CHAPITRE II :
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX TRANSPORTS AÉRIENS

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a examiné, le 17 novembre 2020, le rapport pour avis de Mme Évelyne Perrot sur le projet de loi de finances pour 2021 sur les crédits relatifs aux transports aériens, profondément affectés par la crise sanitaire de Covid-19.

La baisse importante des recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA), qui retrace les crédits relatifs aux activités de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), conduira à une hausse inévitable de son endettement. En dépit de cette situation, la rapporteure salue la volonté de la DGAC de maintenir son effort d'investissements
- qui permettra de moderniser le contrôle aérien et, en retour, d'accroître la performance environnementale des vols - associé à une maîtrise accrue des dépenses.

Néanmoins, au nom de la solidarité nationale avec les territoires les plus enclavés, elle appelle l'État à jouer son rôle de garant de la continuité territoriale du pays par un accroissement de son soutien aux lignes d'aménagement du territoire (LAT), afin de compenser le coût supporté par les collectivités territoriales en 2020 en raison de la crise sanitaire. La commission a adopté un amendement n° II-101 allant dans ce sens.

Par ailleurs, la rapporteure demande à ce que l'État tire les conséquences de la baisse des recettes affectées au financement de la sûreté et de la sécurité dans les aéroports et des travaux d'insonorisation à leur proximité, en accordant une avance sur la taxe d'aéroport et une compensation sur la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TSNA). En particulier, l'absence de compensation des pertes de recettes de TSNA porterait un préjudice sévère à une politique essentielle pour l'acceptation du transport aérien par les riverains. La commission a adopté deux amendements n° II-102 et n° II-100 allant dans ce sens.

Malgré ces réserves, la commission a donc émis un avis favorable sur ces crédits pour 2021.

Présentant plus largement les perspectives d'évolution pour les années à venir, la rapporteure a rappelé que les soutiens accordés au secteur ne devaient pas constituer une échappatoire, qui exonérerait les pouvoirs publics et le secteur d'une réflexion à mener sur l'empreinte environnementale du transport aérien et d'actions fermes à mener pour la contrôler et la réduire.

En raison de la crise sanitaire de Covid-19, le trafic a connu un recul majeur et inédit, qui devrait se prolonger en 2021.

- En 2020 : prévision de baisse de 60 % 21 ( * ) à 70 % 22 ( * ) par rapport à 2019 ;

- En 2 021 : prévision de baisse de 30 % 23 ( * ) à 50 % 24 ( * ) par rapport à 2019.

Le retour au niveau de trafic de 2019 n'est pas attendu avant 2024, dans le scénario le plus optimiste, et 2029, dans le scénario le plus pessimiste 25 ( * ) .

I. LES CRÉDITS ET RECETTES ASSOCIÉS AU TRANSPORT AÉRIEN, À L'ÉPREUVE DE LA CRISE SANITAIRE

A. UN BUDGET ANNEXE AFFECTÉ PAR LA CRISE DE COVID-19

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ( BACEA ) retrace les crédits relatifs aux activités de la direction générale de l'aviation civile ( DGAC ).

Il est composé de trois programmes distincts :

- le programme 612 « Navigation aérienne » , destiné au financement des activités de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), chargée de rendre les services de la navigation aérienne sur le territoire national et dans les espaces aériens confiés à la France par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) ;

- le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile » , qui regroupe les crédits de l'ensemble des fonctions supports de la DGAC (finances, systèmes d'information, ressources humaines, logistique) ;

- le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification », qui porte les crédits relatifs à l'exercice des compétences de la DGAC en matière de régulation économique, de développement durable et de respect par l'ensemble des acteurs des règles qui leur sont applicables, en particulier en matière de sécurité et de sûreté.

1. Des recettes directement affectées par la chute du trafic

L'arrêt brutal du trafic aérien lors du premier semestre 2020 et sa lente reprise affectent tout particulièrement les recettes du budget annexe , par ailleurs obérées par les mesures de soutien aux compagnies aériennes leur permettant de reporter le paiement des taxes et des redevances 26 ( * ) .

La loi de finances pour 2020 prévoyait des recettes d'exploitation atteignant 2,067 milliards d'euros. Ce niveau de recettes devrait au final être inférieur de 80 % à cette prévision (440 millions d'euros, selon les dernières estimations réalisées à la mi-août).

La lente reprise du trafic ne devrait pas conduire à une amélioration marquée de la situation pour l'exercice 2021 : les recettes pourraient ainsi être inférieures d'un tiers (1,509 milliard d'euros) aux recettes encaissées en 2019, dans l'hypothèse retenue par le Gouvernement d'une prévision de trafic inférieure à 30 % du trafic constaté en 2019.

Dans la réponse au questionnaire adressé par la commission, la DGAC reconnaît que « cette prévision doit être considérée avec une extrême prudence au regard des fortes incertitudes et devra être mise en regard de la dynamique de reprise du trafic en 2021, notamment lors de la période estivale ». Les recettes effectives du BACEA en 2021 dépendront également « de la capacité des compagnies aériennes à honorer leurs paiements , celle-ci étant directement liée au niveau de trésorerie dont elles disposent donc, en particulier, à la reprise des réservations liée l'évolution de la crise sanitaire ».

2. Malgré la crise, le maintien d'une stratégie pertinente associant effort d'investissements et maîtrise accrue des dépenses

En 2021, le montant total des dépenses du BACEA s'élèvera à 2,272 milliards d'euros , en hausse de 131 millions d'euros par rapport à celui retenu dans la précédente loi de finances (2,141 milliards d'euros).

Cette hausse est largement imputable aux effets de la crise sanitaire . Pour faire face à la chute brutale des recettes du budget annexe, le droit de recours à l'emprunt a été majoré par les deux lois de finances rectificatives adoptées au cours du premier semestre 2020 et porté à hauteur de 1,25 milliard d'euros 27 ( * ) . Il résulterait des emprunts ainsi permis par le législateur un niveau d'endettement important sur l'exercice 2020 (+ 1,4 milliard d'euros) pour atteindre un encours total, à la fin de l'année, de 2,1 milliards d'euros.

Cet endettement largement accru se traduit d'ores et déjà par un renchérissement du coût de la dette de 135 millions d'euros en 2021 , dont 115 millions pour le remboursement du capital et 20 millions pour le remboursement des intérêts de la dette.

Pour le reste , le BACEA 2021 s'inscrit dans la dynamique pertinente engagée lors des exercices précédents, associant effort d'investissements et effort de modernisation , afin d'améliorer les performances du contrôle aérien, permettant notamment une amélioration de la performance environnementale des vols, et maîtrise accrue des dépenses .

Le Gouvernement considère que la crise sanitaire et ses conséquences sur le secteur aérien ne doivent pas remettre en cause la modernisation des systèmes de navigation aérienne portée par la DGAC dans le cadre du Ciel unique européen. Ainsi, si le projet de loi de finances prévoit un recul de 13 millions d'euros des crédits d'investissements inscrits dans le programme 612 « Navigation aérienne » (271 millions d'euros, contre 284 lors du PLF 2020), cette baisse sera plus que compensée par le report de 50 millions d'euros de crédits de paiement de l'exercice 2020 sur l'exercice 2021, non consommés en raison de la crise sanitaire, qui portera en pratique les crédits d'investissement du programme 612 à 321 millions d'euros. Surtout, le projet de loi de finances prévoit une augmentation des autorisations d'engagement, atteignant 341 millions d'euros . Ces autorisations d'engagement ont vocation à financer divers programmes de modernisation, à l'instar du programme SYSAT (modernisation des systèmes des tours de contrôle et des centres d'approche). La rapporteure rappelle que la modernisation du contrôle aérien permettra notamment d'améliorer la performance environnementale des vols , en favorisant par exemple les approches en descente continue, qui permettent d'éviter au maximum les phases de vol en palier et de réduire ainsi la sollicitation des moteurs.

Cet effort d'investissements s'accompagne d'une maîtrise accrue des dépenses . D'une part, le report du protocole social 2020-2024, dont la négociation est suspendue en raison de la crise sanitaire, diminuera les dépenses de personnel de 6 millions d'euros. D'autre part, le projet de loi de finances vise également une plus grande maîtrise des dépenses de fonctionnement 28 ( * ) .

3. Après plusieurs années d'efforts d'assainissement, une hausse inévitable de l'endettement

Fin 2019, l'encours de la dette du BACEA atteignait 667 millions d'euros . Un important effort a contribué à diviser cet endettement par deux en cinq ans : fin 2014, la dette du budget annexe culminait à 1,281 milliard d'euros.

Le ralentissement très fort du trafic et la chute brutale des recettes ont d'ores et déjà contribué à accroître l'endettement du budget annexe (+ 1,4 milliard d'euros sur l'exercice 2020) qui devrait atteindre 2,1 milliards d'euros à la fin de l'année.

La lente reprise du trafic aérien - dont le retour à la normale n'est pas attendu au mieux avant 2024 - devrait conduire la DGAC à recourir à nouveau à l'emprunt dans les années à venir. L'encours pourrait atteindre 2,6 milliards fin 2021 .

Cette hausse de l'endettement est inévitable : il apparaît aujourd'hui inconcevable d'accroître les tarifs des redevances de navigation aérienne, ce qui pénaliserait plus encore les compagnies aériennes dans leur reprise d'activité.

Les efforts de désendettement ne pourront donc être amorcés qu'à la reprise du trafic . Cette consolidation sera indispensable : elle permettra au BACEA de disposer de nouvelles marges de manoeuvre budgétaires, dégagées ces dernières années au prix d'efforts importants de désendettement.


* 21 Estimation DGAC transmise début octobre.

* 22 Chiffre évoqué par plusieurs représentants du secteur lors des auditions organisées par la rapporteure.

* 23 Estimation DGAC transmise début octobre.

* 24 Chiffre évoqué par plusieurs représentants du secteur lors des auditions organisées par la rapporteure.

* 25 Source : Eurocontrol.

* 26 Voir infra .

* 27 La quatrième loi de finances rectificative prévoit en complément une avance de 200 millions d'euros pour compenser les baisses de recettes du budget annexe.

* 28 Diminution de 2 millions d'euros sur le programme 612 ; augmentation de 3 millions d'euros sur le programme 613, principalement imputable à une mesure de transfert ; diminution de 1 million d'euros sur le programme 614.

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