B. SUCCÈS DU PLAN CHAUDIÈRE, TRANSFORMATION DU CITE ET BESOIN DE FINANCEMENT

Dans le cadre du Plan Climat et de la lutte contre la précarité énergétique, le Gouvernement a fixé en 2018 et 2019 un objectif de 75 000 logements à rénover . Cet objectif est réparti de manière indicative entre les différentes catégories de demandeurs - propriétaires occupants (58 000), propriétaires bailleurs (4 000) et syndicats de copropriétés en difficulté ou fragiles (13 000) - et décliné chaque année dans les territoires.

L'offre de financement de l'Anah a été élargie en 2018 grâce à la création du programme « Habiter mieux agilité » à destination des propriétaires occupants de maisons individuelles réalisant un seul type de travaux parmi les trois permettant un gain énergétique significatif. Dans ce cas, l'accompagnement des ménages est facultatif. Cette offre est de nature à permettre aux propriétaires de s'engager dans un parcours de rénovation par étape.

En 2018, 62 345 logements ont été aidés au titre « d'Habiter Mieux » (+ 20 % par rapport à 2017), correspondant à 527,1 millions d'euros engagés.

Le développement de la nouvelle offre « Habiter mieux agilité » (financement d'une nature de travaux) porte une part significative de l'augmentation de l'activité avec un résultat de 9 047 dossiers financés pour sa première année de déploiement. 86 % de ces dossiers ont concerné des changements de chaudière .

La dynamique s'est fortement amplifiée en 2019 plaçant l'Anah devant le défi d'en assurer le financement.

État d'avancement du programme « Habiter mieux » au 1 er octobre

Propriétaires occupants « Habiter mieux »

Propriétaires bailleurs

Syndicats de copropriétés

Total logements

PO HM Agilité

PO HM Sérénité

PB HM Sérénité

Copropriétés fragiles

Copropriétés en difficulté

Nombre de logements

40 737

27 084

1 826

1 139

461

71 247

Objectif 2019

15 000

41 000

4 000

12 000

3 000

75 000

Avancement

272 %

66 %

46 %

9 %

15 %

95 %

En 2019, l'Anah va, pour la première fois, atteindre et même dépasser ses objectifs au titre du programme « Habiter mieux ». Mais avec 40 737 logements aidés au titre de sa partie « Agilité » et plus particulièrement du plan chaudière pour 95 %, alors que l'objectif n'était que de 15 000, ce succès est très déséquilibré et risque de menacer la réalisation des objectifs de la partie « Sérénité » comportant plusieurs travaux et s'adressant aux bailleurs et aux copropriétés dont les objectifs ne seront peut-être pas atteints.

L'Anah a assisté à une augmentation très rapide des demandes à partir du mois de juin du fait de la combinaison de son programme avec l'opération « coup de pouce » permettant une campagne promotionnelle agressive en faveur des chaudières à 1 € . Dans le même temps, la subvention accordée étant proportionnelle au montant des travaux, elle a constaté un renchérissement de près de 30 % des prix .

Si l'Anah se félicite du succès du programme et de la prise de conscience de la population grâce à une communication très efficace, elle déplore un effet d'aubaine dont les professionnels ont tiré parti.

Par ailleurs, ce succès dépassant toutes les prévisions budgétaires, un important ajustement a été nécessaire pour assurer le financement du programme sur la fin de l'année en mobilisant la trésorerie de l'Anah . Il a en outre été indispensable de réduire l'aide en l'ajustant par anticipation sur les aides qui seront attribuées par la nouvelle prime de transition énergétique.

L'Anah est confrontée à un second défi, la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique CITE en prime au 1 er janvier 2020 .

Le CITE arrivait à échéance au 31 décembre 2019. Le projet de loi de finances pour 2020, dans son article 4, prévoit donc :

- d'instaurer, pour les dépenses réalisées à compter du 1 er janvier 2020 par les ménages modestes, une prime budgétaire versée par l'Anah  de manière contemporaine à la réalisation des travaux ;

- de proroger la période d'application du CITE pour une année, soit jusqu'au 31 décembre 2020, pour les ménages non éligibles à cette prime, à l'exception des ménages relevant des déciles de revenus 9 et 10 , qui ne pourront plus bénéficier du CITE que pour les systèmes de charge pour véhicules électriques. Les ménages bénéficiant de cette prorogation (hors déciles de revenus 9 et 10) ont vocation à bénéficier de la prime distribuée par l'Anah à partir de 2021 ;

- d'instaurer un montant forfaitaire de prime et de crédit d'impôt spécifique à chaque équipement , matériel, appareil ou prestation éligible. Cette forfaitisation permettra d'optimiser l'efficience de la dépense publique, les montants étant en lien avec l'efficacité énergétique et la chaleur renouvelable produite, tout en améliorant la lisibilité de l'avantage dont pourra bénéficier le ménage.

Les ménages aux revenus très modestes pourront bénéficier d'une avance de subvention permettant d'améliorer encore les conditions de financement.

La transformation du CITE en prime implique aussi sa fusion avec les aides de l'Anah (prime Habiter mieux agilité) permettra également aux ménages modestes de disposer d'un interlocuteur unique .

Enfin, le périmètre du CITE évolue pour exclure les gestes considérés comme moins performants ou déjà majoritairement couverts par d'autres dispositifs d'aide et inclure de nouveaux gestes performants ou modalités de travaux. En particulier, les ménages aux revenus intermédiaires ne pourront plus bénéficier du CITE pour les chaudières au gaz - y compris celles à très haute performance énergétique. En revanche, les ménages modestes resteront éligibles à une aide pour ces mêmes chaudières.

Cette réforme se traduit pour l'Anah par un véritable changement d'échelle au-delà des publics habituellement aidés. Cela implique la mise en oeuvre d'une plateforme nationale dématérialisée permettant le dépôt des demandes et la distribution de la prime. 34 emplois ont été créés au sein de l'Anah pour la gérer et figurent au projet de lois de finances, le nombre des emplois sous plafond de l'Anah passant de 111 à 145. Mais une partie de la charge sera également portée par des prestataires et par le recours à l'intelligence artificielle pour automatiser le processus. Par ailleurs, un appel d'offres a été lancé pour assurer le contrôle du versement de la prime tirant les leçons du plan chaudière.

Ces deux facteurs, le succès du plan chaudière et la transformation du CITE, mettent sous tension les finances de l'Anah .

Alors que celle-ci disposait d'une trésorerie confortable de 311 millions d'euros fin 2018 , elle a dû faire face à une importante accélération de ses paiements en 2019, de telle sorte que l'Anah aurait désormais un besoin de financement complémentaire de l'ordre de 90 millions d'euros d'ici à 2022 .

Le risque est que ce manque de crédits ne conduise l'Anah à réduire ses aides sur ses propres programmes et à ne pas pouvoir répondre à la demande de financement de la rénovation des centres bourgs ruraux.

La rapporteur aurait donc souhaité pouvoir présenter un amendement en première partie du projet de loi de finances pour soit déplafonner les versements au titre des quotas carbone, soit accroître la part de la taxe sur les locaux vacants en faveur de l'Anah. Mais de tels amendements ne sont pas recevables au Sénat.

Il aurait été possible de présenter un amendement en seconde partie afin d'accroître la subvention à l'Anah mais il ne serait pas compatible avec l'amendement présenté par notre collègue Philippe Dallier, rapporteur spécial, pour le rétablissement de l'APL accession, transférant 50 millions d'euros du programme 135 vers le programme 109.

La commission appelle donc le Gouvernement à proposer les abondements nécessaires afin que ni la rénovation énergétique, ni la réhabilitation des copropriétés dégradées, des centres villes et centres bourgs ne pâtissent de cette situation.

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