N° 168

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 2

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

PRESSE

Par M. Patrick ABATE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

« Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue » : en cette année 2015 où, un fatal 7 janvier, cette liberté, dans son expression la plus engagée et la plus indépendante, a été dangereusement atteinte , la conviction exprimée il y a plus de deux siècles par Thomas Jefferson n'a jamais semblé si vraie.

Et pourtant, la presse souffre toujours d'une érosion de ses ventes, du vieillissement de son lectorat, de la fuite des recettes publicitaires vers d'autres supports et des contraintes, financières et technologiques, d'une mutation numérique à la fois fossoyeur et espoir de ses équilibres économiques.

Le constat est devenu lieu commun et pourtant, il se pourrait que 2016 représente le tournant tant attendu : les investissements destinés à la modernisation des structures et des méthodes de travail commencent à porter leurs fruits, le système de distribution retrouve une stabilité à laquelle peu croyaient encore et l'Agence France-Presse s'est engagée dans une réforme a minima , qui garantit à ce jour la poursuite de son activité.

Parallèlement, l'effort de l'État se renforce en faveur des quotidiens d'opinion, aux ressources publicitaires réduites à portion congrue, afin de préserver le pluralisme de l'information au bénéfice de nos concitoyens. Le renforcement du ciblage des aides directes constitue, en effet, l'un des points saillants de l'évolution des crédits du programme 180 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.

Cette embellie a pourtant une face cachée : elle porte les signes annonciateurs d'une possible rupture dans le principe de solidarité qui anime, depuis la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite « loi Bichet », la diffusion de la presse. Votre rapporteur pour avis, soucieux du maintien d'équilibres durement acquis, exhorte le Gouvernement, comme les acteurs de la filière, à les préserver.

I. LA CRISE DE LA PRESSE : QUELLE ISSUE ?

A. UN CONSTAT DEVENU HABITUEL

1. Une érosion continue de la rentabilité

La diffusion de l'ensemble des titres de presse, qui était stabilisée autour de 7 milliards d'exemplaires depuis près de vingt ans accuse, depuis 2009, une érosion spectaculaire des volumes vendus , pour se réduire à un peu plus de 4,5 milliards d'exemplaires pour l'année 2013 , selon les derniers chiffres diffusés par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture et de la communication, dans le cadre de son enquête annuelle. En comparaison, en 2000, 8,27 milliards d'exemplaires, toutes presses confondues, étaient tirés et 7,02 milliards d'exemplaires distribués.

Diffusion totale annuelle
1982-2013

Source : DGMIC - Enquête presse

L'apparition de la presse gratuite d'information et le grand nombre de titres de la presse gratuite d'annonces, qui diffusaient encore conjointement 2,53 milliards d'exemplaires en 2007 (soit 35,6 % de l'ensemble) ont, un temps, maintenu le volume global de tirage et de diffusion de la totalité de la presse, avant de subir, à leur tour, les conséquences de ce qu'il convient de nommer « la crise de la presse ».

Mutation numérique inachevée, vieillissement et attrition du lectorat, réduction drastique des investissements publicitaires : les causes de cette crise sont multiples et, pour certaines, installées pour longtemps.

* presse payante seule.

Source : Enquêtes annuelle de la DGMIC

Cette chute vertigineuse s'établit, pour l'ensemble, à près de 1,4 milliard d'objets entre 2010 et 2013, aussi bien pour le tirage que pour la diffusion. En conséquence, de nombreux titres, notamment hebdomadaires, ont disparu . En 2014, puis en 2015, la tendance n'a fait que se confirmer, entraînant une attrition parallèle du chiffre d'affaires du secteur.

Évolution des composantes du chiffre d'affaires de la presse

Source : Enquêtes DGMIC

Seule embellie constatée, les abonnements poursuivent leur progression, en proportion à défaut d'en volume, grâce au développement de la distribution par portage au domicile des abonnés . Cette évolution ne permet toutefois nullement d'enrayer la diminution globale des ventes, ni celle du chiffre d'affaires, qui pâtit dans le même temps de la réduction des recettes publicitaires.

Ensemble de la presse
Répartition des recettes

Source : DGMIC - Enquête presse

Aucun secteur de la presse n'est désormais épargné par l'érosion des volumes de tirages et de diffusion.

Diffusion totale annuelle
1982-2013

Source : DGMIC - Enquête presse

La mission confiée par le Gouvernement, en 2014, à Alexandre Jevakhoff, inspecteur général des finances, relative à l'avenir du schéma de diffusion de la presse écrite, dont le rapport est demeuré confidentiel, juge sans guère de complaisance l'avenir de la presse. Son auteur considère en effet qu' : « avant la fin de la décennie, la distribution de la presse quotidienne nationale va encore diminuer de quarante points, celle de la presse magazine de trente à trente-cinq points. De nouveaux titres disparaîtront ».

• La presse nationale d'information générale et politique

La presse quotidienne nationale représente 2 600 journalistes, dont 20 % dans la presse sportive et hippique, ainsi qu'un vaste réseau de correspondants à l'étranger. Près de huit millions de Français lisent chaque jour au moins un quotidien national en version papier.

Pour l'ensemble de la presse nationale d'information politique et générale, des tendances similaires à l'évolution globale du secteur sont observées sur la période d'étude de la DGMIC, notamment s'agissant du renforcement de la part des abonnements par rapport à la vente au numéro, et se poursuit depuis. En 2014, 212 millions d'exemplaires ont ainsi été vendus au numéro, 162 millions servis aux abonnés et 46 millions de versions PDF de journaux ont été achetées.

Presse nationale d'information générale et politique

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

Les volumes poursuivent leur recul pour la très grande majorité de titres. Selon les derniers chiffres publiés pour l'année 2014 par l'Office de justification de la diffusion de la presse française (OJD), organisme de référence pour la diffusion des médias imprimés, seuls Libération , qui a toutefois, ces dernières années, subi une attrition considérable de ses ventes, et Les Échos progressent légèrement sur les six premiers mois de l'année 2015, respectivement de 1,8 % et de 2,5 %.

L'année 2015 pourrait toutefois se révéler finalement décevante pour Libération , puisque le mois de juin 2015, où sa nouvelle formule a été lancée, a enregistré une baisse de 7,4 % de la diffusion du titre. En outre, le déficit de 9 millions d'euros constaté à la fin de l'année 2014 ayant été considéré comme insoutenable rapporté à un chiffre d'affaires de 35 millions d'euros, le titre a dû se résoudre à diminuer de 25 % sa masse salariale. L'amélioration constatée n'en apparaît donc que plus relative.

Les résultats sont particulièrement inquiétants pour Le Parisien
(- 6,2 %) et son édition nationale Aujourd'hui en France (- 6,1 %), L'Équipe
(- 2,2 %), définitivement passé en format tabloïd le 18 septembre, et La Croix (- 1,9 %). Le Monde et Le Figaro enregistrent, pour leur part, des baisses de leur diffusion inférieures à 1 %.

L'Humanité se trouve, pour sa part, dans une situation dramatique, ainsi que le confiait son directeur à votre rapporteur pour avis, en raison d'un endettement particulièrement élevé, qui nécessite un suivi régulier du titre par le tribunal de commerce. Sur un chiffre d'affaires de 29 millions d'euros, 6 millions d'euros proviennent à parts égales des aides publiques et de souscriptions de lecteurs, mais la quasi-absence de publicité et l'atonie des ventes ne suffisent plus à faire face aux charges restantes . Or, il n'est rien de moins certain que de généreux donateurs viennent en aide au titre historique, comme ce fût le cas en leur temps du groupe Lagardère et de TF1.

Par ailleurs, les recettes publicitaires, qui pesaient en 1990 plus de 50 % de l'ensemble des produits de la presse quotidienne nationale, représentent moins du tiers du chiffre d'affaires en 2014 . L'évolution la plus spectaculaire concerne les recettes d'annonces, qui ne s'établissement qu'à moins de 2 % des recettes publicitaires en 2014 contre 19 % en 1990.

• La presse locale d'information générale et politique

La presse en région représente le premier vecteur écrit d'information des Français : elle rassemble 18 millions de lecteurs quotidiens sur le seul support imprimé, soit 4,8 millions d'exemplaires vendus par jour en 2014 , pour soixante-trois titres et quatre-cent-trente éditions diffusées en métropole et en Outre-mer. On estime à 42,8 millions le nombre de personnes ayant lu, en un mois, au moins une édition locale.

Sur les 2,8 milliards d'exemplaires de presse quotidienne diffusés chaque année, 61 % sont des quotidiens locaux . Cette proportion atteint 70 %, soit 1,6 milliard d'exemplaires, pour la seule presse quotidienne d'information politique et générale (IPG).

Les éditeurs en région emploient 16 000 salariés, dont 5 000 journalistes, et 20 000 correspondants locaux.

Pour cette catégorie de presse, la part en pourcentage des recettes de vente par abonnement a presque triplé au cours des vingt dernières années, tandis que les ventes au numéro ont perdu près de quatorze points sur la période.

Presse locale d'information générale et politique

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

Les recettes de publicité, qu'il s'agisse de la publicité commerciale ou des annonces, subissent également un recul. Moins marqué que pour la presse nationale, il a cependant des conséquences évidentes sur l'évolution du chiffre d'affaires de la presse locale, qui s'établit, en 2014, à 2,3 milliards d'euros .

Le chiffre d'affaires publicitaire représentait 754 millions d'euros cette même année, dont 412 millions d'euros de publicité locale, 107 millions d'euros de publicité nationale et internationale et 235 millions d'euros provenant des annonces classées (marchés publics, avis administratifs et annonces judiciaires et légales). Le maintien du niveau de cette dernière enveloppe est source d'inquiétude pour la presse régionale , comme l'ont rappelé ses représentants à votre rapporteur pour avis, compte tenu des menaces qui pèsent sur la publication des marchés publics inférieurs à 90 000 euros et sur les annonces judicaires et légales pouvant conduire à priver ces titres d'environ 30 millions d'euros de recettes.

L'évolution du chiffre d'affaires sur 10 ans

(en millions d'euros)

Source : UPREG

• La presse spécialisée grand public

La part des abonnements y a pratiquement doublé sur la période considérée par l'enquête de la DGMIC, tout en diminuant en volume. L'évolution du pouvoir d'achat des ménages , qui demeure une variable essentielle pour les éditeurs de ce type de presse , a montré, ces dernières années, des signes d'essoufflement, conduisant, depuis 2005, les volumes de tirages à s'orienter à la baisse, tandis que la proportion d'invendus atteint près de 30 %.

Presse spécialisée grand public

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

En outre, la presse de loisirs et de divertissement a subi de plein fouet, tant en termes de diffusion (- 17,3 %) que de recettes publicitaires (-27,3 %), la concurrence de la presse en ligne et la crise économique . En conséquence, la presse magazine a, entre 2008 et 2013, perdu près de 19 % de son chiffre d'affaires, passant de 4,6 milliards d'euros à 3,7 milliards d'euros . Sur la même période, les vingt groupes les plus importants affichent un résultat courant en recul de 41 % et une capacité d'autofinancement en baisse de 46 %. Par ailleurs, près de trois cents entreprises ont disparu, conduisant à une réduction de 13 % des effectifs à 25 600 personnes environ .

Les données publiées pour l'année 2014 - diminution de 5,5 % pour la diffusion, dont - 8 % s'agissant de la vente au numéro, et de 8,7 % pour la publicité - ne sont guère plus encourageantes pour les magazines, qui, après avoir longtemps résistés à la crise du marché de la presse, en sont désormais également victimes.

• La presse spécialisée technique et professionnelle

La part des abonnements progresse également pour cette catégorie de presse - les recettes de vente au numéro y sont presque insignifiantes -, qui se caractérise par une forte part de recettes publicitaires, pratiquement à parité avec les recettes de ventes.

Ces publications occupent une place atypique dans le secteur de la presse, compte tenu de leur mode de diffusion qui les rend moins perméables aux enjeux logistiques et qui favorise leur mutation, parfois intégralement numérique. Pour autant, cette catégorie est également en difficulté : en 2014, leur diffusion a diminué de 7,5 %, leur pagination publicitaire de 5,7 % et leur chiffre d'affaires de 1,2 %.

Presse spécialisée technique et professionnelle

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

2. Une évolution du marché publicitaire défavorable à la presse

2009 représente une année de rupture , où les recettes publicitaires chutèrent brutalement de 12,5 % dans l'ensemble des médias. Depuis, les supports traditionnels demeurent à la peine, concurrencés par les nouveaux supports et leur capacité à proposer une offre publicitaire quasiment personnalisée aux lecteurs.

Selon la récente étude publiée par l'Institut de recherches et d'études publicitaires (IREP) sur le marché publicitaire français en 2014, le mobile représente le média le plus dynamique ; il enregistre une augmentation de 35 % de ses investissements publicitaires.

L'Internet search (liens promotionnels) bénéficie, pour sa part, d'une augmentation de 4 % des investissements réalisés par les annonceurs, après une hausse de 4,7 % enregistrée en 2013. De même, l'Internet display (bannières) connaît une hausse de 1,8 % sur l'année, après un léger recul en 2013.

Les médias classiques apparaissent, en revanche, en difficulté, même si, pour la première fois depuis 2011, les recettes publicitaires de la télévision connaissent une appréciable stabilité (+ 0,1 % contre - 3,5 % en 2013). Ainsi, la radio subit un recul de 1,4 %, après une baisse de 0,4 % l'année précédente et le cinéma voit ses recettes publicitaires poursuivre leur spectaculaire contraction (- 9,6 % en 2014, après une baisse de 13,3 % en 2013).

Enfin, le secteur de la presse apparaît fort peu florissant en matière publicitaire. Les investissements des annonceurs reculent chaque année depuis 2007 et la diminution enregistrée en 2014 atteint le niveau peu rassurant de 8,7 %.

Pour la troisième année consécutive, la presse est dépassée par la télévision comme premier support investi par les annonceurs (3,2 milliards d'euros pour la télévision, contre 2,7 milliards d'euros pour la presse ). En 2014, à titre de comparaison, sur un marché publicitaire de 13,2 milliards d'euros, l'Internet display et search ont respectivement reçu 640 millions d'euros et 1,7 milliard d'euros d'investissements publicitaires ; la radio 736 millions d'euros. Le mobile, avec 92 millions d'euros de publicité, double pour la première fois le cinéma (81 millions d'euros).

Conjoncture 2014

Source : Union de la Presse en Région

Si les médias traditionnels sont encore préférés en volume par les annonceurs, la diminution constante de la part des investissements qui leur est dédiée, dans un contexte où ces investissements eux-mêmes reculent progressivement, aura pour conséquence, dans les années à venir, d'établir les supports numériques comme premiers médiums publicitaires .

Dans un contexte économique légèrement plus optimiste en 2015 , caractérisé, au premier trimestre, par un produit intérieur brut (PIB) en augmentation de 0,6 % (après une stagnation en 2014) et une consommation des ménages en hausse de 0,9 %), les résultats du marché publicitaire du premier trimestre accusent pourtant un recul de 2,9 %, moins important toutefois que celui enregistré en 2014 à la même époque (- 4,5 %).

La tendance des médias historiques demeure donc à la baisse au regard des données disponibles au premier semestre 2015 : la radio enregistre une diminution des recettes de 4,6 % contre une augmentation de 0,8 % au premier semestre 2014, tandis que les ressources publicitaires du cinéma poursuivent leur impressionnante érosion (- 9 %). La presse suit également la tendance avec une baisse de - 8,5 % de ses recettes publicitaires . Seule la télévision semble protégée de la spirale négative du marché, avec une hausse de 3 % constatée par rapport au premier semestre de 2014.

L'IREP, en conséquence de la relative embellie de l'économie française, prévoit une stagnation du marché publicitaire en 2015 puis en 2016. Les analyses rendent compte de signes encourageants pour quelques médias (télévision et publicité extérieure), confortés par l'apport de croissance provenant du digital, notamment par les supports mobiles. La publicité sur Internet et sur mobile devrait continuer de croître en 2015 et 2016, respectivement de 3,6 % puis de 3,9 %, pour représenter 30 % des investissements publicitaires dès 2016, contre 26,5 % en 2014. Les ressources de la publicité sur support numérique talonneraient ainsi celles de la télévision, qui sont prévues à 31,5 % de parts de marché en 2016.

La presse devrait cependant poursuivre son déclin, avec une baisse prévue de 4,9 % en 2015 puis de 4,1 % en 2016 , cause et conséquence de la crise structurelle que subit le secteur, mettant son modèle économique à mal par le développement du numérique et des nouvelles pratiques d'information induites.

De fait, toutes publications confondues, les recettes liées à la publicité commerciale sont entrées depuis plusieurs années dans une phase de repli. La suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions après 20 heures , si elle a nourri brièvement les espoirs de certains, n'a ainsi nullement bénéficié au secteur .

L'ensemble des publications est aujourd'hui concerné par le marasme généralisé du marché publicitaire de la presse . Pour la seule année 2014, la perte de recettes s'est établie à 9,7 % pour les quotidiens nationaux, 6,3 % pour les quotidiens régionaux, 8,8 % pour les magazines et 8 % pour la presse spécialisée. La presse locale représente encore 5,8 % des 13 milliards d'euros de recettes publicitaires plurimédia, équivalant à 22,7 % des 2,6 milliards d'euros d'investissements publicitaires dans la presse, ce qui fait d'elle la première bénéficiaire de ces recettes.

3. Un produit de luxe ?

La crise économique actuelle comme la diminution constante de leurs ventes devraient logiquement inciter les éditeurs à la prudence s'agissant de l'évolution du prix de vente facial de leurs titres . Il n'en fut toutefois généralement rien ces dernières années, face à la contrainte de compenser la perte progressive de recettes publicitaires .

L'indice global des journaux et périodiques dépasse ainsi largement depuis cinq ans - d'environ 4 ou 5 points - celui de l'ensemble général des prix à la consommation.

Prix de vente
Indice base 100 en 1998

Source : DGMIC - Enquête presse

L'indice du prix de vente des seuls quotidiens progresse un peu plus fortement que celui des magazines. Ainsi, la nouvelle formule de Libération , qui ne comprend qu'une trentaine de pages, s'affiche-t-elle à 2 euros, tandis qu'il faut débourser 1,70 euro pour acquérir un exemplaire de L'Humanité . À titre de comparaison, un abonnement à Libération revient à 60 euros par mois, contre moitié moins pour Canal + et une dizaine d'euros pour Netflix.

Prix de vente
Journaux et magazines

Source : DGMIC - Enquête presse

Le constat n'est guère différent s'agissant de la presse quotidienne en région : en 2014, outre les progrès réalisés sur le numérique, seule l'augmentation de 2,4 % du prix moyen des journaux a permis de stabiliser le chiffre d'affaires des ventes à 1,5 milliard d'euros.

Si votre rapporteur pour avis comprend la logique économique attachée à ce choix, il ne peut que s'inquiéter des conséquences d'une augmentation inconsidérée des prix, tant sur le niveau des ventes que sur la désertion d'un certain lectorat populaire pour lequel, bien souvent, le journal ou le magazine représente l'une des rares lectures.

Par ailleurs, les augmentations tarifaires sont loin d'être en adéquation avec une amélioration substantielle de la qualité ou de la quantité des contenus proposés . Pire, comme le regrettaient les responsables du Syndicat national des journalistes (SNJ) lors de leur audition, la multiplication des plans sociaux dans de nombreuses rédactions a entraîné une diminution du nombre de collaborateurs et un rajeunissement quelque peu brutal des effectifs au regard de l'importance de l'expérience et de la mémoire des dossiers dans ces métiers.

Les magazines, en particulier, emploient désormais une forte proportion de pigistes, quand ils ne font pas appel à des journalistes sous statut d'auto-entrepreneurs , afin d'éviter toute présomption de salariat consécutive à la récente jurisprudence relative aux pigistes. La qualité des publications s'en est, selon, certains, ressentie : les communiqués de presse sont souvent repris sans vérification ni modification rédactionnelle et les dépêches d'agence remplacent fréquemment l'investigation. Votre rapporteur pour avis déplore également le sort réservé par bien des éditeurs aux photojournalistes, mal rémunérés bien souvent, voire remplacés par des agences.

Sans préjuger lui-même de la qualité des contenus, votre rapporteur pour avis est favorable, à cet égard, à la proposition formulée par le SNJ de rendre obligatoire, pour les éditeurs, la signature d'une charte de déontologie applicable à l'ensemble des rédactions. Il en va de l'indépendance et de la crédibilité de la presse.

Charte d'éthique professionnelle des journalistes du SNJ - mars 2011

Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l'homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l'exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre.

Ces principes et les règles éthiques ci-après engagent chaque journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilité au sein de la chaîne éditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce. Cependant, la responsabilité du journaliste ne peut être confondue avec celle de l'éditeur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations.

Le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ; il ne peut se confondre avec la communication. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support. Il ne peut y avoir de respect des règles déontologiques sans mise en oeuvre des conditions d'exercice qu'elles nécessitent.

La notion d'urgence dans la diffusion d'une information ou d'exclusivité ne doit pas l'emporter sur le sérieux de l'enquête et la vérification des sources. La sécurité matérielle et morale est la base de l'indépendance du journaliste. Elle doit être assurée, quel que soit le contrat de travail qui le lie à l'entreprise.

L'exercice du métier à la pige bénéficie des mêmes garanties que celles dont disposent les journalistes mensualisés. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte ou exprimer une opinion contraire à sa conviction ou sa conscience professionnelle, ni aux principes et règles de cette charte.

Le journaliste accomplit tous les actes de sa profession (enquête, investigations, prise d'images et de sons, etc.) librement, a accès à toutes les sources d'information concernant les faits qui conditionnent la vie publique et voit la protection du secret de ses sources garantie.

C'est dans ces conditions qu'un journaliste digne de ce nom :


• Prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, mêmes anonymes


• Respecte la dignité des personnes et la présomption d'innocence


• Tient l'esprit critique, la véracité, l'exactitude, l'intégrité, l'équité, l'impartialité, pour les piliers de l'action journalistique ; tient l'accusation sans preuve, l'intention de nuire, l'altération des documents, la déformation des faits, le détournement d'images, le mensonge, la manipulation, la censure et l'autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles


• Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d'où qu'elles viennent


• Dispose d'un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu'il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte


• N'accepte en matière de déontologie et d'honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi


• Défend la liberté d'expression, d'opinion, de l'information, du commentaire et de la critique


• Proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l'obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public


• Ne touche pas d'argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d'être exploitées


• N'use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée


• Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication


• Cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat


• Ne sollicite pas la place d'un confrère en offrant de travailler à des conditions inférieures


• Garde le secret professionnel et protège les sources de ses informations


• Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge.

Source : SNJ

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