III. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU RÉGIME JURIDIQUE POUR LES CAMÉRAS MOBILES

L'article 32 du projet de loi instaure un régime juridique des caméras mobiles utilisées par les forces de police et de gendarmerie pour enregistrer certaines interventions difficiles.

A. UNE EXPÉRIMENTATION CONCLUANTE

Les caméras individuelles, dites « caméras piétons », ont fait l'objet d'une expérimentation par les agents de la police nationale et par les militaires de la gendarmerie nationale à compter de 2013. Actuellement, la gendarmerie nationale dispose ainsi de 573 caméras portées par des gendarmes au sein des zones de sécurité prioritaire . Selon le sous-directeur de la police judiciaire de la gendarmerie nationale, entendu par votre rapporteur, le bilan de l'utilisation de ces équipements est très positif. Ils permettent en particulier un rapide abaissement des tensions lors de situations difficiles. Ils constituent également un outil utile pour l'identification des personnes mises en cause et permettent d'accréditer les propos des gendarmes à la suite d'une interpellation.

Le Premier ministre a annoncé la généralisation de ce dispositif à toutes les patrouilles et unités de police et de gendarmerie en intervention opérationnelle le 26 octobre 2015.

Toutefois, il restait à mettre en place un régime juridique adéquat pour cette technique, celui de la vidéosurveillance ou vidéoprotection, issu de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, étant inadapté car très protecteur du fait du caractère plus attentatoire aux libertés publique d'un enregistrement permanent et non ponctuel d'images sur la voie publique. Inversement, les caméras piétons peuvent servir dans des lieux privés, ce qui n'est pas le cas de la vidéosurveillance, et permettent non seulement de capter des images mais aussi des sons.

Notons que le Sénat a adopté une définition du régime des caméras piétons lors de l'examen de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, déposée par M. Gilles Savary et plusieurs de ses collègues devant l'Assemblée nationale le 7 octobre 2015. L'article 1 er ter de ce texte, adopté par la commission mixte paritaire, régit l'usage des enregistreurs individuels par les personnels de sûreté des entreprises de transport public selon des modalités comparables à celles prévues par le présent projet de loi.

Le régime juridique nécessaire relève bien de la loi dans la mesure où l'enregistrement des images et des paroles des personnes filmées et la conservation de données à caractère personnel constituent des atteintes à la vie privée , qui constitue une liberté publique protégée tant par l'article 34 de la Constitution, qui prévoit la compétence du législateur, que par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. De même, l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'admet l'ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance que si celle-ci est prévue par la loi et si elle constitue une mesure « nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Enfin, rappelons que le Conseil constitutionnel considère que la prévention des infractions et la recherche de leurs auteurs sont bien des objectifs de valeur constitutionnelle, et qu'il relève de la compétence du législateur de concilier ces objectifs avec le respect des libertés publiques.

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