C. LA NÉCESSITÉ DE REVENIR SUR UNE FISCALITÉ EN « PILOTAGE AUTOMATIQUE » POUR GELER LES TAXES EN 2019

La fixation d'une trajectoire d'évolution de la fiscalité sur plusieurs années - ici, une hausse continue et massive de la taxe carbone - présente certes l'avantage théorique de donner de la visibilité aux agents économiques pour leur permettre d'adapter leurs comportements (consommation, investissement) - dans le cas présent, en fonction du prix donné au carbone.

Trois objections majeures peuvent cependant lui être opposées, comme l'illustre précisément la situation actuelle.

En premier lieu, pour qu'une taxe dite « de comportement » puisse effectivement influer sur les comportements sans prendre en otage ceux auxquels elle s'applique, encore faut-il que les ménages et les entreprises disposent d'alternatives qui leur permettent, dans le cas de la taxe carbone, de se passer des énergies carbonées. Or, ces alternatives restent aujourd'hui peu sinon pas disponibles dans les zones rurales et périurbaines ni pour certains types d'usages professionnels, par exemple pour les engins de chantier.

En deuxième lieu, lorsqu'elle inverse totalement le signal donné aux acteurs économiques après des décennies de discours publics et d'incitations fiscales en faveur du diesel 59 ( * ) , comme c'est le cas ici, il importe qu'une telle trajectoire fixe des hausses raisonnables d'une année sur l'autre pour organiser une transition plus progressive : de ce point de vue, l'accélération forte décidée l'an dernier apparaît difficilement soutenable.

Enfin, dans la mesure où le signal prix sur le carbone dépend essentiellement de deux variables, la fiscalité et les cours mondiaux des énergies fossiles, la puissance publique ne doit pas s'interdire d'ajuster la première en fonction de la seconde, sauf à ne viser que la sécurisation des recettes , sans considération de l'évolution des prix finaux et de leur soutenabilité pour les acteurs économiques.

Dans le contexte actuel de pétrole cher, une pause dans la hausse des taxes maintiendrait un signal prix à la fois suffisamment puissant pour inciter les acteurs économiques à basculer, lorsqu'ils le peuvent, vers des modes de consommation ou de production plus propres, mais qui reste néanmoins soutenable. Au contraire, le Gouvernement entend maintenir la trajectoire fixée jusqu'en 2022 qui s'appliquera en mode « pilotage automatique » chaque année, sans prise en compte du contexte et au mépris, du reste, du principe d'annualité budgétaire qui veut que le Parlement consente chaque année à l'impôt.

Pour tous ces motifs, votre rapporteur propose 60 ( * ) de geler, à titre conservatoire et pour tenir compte du prix élevé des énergies fossiles, la fiscalité énergétique à son niveau de 2018 .

Le signal prix actuel apparaît en effet déjà suffisant et la hausse des taxes prévue en 2019 - 6,5 centimes supplémentaires par litre de gazole et 2,9 centimes pour l'essence au 1 er janvier prochain - n'aurait d'autre effet que de peser sur les ménages et sur les entreprises, et donc sur la croissance.

Une telle pause ne remettrait pas en cause le principe de la taxe carbone , qui est bon ; du reste, avec la hausse accélérée appliquée en 2018, le prix de la tonne carbone est déjà, à peu de choses près, celui qui était prévu pour 2019 61 ( * ) avec la trajectoire précédente qui amenait jusqu'à 100 euros la tonne en 2030.


* 59 Fiscalité avantageuse sur le carburant, déductibilité de la TVA longtemps réservée au diesel pour les flottes d'entreprises ou bonus-malus assis sur les émissions de CO 2 qui reste à ce jour, à raison de leurs moindres émissions, favorable ou moins défavorable aux véhicules diesel.

* 60 En son nom propre, la commission n'étant pas saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances.

* 61 44,6 euros la tonne contre 47,5 euros.

Page mise à jour le

Partager cette page