B. UNE REVALORISATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 206 À HAUTEUR DE 35 MILLIONS D'EUROS POUR ADAPTER LA POLITIQUE SANITAIRE AU BREXIT ET À DE NOUVELLES RÉGLEMENTATIONS EUROPEENNES

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit, après passage à l'Assemblée nationale, une hausse de 34 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 35 millions d'euros en crédits de paiement du programme 206.

Évolution des crédits du Programme 206 (en M€)

LFI 2019

PLF 2020

Variation
par rapport à la LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

30

30

37

37

+ 7

+ 7

Action 02 - Lutte contre les maladies animales et protection des animaux

85

84

105

105

+ 20

+ 21

Action 03 - Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

21

21

21

21

- 1

0

Action 04 - Actions transversales

81

82

81

81

- 1

- 2

Action 05 - Élimination de cadavres et des sous-produits animaux

4

4

4

4

0

0

Action 06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

310

310

318

318

+ 8

+ 8

Action 08 - Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

4

4

4

4

+ 1

+ 1

Programme 206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

536

535

570

570

+ 34

+ 35

* Après passage à l'Assemblée nationale

1. + 13 millions d'euros induits par le Brexit, grâce au recrutement de 300 inspecteurs supplémentaires dont... 185 sont déjà recrutés

Le Brexit se traduira, mécaniquement, par un surcroît de dépenses sanitaires pour la France dans la mesure où elle assurera davantage qu'avant la surveillance des frontières européennes pour les importations d'animaux, de végétaux ou de denrées alimentaires.

À l'importation, cela se traduira par des contrôles des certificats sanitaires produits au Royaume-Uni ainsi que des contrôles dans les postes d'inspection frontaliers dont la nature dépendra des produits.

Les autorités françaises de contrôle sanitaire devront également produire un certificat sanitaire pour les produits destinés à l'exportation vers le Royaume-Uni.

Dans la perspective du Brexit , le schéma d'emplois prévus dans la loi de finances initiale pour 2019 par le programme 206 a été renforcé de 40 ETPT.

Les rapporteurs pour avis avaient estimé que « cet effort budgétaire était bien loin de répondre à l'ampleur de l'enjeu sanitaire » et avaient proposé, par voie d'amendement, de prévoir des recrutements supplémentaires. Le Gouvernement avait refusé cette initiative qui estimait que 40 ETP étaient suffisants.

Lors de leurs auditions, il leur a été confirmé que 185 ETP avaient finalement été recrutés en 2019, grâce à des économies réalisées en gestion ainsi qu'un redéploiement depuis des programmes dont le plafond d'emplois était surestimé (notamment les programmes du ministère de l'agriculture et de l'alimentation dédié à l'enseignement).

Pourquoi n'avoir pas inscrit dès l'année dernière ces recrutements s'ils étaient effectivement prévus ? Cela porte une atteinte à la sincérité budgétaire.

Cette année, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit un schéma d'emplois de 300 ETPT (soit 320 ETP) au bénéfice du programme 206, pour un coût d'environ 11 millions d'euros selon le projet annuel de performance.

En réalité, dans la mesure où 185 ETP sont déjà présents, cela se traduira par un recrutement effectif de 135 ETP en 2020.

À défaut de Brexit , les rapporteurs espèrent que ces emplois supplémentaires ont permis de renforcer les contrôles sur les denrées alimentaires importées dès cette année.

En parallèle, des crédits ont été débloqués pour assurer la formation des nouveaux arrivants ainsi que des moyens permettant d'augmenter les moyens techniques dédiés aux contrôles, qui seront plus nombreux (+ 1,9 million d'euros sur l'action 04 du programme 206).

Au total, en tenant compte de ces moyens techniques et de la hausse des dépenses de personnel induite par ces recrutements, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros pour préparer la France à cet événement en matière de politique sanitaire.

2. + 6 millions d'euros pour financer les missions confiées aux Fredon compte tenu d'une évolution de la règlementation européenne

Le réseau des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) représente plus de 1 500 élus et emploie environ 400 salariés.

Présents dans chaque région, les Fredon travaillent majoritairement pour le compte de l'État et des collectivités territoriales afin de participer à la mise en oeuvre de la politique phytosanitaire.

En tant qu'organisme à vocation sanitaire (OVS), les Fredon sont délégataires pour :

- mener des inspections en vue de la délivrance du passeport phytosanitaire européen pour la mise sur le marché au sein de l'Union européenne et des certificats phytosanitaires à l'export pour les exportations vers les pays tiers ;

- réaliser la surveillance des organismes réglementés et émergents, notamment dans les périmètres de lutte constitués à la suite de la détection de foyers ;

- venir en appui des services de l'État pour organiser la lutte collective et contrôler la réalisation des mesures ordonnées lors de foyers.

Les Fredon, au titre de ces missions de services publics, reçoivent une subvention de l'État financée par l'action n° 01 du programme 206.

En décembre 2019, entrera en vigueur un nouveau règlement européen relatif à la santé des végétaux 4 ( * ) , qui impliquera une surveillance obligatoire d'environ 180 organismes de quarantaine par les Draaf et leurs délégataires, à savoir les Fredon. Cela se traduit par une multiplication par près de six du nombre d'organismes nuisibles à surveiller et, mécaniquement, par une hausse des contrôles nécessaires, estimé à environ 10 000 contrôles supplémentaires. Ce surcroît d'activité engendrera un surcoût estimé à + 3,5 millions d'euros.

Ce nouveau règlement européen étend l'obligation d'apposition du passeport phytosanitaire européen à l'ensemble des végétaux destinés à la plantation sauf les semences et à l'ensemble des semences listées dans les directives de commercialisation. Si les Fredon ne réalisent pas seules ces contrôles, ce nouveau périmètre va accroître mécaniquement le nombre de producteurs et de revendeurs soumis à contrôle compris entre 3 000 et 5 000 producteurs ainsi qu'entre 1 000 et 10 000 revendeurs. Cela va nécessiter 2 000 contrôles supplémentaires à déléguer aux Fredon, nécessitant un budget supplémentaire de 1,5 M€.

Enfin, un contrôle supplémentaire sera requis dans les lieux de production de végétaux hôtes d'organismes de quarantaine. Rien que pour la flavescence dorée, organisme de quarantaine de la vigne, l'impact de cette évolution en termes de coût de la délégation est établi à 500 000 €.

Au total, l'évolution de la dotation aux Fredon entre 2019 et 2020 est donc significative et passe de 15,5 M€ en LFI 2019 à 21,5 M€ dans le PLF 2020.

En outre, le réseau de surveillance biologique du territoire (SBT), qui constitue un réseau d'observateurs et d'animateurs qui permet la diffusion de bulletins de santé du végétal (BSV), va également être mobilisé pour la surveillance des organismes de quarantaine (OQ) dans le cadre de la mise en oeuvre des nouveaux règlements européens. Une dotation supplémentaire de 1 M€ est à enregistrer à cette fin.

Finalement, le projet de loi de finances prévoit de couvrir les surcoûts induits par la nouvelle règlementation européenne à hauteur de 7 M€ en revalorisant la dotation de l'action n° 01 du programme 206.

3. + 19 millions d'euros d'erreurs de budgétisation à corriger
a) Une sous-budgétisation de l'action n° 02 « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » en 2019, corrigée en 2020

L'année dernière, les rapporteurs pour avis se sont émus du recul significatif des crédits accordés au programme 206 en se demandant dès lors si la sécurité sanitaire était bien une priorité gouvernementale.

Très rapidement, compte tenu de l'évolution des risques sanitaires auxquels est soumise la France, la programmation est apparue insuffisante.

La hausse de 19 millions d'euros du budget de l'action n° 02 du programme 206 dans le projet de loi de finances pour 2020, passant de 86 à 105 millions d'euros et retrouvant ainsi son niveau de la loi de finances pour 2018, n'est au fond qu'un rattrapage d'une sous-budgétisation manifeste opérée l'année précédente, plutôt qu'un investissement massif en faveur de la sécurité sanitaire.

S'ajoutent à cet effet, notamment, la hausse des coûts liés aux contrôles officiels et à la gestion des foyers assurés par les services de l'État de 2,5 millions d'euros ainsi que la généralisation du dispositif de l'Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l'abeille mellifère pour 0,5 M€.

En outre, l'évolution de la règlementation européenne induit, encore une fois, une adaptation des besoins nationaux. La baisse des cofinancements européens pour les dépenses occasionnées pour assurer la surveillance et la lutte contre l'encéphalopathie subaiguë spongiforme transmissible (ESST) engendre un besoin de 1 million d'euros que l'État va devoir porter. De même, la mise en conformité de la base nationale d'identification des animaux (BDNI) avec la règlementation européenne fait porter une charge supplémentaire de 1,5 million d'euros pour 2020.

b) Une baisse des dotations budgétaires à l'Anses sans recul des subventions pour charges publiques qui lui sont affectées

Les rapporteurs constatent, en outre, que les crédits budgétaires affectés à l'Anses par une subvention pour charges de services publics reculent de 4 millions d'euros par rapport à 2019. Ce recul paraît s'expliquer par la suppression de la « réserve » pour couvrir les aléas auxquels l'Anses est exposée compte tenu du Brexit constituée l'année dernière à hauteur de 5 millions. Il convient en effet de noter que le Brexit va amener à répartir sur les autres pays européens les dossiers en procédures décentralisées ainsi que la reconnaissance mutuelle aujourd'hui évalués par l'agence anglaise. L'Anses va devoir faire face à ce surcroît d'activité. Il n'est pas certain que ce risque ait disparu par rapport à l'année dernière mais les crédits pourront être, au besoin, déployés en gestion.

Au total, pour l'exercice de ses missions, l'Anses bénéficiera en 2020 de 105 millions d'euros de subventions pour charges de services publics, soit 3 millions d'euros de plus que l'année précédente.

En outre, l'Anses se voit affecter plusieurs taxes d'un rendement d'environ 30 millions d'euros dont principalement la taxe relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, des matières fertilisantes et de leurs adjuvants et des supports de culture, ainsi que des taxes sur les médicaments vétérinaires.

À cet égard, les rapporteurs constatent que l'augmentation de la taxe portant sur le chiffre d'affaires des produits phytopharmaceutiques prévue par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la création du fonds d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques, aboutit au paradoxe de faire porter la collecte de la nouvelle taxe par l'Anses, alors qu'elle serait loin d'en être l'affectataire principal.

Enfin, l'Anses dégage des recettes propres à hauteur de 4 millions d'euros principalement en raison des prestations tarifées des laboratoires dans le cadre de leurs missions de laboratoires nationaux de référence ainsi que des recettes issues de contractualisation avec l'État, les collectivités territoriales ou l'Union européenne (pour 9 millions d'euros).

Vos rapporteurs rappellent enfin leurs recommandations émises déjà l'année dernière : dans les débats sociétaux actuels, notamment ceux relatifs à la dangerosité de certains produits, les avis de l'Anses sont malheureusement insuffisamment connus et diffusés. Ils regrettent cette mise à l'écart de l'expertise scientifique de l'agence alors même qu'elle devrait être le point de départ de toute discussion apaisée sur des sujets importants.

Il serait avantageux, à l'avenir, que l'Anses soit davantage en anticipation qu'en réaction aux débats de société pour remettre ses avis au centre de l'attention. En outre, une véritable amélioration de la communication et de la diffusion de ses avis est nécessaire pour éclairer les nombreux débats publics liés à son champ de compétence.


* 4 Règlements relatifs à la santé des végétaux (2016/2031/UE) et aux contrôles officiels (2017/625/UE)

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