IV. DIRECTIVE SUR LE TEMPS DE TRAVAIL ET RÉMUNERATIONS : DEUX POINTS D'ATTENTION POUR 2018

A. LA DIRECTIVE DE 2003 SUR LE TEMPS DE TRAVAIL

Si elle n'est pas nouvelle, la question de la possible application de la directive 2003/88/CE 10 ( * ) relative au temps de travail à certaines activités militaires se pose avec d'autant plus d'acuité que l'échéance prévue pour sa transposition approch e.

Rappelons que cette directive définit la durée maximale de travail hebdomadaire ainsi que les périodes minimales de repos : un repos journalier de onze heures consécutives au moins par période de vingt-quatre heures, un temps de pause dès lors que le temps de travail journalier est supérieur à six heures, un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures au cours de chaque période de sept jours et un congé annuel de quatre semaines. Elle fixe aussi à quarante-huit heures la durée maximale du travail hebdomadaire et à huit heures celle du travail de nuit.

La directive prévoit la possibilité de dérogations dès lors que des périodes équivalentes de repos compensateur sont accordées.

La France a longtemps considéré que les activités militaires n'étaient pas concernées par cette directive dans la mesure où son article 1 précise qu'elle « s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE», lequel exclut de son champ d'application « certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police [...] ».

Cependant, le champ de cette exclusion a été restreint par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui a précisé que les dérogations n'étaient pas applicables à des corps ou à des secteurs entiers, comme les forces armées ou la police, mais seulement à certaines des missions qu'ils assurent, notamment « dans le cas d'événements exceptionnels à l'occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel [...] accorde une priorité absolue à l'objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint ». Ainsi, lorsque les activités menées sont effectuées dans des conditions normales - c'est-à-dire en dehors de tout contexte opérationnel - la directive s'applique 11 ( * ) .

Tirant les conséquences de cette jurisprudence, l'Allemagne a transposé cette directive dans le cadre d'une loi relative à l'augmentation de l'attractivité de la Bundeswehr, adoptée le 26 février 2015 et entrée en vigueur début 2016. Selon les échos qui nous parviennent, cette mesure pourrait avoir eu des effets négatifs sur la disponibilité des militaires allemands.

Dans ces conditions, vos rapporteurs ne peuvent qu'exprimer leur inquiétude .

Certes, d'un point de vue strictement technique , il convient de ne pas surestimer les difficultés qui se posent. Ainsi, le temps de travail moyen des militaires respecterait les plafonds fixés par la directive en ce qui concerne le nombre maximal d'heures de travail et la durée minimale des congés. Le point le plus délicat concerne la limitation à 11 heures de travail en continu. Des dérogations apparaissent cependant envisageables pour les opérations et les entraînements.

Pour autant, sur le plan des principes, l'encadrement du temps de travail apparaît difficilement compatible avec les spécificités du statut militaire et fragilise le principe de libre disposition de la force armée qui en est l'un des fondements. Ce concept est même en totale contradiction avec l'obligation de disponibilité et l'esprit d'engagement qui caractérisent le métier des armes.

Le président de la République a déclaré récemment qu'il n'était pas envisageable d'appliquer la directive aux militaires. Lors de son audition, la ministre des armées a évoqué, quant à elle, la négociation d'exemptions. S'agit-il de distinguer entre des activités - notamment les opérations - qui seraient exclues du champ d'application et d'autres qui seraient concernées?

Nous espérons, en tous cas, qu'une solution réaliste et ne mettant pas en cause les fondements de la fonction militaire sera trouvée rapidement.


* 10 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

* 11 CJUE, Guardia civil, 12 janvier 2012.

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