C. RÉTABLIR UNE RELATION DE CONFIANCE AVEC LE CEA

1. Des investissements non maîtrisés qui compliquent les relations entre l'Etat et le CEA

Les besoins de financement croissants au titre des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et d'ITER font peser une contrainte forte sur le budget du ministère de la recherche, qui réduit, toutes choses égales par ailleurs, les marges de manoeuvre de ce dernier pour accroître la subvention récurrente des organismes : entre 2012 et 2018, la subvention du programme 172 au CEA a diminué de 5 % hors ITER et TGIR, tandis que son montant a doublé pour ITER et progressé de +57 % pour les TGIR.

Décomposition de la subvention du P172 :

ITER, TGIR, autres (en %)

Source : CEA

Elles sont rendues compliquées par le coût de plusieurs grands investissements liés à la recherche nucléaire. Il s'agit d'ITER - dont le coût global est passé de 3,5 milliards d'euros en 2001 à 18 milliards en 2016 et dont la France assume 14 % -, d'ASTRID, démonstrateur industriel de réacteur de 4 e génération, dont l'avant-projet détaillé sera présenté en 2019, date à laquelle le gouvernement décidera de son éventuelle réalisation, et du réacteur Jules Horowitz (RJH), financé par un consortium international mais dont le coût budgété a considérablement dérapé et dont la réalisation a pris un retard conséquent.

• Le projet ITER

ITER ( International Thermonuclear Experimental Reactor , en « réacteur expérimental thermonucléaire international ») est un projet de recherche à long terme dont le but est d'établir le contrôle de la fusion thermonucléaire d'isotopes d'hydrogène par confinement magnétique pour en faire une source d'énergie pour le futur.

Le projet global est constitué de deux volets :

- le projet ITER : La construction et l'exploitation d'un réacteur de fusion « Tokamak » sur le site de Cadarache (France) dans le cadre d'un accord de coopération international réunissant sept grands partenaires (Europe, Corée, Japon, Chine, Inde, Russie et Etats-Unis d'Amérique) pour une durée minimale de 35 ans ;

- la construction de diverses installations au Japon, dans le cadre d'un programme de coopération entre l'Europe et le Japon, appelé « Approche élargie » ( Broader approach ).

Ce projet a subi deux grandes phases de réévaluation budgétaire et de réajustement des plannings en 2010 et 2016 (sous-estimation initiale des coûts de constructions, problèmes de coordination entre partenaires, design non définitif, déficiences managériales, ..).

Aujourd'hui le coût global d'ITER est estimé à 30 milliards d'euros. La part européenne, en valeur courante, est passée de 3,5 milliards d'euros (estimation 2001) à 7,6 milliards (valeur courante) lors de la réévaluation de 2010 puis avec la nouvelle baseline 2016 à près de 18 milliards d'euros valeur courante.

La France, pays hôte, s'est engagée à financer 20% de la contribution européenne. Cette participation est en cours de négociation pour les répartitions post-2020. Entre 2007 et 2035, la contribution française totale sera de l'ordre de 3,47 milliards d'euros en valeur courante. Les retours financiers sont déjà du même ordre (3,2 milliards d'euros fin 2017).

La mise en service de la machine a été décalée de 2015 (planning 2001) à 2020 (planning 2010) puis à 2025 (Baseline 2015) avec une mise en service en deux phases (2025 premier plasma et 2035 plasma de puissance). Aujourd'hui le projet a atteint un taux de réalisation de 58 %.

• Le programme ASTRID

Il vise à concevoir un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides (RNR) de 4 e génération, d'une puissance de 600 MWe (jusqu'à un niveau d'avant-projet détaillé - APD). Il comprend un programme de R&D sur la fermeture du cycle du combustible (fabrication, retraitement/recyclage). Ce programme est conduit dans le cadre d'une convention avec l'État, qui couvre la période 2010-2019 et prévoit un jalon fin 2018 pour décider des suites du programme après 2020.

Les études de conception et la R&D sont menées dans un cadre collaboratif avec des industriels, qui y ont consacré en partie des fonds propres, et des instituts de R&D internationaux, en particulier avec les industriels japonais dans le cadre d'un accord avec leurs ministères de l'industrie et de la recherche.

Depuis 2010, des avancées techniques significatives ont été effectuées. Cependant, le contexte et les hypothèses de besoin d'une filière de RNR, qui prévalaient en 2010 au lancement de ce programme, ont changé. Le déploiement de la filière RNR ne semble pas envisagé avant la décennie 2060 et ni l'État, ni les industriels français ne sont en mesure de supporter le financement de la construction d'un réacteur d'une puissance de 600 MWe. C'est la raison pour laquelle le CEA a proposé en août 2017 de redéfinir son programme de recherche, en le basant sur la simulation portant sur le réacteur et le cycle associé. Ce programme permettrait de maintenir ouverte dans la durée la stratégie de fermeture du cycle et d'être en capacité à déployer une filière de réacteurs à neutrons rapides en cas de besoin avéré.

Les dépenses sur le programme ASTRID s'élèvent à 738,7 millions d'euros à la fin de 2017. Elles ont été financées par le PIA à hauteur de 497,4 millions d'euros, par la subvention accordée au CEA à hauteur de 184,8 millions d'euros et par des recettes externes à hauteur de 73,7 millions d'euros.

• Le réacteur Jules Horowitz (RJH)

Le RJH est un réacteur de recherche, propriété du CEA, dédié aux études de comportement sous irradiation des combustibles et des matériaux pour les différentes générations de réacteurs nucléaires. Il est doté d'une capacité de production de radionucléides. Il est en cours de construction sur le site du CEA à Cadarache.

Ce projet est financé par un consortium international composé du CEA, d'EDF, de Framatome, de TechnicAtome, de la Commission européenne ainsi que des pays suivants : Belgique, République tchèque, Espagne, Finlande, Inde, Israël, Suède et Royaume-Uni. Un accord de consortium a été conclu en 2007.

Le coût initialement estimé du projet était de 500 millions d'euros pour une réalisation en 2014. Le CEA a été autorisé à participer au financement du RJH à hauteur de 50 % maximum, les 50 % restants devant être apportés par les autres partenaires du consortium. Les accords bilatéraux établis avec les partenaires du consortium ont été basés sur ce coût initial.

Néanmoins, le coût budgété a considérablement augmenté et s'élève actuellement à 1,8 milliard d'euros pour une mise en service reportée à mi-2022. Les surcoûts à terminaison engendrent un besoin de financement de 582 millions d'euros à partir de 2019. Un premier financement a été octroyé par un arbitrage du Premier ministre en date de mai 2017 dans le cadre du PIA3 pour un montant de 249 M€.

Depuis lors, plusieurs évènements sont intervenus, dont des annulations de crédit et le redéploiement au profit du RJH d'une partie des économies dégagées sur le programme Astrid, qui conduisent à un besoin estimé aujourd'hui à 285 millions d'euros.

Pour les dépenses postérieures à 2019, de nouvelles ressources devront être mobilisées, de nouveau à hauteur d'environ 285 millions d'euros, à condition que le projet ne fasse pas l'objet de surcoûts supplémentaires.

Source : direction générale de la recherche et de l'innovation

2. Le CEA, un outil de recherche et de valorisation incontournable dans le paysage français

Il semble que le gouvernement ait déjà décidé de ne pas aller au-delà de l'avant-projet détaillé pour ASTRID. En revanche, la situation est plus complexe pour JRH, notamment en raison de nos engagements internationaux. Un audit externe a été confié par le Gouvernement à Yannick d'Escatha pour estimer les coûts de renchérissement du projet. Quelle que soit la solution retenue, il paraît néanmoins indispensable d'éviter que les solutions arrêtées pour limiter le coût des projets de recherche dans le nucléaire pénalisent l'ensemble des activités de recherche du CEA. Au cours des six dernières années, la subvention pour charges de service public versée à cet établissement a déjà baissé de 15 % hors dépenses liées aux très grandes infrastructures de recherche (dont font partie les trois projets mentionnés précédemment) et hors dépenses incompressibles telles que le renforcement de la protection physique des centres civils du CEA. Alors même que la restructuration des acteurs du secteur du nucléaire civil a remis en cause certains partenariats commerciaux stratégiques développés par le CEA, cette réduction des crédits de la part de l'Etat le fragilise davantage en faisant courir le risque d'un ressourcement scientifique insuffisant. Or, le CEA reste un modèle de référence, qui a su allier une recherche fondamentale de très grande qualité et une forte valorisation de ses résultats de recherche.

Page mise à jour le

Partager cette page