B. UN MONTAGE FRAGILE, FORTEMENT MIS À MAL PAR LA CRISE, QUI FRAGILISE IN FINE LE FINANCEMENT DE L'INNOVATION

1. La conception du Fonds est loin de garantir la pérennité du financement de l'innovation

Le Gouvernement a constamment répété que la création du FII doit permettre de stabiliser et garantir un financement de l'innovation à hauteur de 250 millions d'euros par an, à partir de produits de cessions de titres dont les dividendes versés étaient, au contraire, fluctuants. Or rien ne garantit cette stabilité.

En effet, une clause de revoyure décidée en 2018 16 ( * ) prévoit qu'en 2023, si le rendement de l'OAT (50 ans) s'est révélé inférieur à 2,5 %, la rémunération versée sera diminuée et ajustée à l'avenir, mais également révisée pour le passé, c'est-à-dire que le trop-versé pourra être récupéré. Compte tenu de la probabilité que le rendement de l'OAT soit effectivement inférieur à 2,5 %, la rapporteure alerte donc sur le caractère très vraisemblable d'une baisse du financement de l'innovation de rupture à compter de 2023.

2. La crise sanitaire affecte en outre le rendement du FII

En 2018, la dotation en titres a permis au Fonds de dégager 265 millions d'euros de dividendes. Il est à noter que 68 % de cette somme (180 millions d'euros) correspond en réalité à un rachat par l'État, à partir du solde du compte d'affectation spéciale, des titres EDF détenus par le FII. Autrement dit, alors que l'objectif était de pérenniser le financement de l'innovation en le faisant découler des rendements générés par le Fonds, et non plus d'une dotation budgétaire soi-disant soumise à contingences, c'est bien une dotation budgétaire de près de 200 millions d'euros qui a permis ce financement... Cette complexité supplémentaire illustre à nouveau l'usine à gaz budgétaire que représente ce Fonds, n'apportant aucune plus-value mais des difficultés bien concrètes.

En 2019, la dotation en titres a permis au Fonds de dégager 220 millions d'euros (dont 121 millions d'euros sous forme de titres rachetés par l'État 17 ( * ) ).

En 2020, le rendement des titres devrait être de seulement 66 millions d'euros, provenant intégralement des actions de Thalès. En effet, le Gouvernement a demandé aux sociétés dont il est actionnaire de ne pas verser de dividendes. L'Agence des participations de l'État prévoit dans le cas de ressources aussi faibles cinq mécanismes de compensation, comme l'utilisation de ressources plus élevées qu'anticipées sur les années précédentes, l'adaptation du rythme de programmation, d'engagement et de décaissement du FII, ou des dotations supplémentaires en numéraire.

Ces « filets de sécurité » impliquent donc soit la mobilisation du budget général (alors même que la création du Fonds visait à placer le financement de l'innovation en dehors de ce budget), soit de modifier les versements prévus aux acteurs de l'innovation : en aucun cas la stabilité du financement de l'innovation, argument principal du Gouvernement, ne serait alors au rendez-vous.

En outre, compte tenu de l'impact de la crise sanitaire sur les marchés financiers, l'Agence des participations de l'État a confirmé à la rapporteure que toute nouvelle dotation en numéraire du Fonds est suspendue. La période transitoire, dans laquelle le Fonds est composé de façon hybride à la fois de liquidités et de titres, semble donc être amenée à perdurer encore longtemps.


* 16 Art. 3 de l'arrêté du 7 août 2018 relatif à l'ouverture d'un compte rémunéré au nom de l'établissement public Bpifrance, dans le cadre de la constitution du Fonds pour l'innovation et l'industrie.

* 17 Ce montant est majoré de 186 000 € acquittés au titre de la taxe sur les transactions financières.

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