INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) constitue l'un des sept programmes de la mission « Justice » du budget de l'Etat. Elle représente 9,7 % des crédits de cette mission, moins d'un quart des crédits du programme « Justice judiciaire » et un peu plus d'un quart de ceux du programme « Administration pénitentiaire ».

Les missions dévolues à la PJJ, qui assure le suivi de près de 150 000 jeunes chaque année, justifient cependant qu'un examen spécifique de ses crédits soit effectué chaque année par la commission des lois.

A l'instar de son précédent avis budgétaire sur la question, votre rapporteure a estimé souhaitable de distinguer deux parties à son travail. La première, purement budgétaire, présente les points saillants du budget proposé pour 2020 et en formule une analyse. La seconde partie est thématique et consacrée cette année à la question des mineurs incarcérés.

I. LES MOYENS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE : UN BUDGET D'ADAPTATION AUX ENJEUX À VENIR DE LA JUSTICE DES MINEURS

Le projet de loi de finances pour 2020 dote la protection judiciaire de la jeunesse (Programme 182 de la mission « Justice ») d'un budget de 736,6 millions d'euros (hors pensions), en augmentation de 16,5 millions, soit 2,3 % , par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.

A. UN BUDGET ET DES EFFECTIFS EN AUGMENTATION, DANS LA CONTINUITÉ DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

Le budget pour 2020 du programme 182 s'inscrit dans un contexte de forte mobilisation des services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), marqué par la préparation d'échéances dont certaines demeurent encore incertaines. Les orientations retenues figurent dans le nouveau plan stratégique national 2019-2022.

Impactée par la réforme territoriale de l'État et la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la PJJ fait d'abord face à une échéance majeure : la réforme de l'ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1 er octobre 2020 . L'un des objectifs premiers de cette réforme est la réduction des délais de jugement des mineurs, le premier jugement sur la culpabilité devant intervenir dans les trois mois .

Comme l'indique la directrice de la PJJ dans sa présentation du programme, « pour réussir sa mise en oeuvre, la direction devra relever deux défis : répondre aux impératifs d'une prise en charge rapide des mesures éducatives judiciaires tout en construisant des projets individuels adaptés à la situation de chaque mineur, et accompagner l'ensemble des professionnels pour intégrer les évolutions dans leurs pratiques ». Pour faire face à cette évolution, la direction de la PJJ affirme sa volonté de renforcer le milieu ouvert, qui sera appelé à accueillir, au moins à titre transitoire, plus de mineurs reconnus coupables . À cette fin, le projet de budget envisage de créer 70 ETP, avec 24 postes créés suite à redéploiement permettant de pourvoir 94 nouveaux postes d'éducateurs . Par ailleurs 5 emplois, pour favoriser la participation de la PJJ aux internats « tremplin », sont créés, également par redéploiement.

Hors titre 2, le budget de la PJJ continue sa progression entamée il y a trois ans, avec une augmentation de 3 % soit 10 millions d'euros. Cette augmentation se répartit entre le secteur associatif habilité (SAH), dont le rôle est croissant, et le secteur public.

S'agissant du secteur associatif habilité, dont le budget s'élève à 237,3 millions d'euros , les coûts sont essentiellement liés au fonctionnement des établissements gérés par les associations, soit pour 2020 :

- 33 centres éducatifs fermés (CEF) accueillant effectivement du public à hauteur de 12 places par établissement, et un CEF provisoirement fermé pour lequel une relocalisation est en cours, budgétée à hauteur de 3 mois de fonctionnement, ce qui représente 4 places ;

- 47 centres éducatifs renforcés (CER), accueillant des groupes de 6 à 8 mineurs sous forme de sessions de 3 à 5 mois ;

- 35 autres structures d'hébergement habilitées et financées exclusivement par l'État, dont 19 lieux de vie et d'accueil (LVA) et 16 établissements, qui intègrent notamment les dispositifs dédiés à la lutte contre la radicalisation ;

- 36 services de réparations pénales, dont 35 habilités et un conventionné ;

- 91 services d'investigation éducative (SIE), dont 6 nouvellement créés sur 2019-2020 et auxquels vient s'ajouter un service conventionné (service de protection des mineurs de la Ville de Strasbourg).

Les crédits du secteur public, hors immobilier, augmentent pour leur part de 2,3 millions en crédit de paiement et de 4 millions en autorisation d'engagement, pour s'établir respectivement à 32,8 millions et à 34,5 millions d'euros. Ils regroupent les dépenses des services d'hébergement et de milieu ouvert et permettent de financer les dépenses liées directement ou indirectement à la prise en charge des jeunes. On peut relever que plus de 10 % des crédits de paiement (3,14 millions d'euros programmés en 2020) sont consacrés aux dépenses d'alimentation des jeunes en internat de la PJJ . Votre rapporteure a eu l'occasion de souligner avec ses interlocuteurs de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et des organisations syndicales l'importance du maintien de cuisiniers employés directement par la PJJ au sein des établissements afin qu'ils puissent interagir avec les mineurs, participer à des activités liées à l'alimentation et les associer à la préparation des repas, contribuant ainsi au projet éducatif et d'insertion.

Deux projets particulièrement importants seront financés par les crédits d'intervention, qui s'établissent à 11,7 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement. Le premier vise à améliorer la prise en charge de la santé mentale des mineurs suivis par la PJJ, en coordination avec les agences régionales de santé. Un établissement médico-social de la PJJ pourrait également être créé.

Le second concerne les familles d'accueil , dont le nombre a fortement diminué. La PJJ entend recruter de nouvelles familles et a augmenté à cette fin le montant des indemnités journalières versées aux familles par jeune accueilli dans le cadre du dispositif de placement familial. Celui-ci est passé de 36 à 40 euros par jour, pour un surcoût total de 400 000 euros en 2019. Pour 2020, le montant total des indemnités versées devrait augmenter d'un million d'euros. Le statut des familles d'accueil a pour sa part évolué, celles-ci étant désormais qualifiées de bénévoles indemnisés. Ce statut fait l'objet de débats. Les organisations syndicales de la PJJ regrettent qu'un statut plus protecteur n'ait pas été mis en place. La direction de la PJJ fait pour sa part valoir que le statut de bénévole indemnisé correspond à la vocation des familles d'accueil qui ne doivent pas devenir des « structures » pérennes de placement, ni se « professionnaliser », mais exercer le rôle important d'accueil qui leur est dévolu pendant quelques années.

Un enjeu important et budgétairement significatif est celui des mesures judiciaires d'investigation et d'enquête , qui progresse de 2,6 millions d'euros pour atteindre 70 millions d'euros. Ces nouveaux crédits doivent permettre de résorber le nombre de mesures en attente et de financer le rebasage des dépenses amorcé en 2017 et destiné notamment à augmenter le temps consacré aux évaluations psychiatriques et psychologiques. On constate également un recentrage des mesures judiciaires et d'investigations confiées au secteur public sur les cas les plus complexes (notamment les cas de radicalisation) et un report des autres mesures sur le secteur associatif habilité, dont les crédits augmentent proportionnellement plus que ceux du secteur public.

La PJJ fait par ailleurs face à des enjeux importants en matière de marchés publics. Outre un projet ambitieux de passation de marché pour couvrir les besoins en alimentation des internats, la PJJ se trouve aujourd'hui obligée de redéfinir les prestations demandées dans les marchés de ménage et de gardiennage passés pour les centres. Enfin, elle doit négocier de nouveaux baux pour permettre l'accueil des nouveaux éducateurs.

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