EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 juin 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Alain Joyandet, rapporteur, sur le projet de loi organique n° 517 (2019-2020) et le projet de loi n°518 (2019-2020), relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, adoptés par l'Assemblée nationale.

M. Vincent Éblé , président . - Notre collègue Alain Joyandet nous présente ce matin son rapport pour avis sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie. Ces projets de loi seront examinés au fond par la commission des affaires sociales en deuxième partie de matinée, puis en séance publique les mercredi 1 er juillet et jeudi 2 juillet prochain.

M. Alain Joyandet , rapporteur pour avis . - Le Gouvernement a présenté le 27 mai dernier, un projet de loi organique et un projet de loi relatifs à la dette sociale et à l'autonomie.

Ces deux textes doivent répondre rapidement aux problèmes de financement rencontrés par les régimes sociaux depuis le début de la crise sanitaire. C'est une urgence que l'on peut comprendre. Ils abordent également la question de la dette des hôpitaux publics et préparent la prise en charge d'un risque « dépendance », en vue du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Ils ne contiennent en revanche aucune disposition liée à la réforme annoncée du système de santé. Le PLFSS pour 2021 devrait, en principe, intégrer les réformes envisagées dans le cadre du Ségur de la santé, en particulier la revalorisation des salaires, l'organisation de la filière de soins et la révision de la tarification à l'activité (T2A).

Notre commission s'est saisie pour avis de ces deux textes en raison de leurs effets sur nos finances publiques.

Ils prévoient en premier lieu une nouvelle reprise de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à hauteur de 136 milliards d'euros : 31 milliards d'euros correspondrait à la reprise de la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) au 31 décembre 2019, cette somme couvrant le déficit de la branche maladie du régime général (16,2 milliards d'euros), celui du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) (9,9 milliards d'euros), celui de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles (3,5 milliards d'euros) et celui de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) (1,2 milliard d'euros). 92 milliards d'euros seraient ensuite repris au titre des déficits cumulés de la branche maladie du régime général, du FSV, de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles pour les exercices 2020 à 2023. Enfin, les textes prévoient la reprise d'une partie de la dette des établissements publics de santé au 31 décembre 2019, soit 13 milliards d'euros. Les modalités de cette prise en charge sont appelées à être précisées à l'occasion du prochain PLFSS. Elle viserait, en tout état de cause un tiers de l'encours actuel - 30,1 milliards d'euros fin 2019 - et des frais financiers annuels, pour un montant de 8,6 milliards d'euros en 2019. Au final, cette reprise importante peut rappeler celle qui a été opérée en 2011 et qui prévoyait un transfert progressif de 130 milliards d'euros de dettes jusqu'en 2018.

La reprise programmée vise donc, en premier lieu, les déficits liés à la crise actuelle. La crise sanitaire et son volet économique résultant des mesures de confinement se traduisent, en effet, pour l'heure par un déficit agrégé de 52 milliards d'euros pour le régime général et le FSV à la fin de l'exercice 2020, au lieu des 5,1 milliards d'euros initialement prévus. Un tel déficit constitue une première : la dégradation annuelle du solde n'a dépassé le seuil de 10 milliards d'euros qu'une seule fois depuis la création du régime général. En 2009, le déficit agrégé du régime général et du FSV avait ainsi atteint 14,1 milliards d'euros.

Les dépenses à la charge de l'assurance-maladie ont été majorées de 8 milliards d'euros depuis le début de la crise de la covid-19, du fait de l'achat de dispositifs médicaux - gel, respirateurs, masques - pour le personnel soignant à hauteur de 4,5 milliards d'euros et de mesures de revalorisation des personnels soignants, pour 3 milliards d'euros.

Les recettes du régime général et du FSV se sont, dans le même temps, effondrées en raison du report et de l'exonération de charges sociales liés à l'arrêt de l'activité, de la baisse du rendement de taxes affectées à la sécurité sociale - fraction de taxe sur la valeur ajoutée, taxe sur les salaires -, mais aussi de la contraction de 9,7 % de la masse salariale. S'agissant de celle-ci, on estime que 1,2 million d'emplois seront perdus à la fin de l'année par rapport à l'année dernière, que l'emploi salarié aura reculé de 4,1 % et le salaire moyen de 5,7 %.

D'après la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), les pertes brutes de ressources pour le régime général s'élèveraient à 42,8 milliards d'euros en 2020, dont 25,1 milliards d'euros au titre des recettes pour les salariés du secteur privé ; 2,2 milliards d'euros au titre des recettes venant des indépendants, du secteur agricole et des particuliers employeurs ; 9,8 milliards d'euros au titre des recettes fiscales ; et 5,7 milliards d'euros en raison de la dégradation de la qualité du recouvrement.

La majoration des dépenses de santé pour lutter contre l'épidémie et la contraction concomitante du montant des cotisations perçues devraient porter l'encours de la dette de l'Acoss à plus de 50 milliards d'euros dès la fin de l'exercice 2020. Cette estimation reste cependant à affiner, le Gouvernement ayant fondé son calcul sur une estimation du déficit agrégé du régime général et du FSV de 41 milliards d'euros en 2020.

La capacité d'emprunt de l'Acoss a d'ores et déjà été relevée. Elle est ainsi passée de 39 milliards d'euros à 95 milliards d'euros le 20 mai dernier. Les besoins de financement devraient être stabilisés autour de 90 milliards d'euros à la fin du mois d'août. Face aux difficultés rencontrées sur les marchés en avril, un plan de financement de l'Acoss a été mis en place. Il s'appuie en majorité sur le secteur bancaire.

Le montant total de la dette transférée à la Cades s'élève, depuis sa création, à 260,5 milliards d'euros. Il restait, fin 2019, 89,1 milliards d'euros de dette à amortir. Après avoir amorti 16 milliards d'euros en 2019, la Cades prévoyait un apurement de l'ordre de 16,7 milliards d'euros en 2020 - 188,2 milliards d'euros auraient ainsi dû être remboursés à la fin 2020. La reprise par la Cades d'une nouvelle partie de la dette sociale et d'une partie de la dette hospitalière devrait augmenter l'encours de 65 milliards d'euros (+ 90 %) sur le seul exercice 2020 ; la dette restant à amortir atteindrait alors 137,4 milliards d'euros.

Le législateur organique et la jurisprudence du Conseil constitutionnel ont imposé que toute nouvelle reprise sans changement d'horizon ne saurait être effectuée sans augmentation des ressources de la Cades. La majoration de celles-ci ne devant avoir d'effet sur l'équilibre des comptes sociaux, elle ne peut intervenir qu'en cas de situation excédentaire ou si cette condition n'est pas respectée, qu'à la suite d'un relèvement des prélèvements obligatoires dédiés à la sécurité sociale. Le Gouvernement ne souhaitant pas activer ce levier, l'article 1 er du projet de loi organique reporte la date d'extinction de la Cades du 31 décembre 2025 au 31 décembre 2033. Cette prorogation nous fait paraître bien loin le temps où nous envisagions ce que nous pourrions faire des 24 milliards d'euros dédiés au financement de la Cades que l'on nous annonçait disponibles à compter de 2024...

Si je peux comprendre la reprise de la dette de l'Acoss, je note que le Gouvernement y met, en plus de la dette issue des dépenses d'assurance-maladie, des dettes liées des dépenses d'investissement - dette des hôpitaux - et à des revalorisations salariales des personnels hospitaliers intervenues à la suite de la pandémie. Une telle évolution remet en perspective la notion de dette sociale, que la Cades est chargée d'apurer. C'est particulièrement net pour la dette des hôpitaux, assimilée à une conséquence des dépenses d'assurance-maladie, alors qu'elle relève de dépenses d'investissements, en majeure partie immobiliers. Elle conduit, par ailleurs, à une inégalité de traitement avec les établissements de santé privés qui assurent le service public hospitalier, notamment les établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC).

Il était, en outre, possible de cantonner la dette Covid-19 et de la laisser à la charge directe de l'État. Le montant - environ 50 milliards d'euros - peut paraître limité au regard de la dette de l'État et les conditions de son apurement plus satisfaisantes, l'État bénéficiant de meilleures conditions sur les marchés financiers que la Cades. Je m'interroge particulièrement sur le transfert de la dette liée au financement des mesures destinées à lutter contre la pandémie et des mesures de revalorisation des traitements des personnels soignants, qui ne sont pas, par nature, des dépenses d'assurance-maladie. Je dois donc déplorer, comme je l'avais fait à l'occasion du dernier projet de loi de finances, une confusion des rôles entre ce qui doit être pris en charge par l'État et ce qui doit l'être par la sécurité sociale. Je l'avais dit pour le transfert injustifié des crédits des agences sanitaires vers la sécurité sociale, car l'Agence nationale de santé publique, Santé publique France, et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ne relèvent pas d'une logique contributive qui justifierait leur rattachement au budget de la sécurité sociale.

Concernant la prorogation de la Cades jusqu'en 2033, je m'interroge sur l'hypothèse optimiste du Gouvernement, qui table sur un rendement de 2 % des ressources de la caisse et sur un scénario macro-économique - celui qui a été utilisé pour le deuxième projet de loi de finances rectificative - qui est déjà obsolète. Le contexte économique paraissant plus sévère qu'escompté, les ressources de la Cades risquent de diminuer au moment même où elle verra son encours augmenter de façon conséquente. Il y a là un nouveau risque d'effet ciseaux...

Ces éléments de fragilité, comme l'augmentation conséquente de l'encours, pourraient aussi dégrader les conditions d'emprunts de la Cades sur les marchés financiers. La Cades emprunte aujourd'hui à des taux relativement bas, même si un renchérissement est observé depuis 2016 : son taux de financement s'établissait à 2,14 % au 30 juin 2019 contre 1,61 % en 2016. L'augmentation constatée du taux de financement, dans un contexte de politiques monétaires non conventionnelles très accommodantes, tenait jusque-là au fait que la Cades émettait beaucoup moins de dettes qu'elle n'en remboursait et ne bénéficiait donc que peu des taux très bas actuels. L'étude d'impact des projets de loi table désormais sur une poursuite du renchérissement du coût de l'endettement, estimé à 2,25 % sur la période 2020-2033. On est d'ailleurs loin des taux observés pour l'État, même si la dette de la Cades est, comme celle de l'État, gérée par l'agence France Trésor.

La reprise de la dette de l'Acoss ne doit pas, par ailleurs, conduire à geler toute réforme du financement des régimes sociaux. La reprise de la dette mise en oeuvre en 2010 n'a pas été accompagnée de mesures pour réduire les déficits courants du régime général et du FSV. Seul un retournement de conjoncture a laissé entrevoir, en 2018, un rapide retour à l'équilibre. La crise actuelle ne peut servir de blanc-seing à une nouvelle dérive des comptes sociaux, qui conduiraient à de nouvelles prorogations de la Cades.

La prolongation de huit années de la durée de la vie de la Cades remet en question une nouvelle fois des engagements pris envers les générations futures. La diminution des prélèvements obligatoires attendue en 2024 avec la disparition annoncée de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) est, quant à elle, abandonnée.

S'agissant de la création de la cinquième branche « autonomie », je crois qu'elle relève avant tout d'une logique d'affichage, puisque ces textes ne changent pas les modalités de financement des prises en charge, pas plus qu'ils ne créent de prestations nouvelles.

Le financement prévu à compter de 2024, via l'affectation d'une partie de la fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) initialement dédiée à la Cades, peut, en outre, apparaître insuffisant face à la montée en charge du risque de dépendance. Ce montant est estimé à 2,3 milliards d'euros par an, quand le rapport de Dominique Libault, publié l'an dernier, évalue les besoins entre 6 et 9 milliards d'euros par an. Ce transfert risque aussi de fragiliser les ressources de la Cades et il devrait contribuer à dégrader un peu plus la dette publique. Il faudra donc être attentif aux résultats du Ségur de la santé, qui doit, notamment, identifier des financements complémentaires. Je rappelle que l'affectation d'une ressource initialement dédiée à l'apurement d'une dette, qui n'est plus une dépense, à une nouvelle dépense dégraderait le solde public, au sens de la comptabilité nationale et des critères de Maastricht. S'agissant de ces textes, il est évident que la dette doit être inscrite quelque part, de même que nous comprenons bien que la crise sanitaire s'accompagne de dépenses nouvelles. Il est cependant question d'autre chose ici, ce qui rend notre prise de position plus délicate. D'après les informations dont je dispose, la commission des affaires sociales est sur la même ligne que nous, et elle déposera probablement des amendements. Même si j'émets de fortes réserves, je vous propose un avis favorable sur ces deux textes.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pour ma part, ma position est très réservée. Même si nous comprenons parfaitement que la crise conjoncturelle est très importante, ces deux textes comprennent des options très discutables qu'il s'agisse de la reprise de la dette hospitalière par la Cades, alors qu'elle pourrait l'être par l'État, mais aussi sur la prolongation de la dette, alors qu'elle devait s'éteindre, et ce sans que l'on en débatte plus que cela dans la société - il est vrai qu'en ce moment on vote parfois facilement des mesures aux montants importants...

Par ailleurs, ces textes avancent sur le cinquième risque, sans rien régler du financement : le sujet mérite mieux et plus que ces transferts et autres bricolages, nous en débattrons en séance plénière. Il convient aussi de souligner que notre situation est fragile, qu'elle est menacée par toute remontée des taux d'intérêt. Regardons autour de nous : l'Italie ne pouvait plus emprunter, alors même qu'elle est devenue plus sérieuse que nous dans sa gestion des comptes publics, tout en dégageant un excédent primaire...

Mme Nathalie Goulet . - Comme rapporteur spécial sur les engagements financiers de l'État, je suis saisie par les chiffres astronomiques dont il est question ces temps-ci. J'aimerais que nous parlions davantage des contrôles, nous savons qu'il y a eu de la fraude au chômage partiel. Nous nous interrogeons sur le périmètre que retiendra la commission des affaires sociales pour ce texte. Dans l'immédiat, nous suivrons le rapporteur, en partageant ses grandes réserves.

Mme Sophie Taillé-Polian . - Nous partageons les interrogations du rapporteur. La crise a certes un effet majeur, nous parlons du montant, très important de 136 milliards d'euros de dette sociale. Cependant, ce total comprend des dépenses qui ne relèvent pas de la sécurité sociale, comme la compensation de congés d'absence de personnes susceptibles d'être malades, ou bien en arrêt maladie pour garde d'enfant, ou encore des reports ou annulations de cotisations qui sont censés être compensés par l'État. Ensuite, nous comprenons mal qu'on choisisse la Cades, qui a des conditions d'emprunt moins favorables que l'État. De même, on nous dit qu'il y en aurait pour huit ans de prorogation, mais que savons-nous de la durée de la crise et de ses conséquences financières ? Enfin, j'ai de mauvais souvenirs de transferts de dépenses sur l'Unedic, notamment les charges du service public de l'emploi : on nous a ensuite dit que l'excès de dépenses ne laissait pas d'autre alternative que de baisser les droits des chômeurs, au point que, aujourd'hui, un chômeur sur deux n'est pas indemnisé. Nous sommes donc méfiants, et nous voterons contre.

M. Jean-François Rapin . - Les interrogations sont nombreuses, effectivement. Comme médecin généraliste, j'ai vu sur le terrain que, dans l'urgence de la crise, tous les verrous de la prise en charge ont été levés. Cela se comprend, mais c'est inédit : dès lors qu'il y avait suspicion de maladie liée à la Covid-19, tous les actes ont été pris en charge à 100 % par la sécurité sociale, et chacun, médecin comme patient, s'est senti tout à fait libre de le faire. Les mutuelles en ont probablement fait leurs choux gras, diminuant leur participation. Cet épisode doit nous servir d'alerte : regardons quels peuvent être et quels doivent être les verrous face à une dépense publique inappropriée.

Sur la dette, ensuite, je suis inquiet. Alors que notre pays va s'endetter très massivement avec son plan de relance, que l'Union européenne va faire de même, nous reportons la dette de la Cades ? Que va-t-on gérer dans quelques années, à part de la dette ? Est-ce un projet de société que de rembourser de la dette ? Je le dis sans avoir de solution, mais cette question est très préoccupante.

Enfin, la fongibilité des budgets n'est pas une bonne chose : distinguons la dette sociale et la dette de l'État.

M. Michel Canevet . - Les propos de Jean-François Rapin confirment mon diagnostic : la France ne pourra se maintenir championne d'Europe de la protection sociale... à crédit ! Monsieur le rapporteur, les chiffres vertigineux que vous nous présentez comprennent-ils au moins l'ensemble des dettes reprises par la Cades ? Qu'est-il censé se passer après 2033 : un retour à l'équilibre, ou bien une nouvelle prorogation ?

M. Jérôme Bascher . - On ne parle pas de la dette de l'Unedic, qui n'est pas reprise par la Cades - donc la dette sociale est plus importante encore. En 1995, la Cades a été créée pour dix ans, le Gouvernement nous assurait alors qu'elle devrait fermer en 2005... puis tous les dix ans nous l'avons reconduite - pourquoi tous les dix ans ? Parce que cela correspond à l'échéance des prêts ?... Nous savons bien qu'en 2033 d'autres déficits seront intervenus, que la Cades aura dû reprendre...

La gestion d'actifs, ensuite, mérite qu'on s'y attarde. La Cades est moins performante que d'autres agences publiques, ce qui est inquiétant.

Enfin, il n'y a aucun sens à lancer la couverture d'un cinquième risque sans en prévoir le financement. Il y a plus de dix ans que nous en débattons, nous sommes prêts, mais pas en commençant par un déficit... C'est pourquoi Jean-François Husson et moi-même, nous nous abstiendrons.

Mme Sylvie Vermeillet . - Je vous rejoins parfaitement, monsieur le rapporteur, pour dire que les transferts de dette doivent être transparents, et qu'il y a dans ces textes un désagréable mélange des genres entre ce qui relève de la sécurité sociale et ce qui relève de l'État.

Ensuite, sans vouloir faire du catastrophisme, je fais remarquer que le solde du système de retraites ne va pas s'arranger. Avant la crise sanitaire, nous projetions une réforme qui devait conduire à l'équilibre vers 2026 : cet équilibre s'éloigne, c'est certain, nous en débattons au sein du Conseil d'orientation des retraites (COR). Aussi avons-nous besoin d'un débat plus global pour des projections consolidées, y compris pour la couverture d'un cinquième risque.

M. Patrice Joly . - Le fait que la France soit championne en matière de protection sociale ne me gêne pas, je pense même qu'elle doit le rester puisque la pauvreté augmente dans notre pays. Je crains qu'on ne noircisse le tableau... Vous dites que les reports de charges accroissent la dette, alors qu'ils restent des créances... Ensuite, il faut raisonner en termes financiers et pas seulement budgétaires, et mettre les chiffres en perspective. Le confinement aurait sauvé 60 000 vies : la richesse économique de chacune d'elle pouvant être évaluée entre 3 et 5 millions d'euros, la dette elle-même devrait être mise en balance avec ces quelques 240 milliards d'euros de sauvés...

M. Pascal Savoldelli . - Attention, dans l'exercice pas facile que nous faisons aujourd'hui, des mesures comme le report des cotisations sociales, nous les avons adoptées à l'unanimité, il faut assumer...

Nous augmentons le plafond d'endettement de l'Acoss, à 90 milliards d'euros : j'en suis heureux, parce que je suis fier de notre modèle social français - et ceux qui le dénoncent aujourd'hui sont priés d'en inventer un autre. Notre rapporteur a raison, ensuite, de nous alerter sur le fait que nous sommes pieds et poings liés aux marchés financiers - cela me fait repenser au débat sur le financement de la Caisse des dépôts et consignations, je le dis sans nostalgie, mais avec l'idée qu'on devrait peut-être examiner les conditions d'une certaine maîtrise publique de l'endettement. Enfin, tout le monde n'a pas subi la crise de la Covid-19 de la même façon : les mutuelles et les assurances ont réalisé de substantielles économies. Nous avons débattu de l'idée d'une contribution du régime assurantiel, nous n'avons pas toutes les solutions clés en main, mais il faut y regarder de plus près...

M. Didier Rambaud . - Entendre dire qu'un chômeur sur deux n'est pas pris en charge, c'est savoureux, sachant notre niveau de protection sociale : 12 millions de Français ont vu leur salaire assuré par le chômage partiel, nous sommes le seul pays au monde à l'avoir fait - je ne suis pas certain que les Français s'en rendent compte.

Chacun ici veut tenir les cordons de la bourse, mais nous savons aussi qu'en rentrant chez nous nous allons retrouver des représentants de professions qui vont nous demander des efforts supplémentaires, qui vont trouver que le législateur n'en fait pas assez pour eux. Or, si nous ne voulons pas augmenter les impôts, je ne vois pas d'autre solution que d'en passer par la dette. Et seule la reprise de la dette par la Cades sécurisera les dépenses. Enfin, voilà plus de quinze ans que l'on reporte le sujet de la cinquième branche de la sécurité sociale : il est temps de l'ouvrir.

M. Thierry Carcenac . - J'attire votre attention sur le financement des dépenses sociales par une fraction de la TVA : c'est un problème quand, avec le repli économique, la TVA diminue ; il faut en examiner l'impact. Ensuite, tout le monde souhaite la couverture d'un cinquième risque, mais le Gouvernement avance le chiffre de 2,3 milliards d'euros via une ponction de la CSG, alors que les besoins sont estimés entre 6 et 9 milliards d'euros : il faut clarifier ce point.

M. Alain Joyandet , rapporteur pour avis . - Merci pour votre contribution au débat, nous partageons très largement le diagnostic, et personne n'a de solution facile, ce qui rend l'exercice particulièrement difficile. Tous vos commentaires n'appellent pas de réponse de ma part, je me contenterai de vous livrer quelques éléments, en attendant le débat en séance plénière.

Oui, nous avons besoin de plus de contrôles face au risque de fraudes, c'est une question importante.

Les prévisions du Gouvernement sont-elles fiables ? On sait que des chiffres sont encore très hypothétiques, la réalité peut être pire qu'annoncée, nous aurons encore des surprises.

La Cades ferait moins bien que d'autres agences publiques dans la gestion de ses actifs ? Je n'ai pas d'information sur ce point, mais ce qui est certain, c'est que la dette se maintient, tous gouvernements confondus.

Le cinquième risque, ensuite, nous y sommes favorables, bien entendu, mais nous n'avons ici qu'un effet d'annonce, faute de financement : le bât blesse.

Le déficit du régime des retraites va se creuser, c'est effectivement une mauvaise nouvelle, il faut en tenir compte.

Les reports de charges risquent d'aggraver les dépenses, car certains reports seront nécessairement transformés en abandons de charge du fait de difficulté à revenir à meilleure fortune ou de dépôts de bilan.

Oui, nous avons voté le report des charges et nous assumons nos votes, c'est ce qui m'a poussé à émettre un avis favorable. De même, je suis sensible à l'idée que, pendant la crise, tout le monde n'a pas souffert : il faudra effectivement y regarder de plus près.

Dans le fond, voilà des années, voire des décennies, que la France a des dépenses supérieures à ses recettes, et qu'elle s'en sort tant que son économie va plutôt bien. Mais quand survient un drame qui coûte 50 milliards d'euros et que les déficits sont déjà partout, nous n'avons que le choix entre la peste et le choléra... Je maintiens donc mon avis favorable.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Oui, nous assumons nos votes en responsabilité. Cependant, cette prorogation de la Cades, la création non financée d'un cinquième risque et la reprise de la dette des hôpitaux me posent problème : je m'abstiendrai.

La commission émet un avis favorable sur le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie

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