ANNEXES

Audition de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports,
sur le projet de loi de finances pour 2019

MARDI 23 OCTOBRE 2018

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue, en notre nom à tous, à la nouvelle ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu.

Vous avez été une grande championne de natation, médaillée olympique à Sydney en 2000, ce qui vous prédispose à travailler sur l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Vous avez également travaillé dans de grands médias, pour Europe 1 et France Télévisions. Or notre commission est aussi compétente en matière de communication comme elle l'est en matière d'éducation. Vous ne serez donc pas surprise que notre intérêt pour le sport porte autant sur la pratique sportive que sur l'éducation physique, la diffusion des épreuves sportives, et bien sûr les équipements des collectivités territoriales.

Vous prenez vos fonctions à un moment tout à fait particulier puisqu'une réorganisation d'ampleur est en cours avec le projet de création d'une agence nationale du sport. Par ailleurs, les annonces budgétaires ont suscité des craintes importantes quant à l'avenir du sport, notamment dans les territoires carencés.

Je vous proposerai, dans un propos liminaire, de présenter les grandes lignes de votre budget, compte tenu des modifications apportées à l'Assemblée nationale lundi dernier, et cette réorganisation.

J'indique que le groupe d'études sur les pratiques sportives et grands événements sportifs, présidé par Michel Savin, est extrêmement actif.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. - Merci de me recevoir ce jour pour échanger avec vous autour des questions budgétaires. Je détaillerai également devant vous ma vision en qualité de ministre des sports et aborderai les grandes lignes de la réforme que j'envisage de porter avec l'ensemble des acteurs.

En accord avec le Premier ministre, je m'appuierai notamment sur le rapport relatif à la gouvernance du sport qui m'a été remis mardi dernier. Celui-ci, établi après huit mois de concertation, comporte 57 mesures. Je souhaite enrichir ces propositions de mon expérience de sportive de haut niveau et d'éducatrice de natation, métier que j'ai pratiqué pendant dix ans au bénéfice de la petite enfance et, plus particulièrement des femmes, puisque j'ai créé, en 2010, une association s'adressant aux femmes venant d'accoucher ou ménopausées et aux enfants entre trois mois et six ans. Je souhaite également m'appuyer sur mon expérience de bénévole, puis de dirigeante d'association et d'élue à la région d'Île-de-France, où je me suis occupée du sport et de la formation.

Je mettrai aussi en avant ma qualité de mère de quatre enfants, âgés de 2 ans et demi à 12 ans, qui m'a permis de mesurer l'évolution de l'accueil au sein des associations sportives.

À court terme, l'un des outils majeurs de cette réforme sera la création, au cours du premier trimestre de 2019, de l'agence nationale du sport, qui sera chargée de la haute performance et du développement des pratiques. J'en ai esquissé les contours, le mode de fonctionnement et la structuration à l'Assemblée nationale, lors du débat budgétaire.

Il s'agit d'une réforme ambitieuse associant, aux côtés de l'État, l'ensemble des acteurs concernés par le sport.

D'abord, les acteurs incontournables que sont les collectivités territoriales - départements, régions, communes -, au regard de leur poids dans le financement du sport, et les acteurs des territoires - associations et parlementaires.

Les acteurs traditionnels du monde sportif ont été associés à cette concertation et auront un rôle prépondérant dans cette agence du sport, tant au niveau national, avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF), qu'au niveau local, avec les fédérations territoriales.

Le monde de l'entreprise est un nouvel entrant dans cette gouvernance du sport. Jusqu'à ce jour, il n'était présent que par le biais du sponsoring, alors qu'il s'impliquait dans le sport en mettant en place des actions de structuration et de développement des fédérations et des associations.

Bien évidemment, le Comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO), qui porte aujourd'hui l'engouement suscité par les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, est lui aussi associé.

Cette réforme sera fidèle à mes expériences et aux deux grands objectifs que nous avons définis avec le Président de la République et le Premier ministre : réussir les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et accroître le nombre de pratiquants de trois millions.

La réussite des Jeux Olympiques se mesurera d'abord au nombre de médailles. Ce sera la tâche des médias de dresser ce bilan. La mienne sera d'évaluer ce qu'on aura réellement mis en place autour de l'athlète et de son entraîneur, qui sont au coeur des préoccupations de la partie « haute performance » de cette agence, d'écouter leur projet, de les accompagner jusqu'à la médaille, mais aussi après.

Ma prédécesseure Laura Flessel s'était exprimée sur cet aspect « haute performance » de l'agence, préfiguré par Claude Onesta. Même si elle n'existe pas encore, son équipe est en cours de constitution et des contacts ont déjà été pris avec les différentes fédérations pour aborder cet aspect de son action.

À travers le message du Président de la République, j'entends qu'il faut aussi favoriser la réussite subjective de chaque personne qui aura tenté, grâce à nous, l'expérience du sport, cette expérience qui permet à l'individu de se connaître et souvent aussi d'être reconnu, cette expérience du lien qu'il va créer avec l'autre, son partenaire d'efforts, son partenaire de jeu, son entraîneur, son éducateur, cette relation qui nous permet aussi de trouver notre place.

Porter ce message de réussite, c'est aussi porter le message auprès de nos concitoyens du progrès sensible que chacun peut vivre dans sa chair grâce au sport, grâce au retour bienveillant d'un éducateur, d'un coach, d'un ami qui pratique avec vous et qui vous regarde vraiment. Dans ce monde où l'avis qualitatif sur ce que vous êtes et votre marge de progression finissent toujours par être exprimés plus ou moins en chiffres, ce regard et cette sensation du progrès sur soi-même sont plus que jamais importants pour les individus.

Le second objectif que le Président de la République nous propose, c'est de parvenir à trois millions de pratiquants supplémentaires. Je l'interprète comme une injonction à transformer le modèle en changeant de point de vue : passer du ministère de ceux qui font le sport à ceux qui font du sport ; mettre au centre de nos préoccupations communes non plus uniquement les acteurs du sport - les fédérations via les contrats d'objectifs nationaux et les associations fédérales via le Centre national pour le développement du sport (CNDS) -, mais aussi le pratiquant.

Nos préoccupations communes - ministère, fédérations, associations, territoires -, c'est de s'occuper davantage du pratiquant pour englober plus largement et coller à la réalité sportive d'aujourd'hui. Le sport est une politique publique. Celle-ci doit être tournée vers les citoyens, questionner le rapport de chacun au sport, et, plus que toute autre, se mettre au service des autres politiques publiques. Une politique sportive doit être évaluée en fonction de son impact sur la vie quotidienne des Français.

Il faut considérer le sport comme un bien commun, un bien social de notre pays, qui appartient à tous : État, collectivités, mouvement sportif, monde économique et pratiquants de tous âges et de toutes origines culturelles ou sociales.

On peut parvenir à trois millions de pratiquants supplémentaires en démocratisant les primoapprentissages, en donnant la clé aux familles, aux parents, aux grands-parents, aux professionnels en crèche, en maternelle et dans le primaire. C'est ce que j'avais proposé, dans le domaine de la natation, au Premier ministre en juillet dernier, mais bien d'autres activités peuvent être concernées. Il nous faut aller là où le « savoir flotter » est essentiel pour la sécurité des enfants, là où lancer un ballon a une place pour créer un groupe et socialiser le petit enfant, là aussi où apprendre ce qu'on fait avec un bâton dans la main conditionne sa relation à l'autre et à l'adulte.

J'en viens aux aspects budgétaires.

Le budget du ministère des sports pour 2019 est un moyen pour accompagner cette réforme. Ce budget est préservé par rapport à 2018 et comporte même des mesures nouvelles.

L'ensemble des financements apportés par l'État au titre des sports est évalué à 515 millions d'euros. La diminution de 2,4 % par rapport à 2018 - 12 millions d'euros - est principalement liée à un ajustement technique qui prend en compte une surévaluation, en 2018, des crédits destinés à la compensation des exonérations de charges sociales pour les arbitres et juges sportifs.

Par ailleurs, un exercice d'optimisation a été mené lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2019, afin notamment de dégager des moyens nouveaux en faveur de la future agence du sport, qui sera créée en 2019.

Ainsi, une enveloppe supplémentaire de plus de 40 millions d'euros est intégrée dans le budget qui vous est présenté.

Sur ces moyens nouveaux, 25 millions d'euros seront consacrés à la haute performance pour renforcer les moyens alloués aux fédérations et aux mouvements sportifs. Le budget de la haute performance progressera ainsi de 40 % par rapport à 2018 au bénéfice des athlètes, puisque l'agence, à cet égard, sera centrée non plus sur les différentes fédérations, mais bien sur le sportif et son entraîneur. Les 15 autres millions d'euros seront consacrés au développement des pratiques afin de réduire les inégalités d'accès à la pratique sportive, en particulier dans les territoires carencés. En outre, pour donner une nouvelle impulsion au financement du développement des pratiques, j'ai défendu, lundi soir, lors du débat à l'Assemblée nationale, un amendement augmentant de 15 millions d'euros le plafond de la taxe sur les droits de retransmission audiovisuelle des événements sportifs, dite « taxe Buffet ». Cet amendement a été adopté et permettra donc de porter à 55 millions d'euros les nouveaux crédits destinés à accompagner cette réforme et à financer la création de la future agence. Ces 15 millions d'euros supplémentaires seront consacrés au développement des pratiques afin de financer des mesures concrètes en faveur de la lutte contre les inégalités d'accès à la pratique sportive ou encore le programme « savoir nager ».

Au total, le budget du sport pour 2019, hors crédits de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), sera donc supérieur de plus de 11 millions d'euros aux moyens d'intervention obtenus en 2017.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits « sport » . - Madame la ministre, je voudrais commencer par vous souhaiter bonne chance, alors que vous prenez vos fonctions dans un moment très particulier, avec une actualité assez chargée : remaniement ministériel, présentation du budget, programme « Action publique 2022 », suppression annoncée de 1 600 postes de conseiller technique sportif (CTS), qui vient s'ajouter à une réduction drastique du nombre de contrats aidés, débat relatif au nouveau modèle de gouvernance du sport, etc.

Je n'entends pas me lancer dans une bataille de chiffres aujourd'hui. Les choses ont bougé depuis quelques heures. Le budget s'élève sans doute à 465,6 millions d'euros. Ne serait-il pas souhaitable tout d'abord, pour clarifier la présentation et éviter toute confusion, d'isoler le programme 350 concernant la Solideo ? Ce programme concerne la construction de l'héritage olympique. Celui-ci doit être achevé avant 2024. Comme d'autres, j'aurais souhaité une loi de programmation budgétaire concernant la préparation de ces Jeux Olympiques. L'État va devoir trouver un milliard d'euros supplémentaires pour les équipements. Or il n'en prévoit que 65 millions en 2019.

J'ai aussi deux éléments d'inquiétude. N'est-il pas inquiétant de voir le budget de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) baisser ? L'Insep est un élément essentiel de la préparation olympique. Si le nombre de médailles aux JO de Tokyo en 2020 est trop bas, il sera difficile de remonter la pente en 2024.

Mon autre sujet d'inquiétude concerne les grands événements sportifs, hors JO, puisque les crédits passent de 20 à 4 millions d'euros. Vous avez confirmé les ambitions exprimées par Laura Flessel, aussi bien en ce qui concerne l'objectif de 80 médailles que celui de 3 millions de pratiquants supplémentaires.

Vous avez confirmé récemment dans la presse le principe du transfert de 1 600 postes de CTS soit aux collectivités territoriales, soit aux fédérations sportives. Comment cela va-t-il se passer ? Ces personnels ont le statut de la fonction publique d'État et ont une qualification très précise. La masse salariale concernée s'élève à environ 200 millions d'euros.

La réforme de la gouvernance du sport sera le grand chantier de l'année 2019. Il était temps en effet que le système français évolue : les collectivités territoriales montent en puissance ; nous sommes en retard en ce qui concerne le sport en entreprise, aussi bien pour le financement du sport par les entreprises que pour la pratique du sport dans les entreprises ; on assiste à une montée en puissance du sport business, etc. Il était nécessaire de donner davantage d'autonomie au mouvement sportif. La nouvelle agence nationale du sport va être mise en place. Mais quelles seront alors les compétences du ministère, au-delà de sa mission traditionnelle de contrôle ? Quelles seront les compétences du législateur après cette « révolution du modèle sportif français », selon l'expression de Denis Masseglia ?

Enfin, que pensez-vous de la réforme annoncée de la Coupe Davis, à laquelle les Français sont très attachés depuis l'époque des « Mousquetaires » ? On s'achemine vers une privatisation de cette compétition, ce qui suscite d'ailleurs quelques mouvements de contestation, y compris de la part des tennismen ou de la Fédération française de tennis.

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Vous évoquez un climat d'inquiétude. Je pense qu'il est aussi dû au fait que cette nouvelle gouvernance a permis à beaucoup d'acteurs de s'exprimer. C'était bien notre volonté lorsque nous avons lancé cette concertation de neuf mois. Tous les acteurs, qu'il s'agisse du CNOSF, des différentes fédérations ou des sportifs ont pu prendre la parole. Il me paraît aussi normal qu'au moment du vote du budget chacun s'exprime, quitte à ce que le message soit parfois un peu brouillé avec des pétitions, des tribunes dans la presse, etc. On ne savait d'ailleurs plus parfois très bien qui parlait et au nom de qui... L'enjeu est de changer notre mode de fonctionnement, de passer d'un modèle centré sur les fédérations vers un modèle où l'on met au coeur les sportifs et les entraîneurs pour la haute performance, d'un côté, et les pratiquants, de l'autre côté. C'est un vrai changement ! Cela suscite des inquiétudes, c'est normal.

S'agissant du budget, vous ne voulez pas vous lancer dans une bataille de chiffres, mais force est de constater que nous n'avons pas gagné cette bataille des chiffres dans les médias. Ceux-ci relaient davantage ceux qui parlent le plus, ceux dont les médailles sont récentes plutôt que ceux qui ont été médaillés dans les années 2000... En réalité, le budget n'a pas diminué ; 55 millions d'euros nouveaux ont été dégagés. Je pense honnêtement que nous avons les moyens de travailler correctement. Évidemment, j'aimerais disposer d'un budget trois fois supérieur pour le sport en France. Si nous étions une grande nation sportive depuis des années, cela se saurait. Hélas ! ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous voulons améliorer les choses en abordant la situation avec lucidité.

Ce budget s'élève à 465 millions d'euros, sans compter la Solideo. Pour plus de lisibilité et de clarté sur l'évolution des moyens d'intervention du ministère, nous souhaitons séparer les lignes budgétaires. Le budget de Solideo va nécessairement monter en puissance à un moment donné. Il ne doit pas masquer le reste du budget du ministère. La création de la nouvelle agence du sport va s'accompagner de l'arrivée de nouveaux moyens privés. Il conviendra de sécuriser tout cela. Nous sommes en train de réfléchir, dans le cadre de la planification trisannuelle qui interviendra l'année prochaine pour le budget des sports, aux moyens de bien séparer les choses et de donner une visibilité au budget du ministère.

Le budget de l'Insep augmente légèrement de 1,3 %, passant de 22,2 millions d'euros en 2018 à 22,5 millions d'euros. La rénovation des locaux est terminée. Le plafond d'emplois de l'établissement est stabilisé à 288 équivalents temps plein. Ces chiffres ne tiennent pas compte des transferts de compétences et des moyens humains et financiers de l'Insep vers l'agence nationale du sport en cours de création. L'Insep a su développer des ressources propres, à hauteur de 10 millions d'euros par an en moyenne depuis quatre ans. Celles-ci lui permettent de poursuivre la mise en oeuvre du plan pluriannuel d'investissement. L'Insep consacre ainsi chaque année 5 millions d'euros à l'entretien de ses équipements sportifs et à ses dépenses d'investissement. Les sportifs qui y sont accueillis n'ont donc pas de souci à se faire, ils continueront à l'être dans d'aussi bonnes conditions.

Nous réfléchissons à la manière d'assurer les meilleures concertations et coordination possibles entre les dirigeants de l'Insep et ceux de la future agence. Mais l'Insep ne fonctionne pas tout seul. Il faut prendre en compte le grand Insep, qui réunit des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps) ou des écoles de formation dans nos territoires. Il s'agit, en lien avec les autres ministères, d'assurer un mapping territorial équilibré en matière de formation et d'éducation. Il faut aussi que les sportifs qui s'engagent dans une carrière sportive puissent poursuivre en même temps les études pertinentes qu'ils souhaitent. Le ministère des sports a vocation à s'insérer dans ce mapping général, qui verra naître prochainement des campus scolaires, universitaires et sportifs.

Quatre jours après ma prise de fonctions, la crise concernant les CTS a éclaté et a cristallisé aussi beaucoup d'inquiétudes. Je rappelle qu'il ne s'agissait que d'un document de travail qui n'était pas destiné à la presse ni à être lu comme il l'a été. Aussitôt, j'ai rencontré le Premier ministre. Cette lettre de cadrage mentionne effectivement la suppression d'équivalents temps plein au sein des fédérations ; elle ne vise pas exclusivement les CTS, ne vise aucun corps, mais mentionne des missions qui doivent être revisitées dans la mesure où l'objectif est d'installer une nouvelle agence. Nous devons développer la transversalité, travailler avec tous les acteurs, pas uniquement les fédérations, mais aussi avec les têtes de réseau qui s'impliquent dans l'éducation par le sport ou dans les quartiers prioritaires de la ville. Évidemment, tous nos agents, les CTS, les personnes présentes dans les directions régionales ou départementales, les conseillers d'animation sportive devront trouver leur place au sein de ce nouveau modèle et réorienter leurs missions. Nous sommes en discussion avec les fédérations. Les CTS ne sont pas toujours d'accord. Il s'agit de personnes très compétentes en matière de formation, d'encadrement, d'entraînement. Mais nous aurons à déterminer si ces compétences doivent relever de l'État ou des fédérations. Par exemple, le rôle de l'État est-il de contribuer à prendre en charge le salaire des entraîneurs des champions de haut niveau, qui ont des sponsors, des revenus variés, et pour qui, finalement, l'aide de l'État apparaît minime au regard de leurs autres sources de revenus ? N'est-ce pas plutôt aux fédérations - voire aux athlètes eux-mêmes, pour les plus fortunés - de le faire ? Certaines fédérations suivent ce mouvement. Ce n'est pas pour l'État une question budgétaire et financière. Il s'agit de garder le statut de fonctionnaire de ces personnels et de recentrer notre action sur les missions indispensables.

Il nous paraît essentiel de maintenir à la tête des fédérations les directeurs techniques nationaux (DTN) et les DTN adjoints, sous le même statut. C'est important pour des raisons d'éthique et de bonne application de la politique de l'État au sein du mouvement sportif.

Ces personnels ne perdront donc pas leur emploi et seront chargés des missions pour lesquelles ils se sentent les plus compétents. Nous réfléchissons aussi à une réaffectation de ces postes sur des missions qui nous paraissent pertinentes, en accord avec l'action de l'agence dans les territoires.

Par ailleurs, nous soumettrons au Parlement dans le courant de l'année prochaine un projet de loi qui modifiera, dans le sens d'une simplification, le code du sport, pour le mettre en conformité avec la réforme proposée.

Je conçois la nouvelle agence, initialement préconisée par le Comité d'action publique (CAP) 2022, comme un opérateur du ministère des sports. La concertation, qui a duré neuf mois, a été menée par ma directrice de cabinet Laurence Lefèvre, lorsqu'elle était directrice des sports, car elle était convaincue de l'utilité de ce changement de gouvernance et du rapprochement au plus près des territoires et des pratiquants. J'ai souhaité une continuité avec ce qui avait été entrepris.

L'agence absorbera les personnels du CNDS, qui apporteront leur expertise et nous feront un retour pertinent des bonnes pratiques associatives sur le terrain.

Nous avons aussi besoin de l'expertise de la direction des sports pour élargir notre champ de vision. Il y aura donc un travail collaboratif entre les personnels de l'agence chargés du développement des pratiques, les animateurs de terrain, les fédérations et les services du ministère, ainsi que des missions interfédérales transversales. Je compte enfin sur l'implication des parlementaires et, dans les régions, de nos inspecteurs de la jeunesse et des sports. Nous saurons ainsi quelles actions de terrain il est pertinent de financer et lesquelles sont les plus en phase avec nos axes stratégiques.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis . - La nouvelle formule de la Coupe Davis sème le trouble. Va-t-on assister à un bouleversement, voire à une privatisation de cette compétition ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Ce changement a été décidé par la Fédération internationale de tennis à la suite d'un vote favorable - 71 % de voix pour - et la concertation a été menée démocratiquement. La compétition, dont la phase finale se déroulera sur une semaine, réunira 18 équipes nationales en clôture de la saison sur un terrain neutre. Certains acteurs concernés sont en effet inquiets, mais il nous est difficile d'interférer sur les décisions d'une organisation sportive internationale qui est autonome vis-à-vis de l'État et qui a ses propres enjeux d'attractivité.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la commission des finances . -Le 17 octobre dernier, la commission des finances du Sénat a adopté les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » - la première que nous ayons examinée -, tout en formulant une réserve.

J'avais en effet proposé un amendement d'appel, qui a été adopté, car nous avions constaté un écart de 20 millions d'euros sur la trajectoire 2018-2022. Prévoyant un mouvement de 20 millions d'euros du programme 350 relatif à la Solideo vers le programme 219, il répondait aux inquiétudes du monde sportif, partagées par la commission des finances, qui craignait que le sport de proximité ne finance les Jeux Olympiques en 2019 et les années suivantes.

Vous nous dites que vous avez déposé la semaine dernière un amendement prévoyant un abondement de 15 millions d'euros, destiné aux actions de proximité, ce qui est rassurant pour le mouvement sportif. Nous retirerons donc notre amendement d'appel, car nous ne voulons pas nous lancer dans une bataille de chiffres.

La mise en place de l'agence nationale du sport suscite des inquiétudes importantes sur le plan budgétaire. Initialement prévue pour le 1 er janvier 2019, elle aura plutôt lieu au cours du premier trimestre de 2019. Quels mécanismes budgétaires prévoyez-vous pour l'intégrer dans la loi de finances ? S'agira-t-il d'une subvention ?

Une autre inquiétude porte sur l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), qui nécessite un investissement important. Comment le financera-t-on ?

La commission des finances souhaite que la trajectoire de la Solideo soit soumise à des procédures de contrôle co-construites, car elle craint les dérapages liés aux Jeux Olympiques. Il semble finalement que les crédits soient plutôt bien consommés. Après une première phase d'études, il y aura une montée en puissance en 2022 et 2023.

Même si le spectre du financement de l'Olympiade par le mouvement sportif n'a pas tout à fait disparu, notre commission a adopté les crédits proposés.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Madame la ministre, soutiendrez-vous la création d'un nouveau laboratoire pour l'AFLD en cette veille des Jeux Olympiques et Paralympiques ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - L'AFLD devra se conformer à une longue liste de critères dans la perspective de l'accueil des Jeux Olympiques à Paris. Il importe d'abord qu'elle déménage de Châtenay-Malabry, où elle occupe des bureaux au sein d'un Creps. Deux possibilités sont à l'étude pour son accueil, l'une à Évry, l'autre sur le plateau de Saclay. Dans un cas, l'État ferait des économies ; dans l'autre, plus coûteux, l'AFLD serait adossée à une cellule de recherche proche du campus universitaire de Saclay. Nous pourrions retenir cette dernière solution si l'agence décidait d'avoir une politique ambitieuse en termes d'éthique et de prévention contre le dopage. À cinq ans des jeux, ce serait un signal : nous voulons des médailles, certes, mais pas à tout prix.

Des audits sont en cours concernant le futur laboratoire. J'espère donc annoncer bientôt au Premier ministre la bonne nouvelle du renouveau de l'AFLD et de son retour dans les premiers rangs des classements internationaux.

M. Michel Savin, président du groupe d'études sur les pratiques sportives et le suivi des grands évènements sportifs . -La démarche du Sénat est constructive : nous connaissons les pressions exercées par Bercy mais nous souhaitons continuer à soutenir le sport.

Je suis de l'avis de Jean-Jacques Lozach : il faut une lisibilité des crédits destinés aux infrastructures des Jeux Olympiques.

Le budget est préservé, dites-vous, madame la ministre. Or les crédits initiaux, qui avaient diminué de 30 millions d'euros, connaissent désormais une baisse de 12 millions à la suite de l'augmentation du plafond de la taxe Buffet décidée la semaine dernière à l'Assemblée nationale.

Nous nous engageons dans une bataille, non de chiffres, mais de moyens. Serez-vous prête à nous soutenir pour redonner à vos crédits leur niveau de 2017 ? On est loin d'une augmentation déraisonnable !

Comment sera financée l'agence nationale du sport ? De quelle façon atteindre les 350 millions d'euros annoncés et comment ces crédits seront-ils répartis ?

Selon le rapporteur du budget du sport à l'Assemblée nationale, le CNDS ne pourra pas engager d'argent en début d'année, car il va disparaître. L'agence ne commencera donc pas son activité avant le milieu de l'année prochaine et ne pourra pas monter les projets pour lesquels un financement a été demandé par les collectivités. Ces allégations sont inquiétantes ! Où est le soutien au sport pour tous et au sport de proximité ?

À la fin 2018, le CNDS aura une dette de 159 millions d'euros. Sera-t-elle reportée sur la future agence ?

Vous annoncez un plan national de lutte contre le dopage et une formation des professionnels intervenant auprès des sportifs. Quels moyens y seront affectés ? Il semblerait qu'on demande à l'AFLD d'assumer des missions nouvelles avec des moyens identiques.

Sur les primes versées aux médaillés olympiques, j'ai pris bonne note de l'amendement voté à l'Assemblée nationale, mais je regrette que la permanence de cette exonération n'ait pas été adoptée en séance publique. Vous voulez revaloriser ces primes, pourquoi pas ? Mais cette revalorisation sera-t-elle supérieure au montant de la fiscalité qui sera due ? Il ne faudrait pas pénaliser ces sportifs... Et pourquoi vouloir que ces montants soient différents selon la situation sociale des athlètes ?

M. Claude Kern . - Je m'associe aux voeux de bienvenue et aux félicitations de mes collègues. Je me réjouis que votre ministère bénéficie d'une rallonge budgétaire de 55 millions d'euros, mais est-ce suffisant au regard des inquiétudes du milieu sportif et des collectivités territoriales ? En cette période de préparation des Jeux Olympiques de 2024, espérons que ce sentiment de découragement n'atteindra pas les sportifs.

Avant d'obtenir l'exemption fiscale des primes qu'ils ont perçues aux Jeux Olympiques, les sportifs de haut niveau se sont engagés, souvent depuis l'enfance, dans la pratique intensive d'un sport jusqu'à devenir des athlètes d'élite. Comment comptez-vous soutenir le parcours des sportifs en devenir, afin qu'ils puissent pratiquer leur sport jusqu'à être médaillés et contribuer ainsi au rayonnement de la France ?

J'aimerais également aborder la situation alarmante des structures associatives, pourtant essentielles à l'équilibre du lien social et à la construction d'une grande nation sportive dans la perspective des Jeux Olympiques. Prenons garde d'affaiblir le rôle sociétal que joue le sport en raison de ses fonctions éducatives et sociales. Des milliers de bénévoles s'investissent au quotidien dans cette mission. Comment comptez-vous oeuvrer en faveur du sport pour tous ?

Je terminerai par le « plan piscines ». Nous manquons, hélas, d'équipements, tandis que l'entretien des piscines existantes laisse à désirer. Des moyens financiers seront-ils affectés à cet objectif ? Un effort paraît également nécessaire en matière de formation, complexe, des maîtres-nageurs sauveteurs. Pensez que 5 000 postes ne sont pas pourvus, alors que la profession pourrait constituer un formidable vivier d'emplois !

Mme Françoise Laborde. - Je vous félicite à mon tour pour votre parcours de femme, de sportive, d'élue et de mère. Votre prédécesseur Thierry Braillard avait énergiquement oeuvré en faveur de l'apprentissage de la natation, mais, sans piscine, l'objectif apparaît difficile à atteindre. Faudra-t-il ressortir les tabourets ? J'aimerais, lors d'une prochaine audition, vous entretenir de l'article 50 de la Charte olympique relatif à la laïcité.

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Je me permets d'insister, monsieur Savin, sur le fait que le budget consacré au sport ne diminue pas. La différence de 40 millions d'euros constatée entre 2018 et 2019 correspond à des charges surévaluées par le ministère, crédits qu'il n'a, de ce fait, pas consommés. J'assume d'appartenir à un gouvernement qui présente un budget sincère avec des moyens d'intervention au plus près des besoins et qui considère le sport, au même titre que l'éducation et l'emploi, comme un outil interministériel. D'ailleurs, sur les 40 millions d'euros précités, 10 ont été conservés par le ministère des sports. Nous avons pu dégager 40 millions d'euros pour le financement de mesures nouvelles au bénéfice du sport de haut niveau comme du développement des pratiques, somme à laquelle s'ajoutent désormais 15 millions d'euros.

Il me semble effectivement inadmissible, monsieur Kern, de souffrir à la fois d'un taux de chômage élevé et d'un nombre important de postes non pourvus. Des piscines, notamment en Île-de-France, ne peuvent ouvrir, car la surveillance, faute de maîtres-nageurs et en raison de règles peut-être trop drastiques, ne peut être assurée. Je crois, pour ma part, à l'utilité de la mesure que je propose, et dont la mise en oeuvre débute, en faveur de l'apprentissage précoce - entre quatre et six ans - de la natation dans le cadre de l'école. Des maîtres-nageurs s'engagent dans les premières expérimentations.

Mme Françoise Laborde . - Sans piscine, comme en Haute-Garonne, votre plan peinera à s'appliquer...

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Effectivement, des territoires manquent d'équipements. Nous envisageons d'y faire circuler des piscines itinérantes, des camions piscine. En lieu et place de courtes sessions de natation quelques jours dans l'année, je propose de mettre en place des classes piscine d'une ou deux semaines. Il ne s'agit pas d'apprendre à un jeune enfant les quatre nages, mais de lui permettre de traverser une piscine sans aide et en sécurité. Nous manquons effectivement de maîtres-nageurs, car les filières d'accès sont réduites et le métier dévalorisé. Pourtant, loin de rester sur une chaise pour surveiller une piscine, le maître-nageur sauveteur est un véritable éducateur sportif avec un rôle privilégié auprès des enfants et des familles. Je peux en témoigner.

Vous évoquiez, s'agissant du CNDS, la question du reste à payer, qui explique la différence entre le budget de 2017 et celui de cette année. Son montant de 165 millions d'euros sera intégré en fin d'année au budget rectificatif pour l'année 2017. L'agence sera chaque année abondée à cet effet dans le cadre du budget rectificatif. La part prévue pour 2019 s'élève à 42,8 millions d'euros. S'agissant du financement de l'agence, un amendement voté à l'Assemblée nationale lui affecte trois taxes pour un montant de 146 millions d'euros. Le reste de l'abondement proviendra du programme 119 à hauteur de 189 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter la subvention du CNOSF. L'agence bénéficiera au total de 350 millions d'euros. Le ministère des sports conservera, pour sa part, une enveloppe supérieure à 100 millions d'euros pour développer des dispositifs nouveaux. Nous espérons, en faisant entrer des partenaires privés dans l'agence, qu'ils pourront avoir un effet de levier sur les autres financements.

Je connais bien, vous l'imaginez, le sujet de la fiscalisation des primes pour les médaillés des Jeux Olympiques. Lorsque j'étais nageuse, elles étaient défiscalisées depuis 1992. Depuis 2010, elles sont soumises à l'impôt, donc fiscalisées en cohérence avec le statut fiscal de leurs bénéficiaires. Une défiscalisation ponctuelle a néanmoins été accordée sous la précédente législature pour les athlètes des jeux de Rio, dont les athlètes des jeux d'hiver n'ont pas bénéficié. Il y a donc eu une volonté de la part des députés d'adopter une mesure identique à leur endroit. Je crois, pour ma part, que les athlètes doivent être responsabilisés comme n'importe quel citoyen qui, gagnant de l'argent, participe à la vie de la cité. Largement assistés au cours de leur carrière sportive, ils doivent ensuite s'intégrer dans la vraie vie. Ce peut être difficile, je vous l'assure ! D'ailleurs, Martin Fourcade et Marie Bochet ne portaient pas un message différent : ils ne réclamaient pas une défiscalisation des primes en tant que telle, mais une mesure d'équité entre athlètes.

Nous avons obtenu une défiscalisation exceptionnelle qui permet effectivement de rétablir l'équité entre les sports d'hiver et les sports d'été. La mesure me semble utile dans la perspective des jeux de 2024, qui mettront en avant ces derniers, mais il ne faut pas oublier que les sports d'hiver sont les plus gros pourvoyeurs de médailles pour la France. Je suis surtout satisfaite de la promesse d'une revalorisation des primes en 2019, qui n'avaient pas évolué depuis 2008. Elle ne dépendra pas, monsieur Savin, du niveau de revenu des athlètes, mais, de fait, les moins aisés, moins fiscalisés, en profiteront davantage. Nos sportifs, potentiels futurs médaillés, doivent être bien traités. Il existe un régime fiscal propre aux sportifs, qui prévoyait initialement un étalement de la fiscalisation des primes sur six ans. Depuis 2006, cette durée est limitée à quatre ans.

Les athlètes en lice pour les jeux de Paris seront reçus par la nouvelle agence qui aura en charge la haute performance afin de présenter leur projet sportif et de vie. Avec Claude Onesta, nous travaillerons sur l'accompagnement social, sur la préparation sportive et la reconversion. Il y a trop d'inégalités de traitement en la matière dans les fédérations. Selon Claude Onesta, un sportif ne peut s'entraîner correctement pour les Jeux Olympiques s'il ne perçoit pas 3 000 euros par mois. L'entraînement demande du temps, de l'engagement et de l'énergie.

M. Olivier Paccaud . - J'ai découvert, dans votre présentation, la notion de réussite subjective. Je vous souhaite, pour ma part, une réussite objective à la tête de votre ministère. J'ai entendu votre optimisme et votre assurance concernant les problématiques budgétaires, mais je ne suis pas totalement convaincu par la rhétorique relative au transfert des CTS aux territoires tant transfert rime souvent avec désengagement de l'État. J'aimerais, comme Claude Kern, insister sur l'importance du tissu associatif sportif dans les banlieues comme dans les campagnes les plus reculées. Les petits clubs ont souffert de la suppression des contrats aidés autant que de la disparition de la réserve parlementaire. Certes, cette dernière a, en partie, été intégrée à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les parlementaires, qui connaissent très bien leur territoire, ont pu être associés à la redistribution de ces fonds.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Ce n'est pas le cas partout ! Dans ma région, nous n'avons pas même été consultés.

M. Olivier Paccaud. - Je me trouve alors chanceux, car, dans l'Oise, quatre parlementaires siègent à la commission DETR et le préfet se montre attentif à nos observations. L'opacité paraît, en revanche, totale s'agissant de la ventilation du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui bénéficie également des crédits de l'ancienne réserve parlementaire. Il conviendrait, madame la ministre, d'associer davantage les parlementaires à cette instance. Il y va de la survie d'associations dont le rôle en matière de cohésion et de mixité sociales est essentiel. Leur disparition serait en outre dramatique pour le sport, car y débutent souvent les médaillés, défiscalisés ou non, de demain.

M. Laurent Lafon . - Je suis, en tant que voisin, particulièrement attaché à l'Insep, où l'État a beaucoup investi, et à l'articulation de ses missions avec celles de la future agence en charge de la haute performance. Il me semble indispensable de conserver cet outil et de le maintenir dans ses objectifs. Vous souhaitez voir croître de trois millions le nombre d'adhérents à un club sportif d'ici à 2024. Cette ambition pose la question des équipements qui souvent, notamment en milieu urbain, se trouvent déjà saturés. Quelle incitation envisagez-vous pour engager les collectivités territoriales, maîtres d'ouvrage de la quasi-totalité des équipements sportifs, en faveur d'une augmentation des capacités d'accueil ?

Mme Laure Darcos . - Je suis élue de l'Essonne et, à ce titre, ai été sollicitée sur le sujet de l'AFLD, dont le collège apparaît très largement favorable à une installation sur le plateau de Saclay. Je comprendrais la déception d'Évry si son projet n'était pas retenu, d'autant que je suis également membre du conseil administration du Genopole. Mais il est question d'un laboratoire avec des plateaux techniques de chimie et il se trouve que, sur le plateau de Saclay, le bâtiment envisagé jouxte la prochaine installation de l'université de pharmacie et un site du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avec lesquels l'agence travaille depuis longtemps. Par ailleurs, le cluster du sport annoncé à Évry n'existe que sur le papier. Je pense enfin que, symboliquement, installer l'AFLD dans le cluster ne donnerait pas à l'agence l'image d'indépendance qu'elle doit conserver au niveau international. J'aimerais enfin, madame la ministre, connaître votre opinion sur la demande de l'association nationale des élus en charge du sport relative au déplafonnement des taxes affectées au sport sur les jeux de la Française des jeux, les paris en ligne et la fameuse « taxe Buffet » sur les droits de diffusion des manifestations sportives.

Mme Maryvonne Blondin . - Ma question concerne les quelque 200 médecins et infirmiers qui effectuent des prélèvements pour le compte de l'AFLD. Ils verront le coût de leurs prestations baisser de 25 % et s'inquiètent de ne plus pouvoir, dans ces conditions, poursuivre leurs prélèvements, qui doivent être réalisés dans des conditions particulièrement strictes et contraignantes.

Mme Annick Billon . - Je m'associe aux compliments et aux félicitations qui vous ont été adressés par mes collègues. Je souhaite, pour ma part, revenir sur le CNDS s'agissant de la disparition des contrats aidés, du transfert de 1 600 CTS aux collectivités territoriales et, surtout, de ses sources de financement. Il bénéficie de trois sources essentielles de financement : 1,8 % des sommes issues de la Française des jeux, 1,8 % des paris sportifs en ligne et 5 % des droits télévisuels. En 2006, ces sommes ont été plafonnées à respectivement 173 millions d'euros, 31 millions d'euros et 41 millions d'euros. Au lieu d'un déplafonnement partiel, pourquoi ne pas imaginer un déplafonnement total compte tenu des objectifs fixés ? Une telle mesure permettrait de dégager un budget de 400 millions d'euros. Elle semble en outre plus logique que la taxation des vêtements sportifs imaginée par un député... Avant l'agence du sport, nous avons connu l'Agence française de la biodiversité, imposante entité où il n'était pas possible de vérifier le fléchage des dépenses. Je partage enfin, madame la ministre, votre ambition du sport pour tous, notamment pour les femmes. Nous allons d'ailleurs travailler, au sein de la délégation aux droits des femmes, sur la coupe du monde féminine de football.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous vous remercions, madame la ministre, pour les précisions que vous nous avez apportées. Comme plusieurs collègues, je déplore la réduction des moyens dédiés aux associations sportives de nos territoires dans un contexte d'attrition des dotations aux collectivités territoriales. L'État nous impose un cadre très strict. Nous sommes pris en tenaille entre l'envie d'assumer la décentralisation et l'obligation de se plier aux contraintes budgétaires.

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Si la réforme de la gouvernance a été engagée, c'est justement parce que, dans le sport plus que dans d'autres secteurs, tout le monde a envie de bien faire. Effectivement, ce n'était pas une compétence obligatoire des régions, des départements et des communes, mais tous ont envie de s'y investir en raison du rôle social du sport.

Cette réforme a pour objectif de rationaliser et d'optimiser les financements. Aujourd'hui, certaines associations postulent, pour financer un même projet, auprès du CNDS, auprès de la région, auprès du département et peut-être même auprès de l'État. D'autres associations, souvent celles qui n'ont pas de structure fédérale, iront plutôt voir les élus pour solliciter des financements prévus pour la vie associative et la jeunesse. Il n'y a pas vraiment de cohérence d'ensemble.

Ce qui est bon aujourd'hui pour le sport n'est pas ce qui était bon pour lui hier et ce qui sera bon pour lui demain. Je ne peux pas juste subventionner telle association parce qu'elle fait un bon travail. L'expérience du sport, pour un enfant comme pour un adulte, est très vertueuse ; elle permet de trouver des réponses à des questions personnelles et ce n'est pas à nous, aux régions, au CNDS de viser telle ou telle cible. Je veux encourager la pratique du sport en général.

Monsieur Lafon, le but est d'augmenter le nombre des pratiquants et non celui des adhérents. Comment une personne qui court seule le dimanche pourrait-elle entraîner un groupe d'amis à courir avec elle et s'inscrire éventuellement dans un cursus fédéral ? Le sport, c'est aussi un facteur de lien social.

Telle fédération peut compter 120 000 licenciés pour un sport regroupant trois millions de pratiquants qui ignorent tout de celle-ci. L'idée, avec cette agence du sport, c'est de former des parlements du sport, qui existent déjà dans certaines régions et qui fonctionnent bien, en y adossant la conférence des financeurs que mettra en place la loi, de manière à permettre à chaque acteur de trouver sa place.

Entre la disparition du CNDS et la mise en place de l'agence, il y aura une période de transition au cours de laquelle le modèle ne changera pas : les engagements pris par le CNDS seront honorés et cette transformation se fera je l'espère assez rapidement. Chacun doit trouver sa place, mais cette place ne sera pas la même selon les territoires. L'État se propose d'être ce coordinateur en essayant de donner une cohérence à l'investissement public des collectivités et de supprimer des doublons pour faire en sorte que le sport soit mieux financé.

S'agissant des missions de prévention attribuées à l'AFLD, celles-ci existent toujours au sein de la direction des sports. L'une et l'autre travailleront en collaboration sur ces missions de prévention, l'AFLD se consacrant au champ de la haute performance. Les missions plus générales de prévention continueront à être mises en oeuvre par les services de la direction des sports. Ce sera un travail commun.

Les préleveurs sont rémunérés par l'AFLD sur la base d'une grille tarifaire, laquelle évolue pour une plus grande professionnalisation en vue de la coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Nous interviendrons en cas de tensions.

Le nombre des emplois aidés dans leur ancien format baisse. J'ai rencontré Mme Pénicaud pour lui demander que les parcours emploi compétences (PEC), qu'elle a mis en place, concernent également le sport. La cible initiale des emplois aidés au sein du mouvement sportif n'était pas celle qui était visée au départ par ce type de dispositif. Nous voyons une opportunité avec ces PEC de faire sortir les associations de la logique dans laquelle elles s'inscrivent aujourd'hui. Nous voulons leur faire comprendre qu'elles peuvent se professionnaliser. Nous allons encourager et valoriser les bénévoles dans leur implication auprès des jeunes, mais nous voulons profiter de ces PEC pour mettre en place de vrais développeurs au sein des associations. Ces personnes devront monter eux-mêmes en compétence et faire monter l'association en compétence.

En 2010, j'ai créé une association qui a vécu sans aucune subvention pendant cinq ans ; j'y ai travaillé bénévolement. Nous avons pu constituer un fonds de roulement qui nous a permis de dégager un mi-temps, puis un plein temps. Nous nous sommes adressés à des publics auxquels les associations ne s'adressent pas habituellement, en accueillant des personnes qui ne se destinent pas forcément à la compétition. À cet égard, je trouve qu'il est dommage qu'on ne puisse pas emmener des enfants dans une association sportive pour leur seul plaisir. En proposant uniquement des activités orientées vers la compétition, on occupe trop de créneaux au détriment d'autres personnes et on se prive de rentrées financières. Peut-être des parents souhaiteraient-ils inscrire leur enfant uniquement sur une période trimestrielle pour lui permettre d'exercer plusieurs sports, car parfois les cotisations annuelles atteignent des montants très élevés. Il faut parvenir à changer les modèles économiques pour accroître le nombre de pratiquants.

S'agissant des créneaux dans les installations sportives, en matière de financement, nous voulons encourager les projets collaboratifs entre associations sur des temps qu'elles n'investissent pas - par exemple le samedi et le dimanche, alors que c'est à ces moments que les familles peuvent venir pratiquer.

Pendant les vacances scolaires, par exemple, des éducateurs pourraient mutualiser leurs interventions pour contribuer à développer la pratique du sport chez les enfants. On pourrait en faire autant au profit des employés des entreprises pendant la pause de midi. Nous sommes aussi en relation avec des groupements d'employeurs, comme Profession Sport et Loisirs, pour faciliter la mise à disposition d'éducateurs auprès de plusieurs associations ou pour assurer des fonctions transverses nécessaires à la vie des associations, comme la comptabilité. L'idée est de mutualiser les efforts sur les territoires. Mais il est impossible de faire tout cela depuis le ministère, à Paris, car il faut discuter avec tous les partenaires pour identifier les besoins de chaque territoire. C'est pourquoi il est important d'être à l'écoute des pratiquants ou des collectivités territoriales.

Les parlementaires constituent à cet égard un relai formidable pour faire remonter la réalité du terrain, les initiatives innovantes et les besoins des territoires. Jusque-là, on ne disposait que des remontées des fédérations.

Nous voulons aussi élargir le spectre de nos financements et faciliter l'interaction des associations, des têtes de réseau, qui présentent souvent des projets bien construits. Lorsque je suis arrivée au ministère, j'avais une assez mauvaise impression des fédérations parce que je trouvais que la fédération française de natation ne s'investissait pas assez sur un dossier important, la sécurité des enfants dans l'eau. J'ai rencontré déjà une dizaine de fédérations et je constate qu'elles font beaucoup de choses dans le cadre des plans sportifs territoriaux. C'est cet exemple que nous voulons suivre, tout en associant davantage d'acteurs.

Lorsque l'on vient déposer un dossier de financement, il ne faut pas qu'il concerne uniquement son association, mais il faut qu'il s'inscrive dans un projet territorial, monté avec d'autres associations locales, pas uniquement sportives. Le sport doit aussi être un moyen de répondre aux attentes des familles et des utilisateurs. Il peut ainsi, par exemple, répondre aux besoins de mode de garde des parents, aux questionnements sur les temps de vie des enfants. Les parents ont souvent, en effet, à faire rentrer au forceps une activité sportive dans l'emploi du temps de l'enfant qui finit sa journée à 20 heures 30 et qui rentre trop fatigué pour aller dîner...

L'Insep sera associé à l'agence en charge de la haute performance. C'est un lieu de pratique pour les meilleurs sportifs, même s'il n'accueille pas toutes les disciplines. L'Insep mélange études et sport de manière très pertinente. Certaines de ses cellules, comme la cellule relations internationales, seront reprises par l'agence. Elles fonctionneront aux côtés d'autres initiatives, comme, par exemple, Science 2024, initiée par l'École polytechnique et qui réunit une quinzaine de grandes écoles avec comme objectif d'inciter les étudiants à travailler sur des projets de recherche suggérés par les fédérations, les sportifs et les entraîneurs. Alors que l'Insep propose essentiellement des équipements de biomécanique, nous voulons mettre aussi l'accent sur des matériels utilisés dans tous les sports - comme le canoë, l'aviron, le vélo, etc. -, et dans le sport paralympique pour adapter le matériel à la spécificité de chaque handicap.

S'agissant des taxes, M. Darmanin a répondu lundi soir. Effectivement les taxes, telles qu'elles avaient été conçues, ne sont pas intégralement affectées au sport. C'est un choix politique, car il s'agit de l'argent de tous les Français et cet argent doit servir à tous les Français. Si l'on déplafonnait toutes les taxes affectées au sport, on obtiendrait un produit de 365 millions d'euros au lieu de 146 millions d'euros. Mais si l'on donnait cet argent au ministère, tous les crédits ne pourraient être utilisés. Il s'agit de l'argent des Français, on ne peut pas faire n'importe quoi avec. L'argent doit financer des dispositifs ou des projets utiles à la nation. Il faut reconnaître que nous n'avons pas de dispositifs à proposer pour utiliser l'intégralité des 365 millions d'euros. Nous allons travailler dans ce sens, faire le plus de choses possible et puis l'on négociera sur cette base le prochain budget triennal.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Merci madame la ministre, pour cet échange nourri, franc et sincère. Si la question des taxes a été soulevée, c'est qu'elle est d'importance à l'heure où se prépare aussi le budget de la culture et du patrimoine, avec des débats autour de l'affectation du produit du Loto du patrimoine. La propension de l'État à créer des taxes et d'en détourner l'affectation au bout de quelques années est notoire. Ainsi, en 2009, nous avons créé la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, dite « TOCE », pour financer l'audiovisuel public et compenser la suppression de la publicité après 20 heures. Or, aujourd'hui, le produit de cette taxe n'est plus du tout affecté à l'audiovisuel public ! C'est problématique, notamment en l'absence d'une réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Une taxe peut-elle continuer à être prélevée sans être affectée à ce pour quoi elle a été créée ? C'est un sujet important qui mérite que l'on s'interroge.

En conclusion, je voudrais, encore une fois, vous remercier, madame la ministre. Vous avez été élue locale, conseillère régionale, et cela se voit ! Vous connaissez les territoires et leur fonctionnement. Le mot « territoire » est d'ailleurs revenu souvent dans votre propos. Il y a donc des réalités que l'on peut partager. Je ne doute pas que nous pourrons avancer ensemble.

Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

MERCREDI 7 NOVEMBRE 2018

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'enseignement scolaire ainsi qu'à la jeunesse et à la vie associative, MM. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Je vous proposerai, dans votre propos liminaire, de présenter les grandes lignes de votre budget.

Puis je céderai la parole à nos rapporteurs pour avis des crédits de votre ministère, Jacques Grosperrin et Jacques-Bernard Magner, puis à l'ensemble des collègues qui souhaiteront vous interroger.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le remaniement a permis de clarifier les compétences de mon ministère en y incluant la jeunesse. Derrière ces mots transparaît notre engagement et le projet de service national universel (SNU).

Ce budget traduit la priorité accordée à l'éducation par le gouvernement. Je tiens à souligner la notion de puissance éducative que le Président de la République a évoquée lors de sa dernière intervention télévisée, ce qui souligne l'importance de l'éducation pour le rayonnement international de notre pays et au niveau intérieur. La France peut être une puissance éducative du XXI e siècle.

Ce budget approfondit le sillon de la politique initiée l'année dernière et dont l'objectif est clair : l'élévation générale du niveau et la justice sociale. Ces deux points sont corrélés. C'est parce que nous sommes ambitieux et exigeants avec les élèves que l'école est à la hauteur de sa mission républicaine de progrès social.

Le budget qui vous est proposé pour 2019 s'établit à 51,7 milliards d'euros - hors cotisations aux pensions de l'État -, avec une augmentation de 1,7 %, soit 861 millions d'euros supplémentaires.

Avec 811 millions d'euros supplémentaires sur le périmètre de l'enseignement scolaire, nous continuons la transformation profonde du système éducatif que les Français demandent. Cette augmentation nous donne les moyens d'être à la hauteur des principes républicains que nous défendons et d'atteindre ainsi nos objectifs :

- donner plus à ceux qui ont besoin de plus, conformément au principe de fraternité ;

- transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves, en personnalisant davantage nos pédagogies, conformément au principe de justice et d'égalité ;

- mieux les accompagner dans la conception de leur projet de poursuite d'étude ou d'insertion professionnelle, conformément au principe de liberté.

Cette transformation sera possible grâce à l'unité de la société autour de son école et de ses professeurs, pour lesquels il nous faut davantage investir dans la formation, et mieux les accompagner tout au long de leur carrière grâce à une politique de ressources humaines innovante allant de pair avec une politique de rémunération.

Le budget que nous présentons répond à des choix budgétaires en parfaite cohérence avec le projet politique qui vise à permettre à chacun d'avoir la maîtrise de son avenir.

À l'école primaire, l'objectif prioritaire porte sur les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui. Rien de solide ni de durable ne peut se faire si tous les élèves ne les maîtrisent pas. Sinon, il leur est impossible de se projeter dans la culture et de se saisir de leur vie. Les 20 % des enfants qui quittent l'école primaire sans maitriser ces savoirs fondamentaux, sont, en grande partie, les plus défavorisés socialement. Nous devons corriger cette injustice.

Cette priorité accordée à l'école primaire se justifie plus encore par le niveau de nos dépenses, puisque la France dépense moins pour son école primaire et plus pour son enseignement secondaire que la moyenne des pays de l'OCDE. Alors que moins d'élèves sont attendus dans l'école primaire, nous faisons de cette dernière une priorité.

Ainsi, la rentrée prochaine verra la création de 2 325 postes devant élèves, alors même que nous accueillerons 60 000 élèves en moins. Dans chaque département de France, à chaque rentrée scolaire, le taux d'encadrement de l'école primaire va s'améliorer. Les moyens de remplacement seront préservés et l'école rurale sera consolidée.

Ce volontarisme budgétaire nous permet aussi de donner sa pleine dimension à l'une des mesures de justice sociale les plus importantes du gouvernement : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation renforcés (REP et REP+). Après 60 000 élèves à la rentrée 2017 et 190 000 cette année, ce seront 300 000 élèves qui bénéficieront de la mesure de dédoublement des classes à la rentrée 2019. Un écart s'avère parfaitement mesurable entre les REP et REP+ et le reste du pays en termes de maîtrise de la lecture et de l'écriture.

Les élèves de CE1, qui ont bénéficié du dispositif de REP+, savent presque tous lire et écrire de manière fluide. Cette démarche va à la racine des inégalités. La France est pionnière en la matière.

Cette priorité s'accompagnera de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans, qui constitue une autre grande mesure sociale. 20 000 élèves supplémentaires, dont certains seraient voués à la marginalisation, seront concernés et la France sera le pays qui scolarisera le plus tôt dans son école maternelle, qui fait sa fierté depuis son invention en 1848.

La seconde priorité est d'accompagner les élèves vers la réussite au travers de son second degré. Le volume d'enseignement y sera maintenu en 2019. En effet, la diminution de 2 450 moyens d'enseignement sera compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires. Cette mesure permet d'apporter une réponse plus souple aux besoins des établissements et garantit aux professeurs une rémunération complémentaire.

Au collège, nous accompagnons plus et mieux tous les élèves vers la réussite. C'est tout le sens de la mesure « devoirs faits ». Mis en oeuvre à l'automne 2017 dans tous les collèges de France, ce dispositif poursuit sa montée en charge, avec une augmentation de 27 millions d'euros, pour atteindre 247 millions d'euros en 2019. Cette mesure est décisive pour les collèges et fait évoluer notamment les relations avec les parents d'élèves ainsi qu'entre les enseignants et leurs élèves.

Le soutien aux élèves les plus fragiles passe aussi par l'aide directe dans le cadre scolaire. La fragilité sociale est prise en compte dans ce budget avec une augmentation de 4 % des moyens alloués en faveur des bourses de collège et de lycée. Cela représente 739 millions d'euros en 2019. En complément, une enveloppe de 65 millions d'euros de fonds sociaux permet de répondre ponctuellement aux difficultés de certaines familles qui peuvent survenir en cours d'année. Je crois beaucoup au rôle du chef d'établissement et de son équipe éducative en matière sociale, ce qui motive l'importance accordée aux fonds sociaux dans la composition de ce budget et les initiatives que nous prenons, à l'instar des cités éducatives que nous avons annoncées avec Julien Denormandie, dans la continuité du rapport de Jean-Louis Borloo et des annonces du Président de la République sur la politique de la ville. Certains établissements devraient être dotés de moyens supplémentaires pour devenir des acteurs de la politique sociale, en lien avec les collectivités locales et les administrations.

Venir en soutien des élèves les plus fragiles conduit à garantir une éducation pleinement inclusive pour les élèves en situation de handicap. En 2019, le ministère consacrera 2,7 milliards d'euros à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Notre détermination est sans faille sur cette question. Il s'agit d'offrir aux élèves un accompagnement de qualité par des personnels formés et disposant d'un emploi stable. Pour la première fois, à la rentrée 2018, le nombre d'accompagnants ayant le statut d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dépasse celui des emplois aidés, majoritaires jusqu'à alors. Ce mouvement se poursuivra en 2019, avec le financement de 12 400 nouveaux emplois d'AESH, dont 6 400 accompagnants supplémentaires au titre de la poursuite de transformation des contrats aidés en AESH, ainsi que de 6 000 AESH supplémentaires par recrutements directs. Ces accompagnants bénéficieront également de 60 heures de formation annuelle. En outre, le programme de création d'Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) se poursuivra en 2019.

La troisième priorité de ce budget est de renforcer l'attractivité du métier de professeur. C'est un enjeu à la fois national et mondial. Dans le cadre de l'agenda social du ministère, nous échangeons en continu avec les organisations syndicales sur les mesures nécessaires afin d'y parvenir. Plusieurs mesures qualitatives sont prises ou vont l'être prochainement : le développement du pré-recrutement présente une dimension sociale, en aidant les étudiants se destinant au professorat et en renforçant notre système éducatif grâce à l'élargissement du vivier de leur recrutement. La transformation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ÉSPÉ, tout en maintenant leur cadre universitaire, permettra d'améliorer le niveau général des formations qui y sont dispensées et sur lesquelles le ministère de l'éducation nationale doit exercer une certaine maîtrise. Il n'est pas normal que certains futurs professeurs reçoivent moins de vingt heures de formation sur les enjeux de la lecture, alors qu'il en faudrait cent ! Nous aborderons ce point lors de la discussion prochaine du projet de loi relatif à l'école de la confiance.

La gestion des ressources humaines de proximité, au plus près du terrain, sera généralisée, après avoir commencé à titre expérimental. Il s'agit d'un enjeu pour la gestion des carrières et la formation de nos professeurs.

Dès à présent, deux mesures essentielles sont prises : la valorisation de l'engagement des professeurs, en poursuivant la montée en charge de l'engagement présidentiel de relever de 3 000 euros par an les rémunérations des personnels en réseaux d'éducation renforcés (REP+). Cette mesure significative se traduit, dès cette rentrée, par une prime de mille euros et, à la rentrée 2019, par une prime de deux mille euros. J'ai confié une mission à Mme Ariane Azéma et M. Pierre Mathiot sur la dimension territoriale de la politique éducative. Ils ont notamment la charge de réfléchir aux moyens de moderniser nos outils de l'éducation prioritaire pour donner des résultats plus efficaces, dans un but de justice sociale. Il s'agit de concilier la revalorisation du statut de nos professeurs avec la réussite des élèves des zones d'éducation prioritaire.

Nous poursuivons également la relance de la mise en oeuvre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Cette démarche se traduira par la poursuite du soutien aux jeunes professeurs, avec une revalorisation progressive des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de plus de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Enfin, les parcours de carrière seront dynamisés et revalorisés pour près de 900 000 agents entre 2017 et 2022. Cette revalorisation devrait représenter un milliard d'euros. Elle permettra d'améliorer la situation matérielle des professeurs, ainsi que de revaloriser la considération dont ils bénéficient au sein de la société française.

Ce budget de l'année 2019 traduit les priorités que je viens d'indiquer et se veut cohérent avec les valeurs d'engagement et l'importance conférée à la jeunesse. Le renfort de Gabriel Attal contribuera au succès de cette démarche, dont le service national universel fournira le jalon. Nous voulons un collège où l'on s'engage et réalise les valeurs de la République en les pratiquant. J'ai signé un accord avec la Croix-Rouge afin qu'il y ait davantage de classes Croix-Rouge dans les établissements. Ce sera également vrai en aval du SNU, avec le développement du service civique et de toutes les formes positives d'engagement que nous pouvons souhaiter pour notre jeunesse et auxquelles notre système scolaire doit donner l'impulsion décisive. Je laisse, à présent, Gabriel Attal le soin de vous présenter la dimension jeunesse et vie associative de ce budget.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le budget « jeunesse et vie associative » illustre la cohérence d'un portefeuille ministériel tourné vers l'avenir et destiné à donner des bases solides aux jeunes de ce pays pour se projeter en confiance vers leur avenir. Avec une augmentation de 50 millions d'euros, il traduit la priorité que nous accordons à la jeunesse ; le périmètre jeunesse et vie associative s'établit ainsi à 614 millions d'euros. Ce programme articule le temps des apprentissages, que porte l'enseignement scolaire, et le temps de l'accès à l'autonomie et à l'engagement, que soutient le présent programme budgétaire. Il se décline en quatre axes.

Premier axe : développer l'engagement au service des autres. Avec un budget de 497 millions d'euros inscrits au PLF 2019, le service civique poursuivra sa croissance pour offrir, à terme, à 150 000 jeunes la possibilité d'effectuer une mission d'intérêt général. Cette dotation est augmentée de 49 millions d'euros. Ce dispositif est plébiscité par les jeunes : l'immense majorité d'entre eux en ont une bonne image et neuf anciens volontaires sur dix se déclarent satisfaits de leur expérience. Reflet de la diversité de notre jeunesse, il s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique éducative avec un quart de volontaires peu ou pas diplômés. Il représente une école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, de la découverte et de l'estime de soi. C'est donc une école de la vie. Cette dynamique sera portée par une diversification grandissante des employeurs et, s'agissant du ministère de l'éducation nationale, par une participation au dispositif « devoirs faits » à hauteur de 10 000 volontaires supplémentaires. Fort de sa réussite, le service civique trouvera tout son sens en articulation avec le service national universel (SNU).

Second axe : la mobilité internationale des jeunes. Le ministère consacrera 16 millions d'euros aux dispositifs d'échanges internationaux. Plus de deux millions d'euros seront consacrés en 2019 aux programmes portés par l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ). Notre politique de mobilité pour les jeunes permet donc de soutenir le projet européen en faisant se rencontrer les jeunesses, par-delà ses statuts scolaires.

Troisième axe : le développement de l'accès des jeunes à l'information dans tous les domaines, afin de favoriser leur autonomie. Le service national universel nous permettra de progresser en termes d'emplois, de logement et de culture. Les jeunes se heurtent trop souvent au trop plein d'informations qui leur sont soumises. Pour résorber ces difficultés, le ministère entend repositionner le réseau Information jeunesse, fort de 1 300 points d'accueil répartis sur l'ensemble du territoire, et capable de délivrer une information généraliste et précise. C'est là un outil qu'il nous faut conforter. Par ailleurs, le ministère a décidé de développer un outil numérique, la « boussole des jeunes », qui vient d'être expérimentée dans plusieurs territoires et vous sera prochainement présentée. Le jeune est ainsi considéré comme un usager et y bénéficie d'une information lisible.

Quatrième axe : le développement de la vie associative. Les associations sont une école de la démocratie notamment pour nos jeunes. Avec 20 millions d'adhérents, 15 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés les associations occupent une place sociale et économique irremplaçable dans la vie de la nation. Elles sont au coeur de la société de la confiance, de l'engagement et de l'entraide, qui constitue le fondement du projet présidentiel. Le Gouvernement entend répondre aux besoins spécifiques de toutes les associations : autant les grandes associations nationales, employant plusieurs dizaines, voire des centaines de salariés - celles-ci vont bénéficier de la baisse du niveau des charges en 2019 à hauteur de 1,4 milliard d'euros - que les plus petites, qui jouent souvent un rôle décisif dans la vie économique et sociale locale. Ces dernières seront confortées par la création du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui sera doté de 25 millions d'euros et accompagnera leurs différents projets. Des commissions ont été organisées dans les départements et les informations dont nous disposons laissent augurer que le FDVA a réussi dans sa mission d'assistance aux petites associations de terrain. Je veux ici rendre hommage aux conseillers d'éducation populaire et aux inspecteurs qui ont travaillé à la mise en place de ce fonds, dont l'instauration s'est avérée complexe pour les agents de l'administration déconcentrée ainsi que pour les parlementaires qui n'ont pas toujours eu le temps de le promouvoir, au coeur de l'été dernier, localement. Nous veillerons, l'an prochain, à ce que le calendrier soit plus adapté.

En 2019, le ministère consacrera près de 90 millions d'euros, hors dépenses fiscales, au développement de la vie associative et l'effort cumulé de l'État en faveur des associations s'élève à plus de 5,3 milliards d'euros.

Nous travaillons également, avec Jean-Michel Blanquer, à une feuille de route sur la vie associative qui fait suite au rapport remis par le mouvement associatif en juin dernier et au lancement, par le premier ministre, du programme de développement de la vie associative, aux Grands Voisins, en novembre 2017.

Ce budget traduit donc le plein engagement du gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative. Il fait, plus que jamais, du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse le ministère de l'avenir. Cette action déterminée sera complétée et renforcée par l'engagement du Président de la République de mettre en place un service national universel, dont les modalités sont en cours d'élaboration.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le ministère de l'éducation nationale se veut un ministère d'avenir. Vous n'avez pas mentionné de plan d'action sur la formation au numérique ni le financement jusqu'à présent assuré par les programmes d'investissement d'avenir (PIA) et les collectivités territoriales. Hier, nous avons d'ailleurs abordé ce sujet de prime importance avec Frédérique Vidal lors de son audition budgétaire.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Le numérique est en effet un sujet d'importance pour 2019. La rentrée 2019 sera l'occasion de mettre en oeuvre des innovations pédagogiques dont les élèves de seconde ont d'ores et déjà été informés grâce au fascicule sur l'orientation en classe de première. La création d'une nouvelle filière sciences informatiques et numérique, dans certains lycées, est une démarche inédite aux plans national et mondial. Son programme, disponible sur internet, n'est pas encore arrêté et il est encore possible d'y apporter des modifications jusqu'à décembre prochain. Conformément à vos préconisations, la généralisation de l'apprentissage de la programmation devrait être assurée à l'école primaire et au collège. Les enjeux d'une telle démarche sont non seulement budgétaires mais relèvent aussi de la gestion des ressources humaines. C'est pourquoi un plan volontariste de formation continue en informatique destiné principalement aux professeurs de mathématiques et de sciences a été lancé, ainsi qu'une étude sur les ressources humaines en informatique dans le système scolaire français.

L'équipement en informatique est un autre sujet d'importance : 240 millions d'euros sont consacrés, par le PIA3, à la dotation en équipement informatique de l'enseignement secondaire et supérieur. L'objectif est de mettre en oeuvre des politiques ciblées, plutôt qu'un financement indifférencié, notamment pour la dotation numérique des écoles en milieu rural qui impliquera des appels à projet à hauteur de 25 millions d'euros.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis des crédits de la mission enseignement scolaire . - Notre commission aurait souhaité obtenir plus rapidement les réponses au questionnaire budgétaire.

L'effort consacré à l'enseignement scolaire, surtout dans le secteur primaire, permettra, sans doute, de combler les lacunes mises au jour par le classement PISA. Vous avez parlé de justice sociale. Or, celle-ci me paraît impliquer l'égalité de tous nos territoires, y compris ruraux et très ruraux, dans le domaine de l'éducation. En outre, dans les REP+, certains chefs d'établissements se sentent parfois très isolés.

Le budget 2019 prévoit la suppression de 1 800 postes, qui cache une poursuite des créations de postes dans le primaire compensée par des suppressions dans le second degré. Si ces suppressions de postes demeurent relativement limitées, leur annonce et l'absence de visibilité peuvent décourager les futurs candidats. Comme mon prédécesseur, Jean-Claude Carle, je ne peux que regretter l'absence d'une programmation pluriannuelle des emplois du ministère ; celle-ci assurant la visibilité des candidats au début de leur formation. Nous souhaiterions donc connaître, monsieur le ministre, l'évolution des emplois jusqu'en 2022, telle que fixée par la lettre-plafond du Premier ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Les 800 chefs d'établissement, à l'instar des 45 000 personnels de l'éducation nationale et des 3 800 IATOS affectés en REP+, bénéficient d'une prime spécifique.

En effet, la programmation pluriannuelle n'est pas actuellement établie. Je tiens à souligner qu'il n'y aura pas d'effet de zigzags sur la création de postes par discipline. D'autres facteurs que ceux de la création ou de la suppression de postes, comme le nombre de départs à la retraite ou l'évolution des disciplines, doivent être pris en compte. Quelle que soit la programmation budgétaire pluriannuelle, il serait impossible d'assurer une programmation des concours sur une durée de quatre années.

Le nombre de recrutements de professeurs des écoles va se stabiliser, avec un peu plus de 10 000 postes ouverts par an, tandis que le nombre de postes ouverts dans l'enseignement secondaire évoluera, sans diminution drastique, en fonction des disciplines. Ainsi, en philosophie, discipline qui sort renforcée de la réforme du baccalauréat, le nombre de postes ouverts est appelé à augmenter, en raison de l'extension de son enseignement à quatre heures hebdomadaires et de la création d'une spécialité « littérature, philosophie et humanités » destinée aux élèves de première et de terminale.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - La rentrée 2019 verra l'achèvement du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, pour un coût total de 11 000 postes. Une partie de ces postes provient du redéploiement d'enseignants affectés au remplacement, au dispositif « plus de maîtres que de classes » ou dans des classes à faibles effectifs, notamment en zone rurale. Et ce, alors même que le Président de la République s'était engagé, à l'été 2017, à mettre fin aux fermetures de classes dans les communes rurales qui posent des difficultés d'acheminement aux élèves concernés. Pourriez-vous nous communiquer le nombre de classes ayant fermé en milieu rural à la rentrée 2018 ? En outre, disposez-vous des résultats de l'évaluation scientifique du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire et, en parallèle, du dispositif « plus de maîtres que de classes » annoncée l'année dernière ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Notre vision n'est pas purement comptable. Pour preuve, 2 325 postes à l'école primaire vont être créés, tandis que le nombre des élèves, en diminution de 60 000, aurait dû normalement générer une baisse de 3 000 postes. Les dédoublements des enseignants en classe de CP et de CE1 vont ainsi être assurés.

Nous avons les moyens de compenser, en partie, la baisse de la démographie dans la ruralité. La question de l'école en milieu rural est avant tout démographique : comment l'école, combinée à d'autres stratégies comme le numérique, peut-elle contribuer au rebond démographique en milieu rural ?

Suite à notre travail avec Alain Duran et certains d'entre vous, nous sommes en mesure de proposer aux départements une stratégie pluriannuelle des écoles rurales reposant sur des enjeux qualitatifs. Comment renforcer l'attractivité des territoires ruraux au point d'inciter des familles à s'y réinstaller ? Le plan internat, prochainement annoncé, pourrait notamment y contribuer. La dimension quantitative de ce problème doit être prise en compte. Dans les 45 départements les plus ruraux, 400 postes ont été créés en deux ans. En Lozère, les écoles accueillent 14 élèves par classe en moyenne - 15 en Vendée et 17 dans le Cantal - de la petite section au CM2. C'est sans doute la raison pour laquelle l'école primaire en milieu rural est celle de la réussite. Nous voulons un rebond de l'école rurale au cours des prochaines années dans un contexte marqué par des tendances démographiques défavorables et le besoin d'instiller l'espoir au sein de la population. Cet espoir alimentera un cercle vertueux. L'éducation nationale fait preuve de bienveillance vis-à-vis de la réalité rurale, comme l'indique encore la création, dans notre département du Doubs, monsieur le rapporteur, de 14 postes tandis qu'une baisse de 327 élèves est constatée. Les dédoublements en REP et REP+ ne concernent pas que les zones urbaines. Dans le département de l'Aine, 40 % des dédoublements concernent le milieu rural. Cette démarche suscite un effet de halo : favoriser, dans des petites classes, le déploiement de techniques pédagogiques, hors REP et REP+, permet d'éviter les fermetures d'école ou de classe. L'académie de Reims, où les sections de CP accueillent une douzaine d'élèves, est pionnière en la matière.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Ma dernière question porte sur le grand absent de ce budget, le Service national universel (SNU), dont le décret d'attribution vous a donné la responsabilité. Alors qu'il devrait débuter à l'été prochain, pas un euro ne se trouve dans le budget de votre ministère, ni dans les autres. Où trouvera-t-on l'argent ? Dans quelle mesure l'éducation nationale sera-t-elle mise à contribution ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - 2019 sera l'année de préfiguration du SNU. Conformément aux recommandations du groupe de travail piloté par le général Menaouine, une cohorte de quelques centaines, voire milliers de jeunes, sera appelée. C'est la raison pour laquelle l'inscription d'un budget dédié au service national dans le PLF 2019 n'était pas opportune, puisque les coûts minimes de cette faible incorporation seront notamment pris en charge par des redéploiements interministériels. En revanche, nous travaillons sur l'évaluation de son coût global, en fonction des arbitrages opérationnels, pour le budget 2020 où seront présentées une ligne dédiée et une trajectoire pluriannuelle.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et vie associative . - Initialement, sous le quinquennat de François Hollande, le nombre de volontaires du service civique devait atteindre 150 000 en 2017, voire même 350 000 à la fin de 2018. Or, depuis près de trois ans, on constate une réelle difficulté à atteindre l'objectif des 150 000 volontaires par an, alors que les candidats ne manquent pas. Comment expliquez-vous cette situation ? Le service civique sera-t-il intégré dans le service universel ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Ce n'est pas la seule projection ambitieuse du gouvernement précédent. Il est d'ailleurs toujours aisé d'être très ambitieux sur un programme dont on n'assume pas la charge ! Notre progression est cependant réelle : avec 497 millions d'euros, le ministère assume la principale part de l'effort consacré à la vie associative et à la jeunesse. Le chiffre de 150 000 volontaires nous paraît réaliste. Ce volontarisme, quantitatif sur le plan budgétaire, est aussi qualitatif : il s'agit d'assurer la cohérence entre le SNU et le service civique.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - Cette année, l'objectif est d'accueillir 138 000 jeunes et ce n'est qu'en 2020 que le nombre de 150 000 sera atteint. Depuis ces deux dernières années, nous sommes attentifs à la qualité des missions dans les organismes d'accueil afin d'éviter les substitutions à l'emploi et d'assurer la formation des tuteurs. L'objectif du SNU est de favoriser l'engagement et sa phase obligatoire de deux fois deux semaines permettra aux jeunes de remplir une mission d'intérêt général. Il permettra à certains, qui réalisent actuellement un service civique à l'issue d'un parcours scolaire en échec, de développer, plus tôt, un réel goût pour l'engagement.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Depuis des années, les crédits accordés par l'État au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) sont en diminution constante : en 2018, ils s'élevaient à 15,7 millions d'euros avant l'amendement gouvernemental visant à compenser en partie la disparition de la réserve parlementaire. Ces crédits sont très insuffisants si on compare le nombre d'associations - 1,5 million - et le nombre potentiel de volontaires à former - entre 15 et 17 millions de personnes. À l'occasion de l'examen du projet de loi égalité et citoyenneté, l'idée avait déjà avancée de récupérer l'argent figurant sur les comptes inactifs des associations pour le verser au FDVA, soit au total près de 80 millions d'euros. Malheureusement, cette mesure a été écartée par le Conseil constitutionnel. Je vais néanmoins proposer à la commission un amendement d'appel dans le projet de finances, afin que le Gouvernement consigne, dans un rapport, les montants susceptibles d'abonder le FDVA. Je souhaiterais connaître votre position sur ce sujet.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - L'année passée, les crédits de l'État affectés à la vie associative ont, de fait, augmenté de 25 millions d'euros, suite à la suppression de la réserve parlementaire. La feuille de route relative à la vie associative, à laquelle nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer, comprend plusieurs axes : la formation des bénévoles, l'organisation territoriale, le dégagement d'économies d'échelle lié à leur regroupement et le financement. Nous travaillons actuellement afin de résoudre la question des comptes inactifs. A priori , la disposition que vous proposez nous paraît intéressante, puisqu'elle conduirait les banques à transmettre les informations nécessaires à l'avancement de ce dossier.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Le 9 novembre dernier, soit il y a près d'un an jour pour jour, vous aviez lancé le plan de développement pour la vie associative du gouvernement. En mai dernier, le travail collectif des associations a été publié dans le rapport intitulé « Pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d'une société de l'engagement ». Un accent particulier a été mis sur la nécessité d'une politique de soutien à l'emploi associatif au regard de la réduction drastique des contrats aidés dont bénéficiaient les associations et de l'inadaptation du dispositif Parcours Emploi Compétences pour les associations. Or, il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement. Je souhaite donc vous interroger sur la stratégie du gouvernement en direction des associations : alors qu'elles sont toujours plus sollicitées comme partenaires des pouvoirs publics, comme en témoigne l'implication qui est attendue de leur part dans le futur service national universel, elles sont fragilisées dans leur existence et dans leurs structures par les mêmes pouvoirs publics.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - La mise en oeuvre de notre politique de transformation revendique plus de clarté et de cohérence. Elle a conduit à la diminution des contrats aidés dont les deux-tiers étaient consommés lors de notre entrée en fonction. J'insiste sur ce point. La baisse des contrats aidés est totalement assumée. Nous souhaitons éviter l'enfermement des personnes, notamment handicapées, dans des contrats précaires, et la mise en oeuvre de notre politique peut rencontrer, sur le terrain, les difficultés propres à toute transition. Néanmoins, ses mesures commencent à porter leurs fruits et nous travaillons, en partenariat avec la ministre du travail, pour que l'arrivée des contrats parcours emploi compétence (CPEC), destinés à acquérir de réelles compétences et à s'orienter vers des emplois durables, soit intégrée par le milieu associatif. Les moyennes et les grandes associations vont ainsi bénéficier pleinement de la baisse de 1,6 milliard d'euros des cotisations sociales prévue dans le PLF 2019.

Les associations plus petites bénéficient, quant à elles, du dispositif qui a remplacé la réserve parlementaire, ainsi que d'autres mesures qualitatives - comme la reconnaissance des bénévoles et la formation des personnels travaillant dans les associations - prises par Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation. S'il reste à faire beaucoup pour ces associations, notamment en milieu rural, les mesures contenues par le PLF 2019 leur sont favorables, comme le plan mercredi qui, via les caisses d'allocation familiales (CAF), implique le doublement des aides destinées à aider les municipalités en difficulté dans l'organisation, le mercredi, d'activités pour les enfants. Si ces associations ont pu se plaindre, en 2018, des changements opérés, elles vont retrouver de nouveaux moyens à ce titre. En outre, l'instauration des cités éducatives, conçues avec Julien Denormandie, va permettre à certains établissements d'obtenir de 200 000 à 300 000 euros pour favoriser le développement de la vie associative dans un sens social cohérent avec les objectifs éducatifs. Il ne s'agit pas de faire pleuvoir de l'argent de manière indistincte, mais plutôt d'accorder des financements en cohérence avec notre projet éducatif. Si l'aide aux devoirs a pu impliquer, par le passé, des associations tantôt excellentes tantôt discutables, la nouvelle manière de concevoir ce dispositif va renforcer la capacité du maire et du chef d'établissement de choisir ses partenaires. Le quantitatif et le qualitatif doivent ainsi se rejoindre.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - L'essentiel de l'emploi associatif est non-aidé et seuls 8 % des emplois associatifs, principalement dans les secteurs de la culture et du sport, étaient des emplois aidés. Peu d'associations sont conscientes des 1,4 milliard d'euros d'allègements de charges dont elles vont bénéficier. Il s'agit bel et bien d'un soutien massif au monde associatif.

Mme Annick Billon . - Le double rattachement de l'enseignement agricole au ministère de l'agriculture et au ministère de l'éducation nationale freine les mobilités des personnels enseignants et 452 directeurs d'établissement sont dans l'attente d'une décision sur leur affiliation. Quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre en faveur de l'enseignement agricole ?

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Nous entendons prochainement Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur cette question.

Mme Annick Billon . - Les conventions ruralité, qui promeuvent une organisation nouvelle afin d'éviter les fermetures d'établissement, devaient bénéficier à certains territoires. En Vendée, initialement retenue, on constate une chute des naissances depuis dix ans. Comment comptez-vous maintenir les conventions actuelles ?

Vous avez également évoqué la reconnaissance des enseignants sur laquelle ont travaillé nos deux collègues Max Brisson et Françoise Laborde. Comment comptez-vous assurer une meilleure reconnaissance des AESH et des auxiliaires de vie scolaire (AVS), impliquant moins de précarité et une meilleure rémunération ? En outre, il semble que les effectifs des classes ULIS ne soient pas pris en compte dans les calculs d'effectifs, ce qui peut conduire à la fermeture d'établissements dans des départements où la natalité est en régression.

Mme Céline Brulin . - Je voudrais, après notre collègue rapporteur, revenir sur les dédoublements des CP et de CE1 en REP et en REP+ qui ont entraîné, dans certains territoires, des retraits de postes. La définition de la ruralité doit évoluer ; certaines villes se dépeuplent au profit de communes périurbaines, comme en Seine Maritime. Comme je l'ai fait par écrit, je vous interpelle sur l'absence de suivi par vos services des décisions du tribunal administratif. Vous avez assumé cette priorité sur l'école primaire et les suppressions de postes dans le secondaire qui devrait accueillir pourtant près de 40 000 élèves supplémentaires. Quel va être le taux d'encadrement ? Avec 19 élèves par enseignant dans le secondaire, la France est loin de la moyenne de 15 élèves définie par l'OCDE. Vous avez évoqué, à juste titre, les événements récents qui plaident en faveur de l'amélioration de cet encadrement. Par ailleurs, vous mettez en avant les augmentations budgétaires de votre ministère, mais son périmètre a changé et il vous faut financer de nouvelles mesures, comme la transformation des emplois d'AVS en AESH. Enfin, pourquoi la préfiguration du service national universel, dont la mise en oeuvre effective impliquera un budget très conséquent, n'est- elle aucunement mentionnée dans les éléments budgétaires ?

M. Antoine Karam . - Je suis le rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole et la semaine prochaine, nous allons entendre le ministre de l'agriculture sur cet enseignement trop souvent considéré comme une voie de garage, alors qu'il constitue un formidable outil d'insertion et qu'il peut conduire ses élèves à devenir ingénieurs. J'ai pu constater, avec mon collègue Pierre Ouzoulias, la déception des partenaires de l'enseignement agricole sur ce point. J'ai également eu l'occasion, la semaine passée, d'intervenir au sujet des enfants handicapés en milieu scolaire, suite à l'incident survenu au lycée Damas de Rémire-Montjoly, en Guyane. Enfin, on ne peut que se réjouir de l'abaissement de la scolarisation obligatoire à trois ans ! Cette réforme fera de l'école maternelle un formidable outil d'insertion et de progrès social. Cependant, si en France hexagonale 90 % des enfants âgés de trois ans sont scolarisés, c'est loin d'être le cas dans les outre- mer, et tout particulièrement en Guyane et à Mayotte, seul département où la double-vacation a été instaurée. Dans ces territoires, la scolarisation à trois ans induit des défis tant sur le plan des infrastructures que des ressources humaines. Quel est votre sentiment sur cette problématique et comment comptez-vous préparer la rentrée de 2019, en garantissant à tous les enfants de France hexagonale et des outre-mer le droit à l'instruction ? Alors que le manque d'établissement est patent à chaque rentrée, ne faudrait-il pas construire de nouveaux établissements selon un modèle plus souple ?

Mme Mireille Jouve . - Ma première question concerne l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire dès la rentrée 2019. Cette réforme aura des effets significatifs sur les collectivités locales qui n'étaient pas jusqu'alors tenues de participer au financement des activités des maternelles des établissements privés sous contrat. Même si cette question ne sera pas prise en compte en 2019, pourriez-vous nous indiquer comment vous comptez éviter de pénaliser les collectivités locales ?

Ma seconde question portera sur les heures supplémentaires dans le secondaire. La baisse des effectifs budgétaires doit y être compensée par un recours aux heures supplémentaires. 65 millions d'euros y sont destinés. Initialement tenus d'accepter une heure supplémentaire par semaine, les professeurs ne seront plus en mesure d'en refuser deux, si leur établissement leur en fait la demande. Or, la moitié des professeurs assument déjà au moins deux heures supplémentaires par semaine. Ne craignez-vous pas que la marge d'augmentation d'heures de cours dispensés ne soit trop réduite pour pallier la baisse des effectifs budgétaires dans le second degré ?

M. Max Brisson . - Mes questions porteront sur l'attractivité du métier d'enseignant. Vous vous présentez comme le ministre des professeurs. Il n'y a pas d'école de la confiance sans professeurs en confiance. Le concours me paraît la clef pour une bonne formation pratique et théorique. Le ministère de l'éducation nationale sera-t-il en mesure de préciser la maquette des formations dispensées en ÉSPÉ ? Je vous rejoins sur le pré-recrutement, tant il est essentiel de corriger les fausses représentations des postulants au métier d'enseignant. En revanche, je suis plus dubitatif sur la rémunération des professeurs. S'il vaut mieux rémunérer les enseignants affectés en REP+, votre confirmation du PPCR provoquera le retard de la rémunération des jeunes enseignants, au bénéfice de leurs aînés dans la carrière. N'oublions pas que les jeunes professeurs dans les grandes métropoles sont des travailleurs pauvres et l'augmentation de 1 000 euros sur une année n'améliorera pas leur sort !

Nous sommes d'accord avec vous sur la nécessaire gestion des ressources humaines individualisées et de proximité. Le principe de l'indifférenciation des profils des professeurs et des postes ne doit-il pas être remis en cause ? Rassurez les professeurs de l'enseignement professionnel sur la voie générale quant à la part d'enseignement des disciplines de culture générale dans la voie professionnelle rénovée. Enfin, je salue la qualité du travail effectué par la présidente du Conseil supérieur des programmes.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Votre budget demeure en-deçà des objectifs de la loi de programmation de 2013. La création d'un observatoire du pouvoir d'achat des professeurs est certes louable. Où sont inscrits les crédits affectés à l'augmentation annuelle de 1 000 euros dans les bleus budgétaires ? Je vous donne cependant acte de la préservation réussie des moyens pour l'enseignement scolaire, avec la poursuite des dédoublements des classes de CP et de CE1 en REP+, ainsi que de votre engagement d'améliorer l'encadrement dans les milieux urbain et rural les plus difficiles. Mais il faut constater que le second degré paie un lourd tribut, avec la perte de 2 650 emplois, alors que les effectifs augmentent d'année en année. Pensez-vous que le recours massif aux heures supplémentaires permettra de suppléer à cette diminution de postes ? Vous êtes dans l'optique du « travaillez plus pour gagner plus », mais où sont les crédits correspondants ?

On constate une baisse des crédits affectés à la formation des enseignants et à l'orientation. Comment appliquer les nouvelles exigences qui découlent de la réforme du baccalauréat, comme l'instauration de deux professeurs référents par classe, du contrôle continu et d'une orientation des élèves plus approfondie ? Enfin, je rappellerai que la transformation des contrats aidés en contrats d'accompagnateurs des élèves en situation de handicap (AESH) avait déjà débuté sous le gouvernement précédent.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Nous avons été choqués par la transformation des relations entre les élus et l'inspection académique en bataille juridique. Plusieurs de nos collègues ont gagné des recours formés devant le tribunal administratif à l'encontre de fermeture de classes en milieu rural. Je souhaitais vous alerter sur cette situation totalement anormale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - J'ai beaucoup de considération pour l'enseignement agricole qui entretient d'excellentes relations avec l'enseignement général. Facteur de réussite pour les élèves, il est un partenaire essentiel de l'éducation nationale. En pratique, lorsque la réforme du baccalauréat a été conduite, nous avons instauré une nouvelle spécialité « écologie, agronomie et territoire » qui peut également s'adresser aux élèves des lycées généraux. Sa visibilité va devenir plus forte pour un thème important pour les élèves, à l'instar de la révolution numérique.

Les conventions de ruralité ne devraient pas être modifiées ; l'objectif étant de couvrir l'ensemble des 66 départements considérés comme ruraux. Avec le sénateur Alain Duran, nous avons ajouté dix départements au dispositif existant et chaque contrat a été rediscuté, afin d'aboutir à une vision stratégique qualitative. Je souhaite que la Vendée soit bénéficiaire d'un contrat de ruralité.

Les AESH sont un sujet important. Avec Sophie Cluzel, nous avons entamé un cycle de discussions avec l'ensemble des acteurs qui doit se terminer en février. Puisque les contrats aidés sont voués à disparaître, nous souhaitons que les AESH soient mieux rémunérés et bien formés. Certes, tous les AESH n'exercent pas à temps plein, ce qui obère leur rémunération. Cette réflexion nous conduit à envisager le temps de l'enfant et à préconiser un lien plus fort entre le scolaire et le périscolaire. L'État et les collectivités locales doivent concevoir ce temps ensemble, afin d'améliorer l'accompagnement de l'enfant et la rémunération des AESH qui doivent également bénéficier de soixante heures de formation annuelle.

Les professeurs doivent également être formés à l'accueil des 340 000 enfants handicapés dans l'école désormais inclusive et bénéficier d'une formation favorisant, dans la durée, la personnalisation des parcours.

La Seine-Maritime est en effet un cas particulier et je ne vous détaillerai pas la manière avec laquelle je compte parvenir à un résultat. La vie de l'éducation nationale ne saurait être contentieuse et la judiciarisation de la vie scolaire, déjà présente, n'a pas à être accentuée. Ce département doit également bénéficier d'une convention de qualité.

Avec 850 000 enseignants pour 12 millions d'élèves, le taux d'encadrement n'est pas, en soi, un problème, puisqu'il faut y ajouter d'autres paramètres comme le nombre d'heures et la répartition territoriale. Nous devons assumer l'ensemble des conséquences de notre modèle éducatif. Ce sujet est plutôt qualitatif : le taux d'encadrement variera peu ou pas avec la mise en oeuvre de nos mesures, parmi lesquelles la seconde heure supplémentaire obligatoire. Quand bien même ces heures supplémentaires, à l'échelle d'un établissement, s'avéreraient insuffisantes, leur impact devrait se limiter à un élève pour trois classes.

La priorité pour le premier degré est clairement assumée et le second degré va connaître une baisse démographique à la suite de celle enregistrée dans l'enseignement primaire. C'est là un cap à passer. Valoriser la fonction de professeur et avoir une école primaire qui parvient à envoyer dans le secondaire des élèves aux compétences consolidées sont des enjeux qualitatifs auxquels nous tenons.

Les recteurs sont attentifs, au cas par cas, aux situations de handicap, à l'instar des épisodes qui viennent de se dérouler en Guyane et en Seine Maritime et relèvent avant tout des ressources humaines.

Je vous remercie de souligner l'importance de la scolarisation à l'âge de trois ans pour l'outre-mer. Cette démarche se traduit par des créations de postes en Guyane et à Mayotte où la faible scolarisation des enfants en bas âge explique, pour partie, les difficultés scolaires qu'ils éprouvent une fois à l'école élémentaire. Le PLF 2019, avec 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement, permet de financer un plan volontariste inédit pour Mayotte. Conformément aux attentes, l'État s'y engage budgétairement dans la durée et travaille activement avec les Comores pour limiter le flux migratoire. Il est désormais possible d'être optimiste pour Mayotte, même si de nombreux obstacles restent à franchir. La création d'un rectorat, comme l'y invite le projet de loi qui vous sera soumis début 2019, est à cet égard significative. Dans le domaine éducatif, nos engagements du plan Guyane seront également tenus.

C'est la première fois qu'est véritablement instaurée cette mesure, annoncée pourtant par le passé, de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. L'acquis que représente l'instruction obligatoire à trois ans est plus important que le problème posé. Il s'agit bel et bien d'une avancée.

Les collectivités seront accompagnées financièrement par l'État pour couvrir les frais générés par l'instruction obligatoire à trois ans, dans le respect de la constitution et avec le soutien de la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur. L'évaluation financière se fera progressivement, puisque les 25 000 élèves supplémentaires que nous allons accueillir en maternelle doivent être rapportés à la baisse globale du nombre de 60 000 élèves. Les frais supplémentaires, qui seront, à cette occasion, engagés par les communes, seront compensés par l'État.

Les préconisations du rapport présenté par la sénatrice Laborde et le sénateur Brisson, tout comme celles du rapport sur le numérique de la présidente Morin-Desailly, auront une influence sur le contenu de la prochaine loi.

Une mission, conduite par l'ancien recteur Bernard Saint-Girons, sur la place du concours, devrait bientôt rendre ses conclusions. Il s'agit de faire évoluer la situation actuelle, avec une vision différente pour les premier et second degrés. L'exigence du niveau master demeurera inchangée, mais nos professeurs entreront dans la carrière de manière progressive, soit dans le cadre du pré-recrutement, soit suite au positionnement du concours lui- même. Il est nécessaire que le ministère de l'éducation nationale contribue, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur, à la définition des formations dispensées en ÉSPÉ. Il faut susciter des vocations de professeur, dès le collège et le lycée, en octroyant par la suite des bourses spécifiques et en favorisant la mixité sociale au sein de notre corps enseignants.

Si le PPCR peut renforcer le système à l'ancienneté, des mesures en faveur des jeunes professeurs sont prises. Nous faisons évoluer le système. La hausse de 1 000 euros annuel, qui vient s'ajouter à la désocialisation des heures supplémentaires qu'il sera plus aisé d'obtenir, représente un acquis à la fin du quinquennat au profit des jeunes certifiés et des jeunes professeurs des écoles. C'est pourquoi, la création d'un observatoire de la rémunération des professeurs, sous l'égide du directeur des ressources humaines du ministère, nous permettra d'évaluer concrètement les conséquences de ces mesures.

La gestion des ressources humaines (GRH) de proximité va permettre d'accompagner le développement des postes à profil, afin de tenir compte des particularités des territoires et des établissements ; le dédoublement des classes de CP et de CE1, ouvert aux enseignants volontaires, a permis le profilage des postes.

Nous devons renforcer l'enseignement général dans l'enseignement professionnel, car la culture générale et les savoirs fondamentaux de nos élèves doivent être consolidés. Cette démarche doit être avant tout qualitative. L'élève de l'enseignement professionnel reçoit déjà 34 heures d'enseignement par semaine. Dans la lignée du rapport de Régis Marcon et de Céline Calvez, la co-intervention, c'est-à-dire un enseignement général mieux articulé avec l'enseignement professionnel, est privilégiée pour favoriser la progression des élèves.

Je vous remercie de vos propos sur le conseil supérieur des programmes. Les professeurs sont d'ailleurs particulièrement invités à améliorer le contenu des programmes disponibles sur internet ; l'objectif ultime étant d'élever le niveau général des élèves.

Enfin, nos choix budgétaires se traduisent en dépenses salariales : 810 millions d'euros seront consacrés à l'augmentation du salaire des professeurs.

Merci également d'avoir souligné que l'engagement en faveur de l'école primaire, à travers notamment la création de postes, transparaît dans le budget. La baisse des crédits de la formation des professeurs n'est que le produit de la sincérisation des moyens que nous y consacrons. Cela n'exclut pas du tout de futures augmentations budgétaires en faveur de la formation des professeurs, à la condition de les articuler à des fins.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente.- Nous souhaitons qu'à l'avenir, du fait de l'existence des deux missions budgétaires, nous ayons, avec chacun d'entre vous, une audition distincte.

M. Claude Kern . - L'augmentation du budget consacré aux échanges internationaux et destiné à favoriser la mobilité européenne de nos jeunes concernera-t-elle les stages pour les baccalauréats professionnels et les brevets de technicien supérieur (BTS) ? Qu'en est-il de l'intégration de l'apprentissage au dispositif Erasmus ?

Ensuite, dans le cadre du programme Action publique 2022, les politiques destinées à la jeunesse et à la vie associative sont transférées aux collectivités qui devront assumer de nouvelles charges. C'est inacceptable. Ce transfert se fera au détriment des services de proximité dédiés et impliquera une meilleure mise en réseau des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) sur la totalité des territoires. Les régions ont-elles les moyens de récupérer la compétence jeunesse et sport, sans aucun transfert de moyens financiers supplémentaires ?

Enfin, je ne peux passer sous silence le bilinguisme, en liaison avec le projet de création de la collectivité européenne Alsace. Ce chapitre bilinguisme peut-il être mis en oeuvre avant le 1 er janvier 2028 et sera-t-il bénéficiaire de moyens financiers spécifiques ?

M. Laurent Lafon . - Quels sont les moyens consacrés à la mise en oeuvre des nouvelles filières d'enseignement ? Où en est la création d'un CAPES ou d'une agrégation d'informatique que préconisait le rapport présenté par Pierre Mathiot ?

En outre, le rapport de la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire met au jour les écarts significatifs entre académies, en matière de coûts spécifiques et d'allocations budgétaires. Pour preuve, l'allocation de l'Académie de Créteil s'avère inférieure de 22 % à la moyenne nationale, sans parler de l'écart avec l'Académie de Dijon où l'allocation atteint 2 200 euros. Comment expliquer de telles différences ? Enfin, que pensez-vous du nouveau mécanisme d'allocation des moyens, destinés à restreindre les effets de seuil, dont la création est préconisée par la Cour des comptes ?

Mme Françoise Laborde . - Les membres de la réserve citoyenne pourraient-ils participer au service national universel comme tuteurs ?

L'abaissement du nombre des rectorats à 13 vous paraît-elle de nature à favoriser la proximité qu'attendent, notamment, les habitants et les élus des zones rurales ?

Mme Maryvonne Blondin . - Les contractuels sont désormais recrutés dans le premier degré. Allons-nous vers une contractualisation accrue au détriment du recrutement de fonctionnaires ? Les lauréats des concours, inscrits sur des listes complémentaires, ne pourraient-ils pas être affectés à des remplacements, pour répondre aux besoins dans des secteurs où sont employés des contractuels ? L'évolution du service de santé scolaire demeure préoccupante. En outre, l'enseignement public bilingue est inclus dans le pacte girondin qu'appelle de ses voeux le Président de la République.

M. Olivier Paccaud . - En 2016, du temps de la réserve parlementaire, 4 000 associations se partageaient 50 millions d'euros. Le fonctionnement du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) s'avère opaque pour les élus et le monde associatif. Ne pourrait-on pas s'inspirer du fonctionnement des commissions instaurées par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) en instaurant une commission, à laquelle participeraient les élus et les parlementaires, pour la gestion du FDVA ?

M. Christian Manable . - Quels seront les formateurs, l'encadrement et les lieux d'accueil du service national universel ?

Mme Sonia de la Provôté . - Il faudrait, dès ce budget, annoncer des mesures pour le collège, dont les élèves vont être confrontés à la réforme des lycées. Il faut qu'ils soient accompagnés, au même titre que leurs successeurs.

Les classes passerelles, destinées aux enfants de moins de trois ans, permettent d'assurer leur scolarisation. Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?

Enfin, les enfants sourds sont peu, voire mal accompagnés par l'éducation nationale. Ainsi à Caen, des parents ont porté plainte contre le rectorat qui a dû ouvrir une classe destinée aux enfants sourds. La surdité doit être considérée comme un handicap à part entière.

M. Pierre Ouzoulias . - La place de la philosophie va être valorisée dans le nouveau baccalauréat. La note finale de l'examen de philosophie va- t-elle être intégrée dans Parcoursup ?

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le numérique participe de la nécessaire réforme des ÉSPÉ qui se trouvent, dans ce domaine, dans une position indigente.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Le volet international du budget fait partie de nos priorités, comme l'a souligné le Président de la République dans son discours de la Sorbonne en promouvant l'apprentissage de deux langues vivantes par tous les élèves. C'est là un très vaste sujet qui inclut les élèves de l'enseignement professionnel et des filières BTS.

Le soutien au bilinguisme apporté par la création d'une collectivité européenne en Alsace contribuera au dynamisme de l'apprentissage de l'allemand au niveau national, qui a dépassé le seuil des 500 000 élèves.

S'agissant des moyens budgétaires spécifiques pour les nouveaux enseignements de lycée, notre système se finance de la même façon que précédemment. La disparition des séries, à partir de la classe de première, induira celle des disparités d'effectifs selon les sections. Rien n'interdit désormais à un proviseur d'avoir quatre classes de terminales à 27 élèves et d'organiser le système de spécialités. Ce dispositif permettra ainsi d'assumer certains surcoûts susceptibles d'être générés par les spécialités.

Le rapport de la Cour des comptes est positif pour ce que nous avons commencé à faire dans l'éducation prioritaire. Il souligne les avancées et préconise les mesures que nous comptons prendre. Les préconisations de la mission Azéma-Mathiot visent à porter un terme aux effets de seuil pour améliorer l'éducation prioritaire.

La réserve citoyenne représente effectivement un capital de bonne volonté civique qui pourrait bénéficier au tutorat dans le cadre du SNU. Nous allons oeuvrer, avec Gabriel Attal, pour faire évoluer les choses. D'autres bonnes volontés, au sein des fédérations des délégués départementaux de l'éducation nationale (DDEN) ou de l'association des membres de l'ordre des palmes académiques (AMOPA), s'expriment autour de l'éducation nationale et gagneraient à être employées à l'occasion de la mise en oeuvre du SNU.

Il faut être créatif dans le monde rural en s'inspirant des bonnes pratiques. L'ouverture de nouvelles classes peut également être la conséquence de regroupements territoriaux.

L'instauration de la GRH de proximité, qui va de pair avec une gestion plus personnalisée, est une priorité. La contractualisation, qui concerne 4 % des enseignants du second degré et 0,5 % du premier degré, n'est pas vouée à être accrue, mais contribue à la souplesse du fonctionnement de notre dispositif. Même si ces contrats diffèrent de ceux évoqués par le ministre des comptes publics, la réflexion actuellement conduite par Bercy peut aboutir à un meilleur compromis entre l'actuelle instabilité et le statut de fonctionnaire.

Nous allons de l'avant dans la continuité du rapport de Chantal Manès et d'Alex Taylor qui préconise notamment le bilinguisme dès l'école primaire et l'amélioration de l'apprentissage des langues étrangères sur laquelle je m'exprimerai prochainement.

Le FDVA, dont le fonctionnement peut être amélioré, accorde déjà une place aux élus locaux.

La formation et la diversité des profils d'encadrement seront essentielles au fonctionnement du SNU qui représente également une opportunité pour la revitalisation des territoires ruraux.

L'orientation au collège et au lycée est essentielle. Dans le cadre du plan étudiant, que nous avons en partage avec le ministère de l'enseignement supérieur, les filières seront présentées aux élèves jusqu'à la classe de sixième, en commençant dès cette année par les élèves en seconde, à raison de 54 heures par an. Cette démarche sera conduite en partenariat avec les régions compétentes en matière d'information et d'orientation.

J'ai bien entendu votre intervention sur le handicap.

Enfin, l'importance de la philosophie fait consensus. La spécialité « littérature, philosophie et humanités » représente une opportunité de débuter son enseignement dès la classe de première. Les enseignements relevant du bloc général sont complémentaires de ceux donnés en spécialité. L'intégration de la note de philosophie dans Parcoursup présente une difficulté technique, puisque les dossiers seront adressés avant qu'elle ne soit délivrée. La philosophie est la seule discipline commune à tous que l'on passe à la fin du parcours secondaire.

Je suis persuadé de l'importance de la place du numérique dans la formation des professeurs. Ce thème sera d'ailleurs abordé lors de l'examen du projet de loi.

Enfin, s'agissant de la santé scolaire, 687 millions d'euros au titre des dépenses de personnels, et 3,8 millions d'euros pour les frais de déplacement des personnels itinérants sont prévus. Les services de santé scolaire des collectivités locales et les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté bénéficieront respectivement de 2,79 millions et de un million d'euros. Au-delà de ces augmentations, ces sujets sont avant tout d'ordre qualitatif. Confrontés au manque de recrutement, nous sommes engagés à l'effectivité de la visite médicale des élèves de trois à six ans, en mobilisant, le cas échéant, la médecine civile. Un début de progrès a été amorcé, comme en témoigne l'évolution de nos relations avec le ministère de la santé.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le volume de nos questions s'explique par le caractère contraint du débat en séance publique. Les questions doivent ainsi être posées en amont et nous vous remercions d'y avoir répondu.

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