B. UN SECTEUR FISCALEMENT PRIVILÉGIÉ

1. Des dispositifs généralistes généreux
a) Un taux de TVA extrêmement favorable

Le taux « super-réduit » de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), réservé depuis 1977 aux quotidiens et assimilés, a été étendu à l'ensemble des périodiques à partir du 1 er janvier 1989, par l'article 88 de la loi de finances pour 1988 (article 298 septies du code général des impôts). Les ventes, commissions et courtages portant sur les publications de presse, qui remplissent les conditions prévues aux articles 72 et 73 de l'annexe III au CGI, sont soumis à la TVA au taux de 2,1 % dans les départements métropolitains, y compris la Corse, et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion. Il n'existe pas de TVA en Guyane. Le système français n'est pas le seul à être généreux en la matière : à titre de comparaison, la Grande-Bretagne applique un taux de TVA nul sur la presse.

Conformément à l'article 1 er du décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997, pour bénéficier de ce régime, les publications doivent avoir obtenu un numéro d'inscription à la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) et une décision favorable du directeur des services fiscaux prise sur demande des éditeurs intéressés. Le système s'appuie ainsi sur l'agrément de la CPPAP sur ce qui constitue ou non une publication de presse (par opposition aux prospectus). La publication doit être trimestrielle au minimum, payante et imprimée. Sont ainsi exclues, notamment, les publications violentes ou pornographiques, non reconnues par la CPPAP ; ces titres sont taxés au taux normal de TVA.

Cet avantage fiscal représente la principale masse financière des aides à la presse , avec l'aide au transport postal. Le dispositif bénéficie, à 40 %, à la presse d'information politique et générale. 1 800 entreprises en ont tiré profit en 2013, puis 1 700 en 2014, selon les chiffres publiés dans le projet annuel de performances pour 2016 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Son coût (imposition des publications de presse au taux de TVA de 2,1 % comparée à l'assujettissement au taux réduit) est évalué à 165 millions d'euros en 2016 et devrait s'établir à 160 millions d'euros en 2015. Pour 2015, le précédent projet de budget prévoyait un coût de 170 millions d'euros pour 1 800 bénéficiaires ; la dépense fiscale moindre attachée au dispositif s'explique, malheureusement, par la tendance continue à l'érosion des ventes et à la fermeture d'entreprises de presse.

La loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne a étendu l'application de la mesure à la presse en ligne , harmonisation effective au 1 er février 2014.

La dépense fiscale associée au taux « super-réduit » sur la presse en ligne a été évaluée à 5 millions d'euros en année pleine dans une étude réalisée en 2012 par le cabinet Kurt Salmon, pour un passage de TVA de 20 à 2,1 %. Ce chiffre se fondait sur une évaluation du chiffre d'affaires de la presse en ligne estimée à 100 millions d'euros, dont 30 % au titre des abonnements. Elle devait être compensée en trois ans par les rentrées fiscales supplémentaires liées à l'effet d'entraînement sur le secteur.

Mais, en appliquant unilatéralement un taux de TVA de 2,1 % aux activités de presse en ligne, la France s'est mise en contravention avec le droit européen , qui stipule que les services en ligne sont exclus du taux réduit de TVA . En effet, selon la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, chaque État peut fixer au maximum trois taux de TVA différents : un taux normal, qui ne doit pas être inférieur à 15 % et deux taux réduits, qui ne peuvent être inférieurs à 5 %.

Un taux « super-réduit » est toléré par dérogation pour les États membres qui appliquaient, au 1 er janvier 1991, des taux réduits inférieurs au seuil prévu par la directive. Mais aucun taux « super-réduit » ne peut depuis lors être appliqué à une nouvelle catégorie de biens ou de services , conformément à la clause dite « de gel » de l'article 110 de la directive, qui dispose que « les États membres qui, au 1 er janvier 1991, (...) appliquaient des taux réduits inférieurs au minimum fixé à l'article 99 [5 %] peuvent continuer à les appliquer. Les (...) taux réduits visés au premier alinéa doivent être en conformité avec la législation communautaire et avoir été adoptés pour des raisons d'intérêt social bien définies et en faveur de consommateurs finaux. »

La presse imprimée, considérée, au regard du droit européen, comme une livraison de bien bénéficie de cette clause puisqu'un taux super réduit de TVA lui était appliqué, en France, dès avant 1991.

En matière culturelle, aux termes de l'annexe III de l'article 98 de la directive (qui fixe la liste des biens et services éligibles) un taux réduit peut être appliqué aux livres, journaux et périodiques, à la réception de services de radiodiffusion et de télévision, aux prestations de service fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et aux droits d'auteur qui leur sont dus. En revanche, la vente ou la location de biens culturels en format numérique (presse en ligne, vidéo à la demande, livre numérique, musique en ligne) est considérée par la législation européenne comme la prestation d'un service fourni par voie électronique et, à ce titre, inéligible au taux réduit, et encore moins « super-réduit », de TVA.

En application du principe de neutralité qu'elle défend et en soutien à une industrie culturelle particulière, la France a cependant fait fi des règles communautaires et décidé unilatéralement d'harmoniser les taux de TVA applicable au livre via la loi de finances rectificative pour 2011, à compter du 1 er avril 2012. De 5,5 % au 1 er janvier 2012, le taux de TVA applicable au livre, papier comme numérique, est passé à 7 % à cette date, puis, à nouveau à 5,5 % au 1 er janvier 2013. La presse en ligne n'a donc fait, quelques mois plus tard, que suivre la voie ouverte par le livre numérique.

Dès lors, France n'a eu de cesse de défendre sa position auprès des instances européennes, pour des raisons, certes, de cohérence fiscale, mais également pour tenter d'éviter une sanction .

Sa voix a parfois porté. La Commission européenne, comme le Parlement européen, se sont ainsi exprimés à plusieurs reprises en faveur d'un alignement des taux de TVA pour un même bien ou service culturel , hors de toute considération relative aux supports.

Pour autant, la procédure contentieuse n'a pu être évitée : une lettre de mise en demeure a été envoyée à la France le 10 juillet 2014 s'agissant du taux de TVA applicable à la presse en ligne. Le contentieux relatif au livre numérique s'est, en outre, conclu d'une décevante façon : le 5 mars 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a fait connaître sa décision par un arrêt qui juge illégale l'application du taux réduit de TVA au livre numérique par la France comme par le Luxembourg. Le Gouvernement a pris acte de cette décision sans pour autant renoncer à promouvoir une réforme de la législation européenne favorable à la neutralité des supports.

Malgré ces signaux peu encourageants, le Gouvernement français pourrait, ce que votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux, obtenir gain de cause sur le dossier du livre numérique : le 11 mai dernier, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a ainsi exprimé aux éditeurs allemands son souhait d'harmoniser les taux de TVA s'appliquant aux supports papier et électronique sur le territoire européen.

Pour ce qui concerne la presse, selon les informations dont dispose votre rapporteur pour avis, l'extension du taux de TVA « super-réduit » à la presse en ligne pourrait finalement être acceptée par la Commission européenne. Une rencontre récente entre les représentants des éditeurs et Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et l'union douanière, en charge de cette question, a laissé quelques espoirs que prévaudra finalement la subsidiarité en matière de TVA sur les biens et services culturels.

b) Un secteur intégralement exonéré de la contribution économique territoriale

L'article 2 de la loi de finances pour 2010 a supprimé la taxe professionnelle à compter du 1 er janvier 2010 et instauré, en remplacement, la contribution économique territoriale (CET) , impôt local comprenant la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Aux termes de l'article 1458 du code général des impôts, sont exonérées de cette taxe l'ensemble des entreprises du secteur de la presse (édition et diffusion) : les publications de presse, les sociétés coopératives de messageries de presse et leurs dépositaires, les agences de presse, ainsi que les correspondants locaux de presse régionale ou départementale. Bénéficient également de cet avantage les services de presse en ligne reconnus en CPPAP et les vendeurs-colporteurs de presse.

Cet abattement est, en outre, applicable aux diffuseurs de presse , qui bénéficiaient déjà d'aménagements de la taxe professionnelle, dès lors que les collectivités territoriales concernées y consentaient.

Dans un premier temps, l'abattement applicable a été reconduit à l'identique pour le nouveau dispositif. Puis, la loi de finances rectificative pour 2013 a instauré, sur la délibération des communes et de leurs EPCI à fiscalité propre , une exonération en faveur des établissements qui vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits au Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) revêtant la qualité de diffuseurs de presse spécialiste. Cette exonération s'applique à compter des impositions de 2015, sous réserve que les collectivités concernées aient pris une délibération en ce sens avant le 1 er octobre 2014.

c) Les mesures fiscales en faveur des journalistes : l'éternel tabou

Certaines professions bénéficiaient jadis de déductions forfaitaires supplémentaires, qui s'ajoutaient à la déduction de 10 % applicable à l'ensemble des contribuables. Dans ce cadre, les journalistes bénéficiaient, depuis les années 30, d'une déduction supplémentaire de 30 %.

Ce dispositif favorable a été supprimé en 1996 . Pourtant, dès 1998, les journalistes et assimilés - rédacteurs, photographes, directeurs de journaux, critiques dramatiques et musicaux - se sont vues dotés d'un nouvel avantage, sous forme cette fois d' une allocation forfaitaire pour frais d'emploi d'un montant de 7 650 euros sur leur revenu imposable , dès lors que les intéressés exercent à titre effectif leur activité journalistique, peu importe qu'elle le soit à titre principal ou accessoire ou qu'ils possèdent une carte de presse. Concrètement, pour un journaliste en contrat à durée indéterminé rémunéré 3 775 euros bruts par mois, l'avantage fiscal est estimé à 1 850 euros pour un célibataire sans enfants ; il atteint 1 250 euros pour un pigiste rémunéré 2 280 euros bruts par mois.

Dans son rapport susmentionné sur les aides à la presse, la Cour des comptes recommandait de supprimer l'abattement pour frais professionnels des journalistes , dont le coût pour l'État s'élève à 60 millions d'euros par an.

Trois arguments sont traditionnellement avancés par les syndicats professionnels pour justifier le maintien d'une niche fiscale en leur faveur : le faible niveau de remboursement des frais professionnels par les entreprises de presse ; la nécessité de protéger leurs sources , la confidentialité de celles-ci ne leur permettant pas d'exercer aisément l'option pour le régime de déduction des frais professionnels réels et justifiés ; et la faiblesse de la rémunération des journalistes compte tenu de leur niveau d'études.

La Cour des comptes en conteste point par point le bien fondé . S'agissant du niveau de remboursement des frais professionnels, elle estime qu' « il est peu probable que les pratiques qui avaient cours il y a encore quelques décennies en matière de remboursement des frais professionnels par les entreprises de presse soient encore d'application générale de nos jours » .

Elle juge également faible l'argument relatif à la protection du secret des sources, qui « suppose que les frais imputables à l'activation des sources soient systématiquement pris en charge par les journalistes et non par les entreprises de presse, et qu'il en aille ainsi pour les quelque 37 000 journalistes, tous médias confondus, ce qui apparaît peu probable ».

Enfin, pour ce qui concerne le niveau de rémunération, la Cour des comptes relève qu'elles sont « assez proches des salaires moyens mensuels de l'ensemble des salariés ». Elle souligne, par ailleurs, que « les rémunérations de la profession n'ont pas connu de dégradation notable sur la période 2000-2011 (...) . La profession de journaliste ne semble donc pas défavorisée d'un point de vue salarial » , même si « la situation des journalistes pigistes ou en contrat à durée déterminée, en particulier des jeunes journalistes, pourrait conduire à nuancer sensiblement ce constat. »

La Cour des comptes conclut son argumentaire par une double remarque : d'une part, l'État n'a pas pour mission de compenser d'éventuelles lacunes en matière de remboursements de frais professionnels ou d'un niveau jugé insuffisant de rémunération au sein d'un secteur professionnel ; d'autre part, « ne faisant pas l'objet d'une modulation en fonction du niveau de rémunération, la mesure fiscale concernée apparaît discutable du point de vue de l'égalité des contribuables devant l'impôt. »

Votre rapporteur pour avis ne peut que constater que la situation des journalistes constitue une particularité au regard de l'impôt, qui mérite à tout le moins une réflexion avec la profession . Il estime cependant qu'une réforme du dispositif ne saurait être envisagée sur le motif d'une réduction des dépenses fiscales de l'État défavorable au pouvoir d'achat des journalistes. Il s'agit bien plutôt de considérer une solution socialement plus juste pour les plus fragiles (jeunes professionnels, pigistes, photojournalistes, etc.).

2. Des mesures ciblées efficaces en faveur de la presse d'information politique et générale
a) Un dispositif ancien de provision pour investissement qu'il convient de maintenir

Le dispositif de provision pour investissement prévu à l'article 39 bis A du code général des impôts a été institué en 1945, puis pérennisé par la loi de finances pour 1953. Il a été continuellement reconduit depuis lors et étendu, par la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, aux services de presse en ligne et aux dépenses de recherche et développement . La loi de finances rectificative pour 2014 a prorogé le dispositif jusqu'en 2017.

Les entreprises exploitant, soit un journal quotidien, soit une publication de périodicité au maximum mensuelle consacrée pour une large part à l'information politique et générale, soit un service de presse en ligne reconnu par la CPPAP et consacré pour une large part à l'information politique et générale, sont autorisées à constituer une provision déductible du résultat imposable, en vue de faire face à différentes dépenses d'investissement. Ces dépenses doivent être réalisées avant la fin de la cinquième année suivant celle de la constitution de la provision et ne sont prise en compte que pour la partie des journaux ou des publications que les entreprises impriment dans un État membre de l'Union européenne.

Les sommes déduites sont limitées à 30 % du bénéfice de l'exercice concerné pour la généralité des publications et pour les services de presse en ligne reconnus et à 60 % pour les quotidiens et publications assimilées (titres de presse hebdomadaire régionale), dans la limite du financement d'une fraction du prix de revient des immobilisations qui y sont définies. Le montant de la dépense fiscale s'établit à 2 millions d'euros en 2014 comme 2015 , au bénéfice de quatre-vingt-treize entreprises de presse.

Le dispositif a vocation à corriger l'une des faiblesses traditionnelles du secteur de la presse, qui réside dans ses difficultés à mobiliser des capitaux suffisants pour développer des projets d'investissements, notamment par un défaut récurrent de fonds propres . Il demeure donc indispensable à un moment où le secteur cherche encore un équilibre économique durable et doit faire face aux défis technologiques, qui imposent un changement radical dans la production et la diffusion des contenus de presse.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis salue son maintien dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, dans l'attente de la mise en oeuvre éventuelle d'une autre solution au bénéfice de l'investissement des entreprises de presse . Pour mémoire, le rapport de la Cour des comptes sur les aides de l'État à la presse écrite, remis en juillet 2013, préconisait d'évaluer la pertinence de cette mesure fiscale, peu coûteuse au demeurant, et de la supprimer si son efficacité n'était pas démontrée au regard de l'objectif poursuivi.

Il pourrait, en outre, s'avérer utile, dans un objectif tant économique que sociétal de reconquête du jeune lectorat par la presse d'information politique et générale, d' étendre le bénéfice de cet avantage fiscal, pour un coût qui demeurerait modeste, à la presse destinée à la jeunesse.

b) Le recours croissant au mécénat et au soutien des lecteurs

Le régime fiscal du mécénat a été installé par la loi du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Depuis un rescrit du ministère des finances de 2007 , son bénéfice a été étendu aux dons versés à une association redistributrice, en vue de prendre des participations minoritaires dans des entreprises de presse.

En avril 2009, après les conclusions des États généraux de la presse écrite, le rescrit a été adapté pour rendre éligibles au dispositif les dons permettant d'octroyer des prêts (dans la limite fixée par la réglementation applicable) ou des subventions aux entreprises de presse. Ces dispositions ont été étendues en 2011 au bénéfice des entreprises de presse en ligne.

Elles ont depuis trouvé une consécration législative avec l'adoption à l'initiative du Sénat de « l'amendement Charb », au sein de la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Dans ce cadre, les dons et versements de particuliers aux associations d'intérêt général exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse, par la prise de participations minoritaires, l'octroi de subventions ou encore de prêts bonifiés à des entreprises de presse d'information politique et générale au sens de l'article 39 bis A précité du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable . Le dispositif s'applique identiquement pour les fonds de dotation conduisant les mêmes actions.

Les dons peuvent être nominatifs (le donateur indique alors l'affectation du don) ou généraux (le montant des dons est affecté par un comité d'orientation). Sur un total d'environ 25 500 versements reçus en 2014, 99,6 % étaient fléchés en faveur d'un titre particulier .

En pratique, les dons en faveur des entreprises de presse sont gérés par deux associations.

- l'association Presse et Pluralisme a été créée en décembre 2007, à l'initiative des principaux syndicats de la presse française imprimée. Cette association a pour vocation d' « oeuvrer en faveur du pluralisme de la presse payante en France » , par des actions financées par appel au don . Selon les données de l'association, ce mécanisme a bénéficié à quarante-trois titres en 2014 pour un montant 3,3 millions d'euros. Dans ce cadre, dix-huit titres ont eu recours aux dons en ligne en 2014. Bien que les montants perçus soient alors plus faibles, ils ont atteint 14,7 % du montant total des dons en 2014. L'année 2015 devrait faire état d'un bilan quelque peu particulier, en raison de la mobilisation sans précédent en faveur de Charlie Hebdo , à la suite de l'attentat qui a touché sa rédaction ;

La mobilisation en faveur de Charlie Hebdo

Presse et Pluralisme s'est engagée en soutien à Charlie Hebdo quelques heures après l'attentat du 7 janvier 2015. L'association a fait face à l'urgence et aux besoins du titre, en redimensionnant le dispositif de paiement - administré par la Caisse des dépôts et consignations - pour répondre à l'afflux considérable de dons (38 000 au total, par chèque ou paiement en ligne).

Ainsi, avec l'accord unanime de son comité d'orientation, présidé par Élisabeth Guigou, a été décidé d'apporter un concours immédiat de 200 000 euros pour que puisse être publié le numéro « historique » du 14 janvier.

L'association a également créé le site www.jaidecharlie.fr, sur lequel 28 000 dons en ligne ont été effectués. Le mouvement de solidarité a été considérable : plus d'1 million d'euros de dons en ligne ont collectés dans les cinq jours qui ont suivi l'attentat et 1,7 million d'euros rassemblés en seulement deux semaines.

Au-delà de la France, d'où provenaient 87 % des versements, les dons ont été reçus de plus de quatre-vingt pays pour un total de 2,7 millions d'euros reversés par Presse et Pluralisme à Charlie Hebdo .

- l'association J'aime l'info est née en 2011 à l'initiative de la presse en ligne et notamment du Syndicat de la presse d'information indépendante en ligne (SPIIL) et du site Rue89. Le site de l'association recense 163 sites de presse inscrits. En 2014, vingt-deux sites ont bénéficié de dons pour un total de 147 402 euros.

Outre le dispositif dit « Charb », la loi du 17 avril 2015 susmentionnée a introduit dans le code général des impôts un article 199 terdecies 0C, qui institue une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des particuliers qui souscrivent au capital d'entreprises de presse exploitant indifféremment une publication papier ou un service de presse en ligne et relevant de l'article 39 bis A du code général des impôts.

Le taux de la réduction d'impôt sur le revenu est fixé à 30 %, dans la limite d'un plafond de versement de 1 000 euros par an pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 2 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

Conformément au décret n° 2015-895 du 22 juillet 2015, le taux est porté à 50 % quand les souscriptions sont effectuées au capital d'entreprises solidaires de presse d'information (ESPI) au sens de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. Ce nouveau statut, créé par la loi du 17 avril 2015 portant modernisation du secteur de la presse, s'inspire des modes de gestion de l'économie sociale et solidaire, qui proscrivent le profit individuel pour lui préférer le réinvestissement des résultats dans le développement de l'entreprise.

Deux conditions préalables sont nécessaires à sa reconnaissance : l'édition d'une ou plusieurs publications de presse ou services de presse en ligne consacrée pour une large part à l'information politique et générale et l'affectation d'au moins 20 % des bénéfices de l'exercice à la constitution d'une réserve statutaire obligatoire consacrée au maintien ou au développement de l'activité de l'entreprise et de 50 % de ces bénéfices au report bénéficiaire et à la réserve obligatoire.

Il s'agit donc de sécuriser à la fois le capital de l'entreprise et la réaffectation des éventuels bénéfices. Le nouvel avantage fiscal régi par l'article 199 terdecies 0C est particulièrement destiné aux particuliers qui souhaitent, en contrepartie d'un montant d'investissement peu élevé, s'engager dans des projets en faveur du développement de la presse écrite et de la protection du pluralisme de l'information.

En juin dernier, Charlie Hebdo a été la première entreprise de presse à adopter ce nouveau statut, proche de celui de « société de média à but non lucratif », intermédiaire entre la fondation et la société par actions, proposé par Julia Cagé, professeure d'économie et membre de la Commission économique de la nation, dans son ouvrage « Sauver les médias » publié en février 2015.

Ces deux dispositifs, dont votre rapporteur pour avis salue respectivement la sécurisation juridique et la création par la loi du 17 avril 2015, devraient contribuer à renforcer le pluralisme et à mieux soutenir la presse d'information généraliste en vue d'éclairer, par une information indépendante et de qualité, le jugement des citoyens .

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