EXAMEN EN COMMISSION

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MARDI 24 NOVEMBRE 2020

M. François-Noël Buffet , président . - Nous examinons maintenant le rapport de Thani Mohamed Soilihi sur les crédits de la mission « outre-mer ».

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - Les effets de la crise de la covid-19 ont été et sont encore très importants sur les économies ultramarines. Cela constitue un facteur supplémentaire de ralentissement de la convergence entre les économies ultramarines et celle de l'Hexagone. Dans ce cadre, la mission « outre-mer » est cette année encore pertinente, puisqu'elle vise à un rattrapage entre les outre-mer et la moyenne nationale.

Cette mission est, de façon récurrente, sous-exécutée : chaque année, les crédits consommés sont largement inférieurs aux crédits qui sont attribués en loi de finances. Cette situation tient au manque d'ingénierie des partenaires de l'État et de l'État lui-même sur ces territoires, aux difficultés financières de ces mêmes partenaires, au calendrier des commissions de validation des projets, qui se déroulent principalement au second semestre, et, en 2020, à la crise sanitaire

Après plusieurs années de sous-exécution, le ministère paraît conscient désormais de ce problème et prêt à y faire face. Un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) a été rendu sur le sujet en avril dernier. En conséquence, le budget pour 2021 fait état d'un effort d'amélioration du pilotage budgétaire de la mission. Ainsi, les crédits de paiement pour 2021 sont ajustés à ce qui devrait être effectivement dépensé, en fonction de l'avancée des différents projets. Parallèlement, 70 % des crédits de la mission devraient être disponibles dès janvier, afin que les réunions des commissions de validation des projets puissent avoir lieu plus tôt dans l'année.

Cet effort de sincérisation des crédits est positif : il permet de disposer d'une vision plus crédible de la conduite des politiques de la mission « outre-mer ». Je nous invite toutefois à être vigilants afin que cela ne conduise pas à terme à une diminution de l'ambition budgétaire pour nos territoires ultramarins.

Ce n'est pas le cas dans le budget qui nous est présenté aujourd'hui : les crédits alloués à la mission « outre-mer » augmentent nettement, de 6,39 % en autorisations d'engagement et de 2,64 % en crédits de paiement. La programmation des crédits pour 2021 est marquée par un effort de relance à la suite de la crise de la covid-19, qui se traduit par des mesures nouvelles et un effort significatif en matière de construction et de rénovation des infrastructures, de soutien à l'emploi et à la formation, et d'accompagnement des collectivités territoriales.

En matière de construction et de rénovation des infrastructures, l'année prochaine sera la deuxième année de mise en oeuvre du plan logement outre-mer 2019-2022 : le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une progression de 8 % des crédits mobilisables pour de nouveaux projets. Cela permettra de poursuivre la mise en oeuvre du plan et d'accompagner les stratégies territoriales des établissements publics fonciers et d'aménagement de Guyane et de Mayotte.

Un effort conséquent est également fait en faveur des constructions scolaires : plus de 13 millions d'euros supplémentaires sont destinés à compléter l'enveloppe budgétaire consacrée à la construction des établissements scolaires du premier degré à Mayotte, pour lesquels un total de 23 millions d'euros sera disponible en 2021 ; 17 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement sont destinés à la rénovation du lycée de Wallis-et-Futuna.

En matière de soutien à l'emploi et à la formation, 84 % des crédits du programme « emploi outre-mer » et 58 % des crédits de la mission sont, cette année encore, destinés à compenser les exonérations de charges patronales accordées aux entreprises ultramarines. Le projet de loi de financement pour la sécurité sociale a été l'occasion d'étendre le régime de compétitivité renforcée au secteur de l'audiovisuel. Après une année 2019 marquée par la mise en oeuvre progressive de la réforme et une année 2020 affectée par la crise et le fort recours à l'activité partielle, nous devrions pouvoir obtenir une évaluation de la réforme de 2019 en 2021.

Le service militaire adapté (SMA) a de nouveau montré toute sa pertinence lors de la crise sanitaire. Le niveau d'insertion a certes baissé en 2020, mais il demeure à un niveau très élevé et devrait avoisiner les 74 % à la fin de l'année. Les régiments du SMA ont pu être mobilisés dans le cadre de la gestion de la crise épidémique. Ces bons résultats justifient qu'un effort permanent soit mené afin que le dispositif demeure de qualité et en adéquation avec les enjeux de chaque collectivité ultramarine.

En ce qui concerne l'accompagnement des collectivités ultramarines, troisième priorité du budget outre-mer pour 2021, des efforts sont prévus pour l'aide à l'équipement des territoires. Cela passe par les contrats de convergence et de transformation, qui visent à réduire significativement et durablement les écarts de développement en matière économique, sociale et environnementale. En 2021, plus de 188 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement et plus de 128 millions d'euros en crédits de paiement au titre de ces contrats. L'aide à l'équipement des territoires passe également par le fonds exceptionnel d'investissement, qui voit ses crédits maintenus à un niveau élevé. C'est conforme aux engagements pris par le Gouvernement lors de la réforme des dépenses fiscales destinées aux outre-mer en 2019.

Des actions fortes devraient également être menées afin d'accompagner les collectivités dans la conduite de leurs projets. Des plateformes d'aide à l'ingénierie à destination des collectivités territoriales ont vu le jour cette année à Mayotte et en Guyane. Une première évaluation de ces plateformes démontre leur efficacité, puisque des projets ont été réactivés et d'autres lancés sur ces deux territoires. Une première estimation fait apparaître que la consommation des crédits de la mission « outre-mer » pour l'année 2020 devrait être largement meilleure qu'habituellement pour Mayotte et la Guyane.

Par ailleurs, et à la suite du rapport de nos collègues Patient et Cazeneuve sur les finances locales en outre-mer, un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement par l'Assemblée nationale est venu ajouter aux crédits de la mission « outre-mer » 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et 10 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires ont vocation à mettre en oeuvre un nouveau type de contrats pour accompagner les collectivités en difficulté financière. J'y suis tout à fait favorable, car ces nouveaux contrats permettront de multiplier les outils d'aide à l'ingénierie dont disposent les collectivités ultramarines, sans introduire de mécanismes punitifs.

Pour terminer, je souhaite vous rappeler que les crédits portés par la mission « outre-mer » ne constituent qu'un dixième environ de l'effort total de l'État en faveur des territoires ultramarins. Il s'agit des actions spécifiques de l'État dans les outre-mer, chaque ministère étant par ailleurs chargé de la mise en oeuvre de ses politiques sur l'ensemble du territoire français, outre-mer compris. Ainsi, l'effort global de l'État en faveur des territoires ultramarins en 2021 représenterait 24,47 milliards d'euros en AE et 24,13 milliards d'euros en CP, parmi lesquels 1,5 milliard d'euros devrait provenir de plan de relance, ce qui correspond au poids des territoires ultramarins dans l'économie française.

L'ensemble de ces éléments me conduisent donc à vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Philippe Bas . - Je suis inquiet pour l'avenir de nos collectivités d'outre-mer sur les plans politique, social et économique. J'aimerais élargir notre discussion aux dépenses des caisses d'allocations familiales et à celles liées au revenu de solidarité active (RSA) sur ces territoires. La sous-consommation chronique des crédits budgétaires doit nous alerter sur les capacités de l'État et des collectivités territoriales ; la sous-administration des collectivités ultramarines est inquiétante compte tenu de la gravité de la situation sociale et économique, mais aussi eu égard à la situation de l'immigration à Mayotte et à La Guyane.

Mme Lana Tetuanui . - Il faut distinguer les départements et régions d'outre-mer des autres collectivités d'outre-mer. La présentation budgétaire mélange tout, alors que certaines mesures dont on parle ne sont pas applicables ailleurs que dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. Je reste, en réalité, très réservée sur ces crédits.

Le bleu budgétaire vante les contrats de convergence, mais je n'ai rien vu pour la Polynésie française. Vous évoquez le service militaire adapté - il est devenu une école de la troisième chance -, mais son image a été ternie l'an passé en Polynésie française par une affaire de viol sur une élève dans les îles Marquises, et son auteur a été condamné. Il serait bien de voir ce qui se passe précisément dans le Pacifique, notre commission pourrait y consacrer une mission d'information. Trop souvent, les outre-mer sont rangés dans un même ensemble, alors que les situations y sont très différentes et les compétences des collectivités aussi. On nous renvoie souvent à notre statut plus autonome de collectivités d'outre-mer, mais le principe de solidarité vaut pour la nation tout entière, il ne doit pas s'arrêter à telle ou telle considération d'organisation juridique.

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - La sous-administration outre-mer est en effet bien réelle. Des différences, du reste, existent entre collectivités ultramarines. Par exemple, à population équivalente, Mayotte compte 40 % d'administration étatique en moins que la Guyane.

Concernant la distinction entre la situation des collectivités de celles des départements et régions d'outre-mer, la mission « outre-mer » est globale, il est donc difficile d'indiquer les dépenses par territoire. Je peux toutefois vous assurer que la Polynésie française n'a pas été oubliée, et si j'insiste sur certains territoires, c'est parce qu'ils sont très en retard.

Mme Lana Tetuanui . - Il n'y a pas eu de mission évaluant l'impact de la crise sanitaire outre-mer, je demanderai une telle mission au président de notre commission.

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - Je la souhaite également.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'abstient, pour poursuivre ses réflexions.

M. François-Noël Buffet , président . - J'en prends acte.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « outre-mer ».

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