D. UNE AMÉLIORATION DU PILOTAGE TERRITORIAL DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES DROGUES ET LES CONDUITES ADDICTIVES À POURSUIVRE

La politique interministérielle de prévention des addictions prend la forme, au niveau territorial , du financement par des chefs de projet - traditionnellement les directeurs de cabinet des préfets de département et de région - d'initiatives locales portées par des structures associatives grâce à des crédits dévolus par la Mildeca (cf. supra ). En baisse de 6,6 % entre 2016 et 2017, ils devraient néanmoins représenter près de 55 % de la dotation budgétaire de la Mildeca , hors dépenses de personnel, soit 8,5 millions d'euros sur 15,5 millions d'euros .

Coeur de l'action de la Mildeca, cet échelon trop longtemps négligé est depuis plusieurs années en voie de modernisation . Dans le cadre de la modernisation de l'action publique (Map), une évaluation du pilotage territorial de la politique de prévention et de lutte contre la toxicomanie a été réalisée en 2014 par l'inspection générale des affaires sociales (Igas), l'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) 14 ( * ) . Après avoir fait le constat sévère de la « faible maturité » du système de pilotage interministériel, de l'absence de stratégies régionales reposant sur des diagnostics locaux et du « saupoudrage financier » lié à la reconduction automatique de projets mal évalués, ce rapport proposait de revoir complètement l'architecture de cette politique , soit en créant une instance de pilotage régional qui serait secondée par l'ARS, soit au contraire en déléguant les crédits directement aux différents ministères, sous la conduite des administrations centrales concernées.

Sans que ces scénarios soient retenus par la Mildeca, cette dernière a néanmoins dû convenir de la justesse des remarques formulées par cette mission , en particulier le manque de disponibilité des chefs de projet , pour qui cette tâche vient s'ajouter à leurs responsabilités au sein des préfectures et à laquelle ils ne peuvent consacrer qu'à peine 1 % de leur temps 15 ( * ) . Il importait donc de développer , au sein de la Mildeca, des capacités d'appui et d' améliorer la coopération entre les chefs de projet , sous l'égide de l'échelon régional.

En effet, l'efficacité de cette politique territoriale est mesurée chaque année dans le cadre du PLF. L'amélioration de la coordination des actions interministérielles de lutte contre les drogues et les toxicomanies est l'un des objectifs de performance associés au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Son évaluation repose sur la capacité des chefs de projet à mobiliser des cofinancements locaux , en complément de la dotation de la Mildeca 16 ( * ) . Ainsi, le montant des crédits apportés par les partenaires locaux représentait 67 % du financement global des actions de prévention territoriales en 2015 (17,95 millions d'euros sur 27,13 millions d'euros, la différence étant constituée par la dotation de 9,18 millions d'euros de la Mildeca). L'objectif est de parvenir à 69 % en 2017 et d'atteindre, à terme, 70 % .

La Mildeca a apporté plusieurs modifications importantes au fonctionnement de son réseau de chefs de projet, afin de le dynamiser . Dès 2013, elle a régionalisé les financements qu'elle apporte, confiant aux chefs de projet régionaux, placés auprès du préfet de région, le soin de répartir leur dotation entre les départements, de coordonner leurs actions et d'assurer leur cohérence territoriale. Elle a ensuite insisté pour que les chefs de projet développent l'effet de levier des crédits dont ils disposent 17 ( * ) , les invitant à les orienter vers les publics désignés comme prioritaires 18 ( * ) par le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017 (cf. infra ). La circulaire d'orientation 2016 rappelle également la nécessité de réévaluer chaque année les subventions versées et de favoriser les projets visant à mettre en place une prise en charge sur la durée des personnes exposées aux addictions.

Les critères de répartition des dotations régionales de la Mildeca

La modulation de la dotation annuelle attribuée par la Mildeca aux chefs de projet régionaux est réalisée selon quatre critères :

- une enveloppe forfaitaire par région , pour prendre en compte la dimension régionale ;

- le nombre de départements couverts , pour prendre en compte la dimension départementale ;

- l' effectif de la population de moins de 20 ans , principale cible de la politique de prévention ;

- le nombre de jeunes âgés de 17 ans concernés par les usages quotidiens de tabac, réguliers de cannabis et par les ivresses répétées.

Source : Mildeca

En 2015, sur les 9,18 millions d'euros délégués par la Mildeca, 49 % ont été consacrés à la prévention , 18 % à l'application de la loi , 17 % à l'accompagnement des populations les plus vulnérables et 5 % à la formation , qui sont les quatre domaines dans lesquels ces fonds peuvent être mobilisés. S'agissant des financements extérieurs , qui se sont élevés à 17,95 millions d'euros , les principaux contributeurs furent les ARS (31 %) et les collectivités territoriales (27 %). La majorité (53 %) des projets retenus ont été initiés par des associations . Enfin, le pilotage départemental et régional s'est développé puisqu'un comité de pilotage a été réuni dans 69 % des départements et 80 % des régions.

Si ces résultats peuvent sembler encourageants, plusieurs fragilités de cette politique , héritages de pratiques anciennes, n'ont pas encore été corrigées . Ainsi, les crédits de prévention restent encore utilisés , dans certains départements, pour financer l'achat de matériel d'investigation pour les forces de l'ordre ou des consultations médicales d'examen des personnes en état d'ivresse publique et manifeste, qui devraient pourtant relever d'un financement de droit commun des services concernés . 52 % des projets soutenus sont des reconductions de l'année précédente, ce qui constitue une amélioration par rapport au taux de 56 % observé en 2014. En revanche, la part des départements ayant réalisé l'évaluation d'au moins un projet a chuté de 57 % en 2014 à 50 % en 2015. De plus, la Mildeca elle-même souligne que, lorsqu'elles sont conduites, ces évaluations, qui ne sont pas à même de mesurer l'impact à long terme de l'action financée, reposent sur une logique quantitative . Enfin, seule une minorité de chefs de projet départementaux (25 %) a pu bénéficier d'un diagnostic local de la situation des addictions pour définir une stratégie pertinente visant à répondre aux enjeux locaux en la matière.

La réforme de la politique territoriale de lutte contre les drogues et les conduites addictives reste donc inachevée . Comme l'an dernier, votre rapporteur pour avis appelle la Mildeca à la poursuivre et à corriger les faiblesses qui persistent , qu'il s'agisse de l'évaluation lacunaire des actions financées ou du manque de connaissance des phénomènes addictifs locaux . Dans quatre régions pilotes (Occitanie ; Centre-Val de Loire ; Hauts-de-France ; Pays-de-la-Loire), elle a engagé une nouvelle étape de la modernisation de ce volet de son action, qui repose notamment sur l'adoption de nouvelles méthodes de travail : recours à des conventions pluriannuelles avec les organismes retenus dans le cadre des appels à projet, partenariat avec le service civique, cofinancement d'actions avec le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) et développement de l'évaluation des actions financées.

L'impact de la réforme territoriale , avec la création des douze grandes régions métropolitaines, doit également être pris en compte. Sur ce point, un équilibre doit être trouvé afin que les plus petits départements ne soient pas délaissés au profit des zones urbaines plus peuplées. Si les addictions peuvent y paraître moins prégnantes, elles y sont en réalité en expansion. Les contraintes particulières liées à la mise en place d'une politique de prévention dans ces territoires (faible densité de population, éloignement, relief, etc.) ne doivent pas être négligées, et les chefs de projet doivent disposer des moyens appropriés pour y parvenir. Il apparaît par ailleurs indispensable de s'appuyer davantage sur l'OFDT pour établir des diagnostics locaux permettant de mieux cibler les appels à projet sur les problématiques spécifiques à chaque territoire.


* 14 Marie Morel, Isabelle Yeni (Igas), Olivier Diederichs, Anne Tagand (IGA), Françoise Pieri-Gauthier, Catherine Mocko (IGSJ), « Evaluation du pilotage territorial de la politique de prévention et de lutte contre les drogues et la toxicomanie », mars 2014.

* 15 Ibid., p. 17.

* 16 Indicateur 4.1 : « Niveau de mobilisation des partenaires locaux dans la lutte contre les drogues ».

* 17 Une subvention ne pouvant cofinancer une action à plus de 80 %.

* 18 Les populations en errance, les femmes usagères de drogue et les jeunes.

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