Avis n° 146 (2019-2020) de M. Patrick KANNER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 novembre 2019

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N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME IV

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Par M. Patrick KANNER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas, président ; MM. François?Noël Buffet, Jean?Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre?Yves Collombat, Alain Marc, vice?présidents ; M. Christophe?André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier, secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François BonhoMme , Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc?Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache?Brinio, MM. Jean?Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie?Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean?Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 20 novembre 2019 , sous la présidence de Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné, sur le rapport pour avis de Patrick Kanner , les crédits des programmes 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » inscrits au projet de loi de finances pour 2020 1 ( * ) .

Les moyens alloués au programme 165 sont encore en progression cette année avec une hausse des crédits de paiement de 4,6 %, soit 19,5 millions d'euros supplémentaires, et un schéma d'emplois en augmentation de 93 équivalents temps plein (ETP).

Les moyens du programme 164 sont stables avec une légère augmentation des crédits de paiement de 0,2 % et un plafond d'emplois à 1 802 équivalents temps plein travaillé, soit 5 emplois créés .

Comme les années précédentes, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est la principale bénéficiaire des moyens supplémentaires du programme 165 qui vont servir à renforcer les effectifs et répondre à une augmentation inédite des recours de plus de 50 % en deux ans . Elle bénéficiera ainsi de 59 nouveaux emplois, dont 32 rapporteurs, ce qui devrait lui permettre de rendre les 90 000 décisions attendues en 2021.

Corrélativement, avec seulement 34 emplois créés, le rapporteur a considéré que les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel étaient paradoxalement victimes de leur capacité à savoir faire face, dans des conditions très difficiles, à l'augmentation de leur contentieux.

L'année 2020 est une année particulièrement périlleuse pour les juridictions administratives. L'augmentation déjà observée de 11 % du contentieux dans les tribunaux administratifs en 2019 et la perspective des contentieux liés aux élections municipales et sénatoriales 2 ( * ) vont accroître les difficultés rencontrées et risquent de dégrader leurs performances.

Quant aux juridictions financières, l'abandon de la création programmée de 50 emplois sur la période 2018-2022 est une mauvaise nouvelle, alors même que les missions de ces juridictions se sont multipliées dans les années récentes.

Les chambres régionales des comptes sont également confrontées à la multiplication des organismes qui gravitent, tant autour des collectivités territoriales - avec un recours accru aux sociétés publiques locales - qu'autour des établissements et services médico-sociaux privés dont l'organisation est éclatée en plusieurs sociétés.

Dans ces conditions, les risques de « priorisation » des travaux et d'éviction sur les missions exercées auprès des collectivités territoriales, et en particulier sur le contrôle budgétaire, sont plus forts que jamais.

Compte tenu de l'effort conséquent accordé envers la CNDA et du maintien à la hausse -même légère - des moyens accordés aux juridictions administratives et financières, le rapporteur a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ces deux programmes.

Suivant la proposition de son rapporteur, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État », inscrits au projet de loi de finances pour 2020 .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des lois est appelée à examiner pour avis les crédits du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État », dont le responsable est le Premier ministre.

Pour l'exercice 2020, les juridictions administratives bénéficient d'une hausse de leur budget de 4,6 % par rapport à l'exercice précédent, consacrée à la création de 77 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit 93 emplois temps plein (ETP) dont 59 sont destinés à la seule Cour nationale du droit d'asile, qui fait face, cette année encore, à une augmentation inédite de son activité.

Les juridictions financières voient également leurs crédits augmenter, mais plus modestement (+ 0,2 %), permettant la création de 5 ETP en 2020.

Votre rapporteur est en charge de ces programmes budgétaires pour la troisième année consécutive et ses constats se répètent :

- un effort budgétaire conséquent accordé à la Cour nationale du droit d'asile ;

- un manque de moyens alloués aux autres juridictions pour faire face dans des conditions satisfaisantes à leur volume d'activité, subi pour les juridictions administratives ou programmé pour les juridictions financières ;

- des performances qui sont maintenues tant bien que mal grâce à l'engagement et au sens du service public des personnels.

I. UN BUDGET A MINIMA AU REGARD DU CONTENTIEUX AUQUEL LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES DOIVENT FAIRE FACE

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux huit cours administratives d'appel, aux quarante-deux tribunaux administratifs et, depuis 2009, à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Présence du juge administratif sur le territoire national

Source : services du Conseil d'État

A. LA COUR NATIONALE DU DROIT D'ASILE : TOUJOURS LA PRINCIPALE PRIORITÉ DU PROGRAMME 165

1. Une augmentation des crédits nécessaire face aux quelque 90 000 recours attendus en 2020-2021

Avec 439,7 millions d'euros en crédits de paiement, le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » bénéficie d'une augmentation de 19,5 millions d'euros, soit une progression de 4,6 % de ses crédits par rapport à 2019. Cette augmentation est légèrement plus importante que celle observée l'année dernière (3,4 %).

Évolution des crédits par titre

Source : commission des lois à partir du projet annuel de performances pour 2020

Le plafond d'emplois pour 2020 est fixé à 4 224 équivalents temps plein travaillé (ETPT) contre 4 125 ETPT en 2019 (+ 2,4 %). Ce plafond intègre 77 ETPT prévus en schéma d'emploi pour 2020 (soit 93 emplois créés) et 22 ETPT correspondant à l'extension en année pleine du schéma d'emplois prévu l'année dernière.

Plafond d'emplois du programme 165

(en ETPT)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PLF 2020

3 655

3 713

3 738

3 784

3 819

3 899

3 953

4 125

4 224

Source : projet annuel de performances pour 2020

Comme les années précédentes, l'augmentation des crédits est très inégalement répartie et presque entièrement consacrée aux moyens matériels et humains supplémentaires accordés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour que celle-ci puisse faire face à la forte augmentation des recours. Tous titres confondus, la CNDA bénéficiera ainsi de 67,4 millions d'euros de crédits de paiement en 2020, contre 55,5 millions en 2019, soit une augmentation de 21,4 %.

Cet effort, qui n'a pas été prévu dans la programmation votée par le Parlement pour les années 2018-2022 3 ( * ) , est nécessaire pour que la Cour puisse respecter les délais prévus par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile qui fixe des objectifs en termes de délais (5 mois pour les procédures ordinaires et 5 semaines pour les nouvelles procédures accélérées 4 ( * ) ).

Ces délais n'ont encore jamais pu être tenus. La prévision actualisée de la performance prévoit même une dégradation des délais de jugement de la CNDA par rapport à la cible initiale de 2019. Ces délais seraient ainsi de 7 mois au lieu de 5 pour les procédures ordinaires, et de 10 semaines au lieu de 5 pour les procédures accélérées. Cette dégradation est la conséquence de la grève des avocats qui est intervenue pour protester contre la mise en oeuvre expérimentale, à compter du 1 er janvier 2019, des vidéo-audiences à Lyon et Nancy.

La vidéo-audience :
une reprise de l'expérimentation attendue en 2020

La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a ouvert la possibilité pour la CNDA d'organiser des « vidéo-audiences » sans l'accord du demandeur sur tout le territoire national , ce qui n'était jusqu'alors possible que pour les étrangers séjournant hors de France métropolitaine 5 ( * ) .

Une vidéo-audience se tient grâce à un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité et la qualité de la transmission entre la salle d'audience de la cour et la salle d'audience située « dans des locaux (...) plus aisément accessibles par le demandeur ». Celle salle est ouverte au public et le requérant y comparaît assisté de son avocat et de son interprète, le cas échéant 6 ( * ) .

Cette faculté de juger à distance a été validée par le Conseil constitutionnel 7 ( * ) : après avoir relevé que « le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics », il a estimé que les garanties procédurales offertes au demandeur 8 ( * ) écartaient toute atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.

Par décision du 17 décembre 2018, la présidente de la CNDA a lancé l'expérimentation de ce système sur deux sites, à chaque fois dans une salle d'audience de la cour administrative : à Lyon pour les demandeurs d'asile domiciliés dans les départements de l'Ain, de l'Ardèche, de la Loire et du Rhône, et à Nancy pour ceux qui résident en Meurthe-et-Moselle, en Moselle, dans la Meuse, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin.

Cette annonce a aussitôt créé une vive inquiétude des avocats qui se sont mobilisés contre une « déshumanisation de la justice », ce qui a entraîné de très nombreux renvois des affaires. Les négociations menées au printemps 2019 ayant échoué, une mission de médiation a été confiée à M. Alain Christnacht, conseiller d'État honoraire.

Selon la présidente de la CNDA entendue par votre rapporteur, une reprise de l'expérimentation pourrait être envisagée au printemps 2020 .

Elle a souligné les bienfaits de la vidéo-audience qui permet aux demandeurs d'être entendus plus près de chez eux, d'être assistés d'un avocat qu'ils auront pu rencontrer avant l'audience et de bénéficier du soutien des associations locales qui les accompagnent.

Par ailleurs, cette formule aurait l'avantage d' éviter de nombreux renvois - 23 % des dossiers 9 ( * ) - souvent dus à l'absence de l'avocat ou du demandeur.

La CNDA doit faire face à une hausse régulière et très importante des recours enregistrés devant elle. Après s'être élevée à 34 % en 2017 (53 581 recours) puis à 9,5 % en 2018 (58 671 recours), cette augmentation pourrait atteindre 53% sur la période 2019-2020 pour représenter, d'après les dernières estimations de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), de 80 000 à 90 000 recours en 2020-2021.

De tels chiffres n'ont jamais été atteints : les pics historiques que la Cour avait connus en 1990-1991 et 2004 étaient de l'ordre de 50 000 recours. La présidente de la CNDA s'attend toutefois à un ralentissement de la progression après 2021.

Évolution des recours contre les décisions de l'OFPRA

Source : extrait du rapport annuel 2018 de la CNDA

Sur les 93 nouveaux emplois créés en 2020, 59 sont destinés à la seule CNDA, dont 32 pour des postes de rapporteurs . Ces postes s'ajoutent aux précédentes créations : 102 en 2018, dont seules 51 avait été prévues en loi de finances initiale, et 122 en 2019.

Situation des effectifs permanents de la CNDA au 31 décembre

2015

2016

2017

2018

2019

EP*

ETP**

EP

ETP

EP

ETP

EP

ETP

EP

ETP

Rapporteurs

161

157.5

171

167.5

192

189.5

235

232.2

296

290.2

Autres

202

199.6

217

214.5

234

231.1

266

264.8

323

322.5

Total

363

357.1

388

382

426

420.6

501

497

619

612.7

*Effectif physique (agents en poste au 31/12) **Équivalent temps plein au 31/12.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

2. Une croissance à marche forcée qui mobilise fortement la CNDA

La CNDA depuis sa création - et avant elle, la commission des recours des réfugiés - s'est toujours adaptée à l'évolution des demandes. La période de croissance actuelle est inédite et il est indispensable d'accompagner cette montée en charge observée depuis dix ans, période au cours de laquelle le nombre des recours a été multiplié par 2,7.

Toutefois, les efforts d'organisation que cet accroissement subit - et subi - implique sont particulièrement importants et requièrent, selon les mots de sa présidente, les « compétences cumulées de Pôle Emploi et d'une agence immobilière ». Une partie de la ressource interne doit en effet être mobilisée pour assurer le développement très rapide de la Cour, qui en trois ans seulement aura :

- créé plus de 260 postes (102 en 2018, 122 en 2019 et 59 en 2020) ;

- ouvert dix chambres (quatre en 2018, cinq en 2019 et une en 2020).

a) Une gestion des personnels rendue plus complexe

La CNDA fait appel à de nombreuses personnes sous des statuts variés et pour des interventions parfois ponctuelles.

Par exemple, parmi les juges, seuls les présidents de chambre sont des magistrats recrutés de manière permanente 10 ( * ) . Les autres, présidents d'audience 11 ( * ) et assesseurs 12 ( * ) , sont des vacataires qui assurent chacun un minimum de 13 audiences par an et représentent près de 400 personnes à coordonner pour assurer les audiences des vingt-deux - et bientôt vingt-trois - chambres de la juridiction.

L'intégration de nouveaux rapporteurs ou juges représente une charge de travail supplémentaire, à la fois pendant le processus de recrutement 13 ( * ) , mais également pour les former 14 ( * ) . La formation initiale, d'un mois pour les rapporteurs et de dix jours pour les juges, est assurée en interne, avec le soutien du Centre de formation de la juridiction administrative pour former les formateurs (CFJA - cf encadré infra ).

Ces créations de postes s'ajoutent au turn-over habituel parmi les nombreux agents contractuels de la CNDA (71,7 % des agents de catégorie A en 2018). Une stratégie de pérennisation des emplois de rapporteurs est menée pour, d'une part, assurer un meilleur équilibre entre contractuels et fonctionnaires et, d'autre part, éviter un renouvellement trop important des équipes, qui entraîne une perte d'expertise et d'expérience particulièrement préjudiciable pour la Cour. Depuis 2018, des recrutements en sortie d'instituts régionaux d'administration (IRA) ont ainsi été effectués. En 2019, un concours direct d'accès au corps d'attaché du Conseil d'Etat et de la CNDA a été organisé : 30 personnes ont été reçues à ce concours, dont 18 en interne.

b) Une extension immobilière difficile à réaliser

La Cour a créé neuf chambres en 2018 et 2019. Elle doit en créer une dixième en 2020.

Chaque chambre emploie une équipe de 23 personnes : un président permanent, un chef de chambre, un chef de pôle, 14 rapporteurs et 6 secrétaires. Outre les bureaux nécessaires à ces personnes, elle occupe quatre salles susceptibles de recevoir du public pour organiser ses audiences. À chaque création de chambre, les besoins immobiliers sont donc importants.

La Cour a réussi jusqu'à présent à s'étendre autour de son site de la rue Cuvier à Montreuil en louant des locaux alentour, notamment à FranceAgriMer, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer voisin, où quatre chambres ont pu être installées en 2018. En 2019, des salles d'audience ont également été créées dans les locaux de l'ancien palais de justice de Paris sur l'île de la Cité, ce qui manque de praticité pour les membres des formations concernées qui viennent de Montreuil. Parallèlement, les plages d'audiences ont été élargies au maximum (coupure d'été réduite et amplitude horaire augmentée 15 ( * ) ).

Cette extension immobilière a ses limites : aujourd'hui, la CNDA ne sait pas où créer la 23 e chambre dont l'ouverture est prévue en 2020 . Si un déménagement global de la CNDA est bien prévu à l'horizon 2024 dans un site commun avec le tribunal administratif de Montreuil, ce projet, géré par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), a pris du retard en raison de l'occupation des locaux choisis - ceux de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) - par des travailleurs sans papiers jusqu'en octobre 2019.

B. UNE ANNÉE 2020 À RISQUES POUR LES AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Comme les années précédentes, le revers de la médaille du renforcement de la capacité de jugement de la CNDA est la faible capacité de recrutement conférée aux autres juridictions administratives : celles-ci totalisent ainsi 13 emplois nouveaux en 2020, soit 2 membres du Conseil d'État, 7 magistrats et 4 agents de greffe.

Par ailleurs, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs seront autorisés à recruter 21 juristes assistants , mais à condition que ces emplois soient autofinancés en gestion grâce à un moindre recours aux vacataires.

Hors titre 2, deux millions d'euros sont prévus pour financer la première tranche des travaux d'installation de la neuvième cour administrative d'appel de la région Occitanie . Cette création, qui va rapprocher les justiciables de leur juge, constitue un point positif de ce budget.

La création d'une 9 e cour administrative d'appel à Toulouse

La présence du juge administratif sur le territoire va être renforcée par la création d'une neuvième cour administrative d'appel annoncée par la garde des sceaux lors de l'inauguration du tribunal administratif de Nice le 29 octobre 2018.

Cette nouvelle juridiction connaîtra en appel des jugements des tribunaux administratifs de Montpellier, Nîmes et Toulouse, reprenant ainsi une partie du contentieux des cours administratives d'appel de Marseille et de Bordeaux.

Elle devrait être installée d'ici la fin de l'année 2021 . Après avoir retenu dans une phase d'étude les villes de Toulouse et Montpellier, la garde des sceaux a annoncé, le 19 novembre 2019, le choix d'une implantation sur le site de l'ancien rectorat à Toulouse .

Le coût total de l'opération n'est pas encore arrêté. Il est prévu deux millions de crédits en projet de loi de finances pour 2020 . Hors immobilier, la création de cette nouvelle cour, comportant quatre chambres, s'opérera à moyens constants , par le redéploiement de chambres des cours de Marseille et de Bordeaux.

L'augmentation des moyens humains prévue dans le projet de loi de finances pour 2020 est sans proportion par rapport à la hausse du contentieux à laquelle sont confrontées les juridictions administratives, hausse qui sera aggravée en cette année d'élections par les contentieux relatifs aux élections municipales, ainsi qu'à la désignation des délégués sénatoriaux et aux candidatures pour les élections sénatoriales .

Votre rapporteur ne peut que constater que les juridictions administratives restent, cette année encore, les grands « laissés-pour-compte » du budget.

1. Une hausse historique du contentieux, en décalage avec la programmation triennale

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a prévu pour cette période une dotation supplémentaire de 35 emplois pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, soit une augmentation cumulée sur quatre ans de 1 % seulement des effectifs totaux de ces juridictions (2 693 personnes en 2018). Dans ce cadre, seuls 10 ETPT s eront créés en 2020 à destination de ces juridictions 16 ( * ) , ce qui semble symbolique au regard des 2 720 personnes exerçant une activité juridictionnelle (+ 0,4 %).

Cette programmation triennale a été fondée sur des estimations établies en 2017, à un moment où le volume des entrées revenait à un niveau proche de 2014 pour les tribunaux administratifs.

Nombre d'affaires enregistrées en données nettes
par les juridictions administratives 17 ( * )

2014

2015

2016

2017

2018

Évolution

2017-2018

Entrées 2019 au 31/10/2019

Évolution au 31/10/2019

CE

9 456 18 ( * )

8 727

9 620

9 864

9 563

- 3 %

8 765

+ 9,6 %

CAA

29 857

30 597

31 308

31 283

33 773

+ 8 %

29 555

+ 4,9 %

TA

195 625

192 007

193 532

197 243

213 029

+ 8 %

193 915

+ 11 %

Source : commission des lois à partir des données du Conseil d'État

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2014

Source : commission des finances du Sénat,
note de présentation du rapporteur spécial, M. Didier Rambaud

Depuis, l'activité des juridictions a connu deux années consécutives de hausse sans précédent. Après un accroissement de plus de 8 % des entrées enregistrées dans les tribunaux et cours d'appel en 2018, celle-ci s'est encore accentuée depuis le début de l'année 2019 : 11 % dans les tribunaux et 4,9 % dans les cours. Cette progression s'accompagne d'une dégradation du taux de couverture des entrées par les sorties, qui est passé sous la barre des 100 %, et d'une augmentation des stocks d'affaires de plus de deux ans dans les deux niveaux de juridiction.

Pour autant, les crédits de dépenses de personnel (titre 2) accordés à ces juridictions dans le projet de loi de finances pour 2020 ne seront que très modérément augmentés : + 1,2 % pour le Conseil d'Etat, + 0,6 % pour les cours administratives d'appel et + 1,1% pour les tribunaux administratifs.

Évolution des crédits des actions « Fonctions juridictionnelles »
du programme 165

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après des documents budgétaires,
note de présentation du rapporteur spécial, M. Didier Rambaud

Sans remettre en cause la nécessité de renforcer les effectifs de la CNDA au regard des flux qu'elle va avoir à gérer, il convient de rappeler que le contentieux de l'asile crée également un fort contentieux devant les juridictions administratives , ce qui n'est pas pris en compte au niveau budgétaire.

La commission du contentieux du stationnement payant,
une nouvelle juridiction en plein développement

La commission du contentieux du stationnement payant (CSSP) obtient le renfort de 3 magistrats supplémentaires en 2020, ce qui, en proportion des 10 magistrats en poste actuellement, représente un accroissement significatif .

Depuis le 1 er janvier 2018, cette commission s'occupe du contentieux de l'avis de forfait de post-stationnement. Elle ne peut être saisie qu'après un recours administratif préalable auprès de la collectivité territoriale qui a émis l'avis.

La recevabilité du recours est subordonnée au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement. Lors de l'examen de la mission devant l'Assemblée nationale, l'article 75 bis a été adopté à l'initiative du rapporteur spécial, Daniel Labaronne, avec l'avis favorable du Gouvernement. Il permettrait d'exempter de ce paiement préalable les personnes victimes de vol , d' usurpation de leur plaque d'immatriculation , d'une défaillance du système d'enregistrement des changements de propriétaire, ainsi que les personnes en situation de handicap.

La CCSP est installée dans l'ancienne caserne de Beaublanc à Limoges. Son budget (hors titre 2) est de 2,6 millions d'euros en 2019, dont 1,5 million d'euros d'affranchissement. Au 1 er juillet 2019, l'effectif de la CCSP était de 148 personnes , 10 magistrats et 138 agents, hors renforts saisonniers.

L'activité de la commission est en forte expansion et justifie une attention particulière. En 2018, 72 367 requêtes ont été enregistrées pour 11 584 sorties (décisions, ordonnances ou renonciations), engendrant la constitution d'un stock de plus de 60 000 dossiers la première année. Au 31 juillet 2019, l'estimation est de 83 000 requêtes pour 28 000 sorties.

Le contentieux est encore susceptible d'augmenter compte tenu du nombre d'avis de paiement de forfait de post-stationnement émis. En 2018, l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) en a ainsi émis 7,8 millions .

2. Le poids toujours plus important du contentieux des étrangers

La part que représente le droit des étrangers est toujours plus importante d'année en année. L'augmentation des demandes d'asile se traduit en effet par un bond considérable du contentieux de l'éloignement et des référés liberté . Au sein du programme 165, les contentieux de la CNDA et des juridictions administratives sont donc très liés et augmenter les crédits de la Cour sans accroître ceux des autres juridictions ne revient qu'à traiter une partie du problème.

Le contentieux des étrangers a représenté en 2018, 37,5 % des affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs, 49,4 % des affaires enregistrées devant les cours administratives d'appel et 20,7 % des dossiers enregistrés devant le Conseil d'État.

Il peut être observé que le Conseil d'État est moins affecté par la hausse de ce contentieux. Cela peut sans doute s'expliquer pour partie par les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle devant la cour suprême : les dossiers de demande font en effet l'objet d'un contrôle sur les chances de succès raisonnables du pourvoi. Votre rapporteur rappelle à ce sujet qu'il avait appelé de ses voeux une réflexion portant sur le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle, au regard de la recevabilité et du bien-fondé du dossier. La présidente de la cour d`appel de Marseille a à son tour attiré son attention sur le fait que des requêtes déposées par les avocats en appel ne sont souvent que la reprise, à l'identique, des requêtes déposées en première instance, sans aucun argument nouveau.

Source : services du Conseil d'État

Depuis cinq ans, le contentieux des étrangers est celui qui a connu la plus forte augmentation en volume avec une progression de 37 %, soit 21 666 dossiers supplémentaires devant les tribunaux administratifs. La hausse enregistrée en 2018 a été de 21 % pour les tribunaux et 11 % pour les cours administratives. Au premier semestre 2019, le contentieux des étrangers devant les tribunaux augmente encore de 20,9 %.

Selon les informations communiquées par les services du Conseil d'État, une progression de ce niveau - dont il est très probable qu'elle se poursuive tout au long de l'année - aurait inévitablement pour conséquence une nouvelle dégradation des indicateurs d'activité : le taux de couverture serait ramené à un niveau de l'ordre de 90 % , entraînant une augmentation des stocks de 16 % dans les tribunaux et de 10 % dans les cours, ainsi qu'une dégradation de plus d'un mois du délai de jugement dans les deux niveaux de juridiction.

L'année 2020 se présente dans des conditions d'autant plus difficiles que la survenance des élections municipales, puis sénatoriales , augmentera de quelques milliers d'affaires supplémentaires les entrées enregistrées, avec un effet d'éviction important puisque ces dossiers doivent être tranchés dans les trois mois pour les réclamations contre les opérations électorales municipales 19 ( * ) , et dans les trois jours, en cas de recours contre le tableau des électeurs sénatoriaux établi par le préfet ou contre une déclaration de candidature 20 ( * ) .

Le droit des étrangers, une simplification en préparation

Par lettre du 31 juillet 2019, le Premier ministre a confié au Conseil d'État une mission afin de simplifier le contentieux des étrangers . Le groupe de travail, présidé par Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, devra rendre ses conclusions le 15 mars 2020.

Cette mission part du constat largement partagé que la sophistication toujours croissante du droit des étrangers et la multiplication des normes - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) a triplé de volume en quinze ans - a considérablement complexifié ce contentieux de masse, à l'origine relativement simple à traiter.

La multiplication des catégories de recours et des délais d'urgence imposés aux juridictions ont un impact considérable sur leur organisation et un fort effet d'éviction sur les autres contentieux. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a aggravé cette situation en ajoutant deux nouveaux délais contraints de 96 heures et 144 heures aux quatre délais préexistants (3 mois, 6 semaines, 15 jours et 72 heures).

Source : services du Conseil d'État

Ainsi, au tribunal administratif de Marseille 21 ( * ) , qui ne compte pourtant pas parmi les plus touchés par l'augmentation du contentieux des étrangers, ce contentieux représente 6 à 7 dossiers par jour et occupe tous les présidents de chambre à tour de rôle. Il mobilise en permanence une équipe du greffe pour assister aux audiences, ce qui désorganise d'autant les autres formations.

Les agents de greffe rencontrés par votre rapporteur ont exprimé leurs grandes difficultés pour faire face tout à la fois à l'urgence et au nombre des requêtes, tout en étant en contact direct avec les requérants. Les magistrats, quant à eux, sont confrontés à un risque de perte de sens de leur métier avec l'impression de « faire du chiffre » et de rendre des décisions qui ne seront de toute manière - s'agissant de l'éloignement ou de l'hébergement des demandeurs d'asile - pas exécutées.

Votre rapporteur l'a déjà affirmé l'année dernière : les normes ne peuvent plus être décidées sans une évaluation sérieuse de leur impact sur l'activité des juridictions et sans l'allocation de moyens suffisants. À défaut , le fonctionnement de ces juridictions est mis en péril et il est porté atteinte à la qualité de la justice rendue à nos concitoyens.

3. Un défi relevé grâce à l'engagement de tous les personnels

À effectifs constants, les performances des juridictions administratives reposent sur l' augmentation de la charge de travail des magistrats et des personnels administratifs .

Charge moyenne de travail par magistrat en données nettes

Année

Affaires traitées par magistrat TA

Affaires traitées par magistrat CAA

2014

241

109

2015

244

114

2016

+ 8,7 %

250

+ 17,4 %

116

2017

262

122

2018

262

128

2019*

260

120

Source : services du Conseil d'État

* Prévisions actualisées

Il convient de préciser que la charge de travail des magistrats n'est pas uniquement représentée par le nombre d'affaires traitées, la présence des magistrats étant rendue obligatoire, par la loi ou le règlement, dans de nombreuses instances 22 ( * ) .

Charge moyenne de travail par agent de greffe en données brutes

Année

Affaires traitées par agent de greffe TA

Affaires traitées par agent de greffe CAA

2014

194

107

2015

198

110

2016

+ 7,7 %

200

+ 10,3 %

109

2017

221

127

2018

209

118

2019*

220

130

Source : services du Conseil d'État

* Prévision actualisée

Le nombre de dossiers traités par agent de greffe a progressé entre 2015 et 2018, avec une augmentation de 7,7 % dans les tribunaux administratifs, et de 10,3 % dans les cours.

Comme pour les magistrats, le nombre de dossiers traités ne représente pas le seul indicateur de la charge de travail des agents de greffe. En effet, le greffier en chef gère l'organisation administrative du tribunal. Par ailleurs, le traitement des séries, l'organisation d'audiences durant le week-end, en particulier dans le contentieux des étrangers, la gestion de « télérecours », avec l'obligation de numériser les dossiers ou de les imprimer en cas d'asymétrie, représentent une charge de travail extrêmement lourde pour le greffe des tribunaux et des cours.

La forte sollicitation des personnels ne peut se faire sans une attention particulière en matière de gestion des ressources humaines, en particulier le choix des chefs de juridictions, et de formation. Si la formation initiale est bien assurée, la charge de travail ne permet pas toujours de libérer les heures ou les jours indispensables à la formation continue.

Le centre de formation de la juridiction administrative

Le centre de formation de la juridiction administrative (CFJA) est une direction des services du Conseil d'État qui emploie douze agents sous l'autorité de sa directrice. Elle dispose de salles de formation dans les locaux du tribunal administratif de Montreuil.

Sa mission est d'assurer la formation de près de 4 000 personnes relevant de fonctions et statuts différents :

- 300 membres du Conseil d'État ;

- 1 400 magistrats ;

- 1 400 agents de greffe ;

- 400 agents du Conseil d'État ;

- 500 agents de la Cour nationale du droit d'asile.

Le coût général de la formation s'est élevé à 2,5 millions d'euros en 2018, dont 0,7 million d'euros de frais de formation payés aux formateurs internes occasionnels (environ 400 personnes) ou à des prestataires extérieurs (par exemple pour les langues) 23 ( * ) .

Le CFJA organise deux types de formation.

- La formation initiale

Le CFJA assure la formation initiale des conseillers de tribunal administratif et cour administrative d'appel 24 ( * ) . En 2018, le nombre moyen d'heures de la formation initiale pour les magistrats était de 558 heures. Cette formation initiale avait l'habitude de réunir en une promotion unique tous les primo-arrivants , quel que soit leur mode de recrutement. En 2020, cette promotion unique ne pourra être organisée en raison du raccourcissement de la formation de l'École nationale de l'administration.

Le plan de formation triennal 2019-2022 prévoit de mettre en place une nouvelle formation initiale obligatoire pour les personnes entrant dans des fonctions de greffe. Cette formation est particulièrement bienvenue car ce sont des fonctionnaires du ministère de l'intérieur qui découvrent les fonctions juridictionnelles . Cette formation sera élaborée conjointement par le CFJA et l'École nationale des greffes de Dijon.

- La formation continue

Des formations spécialisées sont proposées toute l'année selon les besoins des personnels concernés. Ainsi les magistrats administratifs se sont vu proposer des modules de police de l'audience ou de gestion du temps ou des stocks , de même que des modules relatifs au contentieux des commissions départementales de l'action sociale transférés en 2019 aux tribunaux administratifs. Les agents de la CNDA ont quant à eux eu accès à des formations de recruteurs.

La formation continue doit être facilitée par :

- l'organisation de sessions délocalisées . Cette initiative, très bien accueillie par les personnels que votre rapporteur a rencontrés, permettrait une augmentation du taux de formation et désengorgerait le site du tribunal administratif de Montreuil. Elle est particulièrement adaptée pour les agents de greffe qui représentent 44 % des personnels formés selon cette modalité ;

- la tenue de sessions à l'heure du déjeuner ou sous forme de cours en ligne ouverts à tous 25 ( * ) .

4. Des perspectives d'économie et de gain de productivité réduites

Le trio « dématérialisation, aide à la décision et médiation » ne semble pas pouvoir apporter des marges appréciables d'économie et de productivité en 2020.

- La dématérialisation et Télérecours

Les juridictions administratives ont su prendre le virage de la dématérialisation et le déploiement de l'application Télérecours depuis 2014 est un succès. Les économies sur les frais de fonctionnement ont été estimées à 3,9 millions d'euros en 2018. L'ouverture d'un « télérecours citoyens » accessible à tous depuis fin 2018 ne génère en revanche que peu de nouvelles économies (350 000 euros à l'horizon 2022).

Malgré les efforts entrepris, la dotation des frais de justice est à nouveau orientée à la hausse depuis 2018 pour tenir compte notamment de l'augmentation des tarifs postaux et de l'activité juridictionnelle, en particulier à la CNDA.

En projet de loi de finances pour 2020, elle s'élève globalement à 15,3 millions d'euros : 9,1 millions d'euros pour la CNDA - soit une hausse de 31,7 % - 5,8 millions d'euros pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel (+ 6,9 %), et 0,3 million d'euros pour le Conseil d'État (+6,3 %).

Évolution des frais de justice

Dotation

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020
(PLF)

Dotation LFI en M€

14,25

12,3

11,85

9,7

10,14

12,75

15,3

Évolution N/N-1

10,50%

-13,60%

-3,60%

18,10%

4,50%

25,70%

20%

Consommation en M€

11,2

9,9

9,3

8,8

9,2

11,5*

Évolution N/N-1

1,80%

-11,60%

-6,06%

-5,40%

4,55%

25%

Source : services du Conseil d'État

*Estimation

- L'aide à la décision

De nouveaux modes de collaboration, qualifiés d'aide à la décision, se sont développés ces dernières années afin de permettre aux membres des juridictions administratives d'augmenter le nombre de décisions rendues et de diminuer la durée de traitement des dossiers. L'intention est notamment de contenir l'impact du contentieux de masse en repérant en amont les séries.

Aux côtés des assistants de justice 26 ( * ) et des assistants du contentieux 27 ( * ) , la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a créé la nouvelle catégorie des juristes assistants . Leur recrutement est plus sélectif. Il s'agit de personnes titulaires d'un doctorat en droit ou d'un autre diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures et disposant de deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique. Ils sont nommés, à temps complet ou incomplet, pour une durée maximale de trois années, renouvelable une fois .

Votre rapporteur constate que l'aide à la décision n'est pas développée dans des conditions permettant une réponse efficace à l'accroissement du contentieux de masse : les crédits ne sont pas suffisants. Ainsi, seuls 21 postes de juristes assistants sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2020 et à condition d'être autofinancés par un moindre recours aux vacataires. Par ailleurs, ces postes manquent d'attractivité, compte tenu de leur durée limitée dans le temps et du manque de perspective d'être intégré à plus long terme dans les juridictions.

- Le recours à la médiation

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , complétée par le décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif , a étendu la possibilité de recourir à la médiation administrative, jusqu'alors réservée aux différends transfrontaliers, à tous les litiges relevant de la compétence du juge administratif, la seule limite tenant à ce que l'accord auquel parviennent les parties ne puisse porter atteinte à des droits dont elles n'ont pas la libre disposition.

Cette médiation a été rendue obligatoire à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2021 28 ( * ) , pour tous les différends entre les fonctionnaires et leur employeur et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale , du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi .

Cette expérimentation présente des succès variés selon la matière concernée. Dans le domaine de la fonction publique, une forte conflictualité empêche généralement de trouver un accord. En revanche, les médiations engagées dans le cadre de litiges sur les aides versées par Pôle Emploi aboutissent dans 90 % des cas : de manière révélatrice, il s'agit pour moitié de cas dans lesquels l'administration a revu sa position, mais pour l'autre moitié, de cas dans lesquels l'administré a accepté la décision initiale prise à son encontre.

Le développement de la médiation figure parmi les objectifs fixés en conférences de gestion aux chefs de cour et de juridiction. Sa mise en place généralisée nécessite toutefois un véritable changement de culture à la fois chez les avocats, qui craignent la concurrence des médiateurs et une perte de clientèle, mais également au sein de l'administration elle-même . Le vice-président du Conseil d'État, entendu par votre rapporteur, estime ainsi que cette dernière devrait revoir ses méthodes de travail, comme cela a déjà été fait par l'administration fiscale :

- en amont, pour faire preuve de pédagogie, en améliorant l'accueil et en apportant les explications nécessaires à l'administré ; nombre de saisines sont en effet suscitées par l' incompréhension de l'administré ;

- et en aval, pour mener une stratégie contentieuse en choisissant les dossiers sur lesquels transiger et les dossiers à maintenir en contentieux, pour faire trancher une question juridique.

En attendant ce changement de culture, la médiation n'aura que très peu d'impact sur le volume des recours exercés devant les juridictions administratives.

II. DES MOYENS STABLES POUR LES MISSIONS EN EXPANSION DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » concerne la Cour des comptes et les dix-huit chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) 29 ( * ) .

L'essentiel de l'activité de ces juridictions est constitué par le jugement des comptes publics, le contrôle des finances publiques, le contrôle de la gestion des administrations et organismes publics ainsi que l'évaluation des politiques publiques.

À ces missions s'ajoutent l'assistance au Parlement et au Gouvernement, ainsi que l'information des citoyens et le suivi des recommandations formulées à l'occasion des contrôles.

Carte des chambres régionales et territoriales des comptes

Source : Cour des comptes

A. UN BUDGET STABLE AVEC QUELQUES INQUIÉTUDES

1. La nécessité de préserver l'indépendance de la Cour des comptes

À titre liminaire, votre rapporteur souhaite rappeler la nécessité de préserver l'indépendance de la Cour des comptes, en garantissant qu'aucune mise en réserve de précaution en début de gestion n'affectera les crédits ouverts au titre du programme 164. Il s'agit ni plus ni moins que de sanctuariser les crédits alloués au contrôleur par le contrôlé , pour lui garantir les moyens de son contrôle.

Selon les principes internationaux en vigueur, le bon fonctionnement des institutions supérieures de contrôle (ISC) suppose que les contrôleurs des finances publiques disposent « de l'indépendance fonctionnelle et organisationnelle nécessaire à l'exécution de leur mandat » 30 ( * ) .

La dispense de mise en réserve de crédits en début d'exercice, qui s'appliquait à la Cour des comptes depuis 2005, est mise à mal depuis 2017, même si le programme 164 a finalement bénéficié de la levée de la réserve de précaution en début de gestion. Pour l'exercice 2019, celle-ci est intervenue le 20 février 2019 sur instruction du ministre de l'action et des comptes publics.

Par ailleurs, en application des mêmes principes internationaux, la Cour ne peut être soumise à des mesures de régulation budgétaire en cours de gestion qu'avec son accord.

Pour l'exercice 2020, votre rapporteur invite le Gouvernement à ne pas remettre en cause ces conditions d'exécution du budget des juridictions financières.

2. Des ressources supplémentaires en personnel modestes

Le montant des crédits alloués à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières par le projet de loi de finances pour 2020 est quasiment identique à celui de l'année précédente.

Il s'élève à 220,4 millions d'euros en crédits de paiement, soit une très légère hausse de 0,2 %. Les autorisations d'engagement sont, elles, en baisse de 3,4 %, ce qui s'explique notamment par le rythme de renouvellement des baux pluriannuels des chambres régionales et territoriales des comptes

Évolution des crédits du programme 164

« Cour des comptes et autres juridictions financières »

Source : commission des lois à partir des données du projet annuel de performances 2020

L'augmentation des crédits de paiement concerne uniquement les dépenses de titre 2 qui connaissent une progression de 0,4 million d'euros par rapport à l'année dernière, mais qui restent inférieures de 1,8 million d'euros par rapport à ce qui avait été annoncé en programmation pluriannuelle.

L'objectif fixé en 2017 d'atteindre le plafond d'emplois « historique » de 1 840 ETPT à l'horizon 2022 31 ( * ) a en effet été abandonné . Ce ne sont pas 50 ETPT qui seront créés sur la période, mais 30 ETPT seulement.

Le schéma d'emploi en 2020 prévoit en conséquence la création de 5 ETP de catégories A et A+, au lieu des 15 précédemment annoncés.

Parallèlement, le plafond d'emplois a été actualisé en 2019 et 2020, afin de prendre en compte la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, en application de l'article 11 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 .

Le plafond, qui se maintenait à 1 840 ETPT depuis 2008, passe ainsi à 1 796 ETPT en 2019, puis à 1802 ETPT en 2020. Les catégories A et A+ sont celles qui bénéficient des augmentations.

Évolution des catégories d'emplois du programme 164
(en ETPT)

Catégorie d'emplois

Plafond autorisé
pour 2015

Plafond autorisé
pour 2016

Plafond autorisé
pour 2017

Plafond autorisé
pour 2018

Plafond autorisé
pour 2019

Plafond autorisé
pour 2020

Variation

2019/2020

Catégories
A + et A

1 263

1 275

1 285

1 285

1 277

1 307

+ 30

Catégorie B

317

311

305

305

292

281

- 11

Catégorie C

260

254

250

250

227

214

- 13

TOTAL

1 840

1 840

1 840

1 840

1796

1802

+ 6

Consommation

1 756

1 727

1 763

1 772

1 778*

Source : commission des lois à partir des données du projet annuel de performances 2020

* Prévision

Pour l'exercice 2019, le taux d'exécution prévisionnel devrait atteindre les 99 %. Cette prévision intègre une consommation des emplois à hauteur de 1 778 ETPT, soit une augmentation de 6 ETPT par rapport à la réalisation 2018.

Rares, ces ressources supplémentaires doivent être employées de la manière la plus efficace possible. Votre rapporteur souligne la nécessité pour les juridictions financières de se doter d'experts pour venir à l'appui des magistrats et des vérificateurs de la Cour et des CRTC. Comme l'a justement formulé le vice-président de l'Association des présidents et vice-présidents des chambres régionales des comptes, lors de son audition, « les contrôleurs doivent être au même niveau que les contrôlés ». Or les moyens des collectivités territoriales ont considérablement progressé ces dernières années, notamment avec la mise en place de services d'audit interne, et les nouveaux champs de contrôle - comme par exemple, les établissements et services médico-sociaux (ESMS) du secteur privé que la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a fait entrer dans le champ de compétence des juridictions financières, - impliquent d'acquérir de nouvelles compétences 32 ( * ) .

Le centre d'appui métiers de la Cour des comptes

Le centre d'appui métiers (CAM) est une structure créée en 2012. Sa mission est de mettre en place, au besoin en les développant, les outils et méthodes dont les équipes chargées des divers types de contrôles au sein de la Cour et des CRTC ont besoin.

Par ailleurs, elle rassemble les outils, les méthodes et les processus de l'ensemble des acteurs du contrôle : magistrats et personnels de l'appui au contrôle (greffes et documentation notamment).

Elle offre enfin un centre de ressources unifiées à la disposition des métiers du contrôle, par le biais d'un guichet unique informatique et d'une ligne téléphonique dédiée pour traiter et répondre aux interrogations portées dans les différents domaines « métiers ».

Le CAM comprend dans ses équipes des experts de domaines très variés : actuariat, statistiques, audit des systèmes d'information, traitement des bases de données, ressources humaines...

Comme les années précédentes, les représentants des magistrats de la Cour des comptes ont fait part à votre rapporteur de leurs inquiétudes concernant la démographie du corps des magistrats de la Cour, du fait de la répartition actuelle des recrutements au tour extérieur qui représentent plus de postes de conseillers maîtres que de postes de conseillers référendaires, entraînant par là même un blocage de l'avancement des conseillers référendaires et un vieillissement du corps . Votre rapporteur est favorable à leur proposition d'inversion de la proportion des recrutements au tour extérieur de conseillers maîtres et de conseillers référendaires.

B. UN CHAMP D'ACTION TOUJOURS PLUS GRAND

Au cours des années, les juridictions financières ont vu leurs missions se multiplier, tandis que leur schéma d'emplois a été revu à la baisse.

En particulier, le champ d'action des CRTC semble toujours plus vaste, alors que leurs missions de contrôle des collectivités territoriales sont plus que jamais essentielles à l'heure où les moyens accordés au contrôle de légalité et au conseil sont à « un niveau historiquement bas » dans le budget 2020 selon les termes du rapporteur spécial de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » 33 ( * ) - avec 121,5 millions d'euros contre 153,4 millions d'euros en 2019. Votre rapporteur considère en effet que le renforcement de l'autonomie des collectivités territoriales doit aller de pair avec un renforcement du contrôle par les chambres.

1. Un risque d'éviction au détriment des missions exercées auprès des collectivités territoriales

Lors du grand débat national organisé par le Gouvernement au cours de l'été 2019 à la suite des manifestations des « gilets jaunes », les répondants ont spontanément été plus de 42,8 % à demander une meilleure information des citoyens sur l'utilisation des impôts . 2,9 % ont même suggéré de rendre les rapports de la Cour des comptes plus contraignants.

Cette consultation, comme par ailleurs le succès des visites des chambres régionales des comptes pendant les Journées européennes du patrimoine les 21 et 22 septembre 2019, selon les témoignages des présidents des chambres d'Arras et de Marseille, traduit l'importance que les Français accordent au contrôle exercé par les juridictions financières sur le bon emploi de l'argent public , en particulier au niveau local.

Le suivi des recommandations des CRTC

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a renforcé le suivi des observations des CRTC par les entités contrôlées 34 ( * ) en assurant la documentation et la traçabilité des mesures qu'ils ont prises.

Depuis 2001 35 ( * ) , le rapport d'observations définitives est communiqué par l'exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public à son assemblée délibérante et donne lieu à un débat.

La loi NOTRe y a ajouté l'obligation pour l'ordonnateur de la collectivité territoriale ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de présenter dans l'année, dans un rapport devant cette même assemblée, les actions qu'il a entreprises à la suite des observations de la chambre régionale des comptes .

Ce rapport est ensuite communiqué à la chambre régionale des comptes, qui fait une synthèse annuelle des rapports qui lui sont communiqués. Cette synthèse est présentée par le président de la chambre régionale des comptes devant la conférence territoriale de l'action publique (CTAP). La CTAP est présidée par le président du conseil régional et comprend le président du conseil régional ; les présidents des conseils départementaux ; les présidents des EPCI de plus de 30 000 habitants ; un représentant des EPCI de moins de 30 000 habitants ayant leur siège dans chaque département et un représentant pour chaque catégorie de communes dans chaque département. Chaque chambre régionale des comptes transmet cette synthèse à la Cour des comptes en vue de la présentation du rapport public annuel.

Les deux présidents de la CRC rencontrés par votre rapporteur ont salué ce dispositif qui permet aux chambres de disposer d'une véritable tribune à l'échelle régionale et de justifier auprès du citoyen des suites concrètes données à leurs contrôles . Ils recommandent deux améliorations législatives : y ajouter l'obligation pour l'ordonnateur d'envoyer les pièces justificatives objectivant son rapport de suivi des recommandations, qui est pour le moment purement déclaratif ; étendre ce suivi à tous les contrôlés (autres que les collectivités territoriales et les EPCI).

Cette mission des CRTC auprès des collectivités territoriales est mise à mal par l'accroissement de leur champ d'activité à moyens constants. La programmation des contrôles doit désormais procéder à un panachage entre toutes les catégories d'organismes afin qu'il puisse être envisagé que chacun d'entre eux soit contrôlé un jour. Par exemple, s'agissant des Hauts-de-France, l'extension des compétences pour y intégrer les établissements et services médico-sociaux privés suppose d'intégrer chaque année 4 ou 5 établissements par an, alors que le ressort de la chambre en comporte 400 à 500. À l'échelle nationale, cela concerne potentiellement plusieurs dizaines de milliers d'établissements supplémentaires (38 000 dont 36 000 ESMS et 2 000 établissements privés), tant pour la Cour des comptes que pour les chambres régionales et territoriales des comptes.

Il résulte de cette situation à la fois une « priorisation » des travaux , qui se traduit par le fait que les programmes de contrôle doivent devenir de plus en plus fins et permettre une concentration des contrôles sur les situations qui présentent le plus de risques, et un véritable effet d'éviction sur les missions traditionnelles des juridictions financières, et en particulier sur le contrôle budgétaire.

2. Une multiplication des organismes à contrôler

Au-delà de l'élargissement des champs d'intervention des juridictions financières - expérimentation de la certification des comptes, contrôle des établissements et services médico-sociaux de santé privé et recours accru aux formations inter-juridictions -, un autre phénomène vient alourdir encore leurs tâches de contrôle : la multiplication des satellites des entités contrôlées.

Lors de son audition, le président de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte-d'Azur a ainsi souhaité attirer l'attention de votre rapporteur sur les deux points suivants :

- de nombreux contrôles doivent être étendus à des sociétés publiques locales (SPL) lesquelles disposent d'une forte autonomie et bénéficient de transferts de patrimoine importants, notamment en foncier ; ces sociétés méritent d'autant plus que la chambre s'y intéresse que le préfet ne contrôle que la création de ces sociétés et non les transferts d'actifs qui interviennent ;

- les établissements et services médico-sociaux privés sont composés de myriade de sociétés privées (sociétés civiles immobilières, sociétés civiles de moyens, etc .) qu'il convient de contrôler en même temps que la clinique à proprement parler, sans d'ailleurs pouvoir remonter à la société mère qui perçoit les redevances.

La chambre régionale des comptes PACA a entrepris de mettre en place un réseau d'alerte avec l'agence régionale de santé et la direction régionale des finances publiques pour avoir une vision globale de ces satellites qui ne sont pas recensés.

La « floraison » de ces entités multiples a un impact non négligeable sur la programmation des chambres régionales des comptes.

C. UN POINT SUR LA CERTIFICATION DES COMPTES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a prévu un dispositif d'expérimentation de la certification des comptes de collectivités territoriales, conduite par la Cour des comptes, en liaison avec les chambres régionales des comptes. Ce dispositif, prévu pour être testé jusqu'en 2023, est destiné à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales qui se sont portées volontaires pour être expérimentatrices.

Après un premier rapport d'étape publié par la Cour des comptes le 19 juin 2019, l'expérimentation entre dans une seconde phase de réalisation de certifications expérimentales sur les comptes des exercices 2020, 2021 et 2022. Le cadre et les modalités de ces certifications seront définis par un cahier des charges, compte tenu des enseignements tirés des constatations faites lors de l'accompagnement mis en oeuvre dans la première période. Cette phase sera mise en oeuvre, non par des magistrats financiers, mais par des commissaires aux comptes . La Cour accompagnera les collectivités expérimentatrices pour leur permettre de lancer leurs appels d'offres pour le marché de certification.

L'expérimentation a consommé 15 équivalents temps plein (Cour et chambres confondues) sur la période 2017-2019. Elle mobilisera 10 équivalents temps plein pour la seconde phase . Les personnes rencontrées par votre rapporteur estiment toutefois l'impact de cette expérimentation sous-évalué.

La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur, que votre rapporteur a visité dans le cadre de la préparation de son rapport, participe à cette expérimentation en conduisant des travaux auprès de la commune de Cuers, une ville du Var de 10 000 habitants, disposant d'un budget de 1,3 million d'euros. Elle a également mis à disposition un magistrat pour s'occuper de l'expérimentation auprès de la commune de Montpellier, ville de plus de 280 000 habitants disposant d'un budget de 460 millions d'euros. Cette expérimentation, conduite dans deux communes très différentes, a permis à la chambre d'enrichir sa connaissance du fonctionnement des collectivités territoriales.

La certification des comptes, qui est un levier de modernisation indéniable pour les collectivités territoriales, ne semble pour l'heure pouvoir être envisageable que pour les collectivités les plus importantes , pour lesquelles elle constituerait de surcroît un atout pour emprunter sur les marchés financiers.

En revanche, les petites communes, comme Cuers, manquent de moyens humains pour revoir leur organisation financière et créer un dispositif de contrôle interne comptable et financier (chaîne comptable, valorisation des actifs immobilisés, etc .). Par ailleurs, le recours aux services d'un commissaire aux comptes occasionnerait une charge supplémentaire qui ne pourrait pas être compensée par des gains d'efficience . La Cour, selon les déclarations de son Premier président, réfléchit donc à des modes alternatifs pour envisager des procédures moins lourdes pour les plus petites communes .

En tout état de cause, la certification des comptes ne supprimerait pas la nécessité de contrôler la fiabilité des comptes des collectivités territoriales comme les magistrats de la chambre régionale des comptes PACA le constatent lorsqu'ils contrôlent les établissements publics de santé déjà soumis à certification.

*

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État », inscrits au projet de loi de finances pour 2020.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES,
CONTRIBUTION ÉCRITE ET DÉPLACEMENTS

Auditions au Sénat

Conseil d'État

M. Bruno Lasserre , vice-président

M. Thierry-Xavier Girardot , secrétaire général

M. Jean-Noël Bruschini , directeur de la prospective et des finances

Cour des comptes

M. Didier Migaud , Premier président

Mme Marie-Laure Berbach , secrétaire générale adjointe

Centre de formation de la justice administrative

M. Emmanuel Meyer , secrétaire général des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Mme Véronique Gueguen , directrice

Syndicat de la juridiction administrative

M. Yann Livenais , vice-président

M. Julien Illouz , trésorier

Association des magistrats de la Cour des comptes

Mme Anne Mondoloni, présidente

M. Vincent Feller , vice-président

M. Jean-François Guillot, conseiller-maître

Association des présidents et vice-présidents des chambres régionales des comptes

M. Frédéric Advielle , vice-président, président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France

Syndicat des juridictions financières unifié

M. Yves Roquelet , président

Mme Lucile Lejeune , secrétaire générale

Contribution reçue

Union syndicale des magistrats administratifs

Déplacements

Cour nationale du droit d'asile
(mercredi 16 octobre 2019)

Mme Dominique Kimmerlin , présidente

M. Philippe Caillol, secrétaire général

Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte-d'Azur (jeudi 17 octobre 2019)

M. Nacer Meddah , président

M. Marc Larue, procureur financier

Mme Sidonie Réallon, conseillère, chargée de mission du président

M. Frédéric Terras, premier conseiller

M. Erwan Chevallier, vérificateur

Tribunal administratif de Marseille
(jeudi 17 octobre 2019)

Mme Dominique Bonmati, présidente

Entretiens avec des magistrats et agents de greffe

Cour administrative d'appel de Marseille
(jeudi 17 octobre 2019)

Mme Laurence Helmlinger, présidente

Entretiens avec des magistrats, assistants de justice et agents de greffe.


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Élections des délégués des conseils municipaux et déclarations de candidatures.

* 3 Hors contribution au compte d'affection spéciale « Pensions », les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » dépassent de plus de 5 % le plafond de la programmation triennale de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 4 Article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 5 La Cour organise des vidéo-audiences hebdomadaires avec la Guyane depuis 2014, avec Mayotte depuis juin 2015, ainsi que, depuis le premier semestre 2016, avec la Guadeloupe et la Martinique.

* 6 Article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 7 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018.

* 8 Notamment, présence physique de son avocat à ses côtés, copie de l'intégralité du dossier mise à la disposition de l'intéressé, établissement d'un procès-verbal de l'audience.

* 9 Chiffre 2018, hors mouvements sociaux des agents.

* 10 Il s'agit de magistrats de l'ordre administratif.

* 11 Magistrats des ordres judiciaire, administratif et financier.

* 12 Personnalités qualifiées de nationalité française nommées pour trois ans, respectivement par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés et par le vice-président du Conseil d'Etat, en raison de leurs compétences dans les domaines juridique ou géopolitique.

* 13 Les rapporteurs sont directement recrutés par la Cour, tandis que les assesseurs sont nommés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et par le vice-président du Conseil d'État.

* 14 Le recrutement des rapporteurs prend sept mois, entre la réception des curriculum vitae et la fin de la formation initiale.

* 15 Une journée d'audience dure de 9 heures à 20 heures et permet l'examen de 13 affaires (6 le matin et 7 l'après-midi).

* 16 Hors commission du contentieux du stationnement payant.

* 17 Les données nettes excluent les affaires dites de « séries », c'est-à-dire celles qui présentent une question qui a déjà fait l'objet d'une décision juridictionnelle, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification des faits.

* 18 Hors affaires liées au découpage cantonal.

* 19 Article R. 120 du code électoral.

* 20 Articles R. 147 et L. 303 du code électoral.

* 21 Dans lequel votre rapporteur s'est rendu le 17 octobre 2019.

* 22 Ainsi les magistrats doivent notamment assister, le cas échéant en assurant leur présidence, aux commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, aux commissions des recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, aux commissions de déontologie, aux commissions d'expulsion, aux jurys d'entrée dans un centre régional de formation professionnelle des avocats, aux réunions des différents ordres, médecins, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes, etc .

* 23 Lors de l'examen de la mission par l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement adopté en seconde délibération a augmenté les crédits de la mission de 18 000 euros pour rehausser la prise en charge des frais de repas des agents publics en formation.

* 24 La formation initiale des membres du Conseil d'État est assurée en interne par tutorat.

* 25 Mooc : « massive open online course ».

* 26 Agents contractuels exerçant à temps incomplet, recrutés pour une durée maximale de deux ans renouvelable deux fois.

* 27 Fonctionnaires titulaires de catégorie A, pour l'essentiel des attachés.

* 28 Article 34 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 29 13 chambres régionales des comptes et 5 chambres territoriales des comptes situées outre-mer.

* 30 Déclarations de Lima d'octobre 1977 et de Mexico de novembre 2007 de l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques - INTOSAI.

* 31 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 .

* 32 Les juridictions ont également recours à des directeurs d'hôpitaux en détachement, 6 à la Cour et 15 dans les chambres.

* 33 Voir note de présentation de M. Jacques Genest.

* 34 Article L. 243-9 du code des juridictions financières, pour les chambres régionales des comptes.

* 35 Loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

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