B. LA QUANTITÉ CONTRE LA QUALITÉ ?

Par ailleurs, le Gouvernement a fait le choix d'augmenter le nombre de places tout en limitant les coûts . Compte tenu du réel effort budgétaire, il serait exagéré de considérer que la réduction des coûts et l'orientation vers des solutions d'hébergement moins coûteuses financerait les places supplémentaires mais il est certain qu'elles y contribuent.

Les CHRS ont été mis à contribution au titre de la convergence tarifaire et des tarifs plafonds qui leurs sont imposés.

Selon les informations transmises à la rapporteur, en 2018, une économie de 19,7 millions d'euros a été réalisée dont 7,9 millions d'euros au titre de la convergence. Elle devrait induire 10,2 millions d'euros supplémentaires sur 2019 et 2020.

Une place en CHRS incluant l'accueil, l'hébergement, l'alimentation et l'accompagnement coûte plus 20 550 euros par an (50,36 euros par jour), ce qui est un maximum. Les deux premières fonctions seules reviennent à 8 600 euros (23,56 euros par jour).

Par comparaison, les places de logement adapté qui ont été massivement créées par le Gouvernement sont beaucoup moins coûteuses.

Le budget 2020 pour l'intermédiation locative s'élève à 121,9 millions d'euros, en progression de 24,7 millions d'euros, pour  56 600 places cibles au total, soit un coût inférieur à 2 200 euros par an .

De la même manière, les 128 016 places en résidence sociale et les 48 002 places en foyers émargent au budget 2020 pour 26 millions d'euros.

Autre illustration de ce phénomène sur lequel la rapporteur voudrait insister, le développement des pensions de famille sans revalorisation du forfait d'hébergement .

Les pensions de famille sont des structures de taille réduite comportant une vingtaine de logements, combinant logements privatifs et espaces collectifs. Elles sont destinées à l'accueil sans limitation de durée des personnes en forte exclusion sociale . Forme de logement autonome, elles offrent un cadre de vie convivial et chaleureux grâce à la présence au quotidien d'un hôte. Elles permettent la réadaptation à la vie sociale et visent à faire retrouver durablement tous les aspects de la citoyenneté à des personnes en grande exclusion. Le coût annuel de la place sur la base du forfait journalier est de 5 840 euros (16 euros par jour) .

Le Gouvernement a créé un grand nombre de places puisqu'il devrait y en avoir 22 500 fin 2020, au lieu de 15 500 en 2016.

Mais le forfait journalier n'a pas été réévalué depuis 2008 .

S'il avait été indexé sur l'inflation , il serait fixé aujourd'hui à 19 euros, pour un coût supplémentaire de 24,6 millions d'euros .

Tous les acteurs s'accordent pour constater cette anomalie, le niveau insuffisant du forfait au regard des objectifs visés et le caractère indispensable d'un accompagnement de qualité.

Un rattrapage est donc nécessaire.

Mais lors des débats à l'Assemblée nationale deux amendements portés par M. Jolivet, rapporteur spécial, ont été respectivement rejeté et retiré.

Sur la proposition de la rapporteur, l a commission a adopté un amendement pour revaloriser d'un euro le forfait journalier des pensions de famille, cherchant une solution de compromis acceptable d'un point de vue financier et souhaitant amorcer un rattrapage .

Malgré cette politique visant à créer un nombre important de places adaptées aux différents publics en comprimant les coûts, on constate une augmentation apparemment inéluctable du nombre de nuits d'hôtel .

En six ans, l'hébergement hôtelier a augmenté de 10 771 places, soit + 28 %. En 2018, on comptait 48 733 places, pour un coût de plus de 340 millions d'euros, soit 6 977 € en moyenne .

Il s'agit d'un triple échec : l'incapacité à endiguer le recours à cette solution d'urgence qui est plus coûteuse que de nombreux autres modes d'hébergement adaptés ou intermédiés et ne comporte, le plus souvent, aucun accompagnement social.

La rapporteur apporte donc son soutien au développement quantitatif de l'offre de logement adapté mais souhaite que l'accompagnement social y soit renforcé .

C'est la voie de passage étroite entre un budget contraint et un afflux massif de demandes afin de ne pas laisser un grand nombre de familles dans une insupportable précarité.

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