 89 millions d'euros HT (84,5 millions d'euros en fonctionnement et 4,5 millions d'euros en investissement) tandis que les ressources propres s'élèveraient à 38 millions d'euros soit le même niveau que celles prévues par le budget rectificatif pour 2015 (en recul de 1,7 million d'euros par rapport au budget initial pour 2015). L'objectif premier est de « maintenir le compte de résultat à l'équilibre et d'accroître les capacités d'investissement afin d'engager la rénovation du système informatique, de financer le projet immobilier, et de poursuivre dans de bonnes conditions le plan de sauvegarde numérique des fonds audiovisuels » . Il s'agit également « d'investir dans les domaines d'activités (productions, formations, outils numériques) qui permettront ensuite d'obtenir des ressources propres supplémentaires, en France et à l'étranger » .

Votre rapporteur pour avis estime que les orientations définies pour 2016 par le nouveau président sont cohérentes et devraient permettre un « retour à la normale » . Il observe toutefois le maintien à un niveau élevé (67,5 millions d'euros) de la masse salariale qui s'explique par le coût des mesures générales qui, compte tenu, de l'accord collectif s'élève à 1,1 million d'euros par an.

2. Un COM réorienté avec des objectifs plus réalistes

Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens 37 ( * ) qui a été transmis aux commissions compétentes du Parlement sera examiné par notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 1 er décembre 2015. Il repose sur quatre axes stratégiques :

- réaffirmer la mission patrimoniale de l'INA , en adaptant ses actions de conservation et de valorisation du patrimoine audiovisuel aux évolutions technologiques. Dans ce contexte, l'INA affiche l'ambition de réaliser « un élargissement, ordonné et économiquement soutenable, de sa politique de collecte d'archives audiovisuelles, qui permette de maintenir l'attractivité de ses fonds malgré la diminution progressive des flux d'archives issus de la télévision et de la radio publiques » ;

- assumer sa vocation industrielle et commerciale : l'INA souhaite renforcer la valorisation de ses contenus et de ses savoir-faire (la vente d'images et de sons, le conseil, l'expertise, la gestion de fonds d'archives tiers, publics et privé), ce qui passe notamment par « la conquête de nouveaux territoires, en France et à l'étranger » ;

- développer la logique d'innovation intrinsèque à l'INA, notamment en matière de production audiovisuelle, de recherche dans le domaine du traitement de l'image et du son, d'adaptation de l'offre aux nouveaux modes de consommation ou encore de formation et d'éducation à l'image ;

- moderniser la gestion de l'entreprise : à cet égard, l'INA s'engage à se doter d'un dispositif de contrôle interne comptable et de gestion renforcé, ainsi que d'une politique d'achat restructurée et mieux centralisée, et à élaborer un plan de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, « indispensable au regard d'une « pyramide des âges » qui verra le départ de près de 25 % des effectifs actuels sur les cinq prochaines années ». L'INA s'engage par ailleurs à plafonner sa masse salariale à hauteur de 67,5 millions d'euros par an sur l'ensemble de la durée du COM, pour une masse salariale actuelle de 67,10 millions d'euros . Enfin, le COM présente un projet immobilier qui paraît pertinent, visant à rationaliser ses différentes implantations, et qui sera autofinancé sur la durée du COM.

La réalisation de ces ambitions pourra être évaluée à l'aune de dix-sept objectifs assortis de dix-huit indicateurs.

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer les évolutions inscrites dans le projet de COM par rapport aux orientations du document initial qui avait été présenté devant votre commission le 6 avril dernier 38 ( * ) . La volonté d'alors de développer l'INA auprès des collectivités territoriales et, plus encore, auprès des entreprises privées hors médias afin de les aider à conserver leurs archives audiovisuelles semblait trop éloignée de la vocation originelle de l'INA et trop peu documentée pour ne pas présenter de risques financiers . Si la valorisation de l'expertise de l'INA auprès de nouveaux acteurs ne saurait être exclue a priori , elle ne doit pas s'apparenter par contre à la recherche de nouvelles missions pour justifier le maintien d'un niveau de ressources publiques élevé alors que certaines missions historiques de l'établissement pourraient perdre de leur importance dans les années à venir .

Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter, à cet égard, que le projet de COM de l'INA n'engage pas une réduction des ressources publiques et que les perspectives de mutualisations avec les autres entreprises du service public ne soient qu'esquissées. La forte détermination du nouveau président à les mettre en oeuvre, notamment à travers la plateforme technique de SVOD qui pourrait être partagée avec France Télévisions, constitue néanmoins une perspective favorable qui mérite d'être encouragée.

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel dans la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016.


* 36 Annexe au PLF 2016, compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public », p. 113.

* 37 Contrat d'objectifs et de moyens de l'INA pour la période 2015-2019.

* 38 Voir le compte-rendu de l'audition de Mme Agnès Saal le 6 avril 2015 - http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150406/cult.html

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