C. RADIO FRANCE : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE REPORTÉ À 2018

Dans son avis sur le PLF 2015, dans un contexte marqué par la perspective du premier déficit de l'histoire de Radio France, votre rapporteur pour avis avait insisté sur le fait que les nombreuses difficultés que rencontrait le groupe de radio publique « devront recevoir des réponses dans le nouveau COM qui devrait être adopté en décembre (2014) et soumis à l'examen de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication au premier trimestre 2015 » 27 ( * ) .

Le contrat d'objectifs et de moyens n'a pas été présenté dans les temps, ce qui n'a pu qu'accentuer les inquiétudes des personnels qui n'ont par ailleurs pris connaissance qu'à l'automne 2014 de la forte dégradation de la situation financière de l'entreprise. Cette difficulté à définir la feuille de route stratégique de l'entreprise a, sans nul doute, constitué un terreau propice à la dégradation du climat social qui a caractérisé l'année écoulée.

1. Une entreprise affaiblie par une grève de 28 jours

Radio France a connu en 2015 la plus longue grève de son histoire . Après deux premiers appels à la grève les 11 février et 12 mars, motivés en particulier par des craintes concernant la suppression de nombreux emplois, c'est l'annonce, le 18 mars dernier, du prix des travaux du bureau du président qui a motivé un appel à une grève illimitée 28 ( * ) . Dès lors, le conflit s'est installé dans le temps au rythme des révélations de presse visant directement le président de Radio France avec pour objectif de l'affaiblir.

La ministre de la culture et de la communication a demandé le 25 mars à la direction qu'elle lui transmette « un projet stratégique et financier stable ». Ce plan, adopté début avril par le gouvernement, prévoyait notamment un plan de départs volontaires de 300 à 380 personnes , l'abandon des ondes moyennes et une hausse des recettes issues de la publicité ainsi qu'une dotation de l'État pour terminer le chantier de rénovation de la Maison de la radio.

Face à l'opposition persistante des syndicats, le 8 avril, le CSA en a appelé à une médiation confiée par le gouvernement à M. Dominique-Jean Chertier lequel a élaboré, dès le 10 avril, un texte de compromis rejeté par les syndicats. La grève sera levée le 16 avril en l'absence d'accord avec pour conséquence le maintien d'un climat social sensible .

Votre rapporteur pour avis a souhaité rencontrer les syndicats de Radio France afin de se rendre compte de leur perception de la situation. La CGT estime ainsi que « les braises du conflit ne sont pas éteintes » et que la suppression de 270 postes prévue dans le COM risque d'affaiblir « des secteurs entiers ». La centrale syndicale considère que le secteur de la production a été malmené et s'interroge sur les investissements prévus pour les studios moyens. Concernant le bilan du médiateur, la CGT reconnaît son rôle afin de limiter les hauts revenus de l'entreprise. Elle considère par ailleurs que le renouvellement générationnel qui devrait se traduire par 24 % de départs d'ici 2021 est de nature à éviter les suppressions d'emplois compte tenu des économies attendues sur les salaires. La CGT considère ainsi que l'objectif d'un retour à l'équilibre en 2018 comme possible.

La CFTC de Radio France rappelle pour sa part la responsabilité du chantier de rénovation dans la dégradation de la situation financière et s'inquiète de l'emprunt de 70 millions d'euros qui devrait être souscrit pour financer son achèvement. Elle considère que la masse salariale n'est pas responsable des problèmes rencontrés observant qu'elle a augmenté trois fois moins que celle des cadres de direction. La CFTC explique aussi que les contraintes budgétaires se font sentir sur France Bleue où les programmes de l'après-midi ont disparu pendant les vacances scolaires pour éviter de recourir à des CDD. Elle s'est, par ailleurs, déclarée favorable à l'adoption d'une réforme de la CAP « à l'allemande » telle que proposée par votre rapporteur pour avis.

La SNJ considère que c'est la baisse de la dotation qui est à l'origine des difficultés financières et estime que le projet de COM n'est pas suffisamment ambitieux notamment concernant la création. Concernant la CAP, le syndicat estime qu'il est urgent de rappeler que les contenus ne sont pas gratuits et que la publicité sur les contenus numériques doit être également prise en compte. Le SNJ s'inquiète du projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions et de la participation de Radio France qui pourrait impliquer toutes les rédactions. Pour le SNJ, le recours au médiateur a permis de « remettre tout le monde autour de la table » . Le syndicat est toutefois plus prudent sur les perspectives d'évolution démographiques et rappelle qu' « on ne sait pas quand les gens partiront à la retraite avec la retraite à 70 ans ce qui risque de mettre fin aux augmentations individuelles si le nombre de départs est insuffisant » .

SUD estime que les tensions subsistent suite au conflit du printemps et s'inquiète de la trajectoire financière notamment concernant la dotation en capital dont le calendrier reste à préciser. Le syndicat considère que l'emploi est devenu la variable d'ajustement. Il regrette l'absence de véritables dispositions dans le COM concernant l'organisation de la musique et appelle à une remise à plat « sans tabous ». SUD considère également que les réponses apportées au problème de la précarité sont insuffisantes.

L'UNSA pour sa part appelle à des négociations sur le multimédia et sur la précarité et estime que l'entreprise ne pouvait supporter un plan de départs plus important. Le syndicat considère qu' il y a un dysfonctionnement majeur dans la gouvernance dont témoigne le temps qui a été nécessaire pour établir le COM et qui s'illustre également dans la faiblesse du conseil d'administration . Le syndicat estime par contre que le bilan du médiateur a été positif car il a permis de discuter des problèmes.

L'UNSA dénonce le poids pris par la publicité sur les contenus numériques en l'absence de tout encadrement pour un résultat financier très limité (environ 700 000 euros) . Si le syndicat n'est pas opposé à une diversification des annonceurs, il estime qu'une augmentation du volume y compris dans les limites aujourd'hui autorisées affaiblirait l'identité de l'entreprise. Concernant la hausse de la masse salariale intervenue, l'UNSA indique qu'elle s'est accompagnée d'une évolution du périmètre avec le développement de stations locales (Le Mans, Saint-Etienne), du Mouv et du numérique. L'UNSA s'inquiète de la fragilité du financement à travers la hausse de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques et soutient le projet d'une CAP « à l'allemande » défendu par votre rapporteur pour avis.

La Société des producteurs associés de Radio France (SPARF), reçue par votre rapporteur pour avis, ne fait pas un constat plus optimiste de la situation qui se caractérise, selon elle, par le poids trop important des différentes tutelles qui favorise l'immobilisme. La toute nouvelle société de producteurs regrette que les propositions du rapport de la Cour des comptes n'aient pas été retenues par la direction et attend un véritable projet sur les contenus craignant que le retour à l'équilibre ne se fasse au détriment de l'investissement dans les contenus. La SPARF s'inquiète par ailleurs de la politique de location des studios à des entreprises qui aurait pour conséquence de réduire « l'outil de travail ». Elle souhaite également la définition d'un véritable projet pour France Musique qui tienne compte des quatre formations musicales de Radio France et lui permette de se distinguer de Radio Classique.

2. Un rapport sévère de la Cour des comptes dont les conclusions restent à mettre en oeuvre

La Cour des comptes a réalisé un contrôle de Radio France sur la période 2004-2013. Le rapport de la Cour publié en avril 2015 « ne remet pas en cause la qualité ni la légitimité du service public de la radio qu'assure Radio France » 29 ( * ) . Il reconnaît même que : « La qualité des programmes de Radio France fait en général l'objet d'une appréciation très positive » et que « la rareté de la publicité sur les antennes est un atout de la radio de service public puisque le émissions ne sont pas interrompues par des coupures publicitaires ». Par contre, le rapport a dressé un constat sévère de la dérive financière du groupe de radio publique et formulé des recommandations qui n'ont pas encore reçu de véritables réponses de la part de l'entreprise comme de ses tutelles .

La Cour regrette, en particulier, le retard dans la prise de conscience des économies à réaliser et des réformes de structure à conduire alors même que de telles réformes ont été conduites dès la fin des années 90 par la BBC, la RTBF et la radio danoise afin de « diminuer progressivement leurs effectifs, réduire leurs dépenses et de préparer l'avenir en engageant des dépenses de modernisation » 30 ( * ) . Pour la Cour des comptes : « compte tenu des informations disponibles, l'État et l'entreprise auraient dû tirer, dès 2012, toutes les conséquences du nouveau contexte budgétaire » . Elle observe, par ailleurs, que « de 2006 à 2013, les versements de l'État à Radio France ont augmenté deux fois plus vite que les dépenses du budget général de l'État (+22,3 % contre 9,1 %) ». En matière de maîtrise des effectifs, la Cour considère que « l'État n'a demandé aucun effort de productivité » alors que « la masse salariale totale de Radio France a augmenté de 18,8 % entre 2006 et 2013, deux fois plus que les dépenses du budget général de l'État, alors même que les ressources propres de l'entreprise diminuaient » du fait de la crise du marché de la publicité et des déménagements des locataires de la Maison de la Radio liés au chantier de réhabilitation. La Cour des comptes remarque enfin qu' « avec le COM, l'État actionnaire et financeur dispose en principe d'un outil lui permettant de contractualiser avec les dirigeants de radio France des objectifs procédant d'une stratégie explicite de réforme. À l'évidence, ni l'entreprise ni ses tutelles n'ont fait jusqu'à présent des COM un véritable levier de changement » .

Comme le montre le rapport de la Cour des comptes, la dégradation des comptes de Radio France date de 2013 avec l'apparition pour la première fois d'un résultat d'exploitation « retraité » négatif à hauteur de -1,157 million d'euros. Elle a été suivie en 2014 d'un résultat négatif de 2 millions d'euros qui a atteint -21,3 millions d'euros en 2015. Un « effet de ciseau » est ainsi apparu compte tenu de la faible augmentation des ressources (hausse de la redevance de +4,5 % entre 2010 et 2013) et une hausse plus rapide des charges d'exploitation (+7,7 % de 2010 à 2013). Pour la Cour, « l'entreprise n'a pas été en mesure de freiner ses dépenses, compte tenu de son mode d'organisation, de ses méthodes de gestion et des rigidités de son modèle social » et « si aucune mesure correctrice n'est prise, sont prévus des soldes de trésorerie négatifs de l'ordre de -86 millions d'euros en 2015 et de -145 millions d'euros en 2016 » .

Compte tenu des faibles perspectives du côté d'une augmentation des ressources, la Cour des comptes considère que « la principale voie qui s'ouvre à Radio France passe par un effort très significatif sur les charges d'exploitation, ce qui implique d'importantes mesures de réorganisation, afin de dégager des économies structurelles. Or les mesures qui ont pu être engagées en ce sens ces dernières années ne sont pas proportionnées aux enjeux » . Elle considère dès lors que « l'élaboration du prochain COM constitue un jalon décisif pour le devenir de Radio France » et formule un certain nombre de recommandations.

Concernant plus particulièrement l'évolution de la masse salariale, « la Cour estime nécessaire d'introduire dans le futur COM un objectif contraignant d'évolution de la masse salariale, assorti d'un objectif d'évolution à la baisse, sur les cinq années à venir, de la proportion des charges salariales dans les charges d'exploitation de radio France » 31 ( * ) .

Exemples de recommandations du rapport de la Cour des comptes
qui n'ont pas été retenues dans le futur COM

2 - Statuer sur l'avenir du Mouv avant la signature du COM 2015-2019 ;

6 - Fusionner les deux orchestres symphoniques de Radio France, établir une direction commune à France Musique et à la direction de la musique ;

15 - Fusionner les rédactions de France Inter, France Info et France Culture.

3. Un projet de COM qui trace une trajectoire financière incertaine

Le premier alinéa de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que « des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'État et chacune des sociétés ou établissements suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, Arte-France et l'Institut national de l'audiovisuel. La durée de ces contrats est comprise entre trois et cinq années civiles. Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président » .

Le précédent COM ayant été conclu le 29 juillet 2010 pour la période 2010-2014, cela fait maintenant plusieurs mois que Radio France est dépourvu de document fixant à la fois, selon les termes de la loi, « les axes prioritaires de son développement » , « le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui seront retenus » , « le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes » , « le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage », « les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines » et « le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier ».

Le projet de COM qui a été transmis à votre commission officiellement le 28 octobre 2015 réaffirme à la fois les missions de Radio France et la nécessité pour l'entreprise de « se transformer tout en restant elle-même » . Concernant les éléments de cette transformation qui pourraient avoir un impact sur la résorption du déficit, votre rapporteur pour avis observe qu'ils sont pour l'essentiel reportés dans le temps. C'est le cas de l'avenir du Mouv par exemple, le projet de COM indiquant qu'une évaluation de son nouveau positionnement éditorial et de sa rencontre avec ses publics sera réalisé fin 2016 ce qui signifie qu'une décision sur son maintien en diffusion hertzienne ou son basculement en webradio n'interviendra qu'en 2017 au plus tôt. On peut rappeler que la Cour des comptes préconisait que le sort du Mouv soit fixé avant la signature du COM.

Concernant l'avenir de la musique, le projet de COM ne retient pas la recommandation de la Cour des comptes de fusionner les deux orchestres symphoniques de Radio France et d'établir une direction commune à France Musique et à la direction de la musique 32 ( * ) . Il renvoie, par ailleurs, l'éventuelle mise en oeuvre des recommandations formulées par Stephan Gehmacher « à l'issue de la première année d'exécution du COM » soit, dans les faits, à 2017.

L'application des recommandations de M. Gehmacher renvoyée à plus tard

M. Stephan Gehmacher qui a été à l'origine d'une réforme des formations musicales de la radio bavaroise et de la radio berlinoise est intervenu au printemps 2015 à la demande du président de Radio France pour réaliser un rapport 33 ( * ) sur le fonctionnement des formations musicales de Radio France.

Votre rapporteur pour avis a interrogé lors de son audition du 28 octobre 34 ( * ) le président de Radio France sur le fait de savoir pourquoi le COM prévoit que les recommandations faites par M. Stephan Gehmacher devront donner lieu à une réforme « à l'issue de la première année d'exécution du COM » c'est-à-dire seulement en 2017. Concernant le Choeur par exemple, avec ses 115 membres, il constitue selon M. Gehmacher « une exception absolue parmi les choeurs professionnels » qui comptent la plupart du temps une cinquantaine de membres. De la même manière, les effectifs de l'Orchestre philharmonique de Radio France se situent « au-dessus de celui d'ensembles semblables en dehors de France » . M. Gehmacher évoque la possibilité de synergies pour combler des remplacements ou permettre des renforts.

Dans sa réponse, M. Mathieu Gallet a expliqué que « les travaux menés cet été par Stephan Gehmacher, directeur de la Philharmonie de Luxembourg, sur les formations musicales de Radio France ont été particulièrement instructifs, d'autant plus que l'auteur bénéficiait de toute la légitimité en raison de ses compétences et à sa gestion saluée du service public de l'audiovisuel de Bavière, dont les caractéristiques sont proches en de nombreux points de celles de Radio France » . Il a indiqué que « la réception de ses conclusions a quelque peu secoué nos musiciens, notamment s'agissant de sa proposition relative à un orchestre philharmonique à géométrie variable. Ce rapport va - j'en suis convaincu- nous permettre de construire à Radio France une offre musicale dotée d'une véritable identité, afin de la faire émerger dans un contexte où le nombre de salles parisiennes ne cesse de croître : 2015 a ainsi vu la Philharmonie être inaugurée tandis que les équipements de l'Ile Seguin devraient être accessibles en 2017. Notre réflexion relative à l'affirmation d'une identité culturelle propre à Radio France s'appuie, en outre, sur les travaux menés sur ce thème par Marie-Pierre de Surville » .

Concernant l'information, la recommandation de la Cour des comptes consistant à fusionner les rédactions de France Inter, France Info et France Culture n'a pas été retenue alors même que l'on imagine bien les économies qui pourraient résulter d'un tel rapprochement. À noter également que le projet de COM ne précise pas le rôle que pourra jouer France Info dans le projet de chaîne d'information en continu sinon en mentionnant le fait que l'antenne « a vocation à jouer un rôle moteur » .

Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter l'absence de coordination des COM qui a pour conséquence de ne pas faire figurer dans le projet de COM de Radio France examiné en novembre 2015 le projet de chaîne d'information en continu qui fait l'objet de discussions au même moment et qui constitue une occasion de mettre en oeuvre des mutualisations importantes. Le COM ayant été présenté plus de 18 mois après l'entrée en fonction du nouveau président de Radio France, il estime qu'il aurait sans doute été utile de mettre à profit ce retard pour rechercher une meilleure coordination avec le COM de France Télévisions sur toutes les actions pouvant faire l'objet de mutualisations.

Votre rapporteur pour avis s'étonne, par ailleurs, de la propension du COM à renvoyer à 2017 plusieurs décisions importantes pour l'avenir de l'entreprise et sa capacité à réduire son déficit (avenir du Mouv et des formations musicales, mutualisation des rédactions, évolution des effectifs) laissant à penser que l'entreprise serait entrée dans une longue phase de transition. Le report du retour à l'équilibre de 2017 à 2018 apparaît à cet égard comme un mauvais signal concernant la volonté de redresser les finances du groupe public de radio .

Votre rapporteur pour avis s'inquiète, par ailleurs, de la tentation d'accroître les recettes liées à la publicité digitale qui affaiblit déjà l'identité des contenus numériques de Radio France et de la volonté de développer la location des espaces de la Maison de la Radio qui semble déjà poser des problèmes de disponibilité des équipements pour la production radiophoniques selon la SPARF.

Concernant le financement des investissements, le projet de COM prévoit le maintien à son niveau de 2014 sur toute la durée du COM à venir de la CAP d'investissement soit 24,6 millions d'euros, l'attribution à Radio France d'une subvention complémentaire de 25 millions d'euros en 2016, 2017 et 2018 et d'une dotation en capital de 55 millions d'euros dont les dates de versement restent cependant à préciser.

4. Un retour à l'équilibre du résultat reporté à 2018

À court terme, la situation financière de Radio France devrait être moins défavorable que prévu en 2015 pour des raisons comptables 35 ( * ) . La prévision de déficit qui s'établissait ainsi à 21,3 millions d'euros en début d'année et qui avait été actualisée cet été à -19,171 millions d'euros pourrait s'établir in fine à 10 à 12 millions d'euros . Le président de Radio France, auditionné par votre rapporteur pour avis, a toutefois insisté sur le caractère particulier et non reconductible de ce résultat qui s'explique notamment par des économies sur des provisions pour contentieux dont l'issue s'est révélée favorable à l'entreprise.

Concernant 2016, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 5 millions d'euros de la part de CAP qui passerait ainsi de 601,8 à 606,8 millions d'euros HT (619,5 millions d'euros TTC) dans le cadre de la hausse de 25 millions d'euros prévue sur trois ans. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé une dotation en capital de 55 millions d'euros ainsi qu'une possibilité pour l'entreprise de pouvoir s'endetter jusqu'à 90 millions d'euros.

Les négociations avec les banques relatives à l'autorisation d'emprunt ne prévoient pas de « garantie » de l'État. Par contre, elles ont pris en compte le plan d'affaires de l'entreprise et les perspectives de retour à l'équilibre d'exploitation.

Le déficit prévisionnel s'établit à 16,562 millions d'euros pour 2016. Il s'établirait selon la direction de l'entreprise à 6,458 millions d'euros en 2017 avant un retour à l'équilibre prévu en 2018 (+2,785 millions d'euros après charges financières) au lieu de 2017 compte tenu de l'abandon du plan de départs volontaires.

Dès 2016, une légère baisse du déficit devrait être obtenue grâce aux recettes commerciales, une révision du cahier des charges devant permettre de sécuriser les recettes publicitaires tandis que les autres ressources propres (éditions, concerts, locations d'espaces) se développeraient. Le bleu budgétaire « Avances à l'audiovisuel public » évoque également des économies réalisées sur les frais de diffusion avec l'arrêt du 31 décembre 2015 de la diffusion en ondes moyennes et de nouveaux efforts sur la politique d'achats et de consommation. Le même document budgétaire se contente par ailleurs de mentionner sans plus de précisions « un effort de maîtrise de la dynamique de la masse salariale à travers différents leviers (modération salariale, travail sur les effectifs, réduction de la précarité etc.) » .

Par ailleurs, le chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio se poursuivra en 2016 avec l'achèvement de la phase 4 des travaux et le démarrage de la phase 3. De nouvelles opérations sont également envisagées afin de renforcer l'étanchéité du bâtiment et de rénover les façades ainsi qu'une rénovation des studios moyens.

La réduction des effectifs devrait concerner 230 CDI avec le non renouvellement d'un départ sur deux en 2016 et 2017 et un sur trois en 2018 . Les perspectives démographiques garantissent, selon l'entreprise, la réalisation de l'objectif puisque le potentiel des départs naturels a été évalué à 800 en quatre ans. Les embauches devraient être limitées au minimum (+10) en 2016 et en 2017 ce qui nécessitera de procéder à des redéploiements pour étoffer les moyens en faveur du développement du numérique et du marketing relationnel. La direction de Radio France prévoit ainsi 22 millions d'euros d'économies structurelles sur la masse salariale sur la période d'application du COM. Elle estime que le plan de départs volontaires avait pour inconvénient d'arriver trop tôt par rapport au rythme des réformes de l'entreprise.

Concernant la publicité, le président de Radio France a confirmé son souhait de pouvoir baisser le volume horaire tout en pouvant lisser sur la journée et sur l'année. Il se déclare « prêt à prendre des engagements » pour garantir qu'il n'y aura pas de hausse de la publicité. Votre rapporteur pour avis s'inquiète pour sa part du développement de la publicité dans les contenus numériques de Radio France , celle-ci étant amenée à se développer selon le COM alors même qu'elle ne fait pas l'objet d'un véritable encadrement et qu'elle fait peser un risque sur l'identité même de la radio publique.

Quelle place pour Radio France dans la chaîne d'information en continu
de France Télévisions ?

Les réflexions entre Radio France et France Télévisions sur la future chaîne d'information en continu ont débuté et mettent en évidence des conceptions différentes. Pour Radio France qui peut s'appuyer sur l'expérience des 28 années d'existence de France Info, une telle chaîne doit pouvoir s'appuyer sur une diffusion en linéaire avec des modules d'enrichissement « pour aller plus loin ». Une chaîne d'information en continu ne doit pas être une simple chaîne d'actualité. Évoquant l'exemple de la RTBF, le président de Radio France met en avant la possibilité de développer un programme de radiotélévision qui permettrait une continuité de service à moindre coût (l'équipement étant constitué d'un studio de radio complété par une douzaine de caméras automatiques). Dans cette optique, Radio France pourrait proposer de produire les tranches d'information de la matinée et de la soirée avec quelques modules dans la journée.

Votre rapporteur pour avis estime que le déficit de Radio France en 2016 reste trop important compte tenu des marges de manoeuvre conséquentes identifiées par la Cour des comptes pour réaliser des économies . C'est plus globalement l'ensemble de la trajectoire financière de retour à l'équilibre qui lui apparaît insuffisamment ambitieuse .

Votre rapporteur pour avis est tout à fait conscient des difficultés qui subsistent à Radio France après le long conflit du printemps mais il estime que c'est l'absence de choix clairs de la part de l'actionnaire qui en est à l'origine et que les personnels seraient d'autant plus enclins à accepter des réformes que le projet pour l'entreprise serait ambitieux et convainquant. Au lieu de cela, le report à plus tard des réformes indispensables risque de fragiliser encore un peu plus le climat social et d'aggraver la situation financière.


* 27 Voir l'avis n° 112 - Tome IV - Fascicule 1 a (2014-2015), p. 33.

* 28 L'analyse de ces coûts a ultérieurement démontré qu'ils étaient conformes aux pratiques compte tenu du caractère patrimonial de l'espace concerné.

* 29 « Radio France : Les raisons d'une crise, les pistes d'une réforme », rapport public thématique de la Cour des comptes, avril 2015.

* 30 Rapport précité p. 19.

* 31 Rapport précité p. 71

* 32 Selon des informations transmises à votre rapporteur pour avis, il semblerait par ailleurs que la direction de la musique soit vacante depuis plus de six mois avec pour conséquence de laisser les 500 musiciens de Radio France sans véritable perspective stratégique au moment même où des décisions importantes sont pourtant nécessaires.

* 33 Le rapport de M. Gehmacher est publié en annexe du présent avis budgétaire.

* 34 Lire le compte rendu sur le site Internet du Sénat - http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20151026/cult.html#toc4

* 35 L'entreprise avait provisionné une somme de 6 millions d'euros pour tenir compte d'un contentieux qui s'est soldé à son avantage.

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