B. LES TRANSFERTS ENTRE ÉTAT ET SÉCURITÉ SOCIALE ET LES COMPENSATIONS INTERNES À LA SÉCURITÉ SOCIALE (ARTICLE 26 DU PLF ET ARTICLE 18 DU PLFSS 2018)

1. Un surplus de recettes temporaire pour la sécurité sociale intégralement restitué à l'État

Les mesures proposées par le Gouvernement à l'article 7 du présent projet de loi de financement se traduisent par un excédent de 5,4 milliards d'euros pour la sécurité sociale.

Hors la non-compensation par l'État de la baisse des cotisations maladie des exploitants agricoles, le surplus aurait été porté à 5,9 milliards d'euros. Ce surplus serait intégralement affecté à l'État en 2018.

Cette affectation constitue le socle des transferts proposés pour 2018. Or votre rapporteur pour avis relève trois éléments biaisant la présentation faite par le Gouvernement des surplus de recettes présumés pour la sécurité sociale :

- d'abord, la perte de recettes pour l'Unédic résultant de la suppression des cotisations d'assurance chômage est intégralement supportée par la sécurité sociale en 2018 (9,4 milliards d'euros, qui seront compensés à l'Unédic par l'ACOSS) ;

- ensuite, le montant total restitué à l'État intègre une recette pour la sécurité sociale dont elle ne bénéficiera pourtant pas : la sécurité sociale doit ainsi restituer à l'État 5,9 milliards d'euros, et non 5,4 milliards d'euros, alors même que la baisse de cotisations des exploitants agricoles constitue une perte de recettes qui ne lui est pas compensée ;

- enfin, le Gouvernement apporte une justification critiquable à la restitution du surplus à l'État : ce surplus devrait en effet permettre de compenser pour l'État l'impact de la suppression de la Contribution de solidarité (CES) et les primes dans la fonction publique de l'État, qui devraient compenser l'augmentation de la CSG. Or le coût de ces deux mesures atteindrait 2,1 milliards d'euros. L'État conserverait ainsi un surplus de 3,8 milliards d'euros, aux dépens de la sécurité sociale .

Le schéma de transferts entre l'État et la sécurité sociale proposé pour 2018 et présenté ci-après repose ainsi sur un surplus de recettes pour la sécurité sociale surestimé et constitue en réalité une ponction de recettes de la sécurité sociale, destinée à augmenter les recettes du budget de l'État.

2. La compensation de mesures non pérennes prises en 2017 (article 26 PLF 2018)

Comme le rapporteur général de la commission des finances l'avait relevé dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2017 44 ( * ) , le montant des compensations portées par le budget de l'État en 2017 ne coïncidait pas avec le montant total des mesures entraînant une perte de recettes pour la sécurité sociale . Deux dispositifs proposés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 étaient en effet comptabilisés en réduction du montant à compenser, pour un montant total de 879 millions d'euros :

- le prélèvement des ressources mises en réserve au sein de la section III du fonds de solidarité vieillesse au profit du régime général, à hauteur de 719 millions d'euros ;

- la modification de la période d'imposition de la taxe sur les véhicules de sociétés , provoquant une imposition spécifique du dernier trimestre 2017 et une recette ponctuelle de 160 millions d'euros.

Enfin, la contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité (C3S) créée par la loi de finances rectificative pour 2016, dont la suppression, y compris pour 2017, est proposée par le présent projet de loi de financement (cf. infra ), n'aurait pu générer qu'un gain de trésorerie.

En tout état de cause, cette comptabilisation de recettes non pérennes ne pouvait constituer un moyen sérieux de compensation , ce dont témoigne la compensation de ces pertes de recettes prévue par le schéma de compensation pour 2018.

Toutefois, ni le crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) ni l'exonération de taxe sur les salaires pour les primes d'impatriation, instaurées respectivement par les articles 88 et 71 de la loi de finances pour 2017, ne sont compensés .


Impact des mesures de compensation 2017 non pérennes

(en milliards d'euros)

Fin de la mesure section III FSV

-0,7

Impact non pérenne de la C4S

-0,4

Modification fait générateur TVS

-0,2

Compensation CITS

Non compensé

Exonération taxe sur les salaires du régime impatrié

Non compensé

Total

-1,3

Source : évaluation préalable de l'article 18 du présent projet de loi de financement

3. De nouveaux transferts entre l'État et la sécurité sociale dégradent le solde de la sécurité sociale de 150 millions d'euros

Plusieurs mesures de transferts prévues par le projet de loi de finances et par le présent projet de loi de financement dégraderaient le solde de la sécurité sociale de plus de 300 millions d'euros . En outre, deux mesures instaurées par les lois financières pour 2018 ne feraient pas l'objet de compensation à la sécurité sociale : la suppression de la quatrième tranche de taxe sur les salaires, prévue à l'article 44 du projet de loi de finances, et le doublement du seuil du régime du microsocial.

a) La suppression de cofinancements État -sécurité sociale (article 26 PLF)

L'article 26 du projet de loi de finances prévoit :

- la suppression de la subvention pour charges de service public de l'État à l'Agence française de biomédecine , retracée au sein du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission Santé, qui s'élevait, en 2017, à 13,2 millions d'euros ;

- la suppression de la participation de l'État à la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées , jusqu'à présent retracée au sein du programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » ; la participation de l'État consistait à prendre en charge la part dite « complémentaire » des soins des personnes écrouées, à savoir le ticket modérateur, le forfait journalier hospitalier, ainsi que la cotisation versée à l'ACOSS. Ce transfert augmente les dépenses de la sécurité sociale de 136 millions d'euros .

b) Autres transferts entre l'État et la sécurité sociale

Les transferts de l'État à la sécurité sociale proposés en projet de loi de financement et en projet de loi de finances concernent :

- le transfert des missions de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux ( ANESM ) au sein de la Haute Autorité de santé ( HAS ), proposé à l'article 51 du projet de loi de financement , et la suppression du financement de l'ANESM par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et l'État, qui constitue une dépense de 900 000 euros ;

- le transfert du financement de l'École des hautes études en santé publique ( EHESP ) de l'État aux établissements de santé, pour un montant de 8,9 millions d'euros ;

- la recentralisation des politiques sanitaires jusqu'ici exercées par certains départements et financée par l'assurance maladie via le fonds d'intervention régional ( FIR ), pour un montant de 2,2 millions d'euros.

4. Les transferts de recettes de la sécurité sociale vers l'État (article 26 du PLF et article 18 PLFSS)

L'ensemble des mesures précitées conduit à prévoir le transfert de 4,3 milliards d'euros de recettes de la sécurité sociale vers l'État .

Bilan des transferts entre l'État et la sécurité sociale pour 2018

(en milliards d'euros)

Rétrocession à l'État du gain lié à la mesure de CSG

5,9

Compensation 2017 non pérennes à compenser à nouveau en 2018

-1,3

Mesures de transfert en PLF et PLFSS

-0,3

Montant à restituer à l'État

4,3

Source : commission des finances du Sénat

L'article 26 du projet de loi de finances propose une diminution de la fraction de TVA affecté à la CNAMTS , qui passerait de 7,03 % à 0,35 %, soit une perte de recettes pour la CNAMTS d'1,7 milliard d'euros .

Au surplus, l'article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit de transférer les recettes du prélèvement de solidarité, estimées à 2,6 milliards d'euros pour 2018 du FSV à l'État .

Tableau récapitulatif des mesures prévues en 2018

(en millions d'euros)

Mesures concernant la sécurité sociale

Mesures concernant l'État

Surplus de recettes affectées lié à la hausse de la CSG / suppression et exonération de cotisations

+ 5 885

Mise en oeuvre des frais d'assiette et de recouvrement sur les impôts recouvrés par l'État pour la sécurité sociale

-150

Mise en oeuvre des frais d'assiette et de recouvrement sur les impôts recouvrés par l'État pour la sécurité sociale

+ 150

Mesures de transfert

-162

Mesures de transfert

+ 133,8

Financement de l'Agence de la biomédecine

Financement de l'EHESP

Couverture santé des personnes écrouées

Fusion HAS-ANESM

Recentralisation compétences sanitaires FIR

Emploi mis à la disposition de la DGOS

Prise en charge par les ARS des conseillers techniques régionaux en soins infirmiers

Financement par l'État de 80 postes de CCU-MG

- 14

-9

- 136

-1

-2

+0,2

+3

+2

Couverture santé des personnes écrouées

Fusion HAS-ANESM

Recentralisation compétences sanitaires FIR

Emploi mis à la disposition de la DGOS

Prise en charge par les ARS des conseillers techniques régionaux en soins infirmiers

Financement par l'État de 80 postes de CCU-MG

+ 136

+1

+2

-0,2

-3

-2

Mesures décidées en lois financières 2016-2017

-1 279

Modification période d'imposition de taxe sur les véhicules de sociétés (TVS)

Prélèvement sur les ressources FSV

Acompte de C3S

-160

-719

-400

Transferts de recettes

- 4 299

Transferts de recettes

+ 4 299

Transfert du prélèvement de solidarité

Minoration de la fraction de TVA

- 2 567

- 1 732

Transfert du prélèvement de solidarité

Minoration de la fraction de TVA

+ 2 567

+ 1 732

TOTAL net

0

TOTAL net

4 583

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable du présent article annexée au projet de loi de finances pour 2018

5. Les réaffectations de recettes internes à la sécurité sociale (article 18 du PLFSS)

Prenant en compte les conséquences différentes selon les branches des mesures ayant un impact sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale et les transferts de recettes de la sécurité sociale vers l'État prévus, l'article 18 du présent projet de loi de financement prévoit des réaffectations internes de recettes . Une logique de rationalisation présiderait également aux modifications proposées d'affectation des recettes entre branches.

Sans ces mesures, les transferts entre l'État et la sécurité sociale présentés ci-avant se traduiraient par un gain pour la branche maladie de 2,1 milliards d'euros, tandis que la branche famille verrait son solde dégradé de 1,7 milliard d'euros . L'annexe 6 au présent projet de loi de financement précise les principaux transferts prévus :

- le transfert de la taxe sur les farines, actuellement affectée au régime vieillesse des non-salariés agricoles, vers le régime complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles, prévue dans le cadre de la conférence sur les retraites agricoles du 30 novembre 2016, pour un montant de 64 millions d'euros ;

- l'ajustement de l'affectation de la taxe sur les salaires . Dans la mesure où elle constitue, avec la CSG, la principale recette partagée entre l'ensemble des branches du régime général, la taxe sur les salaires constitue une variable d'ajustement des effets entre branches. La branche maladie transférerait ainsi 1,4 milliard d'euros de produit de taxe sur les salaires en 2018 vers la branche famille .


* 44 Rapport général fait au nom de la commission des finances par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, rapporteur général, Tome II, fascicule 1, volume 1 : Les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances).

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