II. DES DISPOSITIFS EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI QUI CONNAÎTRAIENT DES ÉVOLUTIONS DIVERSES

A. UNE BAISSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES RÉSULTANT ESSENTIELLEMENT DE LA DÉBUDGÉTISATION DE L'ACTIVITÉ PARTIELLE

1. Une prolongation forcenée du dispositif des emplois francs en dépit de résultats décevants
a) L'élargissement du dispositif malgré des résultats en deçà des objectifs

Alors qu'un dispositif similaire avait échoué au cours du quinquennat précédent, la loi de finances pour 2018 6 ( * ) a prévu de relancer, à titre expérimental, le dispositif des emplois francs, qui correspond à une promesse de campagne du président de la République.

Ce dispositif consiste en une aide pour l'embauche d'un demandeur d'emploi résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). L'aide s'élève à 5 000 euros par an pendant trois ans pour un recrutement en CDI et à 2 500 euros par an pendant deux ans pour un CDD.

Cette expérimentation devait permettre la conclusion de 25 000 contrats entre avril 2018 et décembre 2019.

Face au démarrage très poussif de ce dispositif (4 000 contrats conclus en 2018), le Gouvernement a décidé en cours d'expérimentation d'une part de l'assouplir 7 ( * ) et d'autre part de l'élargir à 740 QPV au lieu des 194 initialement prévus 8 ( * ) . Malgré cet élargissement, le nombre de contrats conclus au terme de la période initiale d'expérimentation était d'environ 19 400 9 ( * ) .

Ces résultats entraînent une sous-consommation récurrente des crédits votés et peuvent conduire à s'interroger sur la pertinence de consacrer de telles sommes à ce dispositif.

Source : Documents budgétaires
Selon la DGEFP, les crédits consommés en 2020 s'élèveraient à 70 millions d'euros.

Pourtant, le Gouvernement a fait le choix de prolonger l'expérimentation en la généralisant à compter du 1 er janvier 2020 à l'ensemble des QPV du territoire national et en fixant un objectif de 40 000 contrats conclus entre le début de l'expérimentation et le 31 décembre 2020.

Comme le rapporteur pour avis l'avait noté l'an passé, ces nouveaux objectifs traduisent une révision à la baisse des ambitions du Gouvernement. En effet, la cible en termes de nombre de contrats conclus par mois d'expérimentation (1 250) est demeurée inchangée malgré le passage de 194 QPV à plus de 1 300.

b) La nouvelle prolongation en 2021 malgré l'absence d'évaluation du dispositif

Au 1 er novembre, 16 266 contrats avaient été conclus sur l'année 2020, portant le total à un peu moins de 35 000 depuis avril 2018. Ainsi, malgré la révision à la baisse de l'ambition affichée, les résultats observés demeurent inférieurs aux attentes. De plus, aucune évaluation ne permet de s'assurer que ce dispositif ne crée pas d'importants effets d'aubaine en subventionnant des emplois qui auraient de toutes façons été créés ou en provoquant un effet d'éviction au détriment de candidats à l'embauche ne résidant pas dans les QPV.

Néanmoins, le Gouvernement a une nouvelle fois prolongé ce dispositif, par un décret du 21 octobre 2020 10 ( * ) . Le projet annuel de performance table sur la conclusion de 30 000 nouveaux contrats en 2021, ce qui peut apparaître optimiste au regard des résultats enregistrés jusqu'à présent.

Les crédits correspondant s'élèveraient à 107,2 millions d'euros pour 2021 et 317,1 millions d'euros en autorisations d'engagement. Ces crédits représentent l'essentiel des crédits de la sous-action « Développement de l'emploi en TPE-PME », ce qui curieux dans la mesure où les emplois francs ne sont pas réservés aux petites et moyennes entreprises.

Les emplois francs : un exemple du mauvais usage des expérimentations

Le dispositif expérimental des emplois francs est issu d'un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2018, déposé au stade de l'examen en séance publique. Il n'a donc pas fait l'objet d'une étude d'impact.

L'expérimentation autorisée par le Parlement devait être menée du 1 er avril 2018 au 31 décembre 2019, un rapport d'évaluation devant être remis par le Gouvernement au plus tard le 15 décembre 2019.

Sans avoir produit d'évaluation, et alors que les résultats étaient largement en deçà des objectifs fixés, le Gouvernement a décidé, par voie règlementaire, de prolonger l'expérimentation en l'étendant à l'ensemble du territoire national.

Le dispositif serait à nouveau prolongé en 2021.

Cette méthode ne peut être satisfaisante ni du point de vue de la bonne gestion des deniers publics ni du point de vue de la bonne information du Parlement et le fait que ce dispositif ait figuré dans le programme électoral du Président de la République ne saurait le dispenser d'une évaluation plus rigoureuse.

c) Le lancement des « emplois francs + »

Le décret du 21 octobre 2020 a prévu de renforcer temporairement l'aide accordée pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans entre le 15 octobre 2020 et le 31 janvier 2021. Ces « emplois francs + » bénéficieraient ainsi, au titre de la première année d'une aide de 7 000 euros pour un CDI et 5 000 euros pour un CDD.

Le supplément de dépense correspondant est financé au titre du plan de relance, à hauteur de 3,8 millions d'euros.

On peut se demander quel effet de levier aura la majoration de 2 000 euros de l'aide accordée pour une embauche en CDI et on peut craindre certains effets d'aubaine.

Votre rapporteur note par ailleurs que l'inscription de ces crédits supplémentaires au sein du plan de relance suggère que ce dispositif n'est pas un outil de lutte contre le chômage structurel mais bien une mesure qui ne peut se justifier que dans un contexte de crise sanitaire.

2. Une débudgétisation de l'activité partielle

L'activité partielle devait en 2020 occasionner une dépense de 99 millions d'euros pour l'État. Il s'agit en effet en temps normal d'un dispositif visant à aider ponctuellement les entreprises confrontées à des difficultés conjoncturelles ou à des circonstances exceptionnelles (sinistre, intempéries...).

Le confinement de la population puis le maintien de mesures de fermeture administrative ou de restriction de la circulation ont entraîné un recours accru à l'activité partielle, alors que le Gouvernement a par ailleurs décidé de son extension à de nouvelles catégories de salariés et la couverture à 100 % de l'indemnité versée par les employeurs à leurs salariés (dans la limite de 4,5 SMIC).

Le rapporteur approuve ces mesures qui sont apparues indispensables et qui ont permis de fortement limiter les faillites d'entreprises et les destructions d'emploi.

L'activité partielle ayant largement changé de nature pour devenir un outil de soutien à l'économie, les crédits complémentaires prévus par les lois de finances rectificatives votées en cours d'exercice 2020 ont été inscrits au sein de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Ces crédits pourraient atteindre 34 milliards d'euros en 2020.

En 2021, aucun crédit n'est prévu pour le financement de l'activité partielle au sein du programme 103, mais 4,4 milliards d'euros sont prévus au titre du plan de relance.

Ce choix peut interroger dans la mesure où le recours à l'activité partielle ne peut s'inscrire dans une logique de relance économique, mais bien de soutien à l'emploi. Surtout, ce choix fausse la lecture des crédits de la politique de l'emploi.

En dehors de cette mesure de périmètre, les crédits dédiés aux actions en faveur du reclassement des salariés seraient stables (20,22 millions d'euros).

3. Une baisse des autres dépenses au titre du soutien aux PME

L'enveloppe budgétaire confiée aux Direccte pour financer leur offre de services en gestion des ressources humaines à destination des TPE et des PME passerait de 64,18 millions d'euros à 55,46 millions d'euros, dont 14 millions d'euros au titre des contrats de plan État-région.

L'aide à l'embauche dans les PME, dispositif désormais éteint, ne donnerait plus lieu à aucune dépense en 2021 alors qu'un reliquat de dépenses de 20 millions d'euros était prévu pour 2020.

Les différentes mesures d'âge (allocations spéciales du fonds national de l'emploi et contrat de professionnalisation senior) représenteraient une dépense de 3,7 millions d'euros en 2021, contre 5,3 millions d'euros en 2020.


* 6 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 - Art. 175.

* 7 Décret n° 2019-365 du 24 avril 2019 modifiant le décret n° 2018-230 du 30 mars 2018 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.

* 8 Arrêté du 22 mars 2019 modifiant l'arrêté du 30 mars 2018 fixant la liste des territoires éligibles au dispositif expérimental « emplois francs ».

* 9 Selon des RAP des années 2018 et 2019, environ 4 000 contrats ont été conclus en entre avril et décembre 2018 et 15 405 en 2019.

* 10 Décret n° 2020-1278 du 21 octobre 2020 relatif aux emplois francs.

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