C. UN FONDS DE CONCOURS QUI RESTE INABOUTI

En plus de sa dotation budgétaire, la Mildeca dispose d'une seconde ressource : un fonds de concours alimenté par le produit de la vente des biens saisis et confisqués par les tribunaux dans le cadre d'affaires de trafic de stupéfiants. Mis en place à partir du milieu des années 2000, son produit a dans un premier temps été limité en raison du manque de connaissance des magistrats à son sujet et de la complexité des procédures pour l'alimenter.

À partir de 2010, une réforme essentielle a permis d'améliorer le rendement du fonds de concours : la création de l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) 12 ( * ) , seule compétente (en théorie, cf. infra ) pour abonder le fonds de concours. Elle est chargée de la gestion des fonds et biens dont la saisie a été ordonnée au cours d'une enquête par un magistrat et de la vente de ceux confisqués définitivement en application d'une décision de justice, essentiellement du numéraire et des comptes bancaires, mais également des biens mobiliers (véhicules, etc.) et immobiliers.

Évolution du montant des sommes déléguées par la Mildeca au titre du fonds de concours depuis 2010

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Sommes déléguées
(en millions d'euros)

11,09

21,07

22,77

9,67

11,12

13,26

14,07

Note : les sommes déléguées et consommées en année N correspondent aux crédits rattachés au fonds de concours en année N-1

Source : Mildeca

Après avoir dépassé 20 millions d'euros par an en 2010 et 2011, en raison de l'apurement par les tribunaux des biens confisqués dans le cadre d'affaires définitivement jugées au cours des années antérieures, le fonds de concours s'est stabilisé ces dernières années aux alentours de 14 millions d'euros . Sachant que les crédits rattachés à la Mildeca à ce titre en année N sont redistribués et consommés l'année suivante, son montant a atteint en 2015, sur la base des saisies de 2014, 13,26 millions d'euros et, pour 2016 grâce aux sommes obtenues en 2015, 14,07 millions d'euros . Au 1 er novembre 2016, l'Agrasc avait déjà versé à la Mildeca 10,08 millions d'euros, qui seront délégués en 2017.

En application d'une décision interministérielle du 15 février 2007, les crédits du fonds de concours sont répartis , selon une clé inchangée depuis lors, entre les ministères participant à la lutte contre le trafic de stupéfiants et la Mildeca à hauteur de :

- 35 % pour la police (direction générale de la police nationale) ;

- 25 % pour la gendarmerie (direction générale de la gendarmerie nationale) ;

- 20 % pour la justice (directions de l'administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse, des affaires civiles et des grâces, des services judiciaires, école nationale de la magistrature, école nationale de l'administration pénitentiaire, secrétariat général) ;

- 10 % pour les douanes (direction générale des douanes et des droits indirects).

La Mildeca conserve les 10 % restants, qu'elle consacre au financement d'actions de prévention et qui sont complétés, en fin d'exercice, par les autorisations d'engagement non engagées par leurs bénéficiaires. Ainsi, en 2016, la police nationale a perçu 4,93 millions d'euros , la gendarmerie 3,52 millions d'euros , le ministère de la justice 2,81 millions d'euros et les douanes 1,41 million d'euros .

Ces sommes sont consacrées au financement de matériel destiné aux services impliqués dans la lutte contre le trafic de stupéfiants , afin de renforcer leurs capacités opérationnelles, que ce soit en matière d'investigation ou de renseignement. Elles permettent également d'améliorer la formation des personnels et de développer la coopération internationale. À titre d'exemple, devraient être financée, en 2016, l'acquisition, par la police, de moyens de déplacement et de filature ou encore de matériel informatique, d'outils de communication sécurisés pour la gendarmerie ainsi qu'une initiative de coopération judiciaire avec le Maroc pour la magistrature.

La Mildeca a pour sa part bénéficié en 2016 de 1,41 million d'euros . Votre rapporteur pour avis tient à réitérer sa position de principe sur ce fonds de concours : il ne saurait justifier la diminution des crédits budgétaires que la Mildeca subit depuis plus de cinq ans . Son objet est bien plus circonscrit que le champ de l'action interministérielle contre les drogues et les conduites addictives et l'approche intégrée sur laquelle elle repose. En effet , 90 % de son total vient soutenir l'action des services chargés de l'application de la loi et compenser la baisse de leurs moyens.

De plus, plusieurs constats récents de la Mildeca permettent d'affirmer que d'importants progrès pourraient encore être réalisés dans le pilotage et l'alimentation du fonds de concours , afin d'en augmenter le montant et, à terme, d'améliorer l'efficacité de la lutte contre les trafics. Tout d'abord, ainsi que l'a souligné à votre rapporteur pour avis le directeur général de l'Agrasc, celle-ci n'est pas le seul organisme à contribuer au fonds de concours. Selon la Mildeca, en 2015, 72 % des versements ont été effectués par cette dernière, 18,6 % par les Domaines et 8,5 % directement par les juridictions . Ainsi, dans certaines procédures où des sommes ne sont pas saisies mais directement confisquées 13 ( * ) , le greffe du tribunal concerné peut les verser directement au fonds de concours, sans l'intermédiaire de l'Agrasc.

Dans un souci de lisibilité et de cohérence des pratiques judiciaires en matière de saisie et de confiscation, il conviendrait de confier cette responsabilité à la seule Agrasc , qui est déjà chargée, en application du 2° de l'article 706-160 du code de procédure pénale, de la gestion centralisée de toutes les sommes saisies lors de procédures pénales.

Par ailleurs, il est apparu que 20 % des juridictions ne contribuent pas au fonds de concours , certaines, notamment en Corse ou outre-mer, ne procédant presque à aucune confiscation. Cette application très variable des possibilités offertes par la loi pour sanctionner sur leur patrimoine les personnes condamnées pour trafic de stupéfiants est pour le moins étonnante, malgré les progrès réalisés dans ce domaine depuis 2010. Aux yeux de votre rapporteur pour avis, il convient aujourd'hui de passer outre les particularismes locaux et d' assurer sur ce point une administration de la justice cohérente sur tout le territoire de la République . Il appartient au ministère de la justice d'étudier les origines de ces divergences et de les corriger.

De même, il est à noter que l'évolution du fonds de concours entre 2014 et 2015 (+ 9,4 %) est inférieure à celle du montant total des saisies des avoirs criminels sur la même période (+ 14 %). Il est donc probable qu'une mauvaise identification d'une partie de ces saisies entraine leur versement directement au budget de l'Etat, au détriment de la Mildeca , de la prévention et de la lutte contre les trafics. La traçabilité des biens saisis doit donc être garantie afin que le fonds de concours reflète avec précision l'activité des services enquêteurs et des juridictions et que soient attribués à ces derniers, à due proportion de leur implication dans l'application de la loi, des moyens supplémentaires pour remplir leurs missions.


* 12 Par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

* 13 Par exemple en cas de comparution immédiate.

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