B. LE RETOUR PROGRESSIF À UN RÉGIME DE SUBVENTIONS

1. La lente mort de la dotation globale d'équipement des communes

L'objet même de la création de la dotation globale d'équipement était de remplacer les subventions de l'État aux collectivités territoriales par une dotation d'investissement qui englobât les sommes précédemment affectées à ces subventions et dont elles pussent disposer librement. Pour ce qui est de la DGE des communes, elle devait, selon le projet « Bonnet », être répartie entre celles-ci selon des critères tenant à la fois à leurs ressources (le potentiel fiscal), à leurs charges (la population, la longueur de la voirie) et à certains investissements réalisés antérieurement au cours d'une période donnée (le nombre de logements construits durant la dernière année connue).

C'est une formule différente que retint finalement la loi
du 7 janvier 1983, modifiée par la loi du 29 décembre de la même année. Pour la plus grande partie, la DGE devait en effet être répartie en fonction des investissements réalisés par les communes et leurs groupements au cours de l'exercice.

La DGE était initialement divisée en trois parts :

1° une part principale, égale à 70 % de son montant total et attribuée à chaque commune ou groupement de communes au prorata des dépenses d'investissement réalisées au cours de l'exercice ;

2° une part de 15 %, répartie entre les communes de moins de 2 000 habitants en fonction de la longueur de la voirie, du montant des impôts prélevé sur les ménages et du potentiel fiscal ;

3° une part de 15 % pour majorer la dotation des communes à faible potentiel fiscal et des groupements intercommunaux.

S'agissant de la part principale, le soutien de l'État prenait donc la forme d'un taux de concours aux dépenses d'investissement des communes et de leurs groupements . Ce taux était calculé en début d'année, en fonction des crédits inscrits au titre de la DGE en loi de finances et du montant prévisionnel des investissements communaux et intercommunaux. Ensuite, pour chaque dépense d'investissement, les communes et leurs groupements percevaient de plein droit un concours financier égal au produit du montant de cette dépense par le taux de concours. Si le montant effectif des dépenses d'investissement au cours d'une année était inférieur au montant prévisionnel, les sommes restantes (en raison d'un taux de concours fixé trop bas) étaient reportées à l'année suivante ; à l'inverse, il pouvait être nécessaire de puiser dans les crédits inscrits au titre d'un exercice pour verser les concours dus au titre de l'année précédente.

Ce mécanisme avait un effet pervers , relevé d'ailleurs par le Sénat : à l'échelle de plusieurs années, il conduisait l'État à aider davantage les communes réalisant des investissements importants et réguliers, c'est-à-dire les communes les plus peuplées et les plus riches . Les plus petites communes, qui ne se lançaient dans des projets d'investissement d'ampleur qu'une fois tous les cinq ou dix ans, après avoir accumulé l'épargne suffisante, se trouvaient pénalisées puisqu'elles ne bénéficiaient que du taux de concours calculé annuellement, identique pour toutes les communes.

Compte tenu de la faiblesse du montant total de la DGE, le taux de concours de l'État culmina ainsi à 2 % en 1983 et à 2,2 % en 1984 et 1985, alors que les subventions spécifiques attribuées avant la réforme atteignaient en moyenne 10 % pour les communes rurales.

C'est d'ailleurs pourquoi certaines aides de l'État avaient été d'emblée exclues de la DGE . Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, les aides au développement des réseaux d'eau et d'assainissement, ainsi que les aides à l'électrification rurale, devaient continuer à être attribuées aux communes sous forme de subventions. Cependant, les principes de la décentralisation n'étaient pas abandonnés : si l'enveloppe allouée à chaque département était définie par arrêté ministériel, les subventions étaient ensuite attribuées à chaque commune ou groupement de communes par le conseil départemental.

Des aménagements furent rapidement apportés au dispositif pour en corriger les effets indésirables. La loi n° 85-1352 du 20 décembre 1985 relative à la dotation globale d'équipement institua ainsi un nouveau mode de répartition de la DGE communale, assez complexe, et qui distinguait entre les grandes communes (pour lesquelles le mécanisme du taux de concours était maintenu), les petites communes (pour lesquelles on revenait à un régime de subventions attribuées par le préfet) et les communes moyennes (qui avaient le choix entre les deux régimes).

La dotation globale d'équipement des communes après la loi du 20 décembre 1985

La loi n° 85-1352 du 20 décembre 1985 précitée a divisé la DGE des communes en deux parts, dont le montant respectif était fixé par le comité des finances locales :

1°  la première part était répartie entre les communes et groupements de communes de plus de 2 000 habitants en métropole et de plus de 7 500 habitants dans les départements d'outre-mer, au prorata de leurs dépenses d'investissement et sur la base d'un taux de concours. Les communes touristiques ou thermales et leurs groupements de moins de 2 000 habitants pouvaient exercer un droit d'option en faveur de la première part. À l'inverse, les communes et groupements de 2 001 à 10 000 habitants en métropole et de 7 501 à 35 000 habitants dans les DOM disposaient d'un droit d'option en faveur de la seconde part  ;

2° la seconde part était répartie entre les communes et groupements de 2 000 habitants ou moins en métropole et de 7 500 habitants ou moins dans les DOM, par le biais de subventions attribuées par les préfets de département. Étaient également éligibles à cette seconde part les communes et groupements de 2 001 à 10 000 habitants en métropole et de 7 501 à 35 000 habitants dans les DOM ayant exercé leur droit d'option en faveur de la seconde part.

Toutefois, le retour à un régime de subventions heurtait trop l'esprit décentralisateur de ce temps-là pour que le pouvoir du préfet ne fût pas encadré . C'est ainsi que fut créée auprès du préfet de département une commission d'élus , composée de représentants des communes et groupements soumis à ce régime, et chargée de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires ainsi que les taux minimal et maximal de subvention. La commission était également informée des décisions d'attribution prises par le préfet.

Parallèlement, la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République créa la dotation de développement rural (DDR), principalement destinée aux communautés de communes de moins de 35 000 habitants et aux communes chefs-lieux de canton (sous une condition de potentiel fiscal pour celles-ci), et également distribuée par les préfets de département sous forme de subventions à des projets de développement économique. Une commission d'élus ad hoc était créée, chargée cette fois de donner un avis sur les projets d'attribution du préfet.

La loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996 mit fin au système du taux de concours en ce qui concerne la DGE des communes . La dotation devrait être désormais intégralement attribuée sous forme de subventions par les préfets de départements et réservée aux communes et groupements de communes dont la population n'excédait pas 20 000 habitants en métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer, une fraction étant réservée aux communes et groupements de 2 000 habitants ou moins.

La DGE des communes, ainsi que la DDR, furent enfin supprimées et remplacées par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) par la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 . Les deux commissions d'élus furent fusionnées en conséquence, pour former la « commission DETR » , chargée à la fois de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires ainsi que les taux minimal et maximal de subvention applicables à chacune d'elles, et de donner un avis sur les projets de subventions dont le montant excédait 150 000 euros. Ce seuil fut ramené à 100 000 euros par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances
pour 2018
.

On ne s'embarrassa pas des mêmes précautions lorsque l'on créa en 2016 la dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements , dans un contexte de baisse accélérée de la dotation globale de fonctionnement et, partant, des capacités d'autofinancement des collectivités territoriales et de leurs groupements. Devenue en 2017 la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) , cette dotation est attribuée sous forme de subventions par les préfets de région, pour financer des projets répondant aux objectifs fixés par la loi, sans aucun contrôle des élus locaux ni sur les catégories d'opérations éligibles, ni sur les décisions d'attribution . Ce qui aurait choqué il y a encore quelques années passe aujourd'hui presque inaperçu...

2. L'évolution de la dotation globale d'équipement des départements

La dotation globale d'équipement des départements a connu une évolution semblable à celle des communes .

Elle était destinée à rassembler, entre les mains des départements :

1° d'une part, les subventions attribuées par l'État à ces derniers pour leurs investissements ;

2° d'autre part, les subventions attribuées par l'État à d'autres maîtres d'ouvrage (en particulier aux communes) :

- pour le financement de travaux d'équipement rural (aménagement foncier, travaux hydrauliques, construction ou rénovation de bâtiments d'habitation, notamment pour les jeunes agriculteurs, électrification rurale, jardins familiaux, etc .), telles qu'elles figuraient au budget du ministère de l'agriculture ;

- pour la modernisation de l'hôtellerie rurale, telles qu'elles figuraient au budget du ministère de l'économie et des finances.

La création de la DGE des départements avait donc une double vocation décentralisatrice : remplacer les subventions aux départements par une dotation globalisée, et transférer au conseil départemental la charge d'attribuer des subventions pour des travaux en milieu rural, tout en maintenant un apport de l'État.

Comme la DGE des communes, celle des départements était attribuée pour l'essentiel sous la forme d'un taux de concours de l'État aux dépenses d'investissement éligibles ainsi qu'aux subventions accordées par les départements . Elle était composée initialement de deux parts, l'une pour contribuer au financement de l'ensemble des investissements des départements 22 ( * ) , l'autre réservée au financement de travaux d'aménagement foncier et d'équipement rural.

La dotation globale d'équipement des départements selon la loi du 29 décembre 1983

La DGE des départements, telle qu'elle résultait de la loi n° 83-1186 du 29 décembre 1983 précitée, comportait deux parts divisées en plusieurs fractions.

1° La première part, inscrite à la section d'investissement du budget des départements, était employée librement par ces derniers. Elle était répartie entre eux (ainsi qu'entre leurs groupements) de la manière suivante :

- une fraction égale au maximum à 75 % était répartie au prorata des dépenses réelles directes d'investissement de chaque département ou groupement ;

- une fraction égale au maximum à 20 % était répartie au prorata de la longueur de la voirie départementale ;

- le solde servait à majorer les attributions perçues par les départements dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à la moyenne.

2° La seconde part, également inscrite à la section d'investissement, devait être employée au financement de travaux d'équipement rural et d'aménagement foncier ou au versement de subventions aux maîtres d'ouvrage réalisant des opérations de même nature. Sa répartition obéissait aux règles suivantes :

- une fraction égale au maximum à 80 % était répartie entre les départements au prorata de leurs dépenses de remembrement et des subventions versées par eux pour la réalisation de travaux d'équipement rural ;

- le solde servait à majorer la dotation de certains départements en fonction de l'importance des surfaces restant à remembrer, et celle des départements dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à la moyenne.

La DGE des départements fut profondément réformée par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 .

La première part fut supprimée, au motif que le taux de concours de l'État, d'un niveau trop bas (2,75 % en 2005) en raison de la faiblesse de l'enveloppe globale et de la largeur de l'assiette des investissements éligibles, aboutissait à un « saupoudrage » des crédits. La suppression de la première part fut compensée par l'intégration d'une partie des crédits correspondants à la dotation globale de fonctionnement.

Seule la seconde part de la DGE, correspondant pour l'essentiel aux anciennes subventions du ministère de l'agriculture, fut en revanche maintenue et subsiste jusqu'à aujourd'hui .


* 22 La DGE des départements était également versée à leurs groupements, ainsi qu'aux syndicats mixtes associant des communes ou groupements de communes et un ou plusieurs départements ou régions.

Page mise à jour le

Partager cette page