B. LA GRANDE DISPONIBILITÉ DES DROGUES ILLICITES FAIT PESER UNE FORTE PRESSION SUR LES CONSOMMATEURS

Le contexte mondial, marqué par des niveaux de production de drogues illicites jamais atteints engendre des niveaux de teneur en substance particulièrement élevés ainsi que la baisse des prix de détails. La grande disponibilité des produits fait peser une forte pression de l'offre sur les usagers de drogues illicites notamment en Europe, avec des procédés commerciaux qui imitent ceux des entreprises de droit commun : zéro stock, livraison à domicile, promotions proposées par texto quasi publicitaire...

Lors du confinement strict du printemps 2020, 70 % des Centres d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (Caarud) et 80 % des Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) ont maintenu un accueil individuel des usagers les plus à risques, tout en arrêtant évidemment les séances collectives d'accompagnement des usagers et en privilégiant les téléconsultations. Ces centres ont aussi continué à délivrer du matériel de réduction des risques et des dommages, mais leur activité était nécessairement réduite. Pour prendre l'exemple de la salle de consommation à moindre risque de Paris, sa fréquentation a significativement baissé, la jauge étant limitée à une soixantaine de personnes par jour et l'espace d'inhalation étant condamné. Les consultations jeunes consommateurs ont également maintenu une activité par téléphone ou visio-conférence. Comme pour l'ensemble des traitements médicamenteux au long cours, les pharmacies ont pu délivrer des traitements de substitution aux opiacés (TSO) sans renouvellement d'ordonnance, et la délivrance de TSO n'a pas diminué lors du confinement. Le ministère des solidarités et de la santé a favorisé la diffusion de kits de naloxone « à emporter » pour les usagers à risques de surdose d'opioïdes et leur entourage ; les commandes de kits de naloxone sont d'ailleurs en augmentation depuis cette campagne de prévention.

En France, les usagers d'opioïdes restent tournés vers les médicaments de substitution, l'héroïne et certains antalgiques tel que le Skénan (sulfate de morphine). Mais la consommation de drogues opioïdes (héroïne, mésusage des traitements de substitution) reste relativement stable, comparativement à l'accroissement continu de l'usage de cocaïne sous toutes ses voies d'administration. L'extension de la consommation de crack s'est faite à bas bruit depuis une quinzaine d'année - la capacité de baser la cocaïne s'est développée concomitamment aux usages. Or l'association de la cocaïne et de l'alcool majore fortement le risque de décès par arrêt cardiaque. Pour répondre aux enjeux sanitaires et sociaux découlant de ces consommations, un plan de mobilisation coordonnée sur la problématique du crack à Paris est en entré en application en 2019 pour une période de deux ans. Les salles de consommation à moindre risques peuvent désormais accueillir un public `'non-injecteur » et contribuer ainsi à la réduction des risques pour les usagers de cocaïne basée. Les deux structures existantes en France (à Paris et Strasbourg) semblent très insuffisantes eu égard aux besoins sur l'ensemble du territoire national. Rappelons que 26 salles de consommation à moindre risque fonctionnent actuellement en Allemagne.

Évolution des substances impliquées dans les décès directement liés aux drogues en France entre 2010 et 2017

L'une des réponses des pouvoirs publics à ces usages de stupéfiants, l'amende forfaitaire délictuelle, a été généralisée au 1 er septembre 2020, après une phase d'expérimentation débutée mi-juin 2020. Cette mesure répressive, qui uniformise la réponse à la consommation sans tenir compte de ses causes, n'est malheureusement pas accompagnée de mesures de prévention ou d'information. En outre, elle ne s'applique pas aux mineurs qui demeurent les plus vulnérables en matière de consommation de cannabis - les effets néfastes des consommations de cannabis sur les jeunes cerveaux étant désormais tout à fait documentés scientifiquement. Cette amende s'appliquera particulièrement aux usagers les plus défavorisés, contraints de consommer dans l'espace public. Les 10 à 12 millions d'euros attendus suite à cette réforme seront reversés au fonds national de lutte contre les addictions de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).

Face à la recrudescence de l'usage détourné du protoxyde d'azote, le Sénat a adopté une proposition de loi, le 11 décembre 2020, tendant à protéger les mineurs des usages dangereux de ce produit à très faible coût (20 à 50 centimes d'euros la cartouche). En 2019, 25 signalements d'effets sanitaires sévères ont été notifiés et 66 intoxications au protoxyde d'azote recensées par les centres antipoison. Les symptômes sont principalement neurologiques et neuro musculaires. En juin 2020, la Mildeca a mis à disposition plusieurs supports de communication digitale. Suite aux récents propos volontaristes du ministre de l'Intérieur à ce sujet, le souhait de votre commission est que le processus parlementaire débuté à la fin de l'année 2019 se poursuive le plus rapidement possible.

On note en outre une augmentation des usages de kétamine, un médicament anesthésique dont l'usage récréatif a émergé au cours des années 1990 et qui est l'objet d'un puissant effet de mode. Le GHB-GBL, consommé par des usagers bien insérés fréquentant les milieux festifs, alternatifs ou commerciaux, se vend à un prix moindre que celui de l'alcool et a des effets plus limités dans le temps. Sa consommation s'exporte hors des lieux usuels festifs et alternatifs ; loin du regard des pairs, la consommation est plus risquée car les réflexes de réduction des risques et des dommages disparaissent.

S'agissant des addictions sans substance, la crise sanitaire et les confinements ont renforcé les usages d'écrans, notamment pour les enfants déscolarisés. Lors du confinement du printemps 2020, les compétitions sportives étant annulées, les joueurs se sont massivement tournés vers le poker en ligne, avec près de 500 000 joueurs actifs par semaine en moyenne au 2e trimestre 2020 contre 264 000 l'année précédente et une augmentation des mises de 35 % en moyenne. Le nombre de paris hippiques a également progressé de 33 % par rapport à l'année précédente. Les addictologues alertent sur la dangerosité des jeux d'argent et de hasard en ligne, qui cumulent deux aspects très addictifs : le hasard et les écrans. Or c'est principalement l'activité des jeunes joueurs qui a explosé au 2e trimestre 2020 : + 73,5 % chez les 18-34 ans.

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