N° 551

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 juin 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi organique , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la dette sociale et à l' autonomie , et sur le projet de loi , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la dette sociale et à l' autonomie ,

Par M. Alain JOYANDET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

3018 , 3019 , 3066 , 3067 , T.A. 439 et 440

Sénat :

517 et 518 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

Réunie le 24 juin 2020 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Alain Joyandet sur le projet de loi organique n° 517 (2019-2020) et le projet de loi n° 518 (2019-2020), relatifs à la dette sociale et à l'autonomie adoptés par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

La commission des finances a porté un avis général sur ces textes, en ciblant plus précisément l'article 1 er du projet de loi organique (allongement de la durée d'existence de la Caisse d'amortissement de la dette sociale - Cades, prorogée jusqu'en 2033) et les articles 1 er (reprise de la dette), 2 (versement de la fraction du Fonds de réserve des retraites et de la soulte des industries électriques et gazières) et 3 (affectation d'une fraction de contribution sociale généralisée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) du projet de loi ordinaire.

Il ressort de cet examen que le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire, en prévoyant la reprise de 136 milliards d'euros de dette de l'Acoss, font de la Cades une caisse dédiée non plus seulement à la gestion de la dette issue des dépenses d'assurance-maladie, mais aussi à celle des dépenses d'investissement (dette des hôpitaux) ou des mesures de revalorisation des traitements des personnels hospitaliers mises en place suite à la pandémie. Une telle évolution remet en perspective la notion de dette sociale, que la Cades est chargée d'apurer.

Il aurait pu paraître opportun de cantonner la dette Covid-19 et de la laisser à la charge directe de l'État. Le montant - environ 50 milliards d'euros - peut en effet paraître limité au regard de la dette de l'État et les conditions de son apurement plus satisfaisantes, l'État bénéficiant aujourd'hui de meilleures conditions sur les marchés financiers que la Cades . En tout état de cause, la commission des finances s'interroge notamment sur le transfert de la dette liée au financement des mesures destinées à lutter contre la pandémie (achats de masques, de gel hydroalcoolique, de surblouses) et des mesures de revalorisation des traitements des personnels soignants, qui ne sont pas, par nature, des dépenses d'assurance-maladie.

Par ailleurs, dans la perspective de l'examen du prochain projet de loi de finances, la commission des finances souhaite que l'État revienne sur le transfert de la gestion des agences sanitaires vers la sécurité sociale. La loi de finances pour 2020 a ainsi prévu que l'agence nationale de santé publique « Santé publique France » et l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) soient désormais gérées par l'assurance-maladie. Les missions assignées à l'ANSM et à Santé publique France ne relèvent pas, pourtant, de prime abord, d'une logique contributive que suppose, pourtant, leur rattachement au budget de la sécurité sociale.

La commission des finances s'interroge sur les hypothèses relativement optimistes retenues pour évaluer la capacité d'amortissement de la dette sociale par la Cades. Compte-tenu du cycle économique, les ressources de la Cades risquent de diminuer au moment même où elle verra son encours augmenter de façon conséquente.

Ces interrogations, comme l'augmentation conséquente de l'encours, pourraient, en outre, conduire à une dégradation des conditions d'emprunts de la Cades sur les marchés financiers .

La commission des finances relève, par ailleurs, que la reprise de la dette des hôpitaux publics conduit à assimiler celle-ci à des dépenses d'assurance-maladie, alors qu'elle relève de dépenses d'investissements, en majeure partie immobiliers. Elle conduit, par ailleurs, à une inégalité de traitement avec les établissements de santé privés qui assurent le service public hospitalier et notamment les établissements de santé privés d'intérêts collectifs (ESPIC) .

La reprise de la dette de l'Acoss ne doit pas, par ailleurs, conduire à geler toute réforme du financement des régimes sociaux. La reprise de la dette mise en oeuvre en 2010 n'a pas été doublée de dispositions permettant de réduire les déficits courants du régime général et du FSV. Seul un retournement de conjoncture a laissé entrevoir en 2018 un rapide retour à l'équilibre. La crise actuelle ne peut servir de blanc-seing en vue de laisser dériver une nouvelle fois les comptes sociaux, quitte à prolonger ultérieurement la durée d'existence de la Cades le cas échéant.

La commission des finances souligne que la prolongation de huit années de la durée de la vie de la Cades remet en question une nouvelle fois des engagements pris à l'égard des générations futures. La diminution des prélèvements obligatoires attendue en 2024 avec la disparition annoncée de la CRDS est, quant à elle, abandonnée.

S'agissant de la création de la cinquième branche « autonomie » , la commission des finances relève qu'elle ne modifie pas dans l'immédiat les modalités de financement des prises en charge ni ne crée de prestations nouvelles.

Le financement prévu à compter de 2024, via l'affectation d'une partie de la fraction de CSG initialement dédiée à la Cades, peut apparaître insuffisant face à la montée en charge du risque. Ce transfert pose d'ailleurs problème tant il est susceptible de fragiliser à terme les ressources de la Cades et devrait contribuer à dégrader un peu plus la dette publique. La commission des finances sera donc attentive aux résultats du « Ségur de la santé » qui doit notamment permettre de dégager des financements complémentaires.

Il convient, en outre, de rappeler à ce stade que l'affectation d'une ressource initialement dédiée à l'apurement d'une dette - qui n'est plus une dépense - à une nouvelle dépense dégraderait, au sens de la comptabilité nationale et des critères de Maastricht, le solde public.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances a émis un avis favorable aux deux textes.

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