II. UNE POLITIQUE PUBLIQUE QUI NE FAIBLIT PAS

A. LE CNC, MAÎTRE D'oeUVRE DU SOUTIEN PUBLIC

Si le budget de l'opérateur ne sera définitivement adopté par son conseil d'administration qu'au mois de novembre, le document stratégique de performance du CNC transmis au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 fait état d'une prévision de rendement des taxes destinées à l'opérateur de 671,1 millions d'euros (+ 0,7 %).

Estimation du produit des taxes pour 2017

Source : CNC - Rapport et perspectives 2015 - 2017 - Document stratégique de performance

À ce montant, s'ajoutera la mobilisation, à hauteur de 36 millions d'euros, de la réserve de solidarité pluriannuelle constituée au bilan du CNC et des sommes issues de deux taxes à caractère dissuasif et de faible rapport : les prélèvements spéciaux sur les bénéfices résultant de la production, de la distribution ou de la représentation de films pornographiques ou d'incitation à la violence, ainsi que les sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par le CSA à l'encontre des éditeurs de services de télévision qui n'ont pas respecté leurs obligations.

Avec un montant total de crédits de 707 millions d'euros, en augmentation de près de 5 % par rapport à 2016 , l'opérateur sera en mesure d'accompagner la croissance du volume de production découlant de la progression des investissements dans le cinéma et l'audiovisuel, mais également de mettre en oeuvre de nouvelles réformes.

1. Des recettes au dynamisme inégal
a) La taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision
(1) La taxe éditeurs

La taxe éditeurs, recouvrée et contrôlée directement par le CNC , est assise sur les recettes de publicité et de parrainage - y compris sur les services de télévision de rattrapage (déduction faite de 4 % pour frais de régie) - celles issues des appels surtaxés et des services interactifs (SMS), sur le produit de la contribution à l'audiovisuel public et sur les autres ressources publiques, notamment les dotations budgétaires. Le taux de la taxe est de 5,5 % de l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 11 millions d'euros (16 millions d'euros pour les chaînes qui ne bénéficient pas de ressources provenant de la diffusion de messages publicitaires). Une majoration de 0,2 point s'applique aux chaînes diffusées en haute définition et une majoration de 0,1 point à la diffusion en télévision mobile personnelle.

La liquidation de la TST éditeurs, comme celles de la TST distributeurs, s'effectue sur la base de onze acomptes versés en année N , basés sur le montant de la taxe due au titre de l'année N-1 majoré de 5 % . Le solde de la taxe due au titre de l'année N est versé au début de l'année N+1, ajusté en fonction du chiffre d'affaires de l'année N déclaré. La suspension du versement des acomptes est possible si le redevable estime avoir payé son dû en cours d'année, avec toutefois une pénalité éventuelle si l'écart entre la TST due et la TST versée est supérieur à 20 %.

La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a sécurisé l'assiette de la taxe s'agissant des recettes de SMS et de télévision de rattrapage , compte tenu des stratégies d'optimisation fiscale mises en oeuvre par certains éditeurs, qui en ont filialisé l'encaissement.

Le chiffre d'affaires des SMS échappant ainsi à l'assiette de la taxe était estimé à 34,6 millions d'euros en 2015 . Les recettes issues de la télévision de rattrapage échappant aujourd'hui à l'assiette de la taxe car encaissées par les filiales Internet des chaînes étaient, cette même année, estimées à 59,5 millions d'euros. Après sa notification à la Commission européenne, la mesure est entrée en vigueur le 17 mars 2016.

La prévision de TST éditeurs pour 2017 est fondée, compte tenu des données du marché et des chiffres d'affaires communiqués par les opérateurs au titre du premier semestre 2016, sur une hypothèse de léger recul de l'assiette imposable des éditeurs historiques (- 0,1 %) et de progression de 5 % de l'assiette imposable des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) . Une progression limitée (+ 2 %) de l'assiette des SMS et de la télévision de rattrapage est également attendue.

En conséquence, le produit de la taxe éditeurs pour 2017 est estimé à 295,6 millions d'euros , soit une progression de 7,8 % par rapport à 2016 liée aux mesures de rebasage prises en loi de finances pour 2016.

(2) La TST distributeurs

La taxe distributeurs est assise, d'une part, sur les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision (ces abonnements et autres sommes font l'objet d'un abattement de 10 %), et, d'autre part, sur les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération de services souscrits dans le cadre d'offres destinées au grand public, composites ou de toute autre nature, donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie , dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision (ces abonnements et autres sommes font l'objet d'un abattement de 66 %).

La loi de finances pour 2012 a réformé la taxe due par les distributeurs en modernisant son assiette afin qu'elle puisse appréhender toute offre permettant de recevoir des services de télévision , quelles que soient les modalités techniques d'accès et les formes commerciales adoptées par les opérateurs. Cette réforme, validée par la Commission européenne le 21 novembre 2013 et entrée en vigueur le 1 er janvier 2014, visait à assurer la sécurité juridique du dispositif et le respect des impératifs de neutralité technologique et d'égalité de traitement entre les différents distributeurs .

La prévision du produit de la TST distributeurs pour 2017 est fondée sur une hypothèse de recul de l'assiette imposable des chaînes du groupe Canal + de 4,2 % , en raison notamment de l'érosion significative de la base d'abonnés observée depuis 2015 du fait de la concurrence à laquelle est confrontée l'entreprise dans les domaines du sport, du cinéma et des séries.

Pour ce qui concerne les opérateurs télécom, la prévision établit à 2 % la croissance de leur chiffre d'affaires concomitamment à la fin de la guerre des prix sur les abonnements mobiles, au développement du très haut débit fixe et mobile et des innovations technologiques annoncées dans le cadre des nouvelles générations de box .

Le produit de la TST distributeurs devrait en conséquence s'établir à 217,4 millions d'euros en 2017 , soit une légère régression de 0,7 %.

b) La taxe sur les entrées en salle

Cette taxe, assise sur les recettes de la billetterie des salles de cinéma , est également recouvrée et contrôlée directement par le CNC. Son taux est établi 10,72 % en métropole. Étendu depuis le 1 er janvier 2016 aux départements d'Outre-mer, son taux y croît progressivement : 1 % en 2016, 2 % en 2017, 3 % en 2018, puis 4 % en 2019.

La diffusion en salle de cinéma étant un marché d'offre, le rendement de la taxe est difficilement prévisible au-delà d'un horizon de six mois correspondant au calendrier connu des sorties de films. Il est néanmoins possible de tirer des tendances de l'analyse des années précédentes et d'en déduire des projections pour l'avenir en termes de fréquentation et, partant, d'évolution du rendement de la taxe.

Fréquentation des salles de cinéma 1

Source : CNC - Bilan 2015

Les prévisions pour 2017 reposent sur une hypothèse de fréquentation globale annuelle de 203 millions d'entrées , dont 200 millions en métropole et 3 millions dans les départements ultramarins. S'agissant du prix moyen du billet, l'hypothèse retenue pour 2017 s'établit à 6,55 euros en métropole et 7,04 euros Outre-mer.

Ces prévisions conduisent à estimer le produit de la taxe à 140,9 millions d'euros en 2017 , dont 422 000 euros issus de son extension aux départements d'Outre-mer, soit une augmentation de 0,5 %.

c) Les taxes sur la vidéo

Cette taxe est recouvrée et contrôlée par la direction générale des finances publiques du ministère de l'économie et des finances, qui en prélève 2,5 % au titre des frais de gestion. Elle est assise sur le chiffre d'affaires des secteurs de la distribution de vidéo physique (DVD, Blu-ray) et de la vidéo à la demande (VàD). Son taux est de 2 % , majoré à 10 % sur les oeuvres pornographiques ou d'incitation à la violence.

Les données disponibles pour l'année 2015 confirment le recul considérable et continu du marché de la vidéo physique avec une régression de 13,2 % pour le DVD et de 9,3 % pour le Blu-ray. Cette attrition devrait se poursuite, peut-être dans une moindre ampleur, dans les années à venir.

Ventes 1 de vidéo physique selon le support 2

Source : CNC - Bilan 2015

A contrario , le chiffre d'affaires de la VàD a fortement progressé en 2015 (+ 19,8 %) pour s'établir à 317,6 millions d'euros grâce, particulièrement, au succès de la VàD par abonnement , qui a crû de 53 millions d'euros en valeur (+ 182 %), grâce au lancement de Netflix en septembre 2014 sur le territoire national et au développement de l'offre Canalplay. La location à l'acte, si elle recule de 3 %, conserve le chiffre d'affaires le plus élevé, à 175 millions d'euros.

Néanmoins, ce marché, aussi dynamique soit-il, est majoritairement porté par des plateformes installées à l'étranger, qui ne sont pas soumises à la taxe dès lors que la Commission européenne n'a toujours pas autorisé son extension aux opérateurs établis hors de France prévue par la loi de finances rectificative pour 2013. La mesure devrait enfin être applicable avec la transposition à venir de la directive sur les services de médias audiovisuels, que votre rapporteur pour avis espère rapide.

Les prévisions pour 2017 sont fondées sur une hypothèse de recul du marché de la vidéo physique de 10 % et sur une stabilisation du marché de la VàD considérée dans le périmètre actuel de la taxe, ce qui conduit à estimer le produit brut de la taxe vidéo à 17,6 millions d'euros , soit une recette nette de 17,1 millions d'euros pour le CNC, en baisse de 4,6 % par rapport à 2016, évolution qui devrait se confirmer dans les années à venir.

En conséquence, votre rapporteur pour avis est favorable à une extension de cette taxe aux plateformes gratuites , qui diffusent des contenus culturels, comme elle le sera prochainement pour les plateformes payantes installées à l'étranger. Il regrette le rejet de l'amendement déposé à cet effet à l'Assemblée nationale lors du présent projet de loi de finances et souhaite que le sujet fasse prochainement l'objet d'un nouveau débat .

La mesure est soutenue par l'ensemble de la filière, comme en attestent les auditions menées par votre rapporteur pour avis. Ainsi, le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) estime-t-il que « au moment où les secteurs négocie les accords interprofessionnels qui garantissent le financement de la création, socle de l'exception culturelle française, cette taxe aurait une valeur symbolique forte. Assujettir les diffuseurs mondiaux sur notre territoire, c'est aussi ouvrir la voie à une régulation nationale et demain européenne de la production et de la diffusion des biens culturels . »

2. Une intervention indispensable au financement de la filière

Le soutien du CNC irrigue l'ensemble de la filière du cinéma . Il comprend, pour les oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, un soutien à la production (automatique et sélectif) et à la création. Les industries techniques, la distribution, la diffusion et l'exploitation sont également soutenues, comme l'édition vidéo et l'exportation. Les dépenses de l'opérateur atteindront 707,1 millions d'euros en 2017 , soit une augmentation de 5 % par rapport à l'année 2016, somme à laquelle il convient de retrancher 37,9 millions d'euros destinés au fonctionnement.

Évaluation des dépenses du fonds de soutien pour 2017

Source : CNC - Rapport et perspectives 2015 - 2017 - Document stratégique de performance

En matière de production cinématographique , les aides automatiques aux producteurs , générées à raison de la diffusion des films en salles, à la télévision ou sur vidéogramme, s'élèveront à 81,1 millions d'euros . Elles devront être intégralement réinvesties dans la production de nouvelles oeuvres. 44,2 millions d'euros seront en outre destinés aux aides sélectives , attribuées sur avis des commissions, notamment aux avances sur recettes pour les longs métrages. Enfin, 5,1 millions d'euros d'aide à la création seront versés sélectivement pour l'écriture de scénarii et la conception de projets .

Pour ce qui concerne le secteur audiovisuel , l'aide automatique à la production s'élèvera à 224,5 millions d'euros mobilisables par les producteurs sous forme de « subventions de réinvestissement » et les aides sélectives à 42 millions d'euros . Ces dernières s'adressent majoritairement aux producteurs, qui ne bénéficient pas du soutien automatique pour des projets de fictions, de films d'animation, de documentaires et de magazines. Les soutiens sélectifs à la création - 5,1 millions d'euros - concernent principalement le fonds d'innovation audiovisuelle destiné à favoriser la recherche de nouveaux talents et de projets innovants.

Les industries techniques du cinéma, de l'audiovisuel, du multimédia culturel, ainsi que les producteurs faisant usage de nouvelles technologies de production se verront, pour leur part, attribuer des aides à hauteur de 16,6 millions d'euros .

Les soutiens à la distribution - 50,6 millions d'euros en 2016 - sont attribués sont forme automatique (33,5 millions d'euros ) en fonction des films précédemment distribués, ou sélectives (12,1 millions d'euros) pour accompagner la diffusion inédite d'oeuvres de qualité. Cette dotation inclut, à hauteur de 5 millions d'euros, une enveloppe destinée à financer une réforme de ce secteur, dont les modalités seront présentées au conseil d'administration du CNC au mois de novembre.

Le soutien à l'exploitation s'élèvera à 92,3 millions d'euros : 68,9 millions d'euros d'aides automatiques calculées en fonction du nombre de salles par établissement et 23,3 millions d'aides sélectives en faveur des établissements « Art et Essai » , enveloppe rehaussée de 500 000 euros pour soutenir plus particulièrement la diffusion de cette catégorie de films.

Le CNC dispense également un soutien sélectif à la diffusion du cinéma (27,8 millions d'euros en 2017). Ces actions concernent les jeunes publics ( 2,4 millions d'euros seront destinés aux dispositifs d'éducation à l'image ). Elles poursuivent également l'objectif d'un maintien d'un cinéma diversifié de proximité et de qualité au travers du financement de l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC) pour 2,3 millions d'euros. Dans ce cadre, sont également dotées, pour 20,8 millions d'euros, la Cinémathèque française et les structures de diffusion du patrimoine cinématographique en région (Cinémathèque de Toulouse, Institut Lumière de Lyon, etc.). Enfin, pour un coût de 2,2 millions d'euros , le CNC mobilisera les associations de diffusion culturelle et d'éducation au cinéma pour l' accueil d'environ un millier de volontaires du service civique.

L' édition vidéo et VàD bénéficiera quant à elle de 12,4 millions d'euros en 2017, aides automatiques (1,5 million d'euros pour la vidéo physique et 4 millions pour la VàD) et sélectives (6,9 millions d'euros pour les programmes qui présentent un intérêt culturel particulier) confondues.

Par ailleurs, 31,7 millions d'euros seront consacrés à la promotion du cinéma et des programmes audiovisuels sous forme de soutien aux associations, à l'instar d'Unifrance, et festivals comme ceux de Cannes ou d'Annecy (17,3 millions d'euros), mais également d' aides sélectives à l'exportation (14,5 millions d'euros). Cette dernière dotation prend en compte la création, en 2017, d'un soutien automatique à l'exportation, en sus des aides sélectives existantes, pour un montant de 9 millions d'euros.

La dotation au fonds numérique , dans le cadre du plan d'investissement pluriannuel en faveur du numérique, s'élèvera à 2,6 millions d'euros en 2017 pour la numérisation des oeuvres patrimoniales.

Enfin, 15,7 millions d'euros viendront abonder les fonds des collectivités territoriales d'aide à la production conformément au nouveau cadre conventionnel avec les régions, 8,6 millions d'euros contribueront au financement des écoles ENSMIS et CinéFabrique, 5,1 millions d'euros seront versés aux programmes européens en faveur du cinéma et de l'audiovisuel et 3,6 millions d'euros bénéficieront à diverses associations.

Outre l'engagement du CNC en faveur du service civique, les priorités pour 2016 en matière de dépenses porteront sur :

- le financement du « rebasage » des soutiens automatiques (principalement le soutien automatique audiovisuel) à hauteur de 11,2 millions d'euros ;

- la prise en charge, à hauteur de 3 millions d'euros, d'une partie des aides à la distribution des films en salles jusqu'alors financées dans le cadre du protocole d'accord signé entre Canal +, les organisations professionnelles du cinéma et le CNC. Le nouvel accord, conclu au mois de mai 2015, prévoit en effet un niveau de financement de Canal + à hauteur de 2 millions d'euros par an pour la période 2016-2019, contre 5 millions d'euros par an actuellement ;

- le transfert des dépenses de fonctionnement courant des archives françaises du film (AFF), actuellement prises en charge dans le cadre du plan numérique, sur les crédits de fonctionnement du CNC.

Le financement de ces priorités nécessitera de faire porter, en 2016, un effort global d'économie de 3 % sur les soutiens sélectifs. La répartition des mesures d'économies envisagées pourra faire l'objet d'ultimes ajustements dans le cadre du budget initial 2016, qui sera soumis au vote du conseil d'administration du CNC au mois de novembre.

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