EXAMEN DES ARTICLES

Article 3 ter - Affirmation d'un objectif de construction de logements

Objet : cet article vise à introduire dans la loi un objectif chiffré de construction de logements dans les outre-mer.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission des lois, les députés ont adopté un amendement de M. Victorin Lurel, rapporteur, qui propose d'inscrire dans le présent projet de loi de programmation l'objectif chiffré de construction de 150 000 logements dans l'ensemble des outre-mer au cours des dix années suivant sa promulgation.

En séance publique, il a été précisé que ce chiffre englobe le plan de construction de 100 000 logements dans les cinq départements et régions d'outre-mer (DROM), auxquels il faut ajouter 50 000 logements dans le Pacifique. De plus, tous les types de logements sont concernés, et, en particulier, les logements étudiants.

II. La position de votre commission

En premier lieu, un sujet d'une telle importance justifierait une étude d'impact et, à tout le moins, des bases très solides.

À cet égard, l'article 3 ter reprend le chiffrage du rapport de M. Victorin Lurel de mars 2016 qui recommande un programme de 150 000 logements sur dix ans par augmentation de la Ligne Budgétaire Unique (LBU) et obligation faite aux compagnies d'assurance d'investir 5 % de leur collecte annuelle dans le logement outre-mer.

L'analyse qui fonde cette préconisation se fonde sur un seul paragraphe très synthétique qui constate que malgré la revalorisation substantielle depuis 2012 de la LBU finançant la politique du logement dans les départements d'outre-mer et le Plan logement outre-mer lancé en 2015 visant à construire 10 000 logements chaque année d'ici 2020, les besoins resteront, pour de nombreuses années encore, importants. Il évoque ensuite les spécificités ultramarines : une croissance démographique très supérieure à celle de l'Hexagone dans des territoires comme la Guyane et Mayotte, la faiblesse du revenu moyen par habitant, des disponibilités foncières limitées, un manque de maîtrise du foncier par des collectivités locales aux finances exsangues, un grand nombre de logements précaires et indignes - 70 000 dans les cinq départements d'outre-mer, soit 13% des logements insalubres français, pour seulement 4% de la population 1 ( * ) - ou encore une faible structuration des filières de la construction.

Plus précis, le « Plan logement Outre-mer », signé le 26 mars 2015 par trois ministres 2 ( * ) , se fixait pour objectif de produire 10 000 logements sociaux par an, neufs ou réhabilités de 2015 à 2020. Bien qu'il ne le précise pas explicitement, ce plan, par sa logique de financement, concerne essentiellement les départements d'outre-mer. Ce plan prévoit des déclinaisons sous forme d'accords territoriaux répondant aux enjeux spécifiques comme le vieillissement de la population aux Antilles, la dynamique démographique à Mayotte et en Guyane ou encore la réhabilitation du parc social à La Réunion.

PRÉCISIONS SUR LE PLAN LOGEMENT DE MARS 2015

La présentation de ce plan a été assortie d'un rappel des engagements de l'État pour relancer le logement dans les Outre-mer.

- La priorisation de la ligne budgétaire unique (LBU) sur la construction neuve et la réhabilitation ;

- La stabilisation jusqu'en 2017 des dispositifs d'aides fiscales à l'investissement ;

- L'intégration des dispositifs de financement du logement social au régime de service d'intérêt économique général (SIEG), plus souple que le régime général ;

- La mobilisation et l'adaptation aux outre-mer des outils nationaux (bonification du dispositif Pinel, crédit d'impôt transition énergétique et ECO-PTZ) ;

- L'identification de 22 sites Outre-mer dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPRU) pour un investissement de l'ordre de 450 millions d'euros ;

- La mise en place d'une aide aux maires bâtisseurs ;

- Le financement à hauteur de 70 millions d'euros de 3 plans nationaux de recherche et développement sur le numérique, l'amiante et la rénovation énergétique auxquels les territoires ultra marins seront associés ;

- La mobilisation de l'Anah pour traiter l'habitat indigne et précaire, ainsi que les quartiers et copropriétés dégradés.

Treize partenaires (financeurs, établissements publics de l'État, bailleurs sociaux, professionnels et associations) se sont joints à cette initiative : a Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), l'Agence française de développement (AFD), l'Union sociale de l'habitat (USH), la Fédération des entreprises publiques locales (FEPL), L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH), la fédération des PACT, Habitat et Développement, la Fédération Française du Bâtiment, Action Logement, l'Agence Nationale pour l'Information sur le Logement (ANIL), l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie et EDF-SEI.

En tout état de cause, l'ensemble des éléments recueillis par votre rapporteur pour avis amène à privilégier avant tout le réalisme. Comme en témoigne l'expérience de ces dernières années, il ne suffit pas de fixer des objectifs ni même de budgéter les financements adéquats ; encore faut-il que les constructeurs puissent trouver du foncier disponible et que les projets ne s'enlisent pas dans les procédures administratives.

Dans ce contexte, on peut d'abord faire observer que cet objectif de 150 000 logements dans l'ensemble des outre-mer, même s'il a nécessairement une valeur indicative est un encouragement supplémentaire à la mobilisation.

Ensuite la méthode de calcul qui conduit à ce chiffrage n'est pas explicitée de façon précise. Cependant, en le comparant avec d'autres estimations, il est difficile de démontrer que cet objectif est excessivement ambitieux. En témoigne par exemple le fait qu'à elle seule, la Réunion - en très forte croissance démographique - évaluait dans son schéma d'aménagement régional adopté par décret en Conseil d'État en novembre 2011, les besoins à 180 000 nouveaux logements à construire dans les 20 années à venir, soit 9 000 logements par an, dont 5 000 logements sociaux. Par ailleurs, ce chiffrage n'est pas incohérent avec les prévisions du plan logement du Gouvernement de mars 2015  - 10 000 logements par an - car celui-ci porte explicitement sur le seul logement social. Certes, ce plan globalise les besoins en construction ou en réhabilitation mais il exclut implicitement une grande partie des financements nécessaires dans les collectivités du Pacifique.

A l'initiative de son rapporteur pour avis, la commission a adopté, à cet article 3 ter une nouvelle rédaction (amendement COM-163) visant :

- d'une part, à maintenir l'objectif de 150 000 logements construits dans les outre-mer ; ce chiffrage se situe, en effet, dans une « fourchette » ambitieuse mais raisonnable ;

- et d'autre part, à tenir compte des besoins en réhabilitation car l'insalubrité est une des principales faiblesses du parc ultramarin et, en pratique, l'arbitrage entre construction neuve et réhabilitation n'est pas toujours simple. Il serait donc inopportun de séparer les deux notions.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 11 A (article L. 1 du code des postes et des communications électroniques) - Extension du mécanisme de péréquation tarifaire des lettres

Objet : cet article vise à renforcer la continuité postale entre tous les territoires de la République.

I. Le droit en vigueur

Dans la partie du code des postes et des communications électroniques consacrée au service universel postal et aux obligations du service postal, l'article premier définit d'abord l'« envoi postal », qui peut concerner tout objet, ainsi que l' « envoi de correspondance », qui est un envoi postal ne dépassant pas deux kilogrammes. Cet article énumère ensuite les grands principes du service universel postal qui concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire en garantissant aux usagers un service de qualité à un prix « abordable ». Il précise que le service universel postal comprend des offres de services nationaux et transfrontières d'envois postaux d'un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu'à 20 kilogrammes, d'envois recommandés et d'envois à valeur déclarée.

Le sixième alinéa de l'article premier indique que les services d'envois postaux à l'unité sont proposés au même tarif sur l'ensemble du territoire métropolitain. Le tarif appliqué aux envois de correspondance à l'unité en provenance et à destination des départements d'outre-mer, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises est celui en vigueur sur le territoire métropolitain lorsque ces envois relèvent de la première tranche de poids. Il en va de même des envois de correspondance à l'unité relevant de la première tranche de poids en provenance du territoire métropolitain ou des collectivités précédemment mentionnées et à destination de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.

En pratique, la péréquation tarifaire est limitée aux envois de correspondance postale à l'unité n'excédant pas 20 grammes, qui représentent les trois quarts des flux.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption par les députés, en commission, d'un amendement du Gouvernement qui afin de faciliter les échanges entre l'hexagone et les collectivités ultra-marines vise à renforcer le mécanisme de péréquation tarifaire des lettres.

Aujourd'hui la péréquation tarifaire est limitée aux envois de correspondance postale à l'unité n'excédant pas 20 grammes, qui représentent les trois quarts des flux. L'extension du champ de la péréquation aux envois de correspondance jusqu'à 100 grammes permettrait de couvrir 96% des envois de correspondances à l'unité à destination ou en provenance de l'outre-mer.

Cette mesure s'appliquerait aux départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, aux îles Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises.

III. La position de votre commission

Très concrètement cet article propose d'élargir aux envois inférieurs à cent grammes, contre vingt grammes aujourd'hui, le champ de la péréquation tarifaire des lettres échangées entre les collectivités ultra-marines et l'hexagone.

Bien qu'il puisse paraitre souhaitable, dans l'idéal, d'aller au-delà de cette avancée, de très sérieux obstacles financiers et juridiques s'y opposent.

Tout d'abord, la mesure prévue par l'article 11 représente un coût supplémentaire à la seule charge de La Poste dont la situation est fragile, comme en témoignent les auditions de ses représentants par la commission des affaires économiques. Or La Poste s'efforce de diversifier les services rendus aux usagers et l'objectif prioritaire consiste à maintenir sa présence territoriale, ce qui implique de veiller à ne pas aggraver ses déséquilibres financiers.

De plus, il convient de rappeler qu'à la différence des correspondances qui entrent dans le champ du service postal et donc d'un monopole juridiquement protégé, les colis relèvent d'un marché ouvert et concurrentiel où interviennent de nombreux opérateurs y compris locaux. Le soutien public, dans ce domaine, risquerait donc d'entrainer des difficultés pour les autres opérateurs qui pourraient s'estimer victimes de concurrence déloyale et engager des recours juridiques prolongés par d'éventuelles sanctions.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 11 B (article L. 1803-1 et L. 1803-7 du code des transports) - Création d'une aide aux voyages pour obsèques et d'une aide au transport de corps.

Objet : cet article vise à créer deux nouvelles aides de continuité territoriale : une aide au voyage pour obsèques et une aide au transport de corps outre-mer.

I. Le droit en vigueur

Il donne la possibilité aux résidents d'outre-mer d'utiliser l'aide à la continuité territoriale pour contribuer au financement de leur déplacement vers l'hexagone pour des obsèques. En effet, l'article L. 1803?1 du code des transports définit la politique nationale de continuité territoriale comme étant mise en oeuvre outre-mer au profit de l'ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies.

En revanche, le droit en vigueur ne prévoit pas, en faveur des résidents de l'hexagone, d'obtenir une aide pour se déplacer à des obsèques, pour l'aide au transport de corps.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption en commission d'un amendement du Gouvernement qui vise à répondre aux difficultés que rencontrent nos concitoyens devant participer à des obsèques ou organiser un transport de corps lorsque le déplacement doit se faire entre l'hexagone et l'outre-mer. Il propose de créer deux nouvelles aides de continuité territoriale.

- Une aide au voyage pour obsèques, qui, en fonction du quotient familial et de la destination, finance une partie du déplacement, de l'hexagone vers l'outre-mer, des familles désireuses d'assister aux funérailles d'un parent.

- Une participation aux frais de transport du corps d'un résident ultra-marin décédé en France métropolitaine, ou, inversement, d'un résident métropolitain décédé outre-mer. Cette aide est allouée en fonction des ressources de la personne en charge du rapatriement et en l'absence de toute autre prise en charge au titre d'un régime d'assurance.

Les résidents d'outre-mer peuvent déjà bénéficier de l'aide à la continuité territoriale pour financer leur déplacement à des obsèques dans l'hexagone, puisque l'article L. 1803?1 du code des transports définit la politique nationale de continuité territoriale comme étant mise en oeuvre outre-mer au profit de l'ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies.

En revanche, pour permettre aux résidents de l'hexagone d'obtenir une aide au déplacement pour obsèques, et afin d'instaurer l'aide au transport de corps, il convient d'étendre le bénéfice de cette politique aux autres résidents nationaux : tel est l'objet du premier paragraphe de cet article.

Par ailleurs, un grand nombre de personnes issues des outre-mer résident dans l'hexagone, mais ont gardé une attache familiale outre-mer. Des situations analogues existent également en sens inverse. Lorsqu'un décès survient dans une famille séparée par de telles distances, la participation aux obsèques représente un coût parfois insurmontable en raison des frais liés au déplacement. De même, lorsque la famille envisage le transfert du corps d'un parent décédé, elle peut être contrainte d'y renoncer en raison du coût d'un tel projet.

Considérant les difficultés particulières que rencontrent nos concitoyens devant participer à des obsèques ou organiser un transport de corps lorsque le déplacement doit se faire entre la France métropolitaine et l'outre-mer, il est proposé de créer deux nouvelles aides de continuité territoriale.

- Une aide au voyage pour obsèques, qui finance une partie du déplacement, de l'hexagone vers l'outre-mer, des familles désireuses d'assister aux funérailles d'un parent. Le montant de l'aide serait variable en fonction du quotient familial et de la destination.

- Une aide au transport de corps outre-mer, qui prend la forme d'une participation aux frais de transport de corps d'un résident ultra-marin décédé en France métropolitaine, ou, inversement, d'un résident métropolitain décédé outre-mer. Cette aide est allouée d'après les ressources de la personne en charge du rapatriement et en l'absence de toute autre prise en charge au titre d'un régime d'assurance.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui vise à s'assurer que la problématique particulière des décès qui interviennent au cours ou à l'issue d'une évacuation sanitaire est bien couverte par le dispositif d'aide au transport de corps prévu à cet article.

En effet, la réglementation actuelle prévoit la prise en charge des frais de transport pour l'évacuation sanitaire de patients des outre-mer vers l'Hexagone, ainsi que pour leur retour à leur domicile à la suite de leur prise en charge. Toutefois, si le patient décède au cours de l'opération d'évacuation ou à la suite de celle-ci, les frais de rapatriement de son corps vers son territoire d'origine sont à la charge de la famille. Cette situation étant particulièrement injuste et difficile à vivre, l'article 11 prévoit la prise en charge du rapatriement du corps, dans le cadre des dispositifs réglementaires existants.

III. La position de votre commission

À l'initiative de son rapporteur pour avis, votre commission, a adopté un amendement COM-164 de précision. Il s'agit de simplifier la rédaction du dispositif et de renvoyer les conditions d'application du texte au pouvoir réglementaire en lui laissant le choix des modalités.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 11 (article L. 1803-2-1 [nouveau] et 1803-5 du code des transports) - Soutien à la formation en mobilité à Mayotte

Objet : cet article vise à créer un dispositif « cadres avenir » à Mayotte, s'inspirant du dispositif qui a connu un grand succès en Nouvelle-Calédonie depuis 2005 et qui permet à de nombreux étudiants d'accéder à des formations puis à des emplois de haut niveau dans l'administration publique et le secteur privé. Il inclut la mise en place d'un volet spécial au sein du passeport pour la mobilité des études avec, en plus de l'aide au financement du déplacement vers le lieu de formation, certaines aides pour les stagiaires bénéficiaires du passeport pour la mobilité de la formation professionnelle : une allocation d'installation, une aide mensuelle et une aide à l'insertion professionnelle dans le département de Mayotte.

I. Le droit en vigueur

Créée en 1982, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) accompagne les migrations des résidents ultramarins cherchant une qualification ou une insertion professionnelle. Sur le fondement de l'article 50 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et de l'article L. 1803-2 du code des transports, elle gère :

- le « passeport pour la mobilité des études », qui prend en charge la moitié du coût du transport aérien des étudiants, ou l'intégralité pour les boursiers d'État sur critères sociaux, si la filière d'études choisie n'est pas disponible dans la collectivité de résidence ; cependant cette aide ne permet pas la prise en charge d'une aide mensuelle ni de frais d'installation. ;

- le « passeport pour la mobilité de la formation professionnelle », qui prend en charge 100 % du coût du transport aérien des personnes en formation en mobilité ou devant passer les épreuves d'admission de certains concours administratifs ou d'entrée dans une grande école.

Depuis 2011, plus de 17 000 Mahorais ont bénéficié de ce dispositif, avec une montée en puissance depuis son déploiement.

II. Le projet de loi initial

L'article 11 insère un nouvel article L. 1803-2-1 dans le code des transports et modifie l'article L. 1803-5 du même code. Il vise à permettre à de jeunes Mahorais de suivre en métropole ou à La Réunion une formation menant à un diplôme de niveau master 2 (bac + 5) en prenant en charge à la fois le transport, une aide à l'installation, une allocation mensuelle pendant une durée de cinq ans et un accompagnement dédié par LADOM. L'aide est octroyée pour faciliter leur emploi dans des postes d'encadrement dans le secteur public ou privé Mayotte, ce qui suppose un retour dans le département une fois le cursus de formation achevé.

Le conseil départemental de Mayotte et toute personne morale de droit public ou privé peuvent prendre part, par convention, à ce dispositif. Un décret est prévu pour en préciser les modalités, notamment les conditions de ressources auxquelles seront soumis les bénéficiaires.

Le coût de la mesure est estimé par l'étude d'impact à 1,1 million d'euros en année pleine.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté un amendement rédactionnel du Gouvernement à cet article. La mesure proposée étant spécifique au département de Mayotte, la création d'une section particulière pour ce département (la section 3 serait introduite dans le chapitre III du titre préliminaire du livre VIII) dans la première partie du code des transports vise à éviter toute confusion avec les mesures portant sur l'ensemble des outre-mer.

IV. La position de votre commission

L'éducation et la formation sont des enjeux cruciaux pour le développement de Mayotte. Cependant, la faiblesse de l'offre d'enseignement supérieur locale oblige les jeunes Mahorais à se former hors du territoire. Face à cette situation, l'article 11 prévoit opportunément de compléter les aides existantes pour faciliter l'emploi dans des postes d'encadrement de ces jeunes diplômés qui reviennent à Mayotte une fois leur cursus de formation achevé.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 12 (article L. 1803-2 et L. 1803-5-1 [nouveau] du code des transports) -Soutien à la formation en mobilité des ultramarins.

Objet : cet article vise à créer une aide nouvelle pour accompagner les élèves et les étudiants qui se trouvent dans l'obligation d'effectuer un stage à l'extérieur de la collectivité de leur établissement d'enseignement.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 1803-1 du code des transports institue, en faveur des personnes régulièrement établies outre-mer, une politique nationale de continuité territoriale reposant sur les principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République. Il s'agit de rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte des particularités de chaque collectivité territoriale d'outre-mer.

Mettant en oeuvre ce principe, le fonds de continuité territoriale prévu à l'article L. 1803-2 du même code dispense des aides, en particulier pour les étudiants de l'enseignement supérieur et les élèves de l'enseignement secondaire ainsi qu'un soutien aux déplacements justifiés par la formation professionnelle en mobilité. L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) est l'opérateur de cette politique publique.

Cependant, les élèves de terminale professionnelle ou technologique ainsi que les étudiants en section professionnelle amenés à faire un stage pratique parfois difficile à trouver au sein de l'académie ne bénéficient actuellement pas de ces dispositifs.

II. Le projet de loi initial

Son article 12 vise à rendre éligible au financement par le fonds de continuité territoriale la prise en charge, sous conditions de ressources, d'une partie des frais de transport liés à la réalisation des stages professionnels lorsque ceux-ci doivent être réalisés hors de l'académie ultramarine où se déroule la formation.

Il prévoit la création d'un nouvel article L. 1803-5-1 au sein du code des transports. L'aide destinée aux élèves et étudiants des outre-mer en stage professionnel serait dénommée « passeport pour la mobilité en stages professionnels ». Elle porte sur le financement des titres de transport nécessités par le stage lorsque sa réalisation suppose de quitter le territoire de la collectivité ultramarine d'origine, mais n'est cependant pas cumulable avec les deux autres dispositifs déjà proposés par LADOM - passeport pour la mobilité des études et passeport pour la mobilité de la formation professionnelle.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté cinq amendements rédactionnels à cet article.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui propose d'étendre à cinq ans la période pendant laquelle les personnes parties suivre des formations, stages ou études, pourront revenir dans leur collectivité d'origine, après avoir acquis des connaissances et une expérience professionnelle.

IV. La position de votre commission

Comme l'a fait observer la ministre, chaque année, l'État aide plus de 15 000 jeunes ultramarins à se former en mobilité dans l'Hexagone pour acquérir une qualification et un savoir-faire créateurs de valeur économique et sociale. Cependant, après leur formation, une proportion importante - qui atteint les deux tiers dans certaines filières - de ces jeunes gens ou jeunes filles n'utilisent pas leur billet retour qui est alors perdu. Il convient donc de recentrer l'approche de la mobilité sur la nécessité de favoriser le retour afin de revivifier les territoires qui risquent de se dépeupler de leurs jeunes diplômés.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 12 bis (article L. 1803-15 du code des transports) - Continuité territoriale de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité.

Objet : cet article vise à faire du préfet le représentant de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption d'un amendement du Gouvernement en commission. Il prévoit de compléter l'article L. 1803?15 du code des transports pour préciser qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le représentant de l'État représente l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité.

II. La position de votre commission

Les programmes de formation ou d'insertion professionnelle en mobilité élaborés par les collectivités de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie peuvent donner lieu à l'intervention de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). Celle-ci doit être pleinement articulée avec le représentant de l'État et le présent article étend à ces collectivités, où LADOM n'a pas de délégation territoriale, la règle selon laquelle le préfet est le délégué de l'agence.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 12 ter - Demande de rapport sur la création de mécanismes d'interconnexion dans les outre-mer.

Objet : cet article vise à demander au Gouvernement un rapport sur la création de mécanismes d'interconnexion dans les outre-mer.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, au plus tard neuf mois après la promulgation de la loi, sur la mise en oeuvre d'un mécanisme pour l'interconnexion dans la Caraïbe (MIC) dans l'océan Indien (MIOI) et dans l'océan Pacifique, sur le modèle du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE).

Il s'agit de favoriser l'investissement outre-mer dans des projets de réseau et d'infrastructure transnationaux portant sur les secteurs de l'énergie, des télécommunications, des transports aériens et maritimes ou de l'audiovisuel.

II. La position de votre commission

Il convient de rappeler que le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe vise à créer des financements de l'Union européenne pour accélérer les investissements dans les projets d'infrastructures de transport, de télécommunications et de l'énergie afin de stimuler la croissance économique. 33,2 milliards d'euros sont prévus à ce titre entre 2014 et 2020.

LES OBJECTIFS DU RÈGLEMENT (UE) N° 1316/2013 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 11 DÉCEMBRE 2013 ÉTABLISSANT LE MÉCANISME POUR L'INTERCONNEXION EN EUROPE.

Afin de parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive et de stimuler la création d'emplois, conformément aux objectifs de la stratégie Europe 2020, l'Union européenne a besoin d'infrastructures modernes et hautement performantes qui contribuent à l'interconnexion et à l'intégration de l'Union et de toutes ses régions dans les secteurs des transports, des télécommunications et de l'énergie. Ces interconnexions devraient permettre d'améliorer la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services. Les réseaux transeuropéens devraient faciliter les liens transfrontaliers, favoriser une plus grande cohésion économique, sociale et territoriale et contribuer à une économie sociale de marché plus compétitive et à la lutte contre le changement climatique.

La création du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), établi par le présent règlement, vise à accélérer l'investissement dans le domaine des réseaux transeuropéens et à mobiliser les financements provenant tant du secteur public que du secteur privé, tout en renforçant la sécurité juridique et en respectant le principe de neutralité technologique. Le MIE devrait permettre d'exploiter au mieux les synergies entre les secteurs des transports, des télécommunications et de l'énergie, renforçant ainsi l'efficacité de l'intervention de l'Union et permettant une optimisation des coûts de mise en oeuvre.

L'adhésion à des instances internationales comme l'AEC - Association des États de la Caraïbe -, la CARICOM - Communauté des Caraïbes - ou la CEPAL - Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes - suppose, comme l'ont opportunément souligné les députés, d'enclencher une vraie dynamique d'interconnexion audiovisuelle, numérique, maritime et aérienne.

Cet article porte donc sur un sujet très important : le développement de mécanismes d'interconnexion dans la Caraïbe, le Pacifique et  l'océan Indien sur le modèle du mécanisme pour l'interconnexion en Europe, cofinancé par le Fonds européen de développement. Les secteurs concernés sont à la fois l'énergie, les télécommunications, les transports aériens et maritimes ainsi que l'audiovisuel.

Cependant, le texte adopté par les députés propose non pas une avancée normative mais la rédaction d'un rapport : c'est pourquoi la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, l'amendement COM-165 qui propose la suppression de l'article 12 ter .

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 12 quater - Demande de rapport sur l'accès des consommateurs ultramarins au commerce électronique.

Objet : cet article prévoit la remise par le Gouvernement, au plus tard neuf mois après la promulgation de la loi, d'un rapport au Parlement destiné à proposer des mesures en vue de faciliter l'accès des consommateurs ultramarins au commerce électronique.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Adopté au stade de l'examen en commission, cet article vise à faciliter l'accès des consommateurs ultramarins au commerce électronique, notamment en encourageant les dispositifs de retrait à un dépôt commun, sur le mode « click and collect ». En séance publique, les députés ont complété la rédaction de cette demande de rapport pour mentionner l'accès au livre numérique et aux plates-formes de téléchargement d'applications numériques.

Le 15 septembre 2016, la Commission européenne a rendu public un rapport préliminaire sur les obstacles au développement du commerce électronique au sein du marché intérieur de l'Union. Ce document provisoire, soumis à consultation publique pendant deux mois, permettra le dépôt d'un rapport définitif au printemps 2017. Il apparait d'ores et déjà que le problème des restrictions géographiques et un des sujets majeurs qu'il faudra traiter. Comme l'avait déjà indiqué la Commission en mai dernier, son objectif est d'empêcher « le blocage géographique et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité ou le lieu de résidence » et d'un point de vue pratique de « rendre la livraison transfrontière de colis plus abordable et plus efficace». Ces sujets concernent les consommateurs ultramarins y compris sur le marché national lorsqu'ils utilisent des sites de commerce en ligne français.

Cela appelle, de la part du Gouvernement, lors de la préparation des textes européens, des propositions sur les discriminations spécifiques que nos compatriotes ultramarins rencontrent.

II. La position de votre commission

Il est fondamental de faciliter l'accès des consommateurs ultramarins au commerce électronique, au livre numérique et aux plateformes de téléchargement d'applications numériques.

Cependant, le texte adopté par les députés propose non pas une avancée normative mais la rédaction d'un rapport : c'est pourquoi votre commission, qui propose par principe d'écarter ces demandes d'études, a adopté l'amendement COM-166 tendant à la suppression de cet article 12 quater .

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 12 quinquies - Rapport sur le processus de formation des prix des billets d'avion entre les outre-mer et l'hexagone

Objet : cet article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur le processus de formation des prix des billets d'avion entre les outre-mer et l'hexagone.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Issu d'un amendement de Mme Huguette Bello adopté en commission, cet article a pour but, comme l'a précisé notre collègue députée, de porter à la connaissance du Parlement le résultat des investigations annoncées par le Gouvernement : la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s'efforce, en effet, de clarifier les pratiques tarifaires des compagnies aériennes desservant les outre-mer.

II. La position de votre commission

L'article 12 quinquies s'interroge très opportunément sur les processus de formation des prix des billets d'avion entre les outre-mer et la France continentale. En effet, les dispositifs locaux d'aide à la mobilité risquent d'avoir un effet inflationniste sur le prix des billets d'avion. Bien entendu, les investigations de la DGCCRF sur ce point présentent un vif intérêt pour les parlementaires.

Cependant, le texte adopté par les députés se limite à demander la rédaction d'un rapport sur ce sujet : c'est pourquoi, à l'initiative de son rapporteur pour avis, votre commission a adopté l'amendement COM-167 qui propose la suppression de cet article.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 14 (article L. 410-5 du code de commerce) - Intégration des transporteurs maritimes et des transitaires dans les négociations de modération des prix

Objet : cet article vise à inclure les entreprises de transports maritimes et les transitaires dans la négociation des accords annuels de modération des prix prévus outre-mer.

I. Le droit en vigueur

Pour lutter contre la cherté de la vie dans les outre-mer, l'article L. 410-5 du code de commerce prévoit un dispositif dit « bouclier qualité-prix » en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

Introduit par la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, ce mécanisme prévoit que le représentant de l'Etat négocie chaque année avec les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, un accord de modération du prix global d'une liste limitative de produits de consommation courante.

Si aucun accord n'est signé dans un délai d'un mois et si les prix sont anormalement élevés, le représentant de l'État peut arrêter le prix global de la liste de produits concernés, sur la base des minimas constatés dans les différentes enseignes.

En pratique, le « bouclier qualité-prix », selon l'étude d'impact, se serait révélé efficace, les accords ayant permis chaque année une modération de 12,5 % des prix affichés avant l'ouverture des négociations dans les territoires concernés.

II. Le projet de loi initial

L'article 14 vise à faire participer les entreprises de transport maritime et les transitaires, aux côtés des organisations professionnelles du secteur du commerce de détail, aux négociations annuelles sur le BQP et modifie en conséquence l'alinéa 1 de l'article L. 410-5 du code de commerce.

Le Gouvernement justifie cette modification en faisant valoir que les baisses des prix qui sont intervenues reposent essentiellement sur la contribution du secteur du commerce et estime nécessaire de répartir l'effort sur un plus grand nombre d'opérateurs. Il fait observer que le coût du transport, et en particulier du fret maritime, a une influence importante sur la formation des prix puisqu'il représente de 4,55 % à 53,3 % du prix d'achat des produits dans les outre-mer.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté un amendement rédactionnel à cet article.

IV. La position de votre commission

Elle rappelle que selon la dernière étude de l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), par rapport à l'hexagone, les prix sont plus élevés de 12 % en Martinique, en Guadeloupe ainsi qu'en Guyane et de 7 % à Mayotte et à La Réunion. Cet écart est particulièrement marqué pour les produits alimentaires puisqu'il atteint 37 % à 48 %.

Depuis 2013, conformément au « Bouclier Qualité-Prix » (BQP) prévu par le code de commerce, les représentants des organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs - grossistes ou importateurs - négocient avec le représentant de l'État un accord de modération du prix global d'une liste limitative de produits de consommation. Cette liste de produits « BQP » comprend des articles génériques pour lesquels les distributeurs s'engagent sur un prix global maximum : pain, viande, lait, produits d'hygiène corporelle, produits d'entretien ménager, fourniture scolaire et petit équipement ménager. Elle prévoit une proportion minimale de productions locales. Les négociations, menées par le représentant de l'État, s'ouvrent chaque année après avis public de l'Observatoire des prix et sont. L'accord est rendu public par arrêté préfectoral et, en l'absence d'accord, le préfet fixe le prix global par arrêté.

Dans ce contexte, l'article 14 vise à inclure les entreprises de transports maritimes et les transitaires dans la négociation des accords annuels de modération des prix.

Fondé sur des auditions approfondies, la rédaction proposée par votre rapporteur à cet article vise à prendre en compte la réalité concrète : la plupart du temps, les transporteurs ne connaissent pas avec précision ce que renferment les conteneurs et, par conséquent, les transporteurs ne peuvent pas calculer leur contribution à la modération des prix de certains produits. Dans la pratique actuelle, qui a démontré une certaine efficacité, l'effort consenti par les transporteurs est négocié de façon globale avec les acteurs de la distribution.

Conformément au pragmatisme et aux principes généraux du droit, cette situation particulière justifie que la loi prévoie, à l'égard de ces transporteurs, la possibilité d'un traitement spécifique, avec une participation facultative aux négociations. A l'initiative de votre rapporteur la commission a adopté l'amendement COM-168 qui traduit cette intention.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 bis (article L. 232-24 du code de commerce) - Information obligatoire du représentant de l'État dans le département en cas de non-respect de l'obligation de dépôt des comptes

Objet : cet article vise à créer une obligation d'informer le préfet en cas de non-respect, par une entreprise, de l'obligation de dépôt des comptes.

I. Le droit en vigueur

L'exigence de publicité des comptes, sur lequel repose la confiance entre les acteurs économiques, est un des piliers de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

Elle se traduit par une obligation de déposer au greffe du tribunal de commerce ses comptes annuels qui concerne à la fois les sociétés par actions (article L. 232-23 du code de commerce), les sociétés à responsabilité limitée (article L. 232-22) et certaines sociétés en nom collectif (article L. 232-21 du même code). Une fois déposés au greffe du tribunal de commerce, ces documents sont accessibles au public. Par exception, les micro-entreprises peuvent déclarer que les comptes annuels qu'elles déposent ne seront pas rendus publics (article L. 232-25 du code de commerce).

En pratique, on estimait, en 2005, que cette obligation de dépôt des comptes annuels n'est respectée que par moins de la moitié des entreprises.

C'est pourquoi le législateur a prévu des mesures coercitives de mesures tendant à renforcer le respect de cette obligation :

- l'article R. 247-3 du code de commerce érige en contravention de cinquième classe le fait de ne pas satisfaire aux obligations de dépôt ;

- l'article L. 123-5-1 du code de commerce prévoit qu'« à la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires. Il s'agit, d'assurer la sécurité des transactions en permettant aux cocontractants de vérifier la solvabilité de leur partenaire. Le périmètre de cette injonction est plus large que le dépôt des comptes annuels, mais ces derniers sont bien concernés ;

- l'article L. 232-24 du code de commerce impose au greffier, lorsqu'il constate l'inexécution du dépôt des comptes, d'informer le président du tribunal de commerce pour que celui-ci puisse adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte ;

- enfin, étant donné que cette obligation n'est que très peu respectée en outre-mer, la loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer a permis au président d'un observatoire des prix, des marges et des revenus de demander au président du tribunal de commerce de se saisir.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article adopté en commission à l'initiative du rapporteur, vise à renforcer la pression sur les entreprises en vue du dépôt de leurs comptes au greffe du tribunal de commerce. Il prévoit, à l'article L. 232-24 du code de commerce, une information systématique du préfet par le greffier en cas d'inexécution de cette obligation.

III. La position de votre commission

Elle ne peut que souscrire à l'objectif qui consiste à améliorer l'application des normes existantes sur la publicité des comptes.

Cependant, l'information systématique du préfet par le greffier en cas d'inexécution de cette obligation semble présenter plus d'inconvénients que d'avantages. En effet, une telle mesure a toutes les chances d'alourdir la procédure ainsi que les multiples tâches dévolues au représentant de l'État tandis que son utilité pratique est plus incertaine.

A l'initiative de votre rapporteur, votre commission a, en conséquence, adopté un amendement COM-168 de suppression de cet article.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 14 ter (article L. 410-6 [nouveau] du code de commerce) - Obligation pour les grandes et moyennes surfaces à Mayotte et en Guyane de négocier un tarif de gros à l'égard des petites surfaces de détail

Objet : cet article vise à créer une obligation pour les grandes surfaces à Mayotte et en Guyane de négocier un tarif de gros bénéficiant aux petits commerçants de détail.

I. Le droit en vigueur

Pour lutter contre la vie chère, la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (LREOM) a créé le mécanisme du « bouclier-qualité-prix » codifié à l'article L. 410-5 du code de commerce.

Cette disposition prévoit l'organisation, par le représentant de l'État, d'une négociation annuelle, entre les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs afin de trouver un accord de modération du prix global d'une liste limitative de produits de consommation courante. Elle intervient après avis public de l'office des prix, des marges et des revenus territorialement compétent et peut donner lieu à une fixation des prix par le préfet en l'absence d'accord un mois après l'ouverture des négociations. Cette négociation doit se tenir en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et à Saint-Martin.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Il résulte d'un amendement, adopté à l'initiative du rapporteur et du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Cet article 14 ter part du constat qu'à Mayotte et en Guyane, les commerces de détail s'approvisionnent auprès des grandes surfaces qui refusent, totalement à Mayotte, et très généralement en Guyane, de pratiquer à l'égard de ces petits commerces un tarif de gros. Le refus des groupes de grande distribution de considérer leur rôle de « grossistes » contribue à augmenter le coût de la vie.

La solution proposée consiste d'abord, en s'inspirant du « bouclier qualité-prix », à introduire un nouvel article L. 410-6 au sein du code de commerce prévoyant une obligation pour les grandes et moyennes surfaces du département de Mayotte et de Guyane de négocier chaque année, après avis public de l'office des prix, des marges et des revenus, un tarif professionnel pour leur activité de gros à l'égard des petites surfaces du commerce de détail figurant au registre du commerce.

L'article 14 ter prévoit ensuite qu'en l'absence d'accord un mois après l'ouverture des négociations, le représentant de l'État arrête le tarif professionnel maximal ainsi que ses modalités d'encadrement. Ces modalités de calcul consistent en un pourcentage de majoration par rapport au prix d'achat des grandes et moyennes surfaces ou en un pourcentage de minoration par rapport aux prix facturés aux consommateurs.

III. La position de votre commission

Le droit en vigueur n'impose pas à la grande distribution de proposer des tarifs moins élevés au petit commerçant qu'au consommateur. Or, dans une partie de la Guyane et surtout à Mayotte, ce sont les grandes surfaces qui fournissent les petits commerces, et en particulier les « doukas » mahorais. Il en résulte, pour le consommateur, un niveau des prix très élevé.

Pour lutter contre la vie chère dans le contexte spécifique à ces deux territoires, votre commission approuve donc l'idée que le préfet puisse négocier avec les grandes surfaces un accord de modération des prix à l'égard des petits commerces de détail.

Cependant, les auditions ont permis de souligner le caractère juridiquement atypique de cette disposition qui amène le préfet à négocier des prix de gros et se situe aux confins du principe de liberté du commerce et de l'industrie.

Afin de dégager un point d'équilibre satisfaisant, votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteur pour avis, l'amendement COM-170 qui propose, plutôt que d'instituer une intervention permanente de l'administration dans ce processus de formation des prix, une expérimentation de cinq ans pour inciter les petits commerces à se regrouper et faire ainsi valoir une force de négociation suffisante sans le soutien de l'État.

En pratique, pour des raisons de bon sens et de simplicité, la priorité consiste à accorder une attention particulière aux produits de première nécessité.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 quater A (article L. 410-5 du code de commerce) - Sauvegarde des producteurs locaux contre les opérations de vente à très bas prix de denrées alimentaires

Objet : cet article vise à soutenir les productions locales face aux ventes à très bas prix de « produits de dégagement ».

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Il résulte d'un amendement du Gouvernement adopté en séance publique par les députés. La ministre a indiqué que, sur les marchés ultramarins, les prix de distribution de certains produits alimentaires dits « de dégagement » sont très inférieurs aux prix pratiqués dans l'hexagone. Ces produits de moindre qualité, vendus à des prix défiant toute concurrence, inondent le marché et sont achetés par des personnes qui n'ont pas les moyens d'acheter des produits plus onéreux.

Le texte adopté par les députés vise à protéger les territoires d'outre-mer contre ces vagues parfois très importantes de produits de dégagement, qui risquent de fragiliser la production locale. Pour cela, il prévoit que le préfet organise des négociations afin d'aboutir à une convention entre les producteurs locaux et la grande distribution.

III. La position de votre commission

Cet article 14 quater A a pour but principal de protéger les produits ultra-marins locaux contre des importations à bas prix.

Très concrètement, il ressort des auditions que l'arrivée de certains conteneurs de marchandises, comme par exemple des cuisses de poulet vendus à un euro le kilogramme, provoque une baisse des ventes des productions locales qui mettent en péril des agriculteurs ultramarins déjà en situation fragile. Les acteurs de la distribution ainsi que certains importateurs ont parfaitement conscience de la nécessité de préserver la production locale, qui, par exemple, à La Réunion, représente à peu près un pour cent du chiffre d'affaire de la distribution.

A l'initiative de son rapporteur pour avis, votre commission a adopté l'amendement COM-171 qui propose une nouvelle rédaction du dispositif retenu par les députés afin de concilier deux exigences.

La première est de préserver la possibilité, pour les ménages modestes, de bénéficier de certaines importations de denrées alimentaires à très bas prix. La plupart du temps, le budget très limité des consommateurs qui les achètent ne leur permet pas de se porter sur d'autres produits plus chers, comme cela a été largement souligné dès le débat à l'Assemblée nationale. Il convient, lorsque le risque de fragilisation des producteurs locaux est inexistant, de veiller à préserver le pouvoir d'achat des personnes à très faibles ressources lorsque

Le second impératif est de veiller à ne pas pénaliser de manière excessive les productions locales lorsque le marché est brutalement "inondé" de produits identiques ou similaires à des prix sacrifiés. Dans cette hypothèse, l'amendement vise, conformément aux indications apportées par le Gouvernement, à inciter les distributeurs non pas à majorer les prix des produits dits de dégagement mais à veiller à informer le consommateur sur les productions locales. Il s'agit donc de contrebalancer la tendance des distributeurs à focaliser l'attention sur les promotions portant sur les denrées alimentaires à très bas prix.

Afin de concilier, de façon pragmatique et adaptée à chaque situation, la lutte contre la vie chère et la sauvegarde des produits locaux contre les denrées alimentaires à bas coût, la commission a estimé que le déclenchement des négociations ne devait pas être automatique, comme le prévoit le texte adopté par l'Assemblée nationale. Le texte proposé confie donc au représentant de l'État le soin d'apprécier si les volumes considérés, la situation économique des producteurs locaux et l'intérêt des consommateurs à faible revenus justifient une intervention.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le droit en vigueur, appliqué par les agents de l'Autorité de la concurrence, sanctionne sévèrement les « stratégies d'éviction » qui peuvent être sous-jacentes à des pratiques de prix abusivement bas dits « prix prédateurs » constitutives d'un abus de position dominante.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 quater (articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce) - Clarification des délais de paiement applicables en outre-mer

Objet : cet article clarifie le décompte des délais de paiement applicables en outre-mer pour ne pas pénaliser les opérateurs de ces territoires.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 441-6 du code de commerce prévoit que les fournisseurs sont payés dans un délai de 30 à 45 jours à partir de la date de réception des marchandises.

Pour tenir compte des délais d'acheminement vers les territoires ultramarins, l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (LME) avait prévu un délai de paiement plus long pour l'outre-mer qu'en droit commun - ce dernier étant calculé à compter de la date d'émission de la facture et à partir de la réception des marchandises pour les outre-mer. Cependant, en pratique, des marchandises ont pu être réceptionnées, dans un premier temps, sur le territoire hexagonal, par exemple dans l'entrepôt métropolitain du transitaire du client ultramarin, ce qui équivalait juridiquement à une livraison en métropole soumises au délai de droit commun. Le renchérissement du prix initial par les frais d'immobilisation reposait alors sur l'importateur ultramarin et, au final, sur le consommateur final ultramarin.

La loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, afin de tenir compte du délai d'acheminement des marchandises à destination des outre-mer même lorsqu'elles sont d'abord réceptionnées dans l'hexagone, a prévu un décompte à partir du vingt-et-unième jour suivant la date de mise à disposition de la marchandise par le vendeur à l'acheteur ou à son représentant en métropole, ou de la date de dédouanement de la marchandise au port de destination finale si celle-ci est antérieure.

Or la mise en oeuvre de ce dispositif suscite de nouvelles difficultés : outre le fait qu'il soit souvent méconnu des importateurs locaux, il est apparu que ces derniers ne pouvaient imposer cette nouvelle réglementation à leurs fournisseurs car les délais de paiement fixés par le code de commerce sont des délais maximaux et non pas minimaux.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption d'un amendement présenté en commission par le rapporteur et les membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain. Il propose de modifier les articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce pour préciser que, lorsque la marchandise est mise à disposition dans l'hexagone, le délai ne peut être décompté qu'à partir du vingt et unième jour suivant la date de cette mise à disposition ou à partir de la date de dédouanement si celle-ci est antérieure.

Désormais, le délai de vingt-et-un jours devient un délai minimal de sorte que la charge financière liée à la durée d'acheminement des marchandises ne reposera plus sur l'importateur ultramarin mais sur le fournisseur.

III. La position de votre commission

Elle approuve ce dispositif, qui se résume à transformer le délai de paiement maximal en délai minimal, tout en faisant observer que bien souvent, l'importateur ultramarin hésite à engager un contentieux à l'encontre de son fournisseur.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 14 quinquies (article L. 450-3-2 du code de commerce) - Possibilité de faire usage d'une identité d'emprunt pour détecter l'existence d'un accord d'exclusivité d'importation

Objet : cet article vise à permettre de faire usage d'une identité d'emprunt pour détecter l'existence d'un accord d'exclusivité d'importation.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 420-2-1 du code de commerce interdit dans les seuls départements et collectivités d'outre-mer, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, les accords ou pratiques concertées tendant à accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises. Cela concerne, en pratique, des accords passés entre un fournisseur et un distributeur, le plus souvent « importateur-grossiste».

Par exception, ces accords d'exclusivité peuvent être autorisés si leurs auteurs peuvent démontrer qu'ils sont fondés sur des motifs d'efficacité économique et qu'ils bénéficient aux consommateurs. Le législateur a en effet admis que l'étroitesse des marchés ultramarins pouvait justifier pour un fournisseur, de recourir à un importateur unique.

Sur le terrain, les agents des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) dans les DOM et les COM ont observé, en raison de l'absence de nouveaux entrants sur le marché, que les exclusivités de droit ont été remplacées par des exclusivités de fait. Or, ces exclusivités d'importation de fait sont difficiles à prouver, surtout dans l'hypothèse où aucun tiers ne formule de plainte.

C'est pourquoi les agents en charge du contrôle de ces exclusivités d'importations ont exprimé le besoin de pouvoir utiliser une identité d'emprunt pour mener leurs enquêtes en s'inspirant du pouvoir de contrôle des agents de l'Autorité de la concurrence et aux fonctionnaires de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en matière de vente de biens et de services sur internet.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption en commission, d'un amendement du rapporteur qui propose de compléter l'article L. 450-3-2 du code de commerce pour permettre aux agents des DIRECCTE situées dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, de faire usage d'une identité d'emprunt pour détecter des accords exclusifs d'importation.

III. La position de votre commission

Elle approuve l'extension aux outre-mer de ce moyen d'investigation, introduit récemment dans notre droit sous l'appellation de procédé de « client mystère », pour détecter des accords exclusifs d'importations qui s'exercent au détriment des consommateurs. L'utilisation de cet outil est encadré : votre rapporteur rappelle ainsi que, conformément au principe de la loyauté de la preuve, l'agent verbalisateur ne doit pas susciter les infractions mais les prévenir et les sanctionner lorsque la preuve ne peut être en établie autrement.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 15 (article L. 752-6-1 du code de commerce) - Caractère suspensif de la saisine de l'Autorité de la concurrence par les commissions départementales et territoriales d'aménagement commercial

Objet : cet article vise à donner un caractère suspensif, pendant une durée limitée, à la saisine de l'Autorité de la concurrence par les commissions départementales et territoriales d'aménagement commercial.

I. Le droit en vigueur

Le droit commun des critères de délivrance des autorisations d'exploitation commerciales pour les créations ou extensions de magasins de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à mille mètres carrés est défini par l'article L. 752-6 du code de commerce. Cet article prévoit que les commissions départementales et territoriales d'aménagement commercial (CDAC et CTAC) doivent prendre en considération des critères se rattachant à l'aménagement du territoire, le développement durable, la protection des consommateurs et le domaine social.

En conformité avec le principe d'adaptation prévu par l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une disposition spécifique a été introduite à L. 752-6-1 du même code pour les seules collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce mécanisme, issu de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite « loi Lurel », permet aux CDAC et CTAC de tenir compte de la puissance économique déjà détenue par l'entreprise qui sollicite une autorisation d'exploitation commerciale. Si sa part de marché, calculée en surface de vente, est susceptible de dépasser 50 % de la zone de chalandise après l'opération, la commission peut demander l'avis de l'Autorité de la concurrence.

II. Le projet de loi initial

Il part du constat que la saisine de l'Autorité de la concurrence ne suspend pas le processus de décision de la commission d'aménagement commercial.

En pratique, rien ne s'oppose donc à ce que l'Autorité de la concurrence rende un avis défavorable alors même que la commission d'aménagement commercial a déjà donné son accord. Le cas s'est produit le 6 août 2013 pour une autorisation d'exploitation délivrée par la commission territoriale d'aménagement commercial de Saint-Barthélemy avant même que l'avis de l'Autorité de la concurrence, qui s'est révélé défavorable, ne soit rendu.

Pour remédier à de telles situations, l'article 15 du présent projet de loi vise à donner un caractère suspensif à la saisine par les CDAC et CDAT de l'Autorité de la concurrence. Le projet de loi initial prévoit que celle-ci dispose d'un délai maximal de trois mois pour rendre son avis, délai au terme duquel la commission d'aménagement commercial peut valablement statuer.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté, outre une modification rédactionnelle, un amendement de M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques qui prévoit de diviser par trois le délai dont dispose l'Autorité de la concurrence pour statuer en le ramenant à 25 jours ouvrés, « après réception de l'intégralité des pièces du dossier ».

IV. La position de votre commission

Elle estime, du point de vue économique, qu'il est cohérent de tenir compte de la grande concentration des activités commerciales dans nos outre-mer, où des groupes détiennent parfois plus de 40 % de parts de marché.

Du point de vue juridique, il a été souligné, au cours des auditions, que la conformité de cet article au regard du droit européen est incertaine.

Il convient de rappeler qu'en 2006 3 ( * ) , faisant suite à une plainte déposée par le groupe allemand de maxi discount Aldi, la commission européenne avait reproché à la France le caractère trop restrictif de sa législation relative aux autorisations d'exploitation commerciale qui avait pour effet de « freiner l'implantation en France des enseignes étrangères de maxi discount alimentaire ». Notre législation a, par la suite été modifiée à plusieurs reprises mais son socle de base - c'est-à-dire une autorisation d'exploitation, distincte du permis de construire - a été maintenu.

Aujourd'hui, la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le but est de renforcer la liberté d'établissement, interdit, dans son article 14-5, de subordonner l'octroi d'une autorisation d'exploiter une entreprise à des « tests économiques » préalables 4 ( * ) .

La question essentielle de l'adaptation du droit européen aux spécificités ultramarines est donc ici encore posée, et votre rapporteur pour avis rappelle que l'arrêt de de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 décembre 2015, dit « arrêt Mayotte » donne son plein effet à l'article 349 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en le consacrant comme le socle de l'adaptation de l'ensemble du droit de l'Union.

Économiquement justifié et juridiquement fondé sur une base solide, cet article 15 est enfin satisfaisant au plan pratique puisque le délai d'examen prévu pour permettre à l'Autorité de la concurrence de statuer, même s'il a été raccourci à 25 jours semble suffisant.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 16 (article L. 743-2-2 du code monétaire et financier) - Alignement progressif des tarifs pratiqués par les banques locales de Nouvelle-Calédonie sur les tarifs moyens pratiqués par les banques
en métropole

Objet : cet article vise à imposer un objectif d'alignement progressif des tarifs bancaires pratiqués en Nouvelle-Calédonie sur les tarifs moyens constatés dans l'hexagone, dans un délai de cinq ans.

I. Le droit en vigueur

Il comporte d'ores et déjà plusieurs strates de normes permettant de modérer la tarification bancaire en Nouvelle-Calédonie.

Tout d'abord, l'article L.743-2-1 du code monétaire et financier prévoit que le Gouvernement peut, par décret , définir les valeurs maximales que les établissements bancaires peuvent facturer aux personnes physiques en Nouvelle-Calédonie, pour seize catégories de services bancaires :

1° L'ouverture, la tenue et la clôture du compte ;

2° Un changement d'adresse par an ;

3° La délivrance à la demande de relevés d'identité bancaire ;

4° La domiciliation de virements bancaires ;

5° L'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ;

6° La réalisation des opérations de caisse ;

7° L'encaissement de chèques et de virements bancaires ;

8° Les dépôts et les retraits d'espèces au guichet de l'organisme teneur de compte ;

9° Les paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ;

10° Des moyens de consultation à distance du solde du compte ;

11° Une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l'établissement de crédit qui l'a émise ;

12° Deux formules de chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalents offrant les mêmes services ;

13° La mise en place d'un ordre de virement permanent vers un autre compte bancaire en Nouvelle-Calédonie ; la révocation de cet ordre et la modification de son montant étant gratuites ;

14° Des moyens de programmation à distance de virements occasionnels ou permanents gratuits vers d'autres comptes bancaires en Nouvelle-Calédonie ;

15° Le retrait d'espèces, par carte, dans un distributeur automatique

16° Les frais d'opposition sur chèque.

Il convient de préciser que selon le Conseil d'État, la compétence pour encadrer les tarifs bancaires ne relève pas de la compétence de la Nouvelle-Calédonie mais bien de l'État.

Par la suite, l'article 16 de la loi du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer a introduit l'article L. 743-2-2 au sein du code monétaire et financier afin de permettre au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie de négocier des accords de modération de leurs tarifs avec les banques locales ainsi que les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et l'office des postes et télécommunications. A défaut d'accord, le haut-commissaire fixe par arrêté, après avis de l'Institut d'émission d'outre-mer, le prix global maximal des seize services bancaires de base mentionnés ci-dessus. Sur ce fondement, deux accords ont été conclus, fin 2014 et fin 2015.

Par ailleurs, s'agissant des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, l'article L.711-22 5 ( * ) du même code précise que, pour les services bancaires de base visés à l'article L. 312-1, les établissements de crédit ne peuvent pratiquer des tarifs supérieurs à la moyenne de ceux que les établissements ou les caisses régionales du groupe auquel ils appartiennent pratiquent dans l'Hexagone.

Les établissements de crédit présents dans ces collectivités participent chaque année à une réunion présidée par le représentant de l'État et en présence de l'institut mentionné à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII afin de définir ensemble les mesures nécessaires à la détermination des tarifs visés au premier alinéa.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, adopté à l'initiative de M. Philippe Gomes vise à compléter l'article L. 743-2-2 du code monétaire et financier pour fixer comme objectif à ces négociations un alignement progressif, dans un délai de cinq ans, des tarifs pratiqués par les banques locales de Nouvelle-Calédonie sur les tarifs moyens constatés dans l'Hexagone par l'observatoire des tarifs bancaires publiés par le comité consultatif des services financier (CCSF).

III. La position de votre commission

Cet article vise à obtenir un alignement progressif dans un délai ne pouvant excéder cinq ans, des tarifs pratiqués par les banques locales de Nouvelle-Calédonie sur ceux constatés dans l'hexagone par l'observatoire des tarifs bancaires et publiés par le comité consultatif du secteur financier (CCSF).

Les établissements de crédit font valoir, en s'appuyant sur les rapports annuels de l'Observatoire des tarifs bancaires, que le secteur bancaire calédonien est confronté à des coûts d'exploitation et de refinancement supérieur à ceux supportés dans l'hexagone. Par exemple, les coûts liés à la fabrication des chéquiers, à la gestion des cartes bancaires et à la maintenance des plateformes informatiques sont plus élevés en Nouvelle-Calédonie. De plus, les charges liées à l'emploi d'un conseiller de clientèle en Nouvelle Calédonie représentent un coût majoré de 50% par rapport à l'hexagone. Dans ces conditions, l'alignement autoritaire des prix des services calédoniens sur une moyenne hexagonale pourrait induire un risque significatif de vente à perte par les banques sauf à ce que cette baisse des prix soit contrebalancée par la remise en cause de la présence bancaire qui pourrait alors être considérée comme insuffisante.

Votre rapporteur pour avis constate que le législateur est intervenu à plusieurs reprises sur la tarification bancaire dans les outre-mer et que les réalités de terrain ont finalement conduit les parlementaires à favoriser des processus de négociation permettant aux consommateurs de bénéficier d'une baisse des tarifs tout en prenant en considération la réalité des coûts supportés par les établissements bancaires.

Une telle approche a démontré une certaine efficacité puisque les dispositifs mis en oeuvre dans les territoires ultramarins aboutissent à des accords locaux dont les effets sont tangibles. Pour la Nouvelle-Calédonie, fin décembre 2016, la réduction des tarifs atteint 40% par rapport à la moyenne constatée en 2013. En même temps, ces accords permettent de prendre en compte l'importance du rôle économique de l'industrie bancaire en matière d'emploi et les spécificités avérées de ces territoires.

L'amendement COM-172 adopté par votre commission, à l'initiative de son rapporteur pour avis part du constat que le texte adopté par les députés, qui concerne la Nouvelle-Calédonie où on constate des surcoûts, comporte des exigences qui vont bien au-delà des dispositions prévues pour les départements d'outre-mer puisque celles-ci ne concernent que les services bancaires de base.

Par souci d'équilibre et de réalisme, votre commission propose donc, dans un délai de cinq ans :

- d'une part, pour les services bancaires de base, un plafonnement des tarifs par référence à ceux qui sont pratiqués dans l'Hexagone;

- et d'autre part, de prévoir un rapprochement plutôt que l'alignement des autres tarifs.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 17 (article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) - Discrimination en raison de la domiciliation bancaire

Objet : cet article vise à préciser qu'une personne ne doit pas faire l'objet d'une discrimination fondée sur sa domiciliation bancaire.

I. Le droit en vigueur

L'article premier de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a été modifié par l'article 86 de la toute récente loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI è siècle.

Ce texte distingue deux formes de discriminations.

D'une part, la discrimination directe est la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence , de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée.

D'autre part, constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, adopté à l'initiative du Gouvernement, rappelle que le refus de délivrer un service, ou de manière générale le fait d'écarter de tout type de démarche une personne du fait de sa domiciliation bancaire, constitue une forme de discrimination.

On rappellera que l'article 1 er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a transposé en droit national la définition communautaire des discriminations directes et indirectes et du harcèlement, parmi lesquelles figure la discrimination en raison de son lieu de résidence.

Or, les ultramarins rencontrent encore une difficulté majeure relative à leur domiciliation bancaire. Bien souvent, ils voient leur demande de crédit ou de souscription à un service refusée en raison de leur domiciliation bancaire hors de l'Hexagone.

Le présent article complète donc l'article 1 er de la loi du 27 mai 2008 précité pour préciser que constitue également une discrimination directe le fait de traiter de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable, une personne en raison de sa domiciliation bancaire.

III. La position de votre commission

Le Défenseur des droits, dans son avis 16-21 au Parlement du 6 décembre 2016 présenté à la commission des lois s'est efforcé d'expertiser cet article adopté par les députés.

En premier lieu, il estime que les discriminations liées à la domiciliation bancaire peuvent d'ores et déjà être appréhendées à travers deux outils juridiques existants :

- d'une part, des articles 225-1 et 225-2 1° et 4° du code pénal qui interdisent de refuser ou de subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur le lieu de résidence.

- d'autre part, la loi du 27 mai 2008 précitée, pour tous les comportements entraînant un traitement moins favorable d'une personne par rapport à une autre sur le fondement de son lieu de résidence.

Par ailleurs, le Défenseur des droits signale que cette proposition de modification législative risque dans ses effets d'être dévoyée de son objectif.

Votre rapporteur pour avis tire de ces indications, qui permettent de compenser l'absence d'étude d'impact sur ce point, un élément de satisfaction : le droit en vigueur semble bien garantir aux ultramarins une possibilité de recours en cas de discrimination liée à la domiciliation bancaire. Toutefois, ce résultat nécessite une analyse approfondie tandis que le présent article, approuvé par le Gouvernement, vise à énoncer clairement dans la loi que la domiciliation bancaire ne doit pas servir de fondement à une discrimination.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 18 (article 24 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer) - Élargissement du dispositif de l'aide au fret

Objet : cet article vise à rendre éligible à l'aide au fret les échanges inter-outre-mer et les importations depuis les pays étrangers.

I. Le droit en vigueur

L'article 24 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a créé, en faveur des entreprises situées dans les départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna, une aide destinée à abaisser le coût du fret des matières premières ou produits :

- importés dans ces départements ou ces collectivités pour y entrer dans un cycle de production ;

- ou exportés vers l'Union européenne après un cycle de production dans ces départements ou ces collectivités.

Le montant de l'aide est fixé chaque année en loi de finances. Pour les départements d'outre-mer et dans les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, cette aide peut être cofinancée par une allocation du Fonds européen de développement régional.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article 18, adopté à l'initiative du Gouvernement, vise à rendre éligible à l'aide au fret prévue à l'article 24 de la loi du 27 mai 2009 les échanges inter-outre-mer et les importations depuis les pays étrangers.

L'aide au fret aux entreprises situées dans les départements d'outre-mer, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis et Futuna, serait désormais destinée à abaisser le coût du fret :

- des matières premières, ou produits importés dans ces départements ou ces collectivités, depuis l'Union européenne ou les pays tiers ou acheminés depuis ces départements et collectivités pour y entrer dans un cycle de production ;

- des matières premières, ou produits expédiés après un cycle de production locale vers l'Union européenne, y compris ces départements et collectivités d'outre-mer ;

- des déchets importés dans ces départements ou ces collectivités depuis l'Union européenne ou les pays tiers, ou acheminés depuis ces départements et collectivités, aux fins de traitement et en particulier de valorisation ;

- et des déchets expédiés vers l'Union européenne y compris ces départements ou collectivités aux fins de traitement et en particulier de valorisation.

Le dernier alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale précise que le montant de l'aide au fret est fixé chaque année en loi de finances. De plus, pour les départements d'outre-mer, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et dans la collectivité de Saint-Martin, cette aide peut être cofinancée par l'allocation additionnelle spécifique de compensation des surcoûts liés aux handicaps des régions ultrapériphériques, mentionnée à l'article 12 du règlement (UE) n°1301/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au Fonds européen de développement régional et aux dispositions particulières relatives à l'objectif « Investissement pour la croissance et l'emploi ».

III. La position de votre commission

Elle approuve pleinement cette avancée qui, en élargissant l'aide au fret les échanges inter-outre-mer et les importations depuis les pays étrangers, obéit à une logique d'intégration régionale des économies ultramarines.

Il convient de rappeler que la distance entre les DOM et les marchés européens est importante : la Guadeloupe et la Martinique sont distantes de 6 800 kilomètres de Paris, la Guyane de 7 000 kilomètres et La Réunion de 9 300 kilomètres. Cette situation géographique entraîne des surcoûts importants liés à l'acheminement des marchandises.

Du point de vue économique, le moyen de transport le plus utilisé et le moins coûteux pour le commerce des marchandises est le transport maritime. Les DOM présentent également la caractéristique d'avoir des échanges extérieurs de marchandises fortement orientés vers l'Europe et essentiellement la France métropolitaine. Cette dernière représente la première destination des productions locales et la première source d'approvisionnement. De manière générale, l'hexagone représente 50 % à 60 % des échanges extérieurs des DOM et l'Europe, hors métropole, environ 10 % à 15 %. Le surcoût du transport au regard du prix total des marchandises se situe entre 5 % et 15 % en moyenne et atteint 25 % en Guyane.

Le principe de l'aide au fret instituée par l'article 24 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est de compléter le financement par l'Union européenne à hauteur de 50 %. Son objectif est de soutenir la production locale qui peut incorporer des matières transformées importées : c'est pourquoi le terme de « produits » qui figure dans la loi désigne les produits non finis.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 19 - Expérimentation d'un Small Business Act outre-mer

Objet : cet article vise à instituer, à titre expérimental, un « Small Business Act ultramarin ».

I. Le droit en vigueur

Depuis l'abrogation, au 1 er avril 2016, de l'ancien code des marchés publics, notre droit des marchés publics est, pour l'essentiel, régi par l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et les décrets du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics et aux marchés de défense ou de sécurité, qui ont achevé la transposition des directives européennes.

Ce droit de la commande publique s'applique aux départements et régions d'outre-mer (Drom) avec quelques adaptations aux spécificités locales. Il en va de même, pour les collectivités d'outre-mer (COM) soumises au principe d'identité législative.

En revanche, les trois autres collectivités d'outre-mer soumises au régime de spécialité législative et d'autonomie défini par l'article 74 de la Constitution - la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna - édictent leur propre droit de la commande publique. Cependant, sur ces trois territoires, l'ordonnance du 23 juillet 2015 est applicable aux marchés publics conclus par l'État ou ses établissements publics.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, adopté au stade de la commission et ensuite précisé en séance publique, vise à créer un « Small Business Act ultramarin », en permettant, à titre expérimental, aux autorités adjudicatrices dans les départements, régions, collectivités uniques d'outre-mer, collectivités de l'article 74 de la Constitution ainsi qu'à Mayotte, de réserver jusqu'à un tiers de leurs marchés aux PME installées sur leur territoire.

Toutefois, pour chaque secteur économique concerné, le montant total des marchés réservés aux PME ne pourra excéder 15 % du montant annuel moyen des marchés du secteur économique concerné conclus par le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice concerné au cours des trois années précédentes.

Cette expérimentation, d'une durée de cinq ans, est destinée à soutenir l'activité économique ultramarine et en particulier la vitalité des petites et moyennes entreprises.

III. La position de votre commission

L'article 19 qui crée un « Small Business Act 6 ( * ) ultramarin » sous forme expérimentale pendant cinq ans avec un tiers des marchés publics réservés aux PME installées sur le territoire des pouvoirs adjudicateurs, appelle plusieurs observations.

Certes, une telle initiative présente un risque de fragilité au regard du principe constitutionnel de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003).

Rien n'empêche cependant le législateur de faire preuve d'audace en faisant valoir plusieurs arguments :

- son caractère transitoire ;

- l'impératif d'adaptation des normes dans les outre-mer ;

- et l'intérêt économique et social d'une telle mesure.

A ceux qui mettent aussi en avant une possible incompatibilité avec les règles de l'Accord sur les marchés publics signé par la France dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), on peut rappeler que plusieurs pays ont veillé à obtenir une dérogation, à commencer par les États-Unis, pour pouvoir réserver des marchés publics aux petites entreprises.

Le « Small Business Act », voté le 30 juillet 1953 par le Congrès et modifié par la suite à de nombreuses reprises est, en effet, un des piliers de la « constitution économique » de ce pays. Son but est d'aider les petites entreprises à participer à la compétition économique et de préserver l'esprit de libre concurrence. De ce point de vue, une conception trop rigide de notre principe de libre accès a la commande publique risque de contrecarrer le nécessaire soutien à l'émergence de nouveaux candidats, et de favoriser le statu quo ainsi que les opérateurs exerçant d'ores et déjà leur domination économique de fait.

Bien entendu, une étude d'impact permettant de mesurer la participation actuelle des PME ultramarines à la commande publique serait bienvenue car on ne dispose quasiment pas de données fiables sur ce point.

Au cours des auditions, il a cependant été rappelé que ce taux de participation est d'ores et déjà, sur certains territoires et dans certains secteurs d'activité comme le BTP, élevé.

En tout état de cause, et pour dissiper toute incertitude quant à l'interprétation des deux seuils mentionnés par cet article 19, il convient de souligner qu'ils ne remettent absolument pas en cause les dynamiques existantes : en effet, les limitations introduites par ce texte ne s'appliquent qu'à la partie des marchés qui serait réservée aux PME, ce qui n'empêche pas ces dernières de bénéficier par ailleurs de leur droit au libre accès. Cette clarification amène votre rapporteur pour avis à rappeler son souci constant de lisibilité et de concision des normes destinées aux acteurs de terrain 7 ( * ) .

L'article 19 vise à instituer, à titre expérimental, un « Small Business Act ultramarin ».

La commission des affaires économiques a approuvé la démarche de votre rapporteur pour avis qui souligne qu'il s'agit d'une "mesure phare" du volet économique du présent projet de loi et d'une idée consensuelle dans les réflexions sur l'avenir de nos outre-mer.

Elle a adopté l'amendement COM-173 présenté par son rapporteur qui vise à fortifier et à compléter le dispositif prévu à cet article.

D'une part, face à la crainte de non-conformité d'une telle initiative au principe constitutionnel de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'amendement propose d'abord un rappel : cette expérimentation, conduite dans des territoires où le principe d'adaptation des normes est fondamental, a pour but de faire émerger de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d'exercer pleinement, à moyen terme, leur libre accès à la commande publique. Ces trois arguments justifieraient l'assouplissement d'une conception trop formelle et instantanée de notre principe de libre accès à la commande publique.

D'autre part, cet amendement vise à compléter le dispositif adopté par les députés : il s'agit, en s'inspirant d'un des piliers de la législation des États-Unis, de prévoir, également à titre expérimental, que les appels d'offres d'une valeur de plus de 500 000 euros remportés par une grande entreprise doivent comporter « un plan de sous-traitance » garantissant la participation des PME locales.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

TITRE XII - DISPOSITIONS DE NATURE FISCALE
Article 48 (article 1649 decies du code général des impôts) - Établissement du cadastre en Guyane

Objet : cet article vise à faciliter l'établissement du cadastre en Guyane.

I. Le droit en vigueur

L'article 1649 decies du code général des impôts prévoit que, dans les départements et régions d'outre-mer, il est procédé, aux frais de l'État, à l'établissement et à la conservation d'un cadastre parcellaire destiné à servir de support aux évaluations à retenir pour l'assiette de la contribution foncière des propriétés bâties, de la contribution foncière des propriétés non bâties et des taxes annexes à ces contributions.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Issu d'un amendement présenté en commission par M. Gabriel Serville, l'article 48 vise à modifier l'article 1649 decies du code général des impôts et propose de rappeler, d'une part, que le cadastre a vocation à couvrir l'intégralité du territoire et, d'autre part, que les commissions chargées de le constituer doivent se réunir régulièrement. Compte-tenu des circonstances de fait, des méthodes dérogatoires peuvent être utilisées pour sa constitution.

Cette initiative repose sur le constat qu'en Guyane, les bases d'imposition relatives à la fiscalité directe demeurent beaucoup plus faibles qu'en France hexagonale. Or l'identification des bases cadastrales détermine le niveau de recettes fiscales des collectivités territoriales et les élus locaux ont déploré le manque de volontarisme des services de l'État sur cette question.

En séance publique, l'Assemblée nationale a supprimé, à l'initiative du Gouvernement, le renvoi à un décret pour fixer les conditions dans lesquelles des données seraient échangées entre l'État et les collectivités territoriales. En effet, ces échanges sont possibles dans le cadre actuel, et le seront encore plus très prochainement avec la mise en oeuvre de la loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité de la réutilisation des informations publiques.

III. La position de votre commission

Elle observe que le décret du 21 avril 1975 qui régit le cadastre des départements d'outre-mer serait prochainement modifié et qu'à cette occasion, les spécificités guyanaises pourraient être prises en compte.

Cependant, comme en a convenu le Gouvernement en approuvant cet article 48, l'identification des bases d'imposition est une soulève des difficultés considérables, tout particulièrement en Guyane.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 51 - Rapport sur la rationalisation du dispositif de zones franches outre-mer.

Objet : cet article vise à obtenir un rapport exhaustif sur les zones franches existantes et les conditions de mise en oeuvre d'une zone franche globale à compter du 1 er janvier 2019 pour une durée de dix ans renouvelable.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption en commission d'un amendement de M. Victorin Lurel, rapporteur.

Le constat de la superposition des dispositifs fiscaux et sociaux de soutien à l'activité conduit l'article 51 à demander la remise d'un rapport qui établirait un bilan exhaustif de l'existant et préciserait les conditions de mise en oeuvre d'une zone franche globale à compter du 1 er janvier 2019 pour une durée de dix ans renouvelable.

En séance publique, le Gouvernement a fait observer qu'en décidant, à l'article 36 bis , de prolonger les zones franches d'activité (ZFA) d'une seconde année, les députés semblaient avoir choisi non pas la création immédiate d'une zone franche globale mais de procéder à une réflexion préalable sur ce point. La ministre a rappelé que les territoires étant différents, il convient d'explorer toutes les possibilités.

II. La position de votre commission

Comme le rappelle le rapport de M. Victorin Lurel, de nombreux dispositifs existent pour lutter contre la fracture territoriale et la déshérence des quartiers : zone franche urbaine (ZFU), zone de dynamisation rurale, zone de revitalisation urbaine (ZRU), zone urbaine sensible (ZUS), contrat urbain de cohésion sociale (CUCS), zone franche d'activité (ZFA) et chantiers prioritaires de la ville. Il existe aujourd'hui 100 ZFU dont sept outre-mer, 435 ZRU, 751 ZUS, plus de 530 quartiers éligibles à une convention ANRU et 2493 quartiers ciblés par les CUCS.

Leurs résultats sont jugés encourageants avec un bilan coût budgétaire - effets d'entrainement positif. Ainsi, la dépense fiscale consentie de 2009 à 2015 pour les entreprises de quatre départements d'outre-mer installées dans les ZFA s'est élevées à 130 millions d'euros par an en moyenne, ce qui représente environ 1.7% du total des dépenses fiscales de l'État. Malgré les bonnes performances de ces dispositifs, ce rapport estime de les rendre encore plus efficaces pour la création d'emplois en procédant à une refonte au sein d'une seule zone, plus globale, à assiette fiscale plus large et couvrant l'intégralité des géographies concernées. Il s'agirait de mettre en place outre-mer, à l'instar de ce qui a été fait pour la Corse en 1997 et à Charleville-Mézières en 2006, un régime fiscal et social de zone franche globale.

Votre rapporteur pour avis fait ici observer que, sur le terrain, les exonérations fiscales et sociales sont appréciées par les chefs d'entreprises dans une logique de comparaison, voire de « mise en concurrence » avec d'autres dispositifs d'exonérations, l'important étant, pour eux, la réduction du « coût global » relatif qui en résulte.

De ce point de vue, l'attractivité relative des ZFU semble avoir diminué avec la mise en oeuvre sur l'ensemble du territoire des allègements de charges sociales dites « Fillon » à partir de 2003 et, en Outre-mer, en raison de la mise en place des dispositifs de Zone franche d'activité et de ZFA bonifiée, c'est-à-dire au « paniers d'abattements » spécifiques introduits par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-mer (Lodéom)

L'enjeu est d'autant plus important que les outre-mer sont la plupart du temps situées dans des zones où les pays voisins offrent des niveaux de salaires sensiblement moins élevés : les exonérations sont alors un moyen de retrouver des coûts de main d'oeuvre et donc un niveau de compétitivité-prix moins défavorable.

Remplacer le dispositif actuel, qui atteint un degré de complexité extrême, par des zones franches globales est une idée séduisante, d'autant que les opérateurs prennent simultanément en compte les autres mécanismes de défiscalisation et de crédit d'impôt.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 51 bis (nouveau) (article L 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime) - Aménagement des critères requis pour accorder une autorisation d'exploitation agricole dans les départements d'outre-mer

Objet : cet article additionnel prévoit d'aménager les critères requis pour accorder une autorisation d'exploitation agricole dans les départements d'outre-mer.

I. Le droit en vigueur

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a modifié le dispositif du contrôle des structures pour favoriser l'installation d'agriculteurs, restructurer les exploitations agricoles et professionnaliser les chefs d'exploitations.

En particulier, l'article L.331-3-1 du code rural et de la pêche maritime impose quasi systématiquement d'obtenir une candidature concurrente prioritaire pour permettre au Préfet de pouvoir refuser une demande d'autorisation d'exploiter.

II. La position de votre commission

Sur le terrain, l'application du nouveau Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles suscite des difficultés concrètes en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique à Mayotte et à la Réunion.

En effet, il est souvent très compliqué de proposer des candidatures concurrentes valables dans les délais impartis, ce qui ne permet juridiquement pas au Préfet de pouvoir refuser une demande d'autorisation d'exploiter économiquement trop fragile. Depuis un an, l'application de cette disposition a entrainé une augmentation très nette des autorisations d'exploiter accordées à des demandeurs ne justifiant pas de la capacité professionnelle requise ou à des porteurs de projet s'installant sur des exploitations jugées non viables.

Afin d'apporter une solution opérationnelle à cette dérive, dans le contexte de tensions très fortes qui s'exercent en matière de foncier agricole dans les outre-mer, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, l'amendement COM-174 : il propose une adaptation spécifique aux DOM en introduisant la possibilité de refuser certaines demandes d'autorisation d'exploiter non conformes aux orientations fixées par le schéma précité en termes de viabilité économique et de capacité professionnelle.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 52 - Extension des enquêtes statistiques réalisées par l'État aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

Objet : cet article vise à étendre aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie toute enquête statistique publique portant sur les départements d'outre-mer.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Il a pour origine l'adoption en commission d'un amendement de M. Philippe Gomes, prévoyant que toute enquête statistique réalisée par l'État ou l'un de ses établissements publics sur l'ensemble des départements d'outre-mer doit être étendue à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités d'outre-mer.

A l'appui de cette initiative, plusieurs constats ont été mis en avant. Tout d'abord, l'absence de statistiques de qualité est un réel handicap pour la mise en place de politiques publiques efficaces et leur évaluation dans beaucoup de territoires ultramarins. Ensuite, comme le rappelle le rapport remis au Premier ministre par M. Victorin Lurel, l'enquête annuelle de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sur les revenus fiscaux et sociaux des ménages demeure cantonnée au territoire hexagonal. De même, le périmètre de l'étude sur la cherté de la vie de l'INSEE comprend l'Hexagone et les DOM mais pas les collectivités françaises du Pacifique. La même remarque s'applique à l'enquête menée en 2003 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) sur les violences faites aux femmes et à celle de l'Institut national d'études démographiques sur les violences et rapports de genre, dite VIRAGE.

Sur ces bases, l'article 52 vise à assurer un égal traitement statistique des outre-mer par rapport à l'Hexagone.

II. La position de votre commission

Il convient ici de rappeler que les collectivités d'outre-mer ne relèvent pas de la compétence de l'INSEE, sauf en matière de recensement de la population. Le transfert de la compétence statistique à ces territoires s'est traduit par la création d'entités spécifiques comme l'Institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle-Calédonie (ISEE) sous la tutelle de la collectivité de Nouvelle-Calédonie ou l'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) qui dépend du ministre de l'Économie du gouvernement de la Polynésie française.

En revanche, l'appareil d'information statistique des départements d'outre-mer est géré par l'INSEE qui est une direction déconcentrée du ministère de l'économie et des finances. Sur les 5 200 agents de l'INSEE, les trois quarts sont répartis sur le territoire français entre les directions régionales de l'INSEE. En outre-mer, on compte deux directions régionales. La première, dite « Antilles-Guyane » (DIRAG), dont le siège se trouve à Pointe-à-Pitre, possède trois services régionaux en Guadeloupe, Martinique et Guyane. La seconde, « La Réunion-Mayotte », comporte un service régional à Mayotte. Proportionnellement, les effectifs de l'INSEE travaillant dans les directions régionales des DOM sont légèrement supérieurs aux effectifs des directions régionales de l'hexagone.

Du point de vue juridique et institutionnel, l'autonomie statistique des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie est un corollaire de leur statut particulier garanti par la Constitution. L'extension obligatoire des enquêtes statistiques à ces territoires, prévue par le présent article 52, risque donc d'apparaitre comme une entorse à leur autonomie. C'est pourquoi l'amendement COM-175 préconise la suppression de cet article.

Pour répondre à la légitime préoccupation de cet article, rien n'empêche de conclure des accords entre les organismes nationaux chargés d'études statistiques - ou l'État - et les entités locales compétentes. Reste que de façon pratique, et comme le fait lui-même observer l'auteur de l'amendement, cette articulation nécessite une harmonisation des méthodes et des outils statistiques, ce qui, dans certains cas est difficilement réalisable en raison des particularités ultramarines.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 53 - Demande de rapport sur les méthodes de calcul du seuil de pauvreté des populations des outre-mer et des populations hexagonales.

Objet : cet article vise à étudier la possibilité de calculer les taux de pauvreté en outre-mer en prenant comme point de comparaison une référence nationale et non plus locale.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Il résulte de l'adoption en commission d'un amendement de M. Victorin Lurel, rapporteur, qui prévoit la remise, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d'un rapport sur les bases et les périmètres de calcul des taux de pauvreté 8 ( * ) des populations des outre-mer et des populations hexagonales, afin d'harmoniser les méthodes de calcul.

A l'appui de cette demande, il est mis en avant qu'aujourd'hui, l'INSEE prend comme référence le revenu médian local 9 ( * ) pour calculer le taux de pauvreté en outre-mer. Avec cette méthode, le taux de pauvreté s'établit à 17 % à La Réunion, 17,8% en Guadeloupe, 19,8 % en Martinique, 26,5 % en Guyane, et 27,6 % à Mayotte contre 13,2% dans l'hexagone.

Si l'INSEE prenait comme base le revenu médian national et non pas local, le taux de pauvreté bondirait à 38 % pour la Martinique, 5 0% pour La Réunion, la Guadeloupe et la Guyane, et 92 % pour Mayotte.

Estimant qu'il s'agit là d'une inégalité de traitement statistique ne permettant pas de prendre la pleine mesure de la pauvreté dans les territoires d'outre-mer, le texte adopté par l'Assemble nationale propose d'étudier la possibilité de remédier à la méthode de calcul en vigueur.

II. La position de votre commission

Sur le fond, une étude de 2015 10 ( * ) indique effectivement que pour calculer les taux de pauvreté ultramarins, l'Insee n'a pas retenu le niveau de vie médian national, qui avoisine 1 000 euros, mais le niveau de vie des territoires concernés qui est bien inférieur : 615 euros en Martinique, 588 euros en Guadeloupe et 558 euros en Guyane. Tout en militant pour une réforme de ce mode de calcul, cette étude indique elle-même que la mauvaise connaissance des revenus dans les Dom et les différences de fiscalité soulèvent des difficultés statistiques particulières.

Nul ne peut contester qu'il serait utile, si faire se peut, d'améliorer la précision des calculs de taux de pauvreté. Encore faut-il préciser que ce phénomène de pauvreté en outre-mer est une conséquence de la trop grande dispersion des niveaux de vie outre-mer, comme en témoignent les multiples travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer. La conséquence pratique est que les produits alimentaires absorbent une plus grande part du budget des ménages ultramarins que de celui des ménages hexagonaux, en particulier lorsque les ménages se situent en-deçà du seuil de pauvreté.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis estime nécessaire de veiller, dans les dispositions du présent projet de loi, à ne pas lutter trop sévèrement contre les produits alimentaires à très bas prix, ce qui s'accorde avec cette demande tendant à mieux mettre en évidence les écarts de revenus entre l'hexagone et les outre-mer.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 54 - Rapport sur l'intégration du PIB des collectivités d'outre-mer dans la comptabilité nationale.

Objet : cet article prévoit la remise d'un rapport sur la prise en compte des collectivités d'outre-mer dans le calcul du produit intérieur brut français.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Il résulte de l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur, qui prévoit la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d'un rapport sur les modalités d'intégration du Produit Intérieur Brut (PIB) des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie dans le calcul du PIB français.

La comptabilité nationale ne prend en effet pas en compte la richesse produite par les collectivités de Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et de la Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire, au total, quatorze milliards d'euros par an.

II. La position de votre commission

Sur le plan institutionnel, il convient, en premier lieu, de rappeler que les collectivités d'outre-mer ne relèvent pas de la compétence de l'INSEE, sauf en matière de recensement de la population. En effet, le transfert de la compétence statistique à ces territoires s'est traduit par la création d'entités spécifiques comme l'Institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle-Calédonie (ISEE) sous la tutelle de la collectivité de Nouvelle-Calédonie ou l'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) qui dépend du ministre de l'Économie du gouvernement de la Polynésie française.

En revanche, l'appareil d'information statistique des départements d'outre-mer est géré par l'INSEE qui est une direction déconcentrée du ministère de l'économie et des finances. Sur les quelques 5 200 agents de l'INSEE, les trois quarts sont répartis sur le territoire français entre les directions régionales de l'INSEE. En outre-mer, on compte deux directions régionales. La première, dite « Antilles-Guyane » (DIRAG), dont le siège se trouve à Pointe-à-Pitre, possède trois services régionaux en Guadeloupe, Martinique et Guyane. La seconde, « La Réunion-Mayotte », comporte un service régional à Mayotte. Proportionnellement, les effectifs de l'INSEE travaillant dans les directions régionales des DOM sont légèrement supérieurs aux effectifs des directions régionales de l'hexagone.

Partant de ce constat, il convient d'abord de s'interroger sur la faisabilité de l'intégration du PIB des collectivités ultramarines dans le PIB national car les instituts statistiques autonomes n'utilisent pas les mêmes méthodes de calcul que l'INSEE. On peut également s'interroger sur l'utilité pratique de ce calcul car le chiffre global ainsi obtenu ne serait a priori pas conforme aux exigences statistiques de l'Union européenne. Il faudrait dès lors un changement de norme pour que la France puisse en tirer des conséquences budgétaires - par exemple en matière de déficit soutenable - sans que soit immédiatement posée la question de l'intégration de la dette des collectivités.

Compte tenu de l'intérêt de ce sujet, votre rapporteur pour avis a estimé souhaitable de ne pas s'opposer à cet article 54.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.


* 1 L'étude d'impact qui accompagne le projet de loi initial reprend ces chiffres : 13 % des logements insalubres français contre seulement 4 % de la population.

* 2 Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, et Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville

* 3 Avis n° 2000/5224 (2006) 6201, adressé à la République française au titre de l'article 226 du Traité instituant la CE en raison de restrictions à la liberté d'établissement des surfaces commerciales.

* 4 L'article 14-5 de la Directive interdit « l'application au cas par cas d'un test économique consistant à subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande du marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente ; cette exigence ne concerne pas les exigences en matière de programmation qui ne poursuivent pas des objectifs de nature économique mais relèvent de raisons impérieuses d'intérêt général ».

* 5 Cet article L 711-22 du code monétaire et financier est issu de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer

* 6 La formule « stratégie du bon achat » a été proposée comme alternative à « Small business act ».

* 7 On peut rappeler à ce sujet que le « Small Business Act » américain comporte à l'heure actuelle 301 pages.

* 8 Une personne est considérée comme pauvre lorsqu'elle vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Selon l'approche utilisée en Europe, le seuil de pauvreté est défini par rapport à la distribution des niveaux de vie de l'ensemble de la population. Ce seuil est en règle générale, fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie.

* 9 Le revenu médian est tel que la moitié des personnes de la population considérée en perçoit moins et l'autre moitié, plus. Le seuil de pauvreté est défini comme 60 % du revenu médian, sauf à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie où il correspond à 50 % du revenu médian de référence.

* 10 « Pauvreté : l'Insee considère que les Dom ne font pas partie de la France » 14 septembre 2015 -Centre d'observation de la société créé en 2011 par le bureau d'études et soutenu depuis 2016 par Emmaüs France.

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